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ce cas, l'information préliminaire sera toujours complétée et communiquée au procureur général qui, au lieu d'en faire rapport à la Cour, en enverra copie au ministre de la justice; si le procureur général n'a pas reçu, dans les trois mois qui suivront, une expédition de la décision du conseil d'Etat, il fera son rapport à la Cour qui statuera conformément à l'article 40; s'il a reçu cette expédition, il la joindra aux pièces et fera immédiatement son rapport, toujours en conformité de l'article 44. »

(M. Pataille remet à M. le Président les divers articles qu'il vient de lire.)

M. le Président. L'amendement de M. Pataille ne se rapportant qu'à l'article 37, je dois commencer par mettre aux voix l'article 37 de la commission.

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Art. 37 (de la commission).

« Les agents du pouvoir peuvent, sans autorisation préalable, être poursuivis devant les tribunaux pour tous les faits qui ne sont pas relatifs à leurs fonctions, sauf l'observation des règles de compétence et de procédure déterminées par les lois. »

M. Isambert. M. Vivien a demandé un changement de rédaction sur cet article; au lieu de ces mots agents du pouvoir, il demandait que l'on mit agents du gouvernement. Je crois que ce changement de rédaction est de la plus haute importance: personne n'ignore que sur la question de savoir ce qu'il fallait entendre par les agents garantis, il y a eu d'innombrables difficultés. Il existe deux ou trois cents arrêts du conseil pour déterminer à quel genre de personnes s'appliquait cette exception. Du moins maintenant il y a une jurisprudence faite, on en connaît les limites. Si à cette expression vous substituez celle d'agents du pouvoir, il y aura un arbitraire illimité, et se représenteront toutes les questions de savoir à qui devra s'appliquer la garantie.

Je crois donc qu'il y a un grand avantage à adopter l'amendement, du moment que le sens de l'expression en est fixé et déterminé; il est plus simple et plus rassurant de reprendre l'expression ancienne que d'en créer une nouvelle. D'ailleurs, comme il s'agit d'une garantie politique, il vaut mieux....

Voix nombreuses: Appuyé, appuyé! Tout le monde est d'accord!

M. Sauzet, rapporteur. La raison pour laquelle sans doute le gouvernement a presenté cette expression « agents du pouvoir » à la place de celle-ci : « agents du gouvernement », se tire de ce que dans l'article 79 de la Charte de 1830 il est dit: Il sera pourvu successivement par des lois à la responsabilité des ministres et des autres agents du pouvoir »; et le gouvernement a cru devoir mettre le titre de sa loi en harmonie avec les expressions mèmes de la Charte. La commission a suivi cette idée sans faire aucune observation. Mais il est très vrai que ces mots " agents du gouvernement » sont déjà consacrés par l'usage et la jurisprudence et que, comme nous ne pourrions entendre par « agents du pouvoir >>

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Plusieurs voix: Non, non c'est inutile!

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Le gouvernement n'attache aucune importance au fond de la question; le sens des mots, soit agents du pouvoir, soit « agents du gouvernement,» vient d'être clairement expliqué. C'est par fidélité au texte de la Charte, et pour que les mots employés dans son article se retrou vassent dans le projet de loi, que nous nous sommes servis des mots agents du pouvoir. De toutes parts: Aux voix! aux voix!

M. Isambert. Permettez... Sans doute, la déclaration de M. le ministre est fort rassurante, mais il est évident que quand on en viendra à l'application, comme cette application n'est pas dans la loi, une discussion très difficile s'elèvera à l'occasion du sens de ce mot.

Voix nombreuses: Non! non! le mot est dans la Charte.

M. Isambert. Il est entendu, par tout le monde, qu'un agent du pouvoir est un agent du gouver nement, mais je fais remarquer, Messieurs, qu'on a tellement abusé de ce mot que, par exemple, les ministres du culte sous la Restauration ont été considérés comme les agents du gouvernenement. Si un pouvoir politique est appelé à décider, il pourra y avoir des doutes, car les lois politiques ont beaucoup d'élasticité, et l'on peut, à volonté, en interpréter les termes dans le sens le plus étendu. Il se pourrait donc que des personnes qui ne seraient pas des agents du gouvernement fussent mises sous la protection de cet article, et qu'on les assimilât nial à propos à des agents du gouvernement.

toraux

M. Charlemagne. Je ferai remarquer que les mots agents du gouvernement. laissent en dehors de la loi les présidents des collèges élecsous l'empire de la Constitution de l'an VIII, ces fonctionnaires jouissaient de la garantie accordée par l'article 75. La raison en était qu'ils étaient nommés par le chef de l'Etat, et qu'ils étaient dès lors considérés comme des agents du gouvernement. Mais aujourd'hui il n'en saurait être de même; ils ne tiennent leur mandat que de la loi et de la confiance de leurs concitoyens, on ne peut plus les considérer comme agents du gouvernement, et si l'on adopte l'amendement de M. Isambert, ils n'auront droit à aucune des garanties créées en faveur des fonctionnaires.

M. Isambert. La commission a adopté mon amendement.

Voix nombreuses : Non! non!

M. Isambert. La Charte ne s'oppose nullement à ce qu'on précise ses expressions. Par ce mot « agent du pouvoir », on pourrait entendre une personne, quelque minimès que fussent ses fonctions, et il n'y aurait pas de raison pour qu'un cantonnier ou tout autre agent subalterne fût mis sous la protection de cette garantie.

Ce ne peut être l'intention de la Chambre; et je ne sais jusqu'à quel point on pourrait soutenir qu'un homme qui reçoit un salaire quelconque soit de l'autorité municipale, soit de l'autorité départementale, ait droit de mettre en mouvement les pouvoirs politiques pour sa garantie.

M. Pelet (de la Lozère). Ce que propose l'honorable M. Isambert n'est rien moins qu'une rectification des expressions de la Charte; car il suppose qu'en faisant une loi sur les agents du pouvoir, on laissera en dehors une portion d'individus qui pourraient être compromis dans l'expression agents du pouvoir. Il en résulterait donc qu'il nous resterait encore une loi à faire sur les agents du pouvoir. Or, comme la Charte a un sens sacramentel, puisque c'est en vertu de la Charte que la loi est faite, il est impossible de ne pas se renfermer dans les termes dont elle se sert.

(L'amendement de M. Isambert, mis aux voix, n'est pas adopté.)

(L'article 37 de la commission est ensuite mis aux voix et adopté.)

M. le Président. Je mets aux voix l'article 38 ainsi conçu:

Art. 38.

« Les agents du pouvoir peuvent être poursuivis devant les tribunaux, pour crimes et délits relatifs à leurs fonctions, dans les formes et d'après les règles ci-après déterminées.» (Adopté). M. le Président. Nous passons à l'article 39 (nouvelle rédaction). En voici la teneur :

Art. 39 (nouvelle rédaction).

Lorsqu'un agent du pouvoir sera inculpé d'un crime où d'un délit dans l'exercice de ses fonctions, le procureur général près la Cour royale requerra du premier président la désignation d'un membre de la Cour pour procéder à une information préliminaire.

Le magistrat commis entendra les témoins ou commettra un juge pour recevoir leurs dépositions; mais il ne pourra décerner contre l'agent inculpé aucun mandat, ni le citer devant lui, à quelque titre que ce soit.

"La partie plaignante, par le fait seul de la plainte, sera constituée partie civile, jusqu'à la cessation des poursuites ou jusqu'au jugement définitif. »

M. Pataille. C'est ici que j'ai proposé un amendement.

M. le Président. L'amendement de M. Pataille est-il appuyé?

M. Parant. Messieurs, je regrette beaucoup de prendre la parole au point où la discussion est arrivée; mais je vous ferai observer que ce que je puis dire, relativement à cet amendement, s'appliquera naturellement à ceux qui peuvent venir à la suite.

Le projet primitif du gouvernement me paraît décidément abandonné; et à ce projet, article 39, a été substitué un autre article dans lequel je ne vois pas une des garanties accordées, par le projet primitif, à l'agent du pouvoir, garantie qui est cependant importante.

Ainsi dans le projet primitif, lorsqu'un agent du pouvoir était prévenu, et ici j'entends le mot prévenu dans le sens le plus large, il est pré

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M. Sauzet, rapporteur. C'est celui de la commission!

M. Parant. Je demande, Messieurs, précisément à revenir à ce projet primitif de la commission, parce que je ne trouve pas cette garantie dans l'amendement proposé par M. Pataille, et que j'insiste...

M. Pataille. Vous vous trompez, elle y est! (On rit.)

M. Parant. Je ne l'y ai pas vu; si l'amendement de M. Pataille est rejeté, je demanderai moi-même que l'article 39 soit repris, et j'appuierai alors les raisons sur lesquelles je me fonde.

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M. Pataille. Mon amendement sur l'article 39 a ce seul but d'ôter de la loi le mot «< inculpé et de le remplacer par les mots « agent contre lequel une plainte est portée. » (Bruits divers.) parce que l'inculpé est celui contre lequel un mandat est décerné, et que dans notre législation c'est le magistrat qui inculpe et non la plainte.

M. Parant. Puisque je suis à la tribune, je demanderai la permission de donner une explication sur une partie de l'amendement de M. Pataille.

Aux termes de l'article 63 du Code d'instruction criminelle, tout parti qui se prétend lésé par un fait peut en rendre plainte. Parcourez la série des articles qui suivent cet article 63, vous verrez qu'il est question seulement de la plainte de la partie qui s'est rendue plaignante devant le magistrat préposé à cet effet, et que la loi, lorsqu'elle parle de celui contre lequel la plainte est rendue, l'appelle prévenu. Mais, comme le mot prévenu s'applique plus spécialement à celui qui est en état de prévention par l'ordonnance de la chambre du conseil, le projet de loi s'est servi du mot plus convenable d'inculpé. C'est ainsi que doit être désigné l'individu contre lequel une plainte est rendue.

M. le Président. L'amendement est-il appuyé?
Voix nombreuses : Non, non !

M. le Président. Nous revenons alors à l'article 39, dernière rédaction de la commission.

M. Parant. J'ai annoncé, il y a quelques instants, que je reprendrais à titre d'amendement l'article 39 de la commission. Mais entendonsnous, je reprends l'article qui se trouve inséré au rapport de la commission; je le fais parce que je trouve dans cet article une disposition essentielle qui a été supprimée dans la rédaction défitive consentie entre le gouvernement et les commissions.

Aux termes de l'article 39 de la commission, inséré en son rapport, le premier acte à faire sur la plainte d'une partie qui se prétend lésée par un acte ou par des faits d'un agent du pouvoir, c'est la convocation de la première chambre de

la Cour royale. Que devait faire dans ce sens de la commission la première chambre? Examiner si la plainte n'était pas le résultat d'un malentendu, ou peut-être la volonté de la part du plaignant de se livrer à quelque tracasserie; de telle sorte que les faits examinés se réduisant à rien, la Cour royale était autorisée à dire qu'il n'y avait pas lieu à informer.

Il me semble que cette disposition doit être maintenue. Jusqu'à présent personne n'a pris la peine de nous dire pourquoi cette disposition, qui se trouvait dans le premier rapport de la commission, en a disparu en dernier lieu. Cependant on me semble d'accord sur un point, c'est que si ces citoyens doivent obtenir des garanties, il n'importe pas moins aussi d'en donner aux agents du pouvoir, et sur ce point, Messieurs, si vous le permettiez, je vous dirais, quelque chose de cet article 75 qui a été critiqué, selon moi, à juste titre.

Je ne vois pas que primitivement et lorsque peu à peu dans nos lois ont été insérées ces dispositions portant qu'un fonctionnaire ne pourrait être cité devant les tribunaux à raison de ses fonctions, on ait voulu couvrir d'une égide inviolable les fonctionnaires du gouvernement.

Tout ce qu'on devait se proposer, tout ce qu'on s'est proposé en effet, c'était d'empêcher que le pouvoir judiciaire ne s'immisçât dans des actes émanés du pouvoir administratif.

Il y a quelques jours qu'à cette tribune on a dit, et cette erreur a été répétée il y a quelques instants, que l'on avait eu pour but, dans les dispositions déjà anciennes dans nos lois, d'empêcher que le pouvoir judiciaire n'eût trop d'action sur les corps administratifs qui étaient les élus du peuple. Mais, Messieurs, on avait donc oublié que la première loi qui fut portée et qui date, je crois, du mois de décembre 1789, loi dans laquelle il fut dit que les fonctionnaires ne pouvaient être cités devant les tribunaux, à raison de leurs fonctions, a été rendue à une époque où déjà avait été décidée la dissolution des parlements, et leur remplacement par une autre organisation judiciaire.

Je dis, Messieurs, que ce remplacement était décidé, car quelques semaines auparavant, dans le mois de novembre 1789, avait été rendu le décret qui continuait les vacances des parlements, et décidait que les parlements qui auraient fait leur rentrée seraient tenus de se constituer de nouveau en vacation; le même décret annonçait, comme prochaine, une nouvelle organisation judiciaire. Effectivement, cette nouvelle organisation ne se fit pas attendre, elle parut dans la loi du mois d'août 1790. Dans cette foi nous trouvons exactement les mêmes dispositions que dans celles de décembre 1789, une défense aux tribunaux de citer devant eux les administrateurs publics, pour deux faits relatifs à leurs fonctions; de plus, cette loi de 1790 déclarait qu'il y aurait pour chaque district un tribunal de cinq juges nommés par voie d'élection. Chaque tribunal du district devait, à l'égard du tribunal voisin, servir de tribunal d'appel. Vous concevez que, dans cette position, il n'y avait pas à craindre l'envahissement du pouvoir judiciaire sur le pouvoir administratif, ni que les tribunaux se constituassent les persécuteurs de l'autorité administrative cela était d'autant moins à craindre, que l'origine était la même : ils étaient l'un et l'autre le produit de l'élection.

Cette idée, qui a dominé quelques-unes des dispositions de la loi de 1790, s'est retrouvée

plus tard dans la Constitution de 1791 et dans celle de l'an III. Elle ne venait pas de la crainte inspirée par les anciens pouvoirs judiciaires; mais de ce qu'on avait voulu établir des limites certaines entre ces pouvoirs, il me parait à moi que la même pensée dominé la Constitution de l'an VIII.

L'auteur de la Constitution ne voulait pas plus qu'on ne l'avait voulu auparavant, que le pouvoir commit des actes administratifs, et il voulait qu'il n'y eût de poursuites contre les agents du gouvernement qu'après une autorisation ou une décision du conseil d'Etat. Cette preuve devient de plus en plus évidente si on se reporte à l'article 74, à cette disposition qui précède celle sur laquelle tant de discussions se sont élevées. Et l'article 74, faisant la part du pouvoir judiciaire, déclare que les membres de ce pouvoir seront traduits devant les tribunaux de répression par la Cour de cassation, ou du moins en vertu de ses décisions, après qu'elle aura annulé les actes du pouvoir judiciaire qui seraient contraires aux lois et qui pourraient avoir le caractère de crime ou de délit. Voilà la théorie de notre Constitution de l'an Vill; et j'en conclus encore une fois que l'article 75 est basé sur cette pensée qu'il fallait établir une limite infranchissable entre les attributions du pouvoir judiciaire et les attributions du pouvoir administratif. Si l'article 75 n'avait eu pour résultat que de bien tracer cette ligne de démarcation, certes on ne se serait pas plaint de ses dispositions, ou si quelques réclamations avaient pu s'élever contre l'article 75, c'eût été parce qu'il n'aurait pas donné assez de garanties aux agents.

Et, en effet, dans le système que je propose, si l'on s'était borné à dire : Le conseil d'Etat connaîtra d'abord des actes d'administration, les appréciera, rendra, à cet égard, une décision; la décision rendue, les agents auraient pu être traduits directement devant les tribunaux sans que le conseil d'Etat, appréciateur des actes, eût à dire si les agents devaient ou non être traduits devant les tribunaux.

Ainsi cette garantie aurait manqué. Mais, d'après l'article 75, le conseil d'Etat ne prononce pas seulement sur les actes administratifs, il déclare une seule chose, que les agents seront ou ne seront pas poursuivis. L'article 75 a donc eu l'application la plus illimitée possible. C'est ce qui a fait que cet article 75 a été traité avec tant de rigueur, et je puis dire avec tant de justice, sous ce rapport au moins.

Mais, Messieurs, aujourd'hui que vous modifiez la disposition, aujourd'hui qu'on réclame des garanties et des mesures rassurantes pour les citoyens et les agents du pouvoir, il m'a semblé que l'une de ces garanties était précisément dans la disposition première de la commission, qui ordonnait la convocation de la première chambre de la Cour royale. Si, en effet, la plainte n'était que le résultat d'une tracasserie, d'une méprise, l'agent ne devrait pas être inquiété, l'affaire devrait expirer à l'instant même, et la Cour, en décidant qu'il n'y a pas lieu à information, mettrait un terme à une affaire qui, en définitive, ne peut conduire à aucun résultat.

C'est donc, Messieurs, parce que je trouve, dès le principe, cet avantage de mettre un terme à une contestation qui ne peut pas avoir de solution favorable au plaignant; c'est parce que je vois, pour le fonctionnaire, une puissante garantie que nous devons tous désirer, que je persiste à demander le maintien de la première résolution

de votre commission, et je le propose à la Chambre par voie d'amendement.

M. Moreau (de la Meurthe). Messieurs, l'amendement proposé par l'honorable M. Parant soulève une question sur laquelle il eut été bon de se prononcer d'abord. Je suis pour la rédaction nouvelle de la commission, modifiée par l'amendement de M. Daunant. Si M. Parant adopte le système que j'indique, il faut de toute nécessité renoncer à la disposition qui se trouve insérée dans l'article 39 du premier projet de la commission et dont il demande le rétablissement. En effet, cet article 39 avait été rédigé dans le système que l'autorisation de pousuivre serait donnée la Cour royale, et alors sur la plainte, le procureur général devait requérir la convocation de la première chambre; cette chambre pouvait décider qu'il n'y avait pas lieu d'informer et par conséquent aussi qu'il y avait lieu d'informer. Dans ce dernier cas le premier président procédait à l'instruction, et ensuite l'affaire avec l'information étaient renvoyées à la chambre d'accusation qui déclarait s'il y avait lieu ou non à suivre et à continuer l'instruction.

par

Mais quel est maintenant le système de la commission, d'après la rectification qu'elle a faite à la première rédaction? C'est que le pouvoir judiciaire ne peut pas donner l'autorisation; le pouvoir judiciaire n'est saisi que dans la personne du procureur général et dans celle du magistrat qui fait l'information.

L'affaire doit arriver intacte devant l'autorité administrative qui seule est chargée de décider s'il y a lieu à poursuivre ou à ne pas poursuivre. Il faut dans ce système que la première chambre de la Cour ne soit pas appelée à décider qu'il n'y a pas lieu d'informer; car si elle peut décider qu'il y a lieu à informer, et il en résulterait que l'affaire arriverait devant l'autorité administrative avec ce préjugé qu'il pourrait y avoir lieu à poursuivre. Il faut opter entre les deux systèmes : si M. Parant veut le premier projet de la commission, il a raison de demander le maintien de l'article 39. Mais si, au contraire, il veut avec moi, le second projet de la commission et l'amendement de M. Daunant, il faut qu'il renonce à l'article 39 du premier projet.

Il faut que l'autorité judiciaire, dans ce second système, ne soit saisie que pour procéder à l'information préliminaire, sans avis à donner, ni décision à rendre par elle.

C'est d'après ces motifs, et parce que, je le répète, je me prononce pour le second système de la commission, que je repousse l'amendement de l'honorable M. Parant, dont l'objet serait que la première chambre pût déclarer qu'il y a lieu ou qu'il n'y a pas lieu à informer. (Aux voix! aux voix!)

M. le Président. Il n'y a à mettre aux voix que l'article de la commission.

M. Gaëtan de La Rochefoucauld. Je vous demande pardon, Monsieur le Président, il faut d'abord mettre aux voix l'amendement de M. Parant. (Bruit divers.) Il est d'usage que les amendements proposés par les membres passent avant ceux de la commission.

M. le Président. Vous appelez donc amendement d'un membre ce qui est le travail primitif de la commission?

M. Guyet-Desfontaines. La commission a déserté son amendement.

M. Sauzet, rapporteur. Messieurs, le droit de

reprendre, à titre d'amendement personnel, l'amendement qui avait été primitivement proposé par la commission, appartient incontestablement à l'honorable M. Parant.

Je dois seulement faire observer que la commission ne s'est pas déterminée à renoncer à son premier amendement par les motifs que l'honorable M. Parant lui attribue.

En effet, la commission se trouvait divisée sur le point de savoir si elle persisterait dans le premier système qu'elle avait adopté conformément à la proposition du gouvernement, et qui tendait à ne permettre, en aucun cas, d'arrêter péremptoirement la poursuite, soit par une ordonnance du roi, soit par une déclaration du ministre.

Mais elle ne s'est pas trouvée divisée sur le retranchement de l'amendement qu'elle avait d'abord adopté au paragraphe de l'article lor, et voici pourquoi :

Soit que vous adoptiez, en définitive, le système primitif du gouvernement qui tendrait à donner aux cours royales le droit d'autorisation, sauf la revendication par le gouvernement dans des cas extrêmement rares, où son action politique peut être intéressée, soit que vous adoptiez le nouveau système d'après lequel il y a pour le gouvernement faculté de protéger les fonctionnaires, en arrêtant les poursuites dans leur intérêt; dans tous les cas, il a paru sage à la commission qu'à l'instant où le gouvernement serait appelé à prendre sa détermination, il ne se trouvât pour ainsi dire arrêté ou empêché par aucune détermination judiciaire précédente; elle a voulu que la détermination du gouvernement, quelle qu'elle soit, ne puisse être même indirectement influencée par une première décision qui, malgré la généralité de ses termes, porterait déjà une première atteinte à la considération du fonctionnaire inculpé.

Vous savez combien, en fait de renommée, et j'ose dire surtout en fait de renommée de fonctionnaire public, il faut se montrer délicat et susceptible; et par cela même que la cour royale aura déclaré qu'il y a lieu d'informer, il y aura déjà un commencement de prévention qui pourra nuire aux fonctionnaires dans l'esprit du gouvernement, gêner la détermination de l'Administration, et amener entre l'autorité judiciaire et l'autorité adminstrative une apparence de contradiction que les règles d'un bon ordre social commandent toujours d'éviter.

Que l'information, au contraire, soit faite par l'autorité judiciaire, qu'il en soit référé au gouvernement, c'est alors que vous aurez à décider de savoir si avec le gouvernement et la commission vous adopterez que le gouvernement n'a le droit d'arrêter les poursuites qu'à la charge de mettre la responsabilité politique du ministre à la place de la responsabilité de l'agent du pouvoir; ou si vous adopterez l'amendement de M. Daunant ou le nouvel amendement de la commission, d'après lequel il y a possibilité d'arrêter péremptoirement et sans aucun recours la pour

suite.

Mais quelle que soit votre décision sur ce point, il faut qu'à l'instant où le gouvernement prononce, if ne soit pas influencé par le passé; que cette première phase de la procédure soit exclusivement d'information et de renseignement, et ne soit pas troublée par ce qui aurait même l'apparence d'une décision.

Tels sont, Messieurs, les raisonnements qui ont trouvé sur ce point unanime la commission, qui

s'est d'ailleurs complètement divisée sur l'autre.

M. Parant. Il est d'abord incontestable qu'il y a un très grand avantage, dans l'intérêt du fonctionnaire inculpé, à ce que la cour royale ait la faculté de prononcer, si elle prend une décision négative. Mais, dit-on, la cour royale, au lieu de déclarer négativement, peut dire qu'il y a lieu à l'information. C'est juste. Mais il reste å savoir si cette résolution affirmative peut préjudicier au fonctionnaire public autant que lui préjudicierait le rejet de la faculté que je réclame pour les Cours royales.

On dit que s'il doit y avoir une décision préalable, si la Cour royale trouve les faits assez graves et prononce affirmativement, alors il y aura préjugé contre le fonctionnaire; cela pourra lui nuire.

C'est une erreur, l'information n'a pas lieu parce que le fait est prouvé, mais parce que les circonstances qui ont donné lieu à la plainte sont de telle nature qu'on ne peut refuser au plaignant le droit de faire procéder à une infor

mation.

Telles sont les réflexions que je voulais vous soumettre; vous examinerez dans lequel des deux systèmes il y a le plus d'inconvénients. Je pense que celui de la commission ne présente pas d'avantage, c'est par ces motifs que je m'approprie et vous présente à titre d'amendement la première rédaction de la commission.

M. le Président. L'amendement est-il appuyé? (Oui! oui! Non! non!)

M. Duchâtel, ministre du commerce. Messieurs, le gouvernement a cru, comme la commission, et persiste à croire que la disposition que veut introduire M. Parant, loin de présenter une garantie pour les fonctionnaires inculpés, les place dans la situation la plus fausse et la plus dangereuse. Il peut être avantageux pour un fonctionnaire qu'une Cour royale intervienne et arrête les poursuites; mais la Cour royale ne peut exercer cette autorité qu'à la condition de pouvoir aussi déclarer qu'il y a lieu à suivre; qui peut absoudre, peut condamner: or, croyez-vous que la situation des fonctionnaires sera tenable, quand un arrêt judiciaire, avant toute intervention de l'autorité administrative, l'aura désigné aux soupçons de la société. Il n'y a pas là une garantie, Messieurs; il y a un grand danger; et les inconvénients de ce système semblent si évidents que le gouvernement persiste à en demander le rejet.

M. Goupil de Préfeln. Il me semble qu'il n'y a pas lieu de préjuger, parce que les choses ne sont pas dans le même état au moment où la Cour royale ordonne l'information.

M. Persil, garde des sceaux, ministre de la justice. Mon intention est de traiter sur un des paragraphes qui vont suivre la question de savoir par qui l'autorisation doit être accordée; j'examinerai si c'est par le pouvoir judiciaire ou par le pouvoir administratif. Je veux vous démontrer que l'autorisation appartient en entier au pouvoir administratif, à l'exclusion du pouvoir judiciaire. J'ajoute que la proposition qu'on vous fait actuellement vous ferait entrer dans une voie de laquelle vous ne serez plus maîtres de sortir lorsqu'il s'agira d'examiner, en définitive, par qui l'autorisation doit être accordée. En effet, voyez la marche des choses: Une plainte est portee, aussitôt la première chambre de la Cour royale s'assemble; elle rend un arrêt. C'est

donc au pouvoir judiciaire qu'appartient le droit de donner l'autorisation, ce que je me propose de contester.

Maintenant, si la Chambre juge le moment venu de traiter la question, j'y suis tout disposé; mais je devais la prévenir qu'à son insu on voulait lui faire préjuger la question de l'autorisation des poursuites.

M. Parant. La Chambre ne s'engagera pas en adoptant l'amendement; il est reconnu par tout le monde que c'est le pouvoir judiciaire qui doit procéder à l'information préparatoire. C'est une sorte d'instruction; eh bien! l'arrêt que rendrait la Cour royale à propos de la plainte ne serait pas autre chose qu'un arrêt d'instruction et rien de plus; il n'engagerait ni le pouvoir judiciaire ni l'Administration. La seule conséquence que l'on pût en tirer, en cas d'information, c'est que la plainte était assez circonstanciée pour autoriser cette information; et, dans le cas contraire, on y trouverait l'avantage d'écarter sans retour une plainte légère, basée sur des faits insignifiants, et d'éviter ainsi qu'on dérangeât des témoins ou qu'on inquiétât un agent du pouvoir.

M. Persil, garde des sceaux, ministre de la justice. Je m'étonne que l'honorable M. Parant veuille regarder comme dépourvu d'effet le premier arrêt de la première chambre de la Cour royale: une plainte est portée; les magistrats l'ont examinée, ils vont dire s'il y a lieu ou s'il n'y a pas lieu.

M. Parant. C'est une simple information....

M. Persil, garde des sceaux, ministre de la justice. Qu'importe? c'est un préjugé: mettre un fonctionnaire public sous le coup d'une information, c'est le destituer ou au moins le suspendre de ses fonctions: quand la Cour royale aura dit qu'il y a lieu à suivre contre un fonctionnaire public, s'il n'est pas destitué, au moins il sera provisoirement suspendu; je demande si dans cette position on peut dire qu'il n'y a pas d'engagement pris pour la Chambre.

M. le Président. Je mets aux voix l'amendement repris par M. Parant.

(L'amendement n'est pas adopté.)

(Le nouvel article 39 de la commission est ensuite mis aux voix et adopté.)

M. le Président. Article 40...

M. Chamaraule. M. le garde des sceaux a dit qu'il se proposait de traiter la question qui doit venir avant cet article.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Les amendements sont proposés sur l'article 40. M. Chamaraule. Je faisais une erreur, je croyais qu'on avait voté la question principale. M. Sauzet, rapporteur. La question principale viendra sur les amendements.

M.Caumartin. Monsieur le président, je croyais que vous ne mettiez aux voix que le premier paragraphe de l'article 39.

M. le Président. Il est voté tout entier.

M. Caumartin. Je crois qu'il est encore possible d'ajouter quelques mots pour y porter une modification importante. Il me semble que le second paragraphe de cet article 39 donnerait au conseiller délégué par le président de la Cour le droit de déléguer lui-même, dans tous les cas, un juge du tribunal. Telle n'a pas été sans doute l'intention du rédacteur. Il a voulu pour

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