Page images
PDF
EPUB

comme il le fait, et que je dois en prendre la responsabilité.

Maintenant, qu'est-ce qu'il y a à faire, d'après l'article? Est-ce seulement la responsabilité politique qui doit être mise en mouvement, de telle sorte qu'on ne poursuive le ministre qu'en le mettant en accusation? Non, Messieurs, ce n'est pas la justice politique, c'est la justice ordinaire. Il est bien possible que plus tard on ira devant un tribunal supérieur; mais pourquoi? Parce que ce tribunal supérieur est le seul tribunal auquel puisse être déféré un ministre, à cause de sa qualité de ministre.

Et, afin qu'on ne puisse pas s'y tromper, l'amendement de M. Daunant renvoie à l'article 22. Or, qu'avez-vous décidé par cet article? Vous avez décidé que, lorsqu'un ministre serait inculpé d'un crime ou d'un délit commis à l'égard d'un particulier, au lieu d'être traduit devant la cour d'assises, il serait traduit devant la Cour des pairs compétente, seulement à cause de sa qualité de ministre. Vous voyez que le ministre qui aura pris l'acte sous sa responsabilité, parce que le fait aura été commis par son ordre, sera responsable; qu'il ne pourra être poursuivi criminellement, à la vérité, devant la Cour des pairs. Mais j'ai déjà dit pourquoi parce que ce ministre, en matière criminelle, ne peut être jugé que par la Chambre des pairs. Vous l'avez décidé par l'article 22, auquel renvoie l'amendement de M. Daunant.

Je crois, par ces courtes observations, vous avoir démontré qu'il n'y avait pas arbitraire, qu'il n'y avait pas impunité, car il y a toujours justice. Je comprendrais l'impunité, si le refus du ministre arrêtait l'accusation, comme cela arrive à la seconde partie de l'amendement, lorsqu'il s'agit d'agents inférieurs.

Je comprendrais que, dans ce cas on pût dire sans fondement sans doute qu'il y a impunité, car le conseil d'Etat ou le ministre ensuite décideront qu'on ne peut pas suivre; et alors il n'y a pas d'action, alors il n'y a plus de procédure nulle part, ni devant les tribunaux correctionnels, ni devant les cours d'assises; mais, au contraire, pour les préfets, pour les sous-préfets, et pour les commandants militaires, il y aura toujours, si le plaignant le veut, jugement, parce que si le ministre accorde l'autorisation, on ira devant le tribunal, et s'il la refuse, on pourra le traduire devant la Cour des pairs je le répète, il n'y a donc ni arbitraire ni impunité, comme on l'avait reproché à l'amendement.

M. Mauguin. Je crains que l'amendement n'ait un double effet qui, suivant moi, serait funeste. Si on applique trop souvent la responsabilité ministérielle, par cela même elle deviendrait nulle on n'en fera pas usage. Si, au contraire, elle prend de la réalité, vous jetterez le gouvernement dans des bouleversements politiques. Je m'explique; il s'agit, dans l'amendement, de fonctionnaires qui sont dans les attributions du ministre de l'intérieur, et ce ministre, par sa position, a toujours une grande influence sur les affaires.

Eh bien! voyez sa position vis-à-vis de ses agents. S'il en à qui remplissent bien ses intentions et que l'un de ceux-là fasse une faute; il ne peut pas l'abandonner, c'est impossible: il se doit à honneur, il doit à ses fonctions, il doit plus, il doit à la politique générale, à la confiance qu'il doit inspirer à tous ses agents, de les protéger constamment; et il doit prendre la faute

sous sa responsabilité si elle n'est pas immense. Vous voyez ce qui va arriver qu'un préfet, un sous-préfet, qu'un commandant militaire, recevant un ordre'secret, important pour le salu de l'Etat, aille un peu plus loin, qu'il ne saisisse pas bien l'esprit qui a dicté l'ordre, qu'il lui donne un peu plus d'extension; si le ministre était sur les lieux, il aurait pu prescrire le mode d'exécution; mais le préfet est allé un peu trop loin; alors une plainte est portée, et une plainte grave, car la magistrature en est saisie. On s'adresse au ministre. Qu'a-t-il à reprocher à son agent? Il a à lui reprocher trop de zèle, peut-être un zèle immodéré; mais enfin il n'a à lui reprocher que trop de zèle; or, il ne faut pas décourager le zèle. Voilà donc le ministre obligé de prendre sur lui la faute, et le ministre, à l'instant même, serait traduit devant la Cour des pairs.

Mais pensez qu'elle est la question qui va s'agiter ce n'est pas de savoir si l'agent a eu tort, si le ministre a eu tort de prendre la responsabilité du fait.

La question qui sera soulevée, c'est de savoir s'il importe à l'Etat de changer de système ministériel en expulsant le ministre; car un ministre frappé par la Cour des pairs ne peut plus rester sur le banc ministériel.

Il arrivera donc que les questions politiques qui sont exclusivement soumises à vos délibérations vont ressortir de la Cour des pairs siègeant comme cour judiciaire! et il arrivera que ces graves questions de changements ministériels seront décidées... Comment? comment? sur la plainte d'un simple individu.

:

Une voix Il faudra toujours l'autorisation de la Chambre des députés!

M. Mauguin. Alors c'est encore pire: vous croyez qu'ici, ici dans la Chambre, on va donner l'autorisation de poursuivre un ministre, et cela parce qu'un préfet aura excédé ses pouvoirs. Jamais on ne donnera une semblable autorisation dans cette Chambre; on ne consentira jamais à traduire un ministre devant la Chambre des pairs, et il arrivera que cette responsabilité dont vous voulez faire trop d'usage sera annulée, et ce sera l'impunité accordée aux préfets et aux sous-préfets. Le ministère leur dira toujours : Nous avons la majorité, vous pouvez agir; nous vous couvrirons de notre responsabilité qui, ellemême, est couverte par la majorité de la Chambre.

M. Vigier. La majorité ne peut pas être du côté de l'injustice.

M. Mauguin. Elle est toujours dirigée par l'esprit politique.

M. Sauzet, rapporteur. Comme rapporteur de la commission, je n'ai aucun pouvoir, en son nom, pour adhérer à l'amendement proposé par M. Daunant, et par lequel le gouvernement prétend remplacer le dernier amendement que la commission avait adopté sur sa demande.

Quant à ce qui me touche personnellement, après avoir fidélement rempli dans une de vos dernières séances mes obligations de rapporteur, il doit m'être permis, comme député, de dire que je m'oppose à l'amendement de M. Daunant et au dernier amendement de la commission, parce qu'ils me paraissent contraires au système primitif présenté par le gouvernement, et dans lequel, suivant mon opinion personnelle, se trouvaient toutes les garanties désirables; d'autant mieux que le projet du gouvernement avait été

mûrement élaboré, et qu'il était conforme aux deux projets présentés dans les précédentes sessions, et adoptés successivement par deux commissions dont l'honorable M. Bérenger était rapporteur.

Je ne dis que ces mots; mais après avoir été rapporteur fidèle, j'ai dû être député loyal et consciencieux. (Très bien! très bien!)

M. le Président. Je dois dire à la Chambre qu'il m'a été remis deux paragraphes additionnels à l'article 40, sur lequel elle va voter, et qu'il est indispensable de voter sur ces paragraphes additionnels, car ils affectent les dispositions de cet article, et les auteurs de ces paragraphes, à moins qu'ils ne les retirent, ont le droit de demander que je fasse mention de leurs propositions.

Ces deux paragraphes sont très courts: l'un est de M. de Tracy; il a pour objet de demander... Voix nombreuses: Lisez, Monsieur le président; lisez les paragraphes!

M. de Tracy. Je demande que le paragraphe additionnel devienne un article additionnel.

M. le Président. Ce sera facile pour la discussion. L'autre, qui est de M. Delespaul, et qui a pour objet de demander que le refus d'autorisation soit toujours motivé, peut aussi être délibéré comme article additionnel.

Ainsi, la Chambre se trouve en présence de l'amendement seul de M. Daunant.

Désire-t-elle que j'en donne une nouvelle lec

ture?

M. Viennet. Je demande la division.

M. Leyraud. Je croyais qu'on avait déposé un autre amendement qui ramenait à la disposition première du projet de loi...

Voix nombreuses: Après! Cela viendra après! M. de Salvandy. Je demande à sous-amender, dans le sens des observations de MM. Odilon Barrot et Mauguin, l'amendement de M. Daunant.

Me rendant aux observations qu'ils ont présentées tous deux, je propose de faire disparaître de l'amendement de M. Daunant la disposition exceptionnelle relative aux sous-préfets, préfets et commandants des divisions militaires, et de revenir à ce qui, dans l'opinion de M. Barrot et de M. Mauguin...

M. Mauguin. Vous vous trompez pour ce qui

me concerne.

M. de Salvandy. Au moins de M. Barrot... (Bruits divers.)

Les paroles de M. Odilon Barrot ne sont pas de celles qui peuvent être entendues sans faire une vive impression dans vos esprits.

Il a justement fait observer qu'il résultait de l'amendement de M. Daunant que les sous-préfets, préfets et commandants des divisions militaires se trouveront dans une catégorie qui lui a paru favoriser l'arbitraire. Je demande à faire par un sous-amendement qui devra être voté d'abord et sur lequel la Chambre aura nécessairement à faire connaitre son opinion, à faire disparaître ce qui, dans l'opinion de M. Odilon Barrot, est un privilège, et d'appliquer l'amendement de M. Daunant à tous les fonctionnaires publics.

M. Viennet. C'est pour cela que j'avais demandé la division.

M. Agier. Je demande la parole!

M. le Président. La parole est à M. le ministre de l'instruction publique.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Messieurs, la question me paraît à la fois et plus simple et plus importante qu'on est peut-être tenté de le croire. (Ah! Ecoutez! écoutez!)

Ce que fait le paragraphe de l'amendement de M. Daunant est un droit qui ne peut, en vérité, être refusé à un ministre.

Quand

Ce paragraphe est simplement ceci une plainte est portée contre un fonctionnaire supérieur avec lequel le ministre est directement en communication, à qui il donne des ordres et dont il approuve ou improuve directement les actes, l'amendement donne simplement au ministre le droit de dire que le fonctionnaire a agi par son ordre, et qu'il prend la responsabilité de l'acte; et, à l'instant même, le ministre et l'agent tombent sous l'empire de l'article que vous avez déjà voté, et qui attribue le jugement de pareilles plaintes à la Cour des pairs sur l'autorisation de la Chambre des députés.

Voilà la question dans toute sa simplicité. Veut-on interdire aux ministres le droit de déclarer que les agents administratifs supérieurs auxquels ils donnent des ordres et dont ils surveillent directement la conduite, ont agi par leurs ordres, et que c'est à eux à en répondre ? Voilà toute la question.

Eh bien! Messieurs, il est impossible, à peu près impossible, de refuser au ministre un pareil droit; il est impossible de refuser au ministre le droit de déclarer qu'un préfet, qu'un souspréfet ou qu'un commandant militaire qui a fait tel acte, a agi par son ordre, et que lui, ministre, en prend la responsabilité; et du moment, je le répète, où il a pris cette responsabilité, il n'y a plus de question, car vous avez décidé par l'article 22 que toutes plaintes intentées contre un ministre, en raison d'un acte commis dans ses fonctions, soit par lui, soit par ses ordres, que ces plaintes ne pouvaient faire traduire le ministre que devant la Chambre des pairs, avec l'autorisation de la Chambre des députés.

Je prie la Chambre de remarquer que là est la question tout entière, et qu'il est impossible, je le répète, de refuser à un ministre le droit de couvrir ainsi ses agents ou de les attirer avec lui devant la Cour des pairs; la question n'est ni plus ni moins que cela; mais en refusant au ministre ce droit, vous aboliriez véritablement la responsabilité ministérielle dans ses rapports avec ses agents supérieurs, vous ôteriez au ministre le droit de dire à ses agents: « Agissez d'après mon ordre, car vous agissez sous ma responsabilité, c'est moi qui vous couvre; c'est moi qui irai devant la Cour des pairs s'il y a plainte élevée contre l'exécution des ordres que je vous donne. >

Il est impossible de refuser ce droit aux ministres, car ce serait à la fois entraver l'action et détruire la responsabilité des ministres.

M. Odilon Barrot. La question, en effet, est très simple, comme le dit M. le ministre de l'instruction publique. Il s'agit de savoir si un ministre peut à volonté, en déclarant que tel ou tel autre est avoué par lui, ou que tel ou tel fait a eu lieu en exécution de ses ordres, attirer à la juridiction politique ce qui, d'après nos lois, appartient à la juridiction commune. Je conçois très bien que la Chambre, dans son accusation, puisse déclarer que tels ou tels fonctionnaires sont complices d'un ministre; c'est son droit; et encore vous savez qu'une question très grave

et non résolue a été soulevée à l'occasion de cette complicité. Mais qu'un ministre se fasse des complices pour les enlever à la juridiction commune, c'est un droit que je lui conteste.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Je demande la parole !

M. Odilon Barrot. Les ministres sont dans une position tout exceptionnelle. Les ministres ne sont pas soumis à la juridiction commune, parce qu'ils sont ministres.

Mais cette exception est bornée, à eux seuls, à leur situation ministérielle. C'est parce que le gouvernement est dans leurs mains, c'est parce que les attaquer devant un tribunal ce serait mettre en question le gouvernement lui-même. De ce principe qui est déjà si exorbitant, de celte exception au droit commun, tirer la conséquence que des ministres peuvent à volonté, et en déclarant que telles ou telles personnes, tels ou tels fonctionnaires sont leurs complices, déranger la juridiction commune, ce serait donner l'extension la plus étonnante à la disposition particulière aux ministres.

Et en définitive, Messieurs, vous voyez la que question se pose toujours comme je l'avais posée; il s'agit toujours de savoir si la responsabilité ministérielle est la seule qui existe à l'égard d'un certain nombre de fonctionnaires, ou bien s'il y a deux responsabilités, la responsabilité ministérielle et la responsabilité des agents.

Eh bien la responsabilité ministérielle est une responsabilité publique tout à fait exorbitante en dehors de toutes les règles ordinaires, qui ne s'examine pas, qui ne s'apprécie pas d'après la nature des faits, mais d'après de hautes considérations politiques. La responsabilité des agents est une responsabilité tout ordinaire, et qui est permise à la loi pénale ordinaire.

Eh bien! tous vos efforts, tous vos syllogismes, tous vos sophismes, tendent à confondre ces deux responsabilités, à permettre aux ministres d'absorber, dans leur responsabilité politique, la responsabilité commune de certains agents. C'est à quoi nous nous opposons, parce qu'il y a là tout à la fois violation de la loi commune et violation de la Charte, qui n'a pas fait un mensonge, qui n'a pas promis une chimère lorsqu'elle a voulu qu'il y eût deux responsabilités distinctes, celle des ministres et celle des agents du pouvoir.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Je ne demanderai à la Chambre que la permission de lui lire le sous-amendement de M. Charlemagne à l'amendement de M. Dufaure qui a été proposé tout à l'heure, et qui, si je ne me trompe, a été voté par M. Odilon Barrot; le voici : ...

M. Luneau, (de sa place.) Vous êtes dans l'erreur! (Bruit.)

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Je ne demande qu'à lire cet amendement :

<< Si l'agent inculpé déclare avoir agi en vertu d'ordres émanés du ministre, l'information préliminaire sera transmise avant toute décision au ministre compétent.

«

Si, dans le délai de deux mois, le ministre déclare qu'il prend sur lui l'acte qui a donné lieu aux poursuites, il en devient personnellement responsable. En conséquence, le ministre et l'agent inculpé pourront être traduits conjointement devant la Cour des pairs, suivant les

formes voulues par les articles 21 et 23 de la présente loi.

[ocr errors]

Si le ministre déclare qu'il n'empêche pas les poursuites, ou s'il laisse passer le délai cidessus déterminé sans faire connaitre sa décision, les poursuites seront continuées conformément aux paragraphes 1 et 2 du présent article. »

M. Odilon Barrot. Rapprochez donc cet amendement de l'amendement de M. Dufaure : c'était après une décision préalable de la Cour royale.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Voulez-vous me permettre de faire remarquer qu'il n'y avait pas de décision préalable de la Cour royale?

M. Odilon Barrot. Lisez l'amendement de M. Dufaure.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Je vais le lire. Voici l'amendement de M. Charlemagne : « Si l'agent inculpé »; je prie la Chambre de remarquer que c'est l'amendement de M. Charlemagne...

M. Odilon Barrot. Lisez celui de M. Dufaure; les deux amendements se lient.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Je suis juge de ce que j'ai à lire à la Chambre; je ne lis pas sous la dictée de l'honorable membre.

M. Odilon Barrot. Je suis juge aussi de ce que j'ai voté.

M. le Président. C'est faire dégénérer la dis cussion en conversation.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Je demande à lire l'amendement en entier; la Chambre jugera.

M. Odilon Barrot. Avant que vous commenciez la lecture, je dois rappeler à la Chambre que nous avons continuellement protesté contre tout système qui tendrait à permettre aux ministres de suspendre le cours de la justice avant qu'il y ait eu décision préalable rendue après information des cours royales.

C'est parce que, pour mon compte, j'ai vu cette disposition dans l'amendement de M. Dufaure, quí demandait que la chambre de la Cour royale prononçât par une première décision sur la question de savoir s'il y avait lieu ou non à suivre, que j'ai adhéré à cet amendement. Mais tout système qui aurait mis le ministre, avec sa seule responsabilité politique, en présence de la plainte, et aurait permis au ministre de se jouer de la plainte; ce sytème, de quelque forme qu'on l'enveloppe, ne serait que l'arbitraire, et je l'ai toujours repoussé.

Maintenant, s'il y a eu équivoque dans l'amendement, vous pouvez vous en prévaloir, vous pouvez équivoquer... (Bruits divers.)

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Je prie l'honorable M. Odilon Barrot de croire que je n'équivoque pas, que je me borne à lire... (Interruption à gauche.) Je ne sais si M. Odilon Barrot à bien ou mal entendu le sens de cet amendement, je ne puis pas en répondre. Je ne parle que de ce qui a été voté; je n'équivoque point; je suis dans le texte de la manière la plus rigoureuse. Je lis donc le texte.

Voici l'amendement de M. Dufaure :

[ocr errors][merged small]
[ocr errors]

conclusions du procureur général, déclarera s'il y a lieu à suivre.

<< Dans le cas de l'affirmative, il sera passé outre aux poursuites et, s'il y a lieu, à la délivrance de mandats contre l'agent inculpé. Il sera procédé et statué conformément aux articles 236 et suivants du Code d'instruction criminelle, sans préjudice des dispositions des articles 10 et 18 de la loi du 20 avril 1810. >

Voici l'amendement de M. Charlemagne, qui s'ajoute immédiatement à celui que je viens de lire :

"Si l'agent inculpé déclare avoir agi en vertu d'ordres émanés du ministre, l'information préliminaire sera transmise avant toute décision au ministre compétent.

"Si, dans le délai de deux mois, le ministre déclare qu'il prend sur lui l'acte qui a donné lieu aux poursuites, il en devient personnellement responsable. En conséquence, le ministre et l'agent inculpé pourront être traduits conjointement devant la Cour des pairs, suivant les formes établies par les articles 21 et 23 de la présente loi.

« Si le ministre déclare qu'il n'empêche pas les poursuites, ou s'il laisse passer le délai cidessus déterminé sans faire connaître sa décision, les poursuites seront continuées conformément aux paragraphes 1 et 2 du présent article. »

M. Odilon Barrot. L'amendement dit : "Avant toute décision, » c'est-à-dire avant toute décision au fond.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Je comprends très bien ce que vient de dire l'honorable M. Odilon Barrot sur le sens qu'il a attaché à son vote; mais quant au texte même des articles, il est impossible de le contester. Il est évident que le sous-amendement de M. Charlemagne a entendu que, l'information préalable terminée, elle serait transmise avant toute décision, c'est-à-dire avant toute décision de la Cour royale, car il n'est question d'aucune autre décision. Le texte de l'amendement est formel, et si j'avais à la tribune les développements que lui a donnés l'honorable M. Charlemagne, je crois qu'il n'y aurait pas de doute sur le sens des développements, pas plus que sur celui du texte. (Bruits divers. Agitation.)

M. Charlemagne. Je déclare que, dans ma pensée, c'était l'information préliminaire seulement qui devait être transmise au ministre.

M. Odilon Barrot. Alors je regrette qu'on ne m'ait pas arrêté dans mes développements... (Bruits divers.)

Messieurs, il s'agit d'une discussion de bonne foi. Nous sommes plongés, depuis quatre à cinq jours, dans une très grande confusion. Le ministre a excipé de mon vote, eh bien! je le renvoie aux motifs de mon vote, et je déclare que s'il excipe de ce vote comme ayant donné une sanction au système qu'on présente, il est dans une complète erreur.

Je n'ai jamais soutenu qu'un seul système, celui de la garantie trouvée dans une décision préalable de la Cour royale, garantie qui avait paru suffisante au ministère et à la commission, garantie qui sera reprise et que vous aurez à voter, Messieurs. Les ministres voteront probablement contre. (Aux voix! aux voix!)

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Je n'ai pas d'autre explication à donner à la Chambre. J'ai voulu seulement montrer que l'amendement sur lequel elle est appelée à voter

n'est autre chose que le sous-amendement proposé par M. Charlemagne.

M. Laffitte. Et pourquoi donc avez-vous voté contre ?

M. Mauguin. Il ne s'agit plus maintenant de voter sur l'amendement de M. Dufaure. La Chambre a délibéré sur cet amendement; elle l'a répoussé, il ne peut plus en être question devant elle.

Que dans cet amendement il y ait un ou deux paragraphes pouvant se rattacher à la question actuelle, vous ne pourriez même pas en exciper pour délibérer. L'amendement de M. Dufaure formait un système, un tout; vous ne pouvez pas en détacher une partie.

Je ne puis me prononcer à l'aise sur cet amendement, car je n'ai eu ni à le défendre, ni à le soutenir, ni à l'attaquer. Retenu ailleurs à la séance d'hier, je n'ai pas eu à me prononcer (légère rumeur); et je le déclare, parce que je ne veux jamais laisser de doute sur mes opinions, si j'avais eu à me prononcer sur la question de savoir si les Cours royales doivent avoir le droit de poursuivre les agents de l'autorité administrative, je me serais prononcé contre les Cours royales. (Mouvements divers.)

Il s'agit maintenant de savoir ce que vous devez faire de l'amendement actuel, s'il est bon ou mauvais, et c'est en lui-même que vous devez le modifier.

Eh bien! vous devez reconnaître qu'il ne présente aucune garantie.

M. le ministre, dans son premier discours, ne vous a donné à l'appui de l'amendement qu'un seul motif: « Il est impossible, a-t-il dit, de ne pas reconnaître à un ministre le droit de mettre un de ses agents à couvert, en déclarant que l'agent n'avait agi que par ses ordres. »

Eh bien! je réponds qu'il est sans doute fort possible de refuser ce droit à un ministre; car dans l'état actuel de la législation, état que je proclame incomplet, ce droit n'existe pas.

Il faut remarquer, en effet, que lorsqu'un ministre renvoie toujours à sa responsabilité, il ne fait que détourner la question. La responsabilité d'un ministre est chose trop grave pour être invoquée à chaque instant, et sur les petites choses; ce sont de très grands procès que les procès de responsabilité, ce sont des procès qui ébranlent presque l'Etat. On ne doit donc pas les soulever à chaque instant, et pour les affaires de chaque jour argumenter de la responsabilité.

Le ministre a supposé qu'un agent n'obéirait jamais que d'après les ordres, et les ordres écrits du ministre. Je suppose, au contraire, et c'est le fait qui se reproduit le plus souvent, que l'agent agit sans avoir reçu d'ordre, qu'il agit d'après l'esprit des ordres qui lui sont donnés, qu'il agit dans l'intérêt du pays, de la manière dont il conçoit l'intérêt du pays.

Ce que j'avais dit auparavant, c'est qu'il peut arriver que l'agent croíe avoir exécuté les ordres qu'il aura reçus, et qu'il les ait dépassés. Dans ce cas, le ministre croira de sa loyauté, croira d'une haute politique, de couvrir l'agent; et parce que l'agent sera couvert, il restera impuni. Tout en réclamant de grandes garanties pour le pouvoir, et je viens de vous en fournir la preuve en vous disant que je me serais élevé contre le système des Cours royales, je ne dois pas oublier que quelquefois les agents dépassent les ordres qu'on leur a donnés, quelquefois ils agissent par passion, par surprise, quelquefois dans des sen

timents haineux, et qu'il faut que les citoyens soient mis à l'abri.

Et comment? quelle sera la garantie donnée aux citoyens contre le pouvoir, sans cependant le désarmer? Là est le problème à résoudre. Tout ce que je puis dire, c'est que l'amendement ne résout pas le problème, il détruirait au contraire le peu de garanties que nous avons encore. Et, en effet, voyez ce qui va arriver.

Lorsqu'un préfet aura dépassé ses ordres, on porte plainte, on consulte le ministre; mais qui répond pour le ministre? où est la garantie du citoyen blessé? C'est un chef de bureau qui lit les pièces, qui propose la décision; tandis que dans l'état actuel, qui est mauvais et qui ne répond pas aux besoins du pays, nous avons au moins le conseil d'Etat, qui ne répond pas à tous les vœux, mais qui néanmoins est une réunion d'hommes considérés et considérables, obligés de discuter, de voir les pièces, de les examiner. (Bruits divers.)

Je vous ai dit, dès le commencement de cette discussion, que, selon moi, on aurait dû commencer par une loi de réorganisation du conseil d'Etat. Si j'avais pu parler dans la discussion générale, j'aurais donné mes motifs, et je vous prie de croire qu'ils n'auraient pas été tout à fait futiles, et qu'ils eussent mérité votre attention. Comme je ne veux pas les donner maintenant, parce que cela prolongerait la discussion, je vous prie aussi de vouloir bien ne pas les préjuger.

Je pensais que par une loi de réorganisation, et avec quelques dispositions que j'aurais indiquées, nous aurions pu parvenir à faire une loi qui eût répondu aux besoins du pays.

Mais il n'est pas question de la discussion générale, et je ne puis insister que là-dessus. Je vous dis seulement qu'en comparant l'état actuel avec celui où nous mettrait l'amendement, l'état actuel est infiniment préférable, car il nous donne la garantie insuffisante d'un corps administratif, et à cette garantie quoique insuffisante, il substituera la garantie bien plus insuffisante encore d'un simple chef de bureau ou d'un ministre qui, pour assurer l'impunité de son agent, prend sur lui le fait imputé à son agent. (Aux voix ! aux voix!)

M. le Président. Je vais donner lecture du sous-amendement de M. Salvandy à l'amendement de M. Daunant. Il consiste à retrancher la distinction établie à l'égard des préfets, sous-préfets et commandants militaires.

M. Desjobert. Le renvoi à la commission!
Plusieurs voix : Non! non!

M. Gaëtan de La Rochefoucauld. La division par paragraphe!

M. de Schonen. La division ne serait pas un moyen de voter sur le sous-amendement.

M. Viennet. On objecte que le projet est coordonné de manière à ce que la division des paragraphes soit impossible.

Eh bien il y a un moyen, c'est de retrancher du commencement du premier paragraphe ces mots : "( s'il s'agit de plaintes formées contre d'autres fonctionnaires. » Le paragraphe commencera tout bonnement par ces mots : « Une ordonnance du roi décidera si les poursuites peuvent ou non être continuées. » (Kires et bruits.)

M. Janvier (riant). En effet, c'est bien plus simple.

M. le Président. Je relis le premier paragraphe de l'amendement de M. de Salvandy:

Lorsque l'information sera terminée, et qu'elle aura été communiquée au procureur général, celui-ci adressera immédiatement, avec son avis, copie de la plainte et de l'information préliminaire au ministre auquel ressortira l'acte qui aura donné lieu à l'inculpation. »

Je vais mettre aux voix le paragraphe premier, qui est, dans l'amendement de M. de Salvandy, semblable à celui de M. Daunant.

(Le premier paragraphe de l'amendement de M. de Salvandy n'est pas adopté.)

M. Daunant. Je n'ai pas demandé la division. (Bruit.)

M. le Président. Nous revenons maintenant à l'amendement de M. Daunant, dont le premier paragraphe est le même que celui que je viens

de lire.

Voix nombreuses: Mais ce paragraphe a été rejeté !

M. le Président. J'ai l'honneur de faire remarquer à la Chambre que je n'ai pas pu mettre aux voix, en même temps, et l'amendement de M. de Salvandy, et celui de M. Daunant. C'est l'amendement de M. de Salvandy qui a été mis aux voix dans son premier paragraphe; seulement j'ai fait observer que le paragraphe premier de l'amendement de M. de Salvandy était le même que celui de M. Daunant. (Nouvelle interruption.)

Voix à gauche Eh bien! c'est une disposition rejetée!

M. de Salvandy. Il y a une erreur matérielle dans ce que vient de dire M. le Président. Je n'ai pas proposé de premier paragraphe, par conséquent on n'a pas pu le mettre aux voix. Il est évident que dans l'état d'incertitude où se trouve la Chambre, il n'a rien été voté en effet. M. le Président a mis aux voix un amendement qu'en réalité je n'avais pas proposé.

Je n'avais proposé que quelque chose qui n'était pas susceptible d'être mis aux voix dans la forme que M. le Président a employée; car c'était une suppression de mots dans l'amendement de M. Daunant. Evidemment, personne dans la Chambre n'a cru voter sur une suppression, car M. le Président ne l'a pas dit; ainsi la question reste entière, et pour rendre le vote plus facile, je déclare que je retire ma proposition. (Mouvements en sens divers.)

M. de Tracy. Messieurs, il me semble que quand on vote sur une disposition, peu importe le nom de la personne qui s'attache à l'amendement; on vote sur le texte et non sur le nom de la personne qui l'a proposé. Ainsi, que cet amendement ait été proposé par M. de Salvandy ou par M. Daunant, il est rejeté. (Réclamations diverses.)

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Messieurs, ceci est évidemment une question de bonne foi. (Interruption.)

Aucune portion de cette Chambre ne veut surprendre le vote de l'autre. Il a été annoncé par M. le Président qu'on votait sur l'amendement de M. de Salvandy. (Non! non! Si! si!)

Quand j'ai l'honneur de dire que ceci est une question de bonne foi, c'est évidemment parce qu'il y a eu lieu à quelques malentendus, à quelques méprises pour un certain nombre de membres de cette Chambre. Eh bien! j'en appelle aux souvenirs de toute la Chambre toutes les

« PreviousContinue »