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Providence voulut que rien ne manquât, ni l'héroïsme de l'audace, ni les inspirations du génie, ni l'appui des dévoûments, ni les bonheurs de la réussite;

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tâche douloureuse, mais devant laquelle nous ne reculerons pas l'histoire, peu connue du reste, de l'insurrection foudroyée à Paris et de la Jacquerie pulvérisée dans les provinces ;

Enfin,

et ce sera notre orgueil en même temps que notre récompense, constater le raffermissement subit de l'ordre et de la confiance, le réveil féerique de la paix, du travail, de l'espérance, de l'industrie, du commerce et des arts, renaissance qui nous ferait croire à un miracle, si nous n'étions pas en France et si nous n'avions pas un Napoléon à notre tête.

Voilà ce livre. L'auteur n'a rien à dire de lui-même. Obscur et laborieux soldat de l'armée active du journalisme, s'il a, depuis trois ans, combattu pour les idées qui triomphent à cette heure, ses amis et ses adversaires lui rendent

il aura à

cette justice qu'il ne connaît des hommes dont le nom dans ce récit prononcer que leur nom. Pour l'honneur de son pays et de l'humanité, il ne croit pas qu'il y ait eu des vainqueurs et des vaincus dans l'immortel événement du 2 Décembre; mais vaincus et vainqueurs existassent-ils, il dirait d'eux, en demandant pardon de cette réminiscence ambitieuse ce que disait Tacite des empereurs dont il écrivait l'histoire : « Ils ne m'ont fait ni bien ni mal ; nec beneficio, nec injuriâ cogniti ». Étranger aux partis comme aux hommes, il n'a jamais demandé à sa plume que l'indépendance de sa profession, et pas une ligne n'est tombée de cette plume, qui ne fût l'attestation d'une vérité ou l'immolation d'un mensonge.

Il en sera de même des pages qu'on va lire.

5 janvier 1852.

P. MAYER.

I

LES DEUX POUVOIRS.

Il y a d'étranges rapprochements dans l'histoire, et la date seule de certains évènements donne de la foi aux plus incrédules. A quarante-six ans de distance, dans l'année qui commence la deuxième moitié de ce siècle, le neveu du plus grand homme des temps modernes consomme le salut de son pays et de l'Europe le jour même où son oncle fêta l'anniversaire de son couronnement en remportant sa plus immortelle victoire. Et ce même mois de décembre qui fit voir à nos pères le sacre et Austerlitz, avait déjà montré à notre jeune génération le retour des cendres de l'Empereur et l'élection prestigieuse du Président. Une autre élection, plus magnifique et non moins providentielle, se proclame au moment

où nous essayons de décrire les évènements qui l'ont préparée; décidément, Décembre est aux Napoléons.

Qui se rappelle maintenant qu'il y avait, le premier jour du mois où nous sommes, une Assemblée législative, une Constitution, une loi du 31 mai, un parti légitimiste et un parti orléaniste? Nous seuls, peut-être, raconteurs du passé, historiens des choses mortes, chercheurs de débris, de ruines et de poussières. Mais si peu qu'elle tienne de place dans le creux de la main, cette poussière a ses significations et ses enseignements, et c'est ce qui rendra nos lecteurs indulgents pour ces pages que nous voulons rendre respectueuses. Les morts, dit Tacite, ont droit à la justice quand les vivants peuvent entendre la vérité. Soyons donc justes, nous qui avons le droit de tout dire. L'Assemblée qui vient de disparaître, avait, par-dessus toute chose, profondément et inexorablement froissé la pensée humaine, en la déshabituant de ce culte de l'autorité et de la gloire qui constitue sa seule grandeur, en la traitant comme une reine jalouse traite une belle esclave, en l'asservissant à son despotisme, elle, cette personnification à sept cents têtes du caprice, de la licence, de l'emportement et de la folie. Voici que la pensée devient jnge à son tour. Elle ne sera pas un juge sévère.

D'ailleurs, le vertige est une excuse, parce qu'il est presque toujours un châtiment et un signe. Ce qui se passait dans le Parlement depuis sa rentrée

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du 4 novembre - nous ne voulons pas prendre cette histoire de plus haut - dispensait l'esprit public de tout commentaire et le pouvoir exécutif de tout ménagement, comme l'apparition de la tumeur dispense le chirurgien de toute pratique anodine. Le remède héroïque, en ces sortes de crises, est à la fois le salut du malade et le devoir de l'opérateur; honte alors au médecin qui hésite et à l'homme d'Etat qui transige. Louis-Napoléon vaincu n'eût pas été seulement ridiculisé, mais maudit. Qu'il soit béni de n'avoir voulu être ni l'un ni l'autre.

Le Message du 4 novembre, concession inouïe pour quiconque connaît l'homme qui poussa l'abnégation jusqu'à rédiger cette transaction magnanime à force d'effacement, n'avait fait qu'envenimer les haines, raviver les cabales, surexciter les espérances et redoubler les outrages des partis. Ce n'était plus la fonction qu'on voulait avilir; c'était la personne qu'on s'efforçait, qu'on se flattait d'atteindre. Le Président n'était plus rien, c'était acquis; belle victoire, ma foi! C'est le Bonaparte maintenant qu'il faut conduire à Vincennes. Les plus graves s'en mêlaient. Ceux qui, la loi du 31 mai dans leurs poches, s'en étaient allés en plein soleil, pèleriner -non pas pieusement, car nous les en féliciterions—

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