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fitédanslaprononciationdedifferentes Provincesdu mêmeRoyaurne de France. Ne fçait-on pas affez d'où nous viennent cesprononciationspretieufes & delicates; etrét, j'aimés, faifés, créFrancéz, Anglez. C'étoit le vice d'une Province que les femmes trouverent joly, elles l'imiterent & entraînerent la foule aprés elles; en forte que ce vice a pris le deffus par l'ufage. Je me fouviens que je commençois mes études lorfque ce changement arriva,& que nos Maîtres nous exhortoient à nous roidir contre,& à rete nir l'ancienne prononciation ; mais le torrent l'ayant enfin emporté, il fallut obeir à l'ufage. On a pourtant continué d'écrire comme auparavant, & les Auteurs qui ont écrit, etrét, jaimés crére, &c. n'ont point fait de fectes, & ont été abandonné par leshabiles gens. Ainfi quand il plaira à nos fucceffeurs de rappeller avec raifon l'ancienne prononciation que nous n'avons quittée que par caprice, il n'y aura point de changement à faire dans l'écriture,

qu

Les oppofitions que les habiles gens firent à ce changement ne furent pas tout-à-fait inutiles: elles en arreterent du moins le progrez, & on en excepta les monofyllabes moi, toi, foi, foi, loi, droit croix,mois, voix,trois, &c. On ne jugea pas à propos de prononcer comme dans quelques Provinces, ma fé, le Ré. Et encore aujourd'huy on se rendroit ridicule, fi comme on prononce Francez, Anglez, Hollandez, on prononçoit de même Iroquez, Chinez Tonquinez,Suedez.parce que ces noms étant plus rares dans la bouche des Dames, n'ont pas encore été polis par la lime delicate de leur langue.

Il eft jufte de faciliter autant que l'on peut la Langue Françoife & la lecture aux Enfans & aux Etrangers : mais on foutient que fi on écrivoit comme on parle, la Langue Françoife feroit incomparablement plus difficile qu'elle ne l'eft aux Etrangers; parce que l'analogie & le rapport que laLangue Françoise a avec le Latin,& les autres Langues,ne pouroit plus leur fervir de gui

de pour l'intelligence de cette Langue. Outre que l'on répandroit une infinité d'équivoques dans laLangue, puifque plufieurs mots qui ont le même fon & la même prononciation, fignifient des chofes tres-differentes. Hé n'avons-nous pas déja affez d'équivoques dans la conftruction du François,fans y en ajouter encore davanta❤ ge dans les mots & dans l'écriture.

Si nous voulons changer nôtre écri ture & nôtre Orthographe en faveur des Etrangers, confultons auparavant les Etrangers pour fçavoir d'eux s'ils nous en auront obligation, & s'ils font dans la difpofition de faire de femblables changemens dans leurs Langues pour nous les faciliter.Mais comme ils ne font pas fi remuans,ni si changeans que nous, je crains bien fort qu'ils ne nousdifpenfent volontiers de la bonne volonté que nous avons pour eux, & ne nous répondent que par la lecture ils entendent fuffifammentnôtre Langue, quoi qu'ils ne la fcachent pas pronocer: que contens de l'intelligence, ils viendront chez nous pour en appren

dre la prononciation; parce qu'ils font perfuadez que quoi que l'on faffe, jamais les yeux ne feront les juges du fon, & de la prononciation,qui eft dureffort desoreilles. Ces chaînesd'or qui fortant de la bouche d'Hercule Gaulois fe vont attacher aux oreilles de ceux qui l'écoutent,montrent bien que l'oreille eft le juge de la parole, qu'il eft impof fible de peindre parfaitement la prononciation fur le papier, & qu'il faut apprendre la prononciation d'une langue par imitation, & dans le commerce avec les perfonnes qui la parlenr bien. Les Orateurs dans la prononciation cherchent le fecret de rendre le fon des mots harmonieux & agreable à l'oreille afin de plaire & de parvenir plus facilement & plus efficacement à leur fin, qui eft de perfuader: mais l'exemple des Orateurs n'eft pas la loy des Ecrivains,& l'autorité des Orateurs ne s'étend point fur l'Ortographe.

Meffieurs de l'Academie Françoise qui font des Juges competens & autorifez en cette matiere fe font attachez

dans

dans leur Dictionaire à l'ancienne Ortographe reçuë parmi tous les gens de Lettres, parce qu'elle aide à connoître l'origine des mots. C'est pourquoi ils ont cru ne devoir pas autorifer le retranchement que des particuliers ont fait de quelques lettres à la place def quelles ils ont introduit certaines figures qu'ils ont inventées, parce que ce retranchement ôte tous les veftiges de l'analogie & des raports qui font entre les mots qui viennent du Latin ou du Grec. Ainfi ils ont jugé à propos d'écrire corps, temps, &c. M. l'Abbé Regnier Defmarais Secretaire perpetuel de l'Academie Françoife dans fon traité de la Grammaire Françoife, a non feulement retenu l'Ortographe ancienne; mais il a amplement & doctement refuté les Novateurs de l'Ortographe, & mis en plein jour tout le ridicule de leur prétendue reformation. M. Richelet lui-même qui avoit en partie fuivi la nouvelle Ortographe dans fon Dictionnaire fe corrige dans les remarques posterieu

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