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l'empire. Les députés protestèrent. Stadion promit de réfléchir, d'en référer à ses collègues. Le lendemain matin, à la première heure, les députés pouvaient lire sur les murs de Kremsier les manifestes impériaux, dont l'un promulguait la constitution datée du 4 mars, et l'autre dissolvait le Reichstag en l'accusant de remettre en question, par ses discussions de pure théorie, l'ordre rétabli. La salle des séances était fermée dans la nuit, les plus compromis des députés de gauche avaient quitté Kremsier pour passer à l'étranger.

La constitution n'a jamais été appliquée. Elle créait un appareil centraliste qui enveloppait la Hongrie comme l'Autriche : une Chambre basse, élue par un suffrage censitaire, une Chambre haute, où les trois quarts des sièges étaient réservés à la propriété, c'est-à-dire en fait à la noblesse. Elle accordait aux citoyens la liberté personnelle et religieuse, mais avec des restrictions capitales. Elle proclamait l'égalité des droits de toutes les nationalités, sans en établir aucune garantie. Elle laissait subsister la constitution hongroise « dans toutes celles de ses dispositions qui ne sont pas en contradiction avec la présente constitution », c'est-à-dire qu'elle l'abolissait. Schwarzenberg avait accepté l'œuvre de Stadion sans y prendre au sérieux autre chose que la stricte centralisation; elle servait ses plans dans la question allemande. Il l'opposa comme un fait accompli à la majorité de Francfort qui prétendait régler à sa façon l'union de l'Autriche et de l'Allemagne; quand l'Assemblée cut passé outre, il rappela les députés autrichiens (5 avril). La constitution, disait-il, avait fait de l'Autriche un Etat unitaire indivisible. Cependant la dictature militaire régnait en Bohême, en Galicie, en Lombardie, et la Hongrie était le théâtre d'une véritable guerre.

La guerre de Hongrie. Fin de la révolution. Le parlement hongrois refusa de reconnaître François-Joseph comme roi le roi constitutionel de Hongrie ne peut abdiquer sans le consentement du pays; il n'y a de roi légitime que celui qui a été couronné et qui a signé le diplôme inaugural. Kossuth avait déjà, plusieurs semaines auparavant, tonné contre la dynastie «< qui ne devait qu'à la magnanimité du parlement de

n'être pas encore déposée », mais les républicains étaient rares, et l'Assemblée s'en tenant aux formes légales continua de considérer Ferdinand V comme roi. Pour la sauvegarde des droits du roi, illégalement empêché d'exercer son pouvoir, un Comité de sûreté de six membres, présidé par Kossuth, remplissait les fonctions de l'exécutif.

Aux 150 000 soldats impériaux et insurgés slaves, la Hongrie ne pouvait opposer que 100 000 hommes en grande majorité inexercés. Il fallait, depuis la chute de Vienne, les disperser sur une ligne circulaire très étendue de Moravie, de Galicie, de Styrie, du Sud, des armées se dirigeaient sur Pest. Sans l'incroyable incapacité des généraux autrichiens, la guerre n'aurait pas duré deux mois. Mais Jellacic, dès la fin de septembre, s'était fait battre près du lac Balaton; Windischgrætz, à qui il céda le commandement, dut au nombre de ses soldats et à la prudence excessive de sa marche quelques succès; il occupa, dans les premiers jours de janvier, Buda et Pest. Le parlement et le Comité exécutif s'étaient enfuis à Debreczin; Görgey, le général des troupes hongroises, s'était retiré derrière le Danube. Le journal officiel de Vienne célébrait déjà «la glorieuse fin de la campagne ». Un corps d'armée formé en Galicie, sous les ordres de Schlick, avait envahi la HauteHongrie, et, refoulant sans peine les troupes révolutionnaires, menaçait Debreczin. Mais un jeune général, Klapka, ancien officier d'artillerie autrichien, reforme les troupes hongroises: Görgey s'avance pour le rejoindre, et Schlick, pour échapper au danger, rejoint à marches forcées l'armée de Windischgrætz. Les troupes hongroises, réunies sous le commandement du Polonais Dembinski, s'avancent sur Pest. Mais leurs chefs n'avaient pas confiance dans ce général étranger, que Kossuth leur avait imposé et en effet, par sa lenteur et ses tergiversations, Dembinski fit d'un engagement indécis une bataille perdue (Kapolna, 26 février). Huit jours après, la constitution du 4 mars était promulguée.

La cour triomphait trop vite. En Transylvanie, Bem, qui, après la chute de Vienne, était venu offrir ses services à la Hongrie, avait pendant tout l'hiver déjà harcelé l'armée impériale;

HISTOIRE GÉNÉRALE. XI.

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vaincu dans toutes les batailles rangées, il avait pourtant conservé toujours l'avantage. Par une série de marches rapides et habiles, il surprend ses adversaires, pourtant renforcés d'un corps russe venu de la Valachie, et s'empare de Hermannstadt (11 avril). Les Autrichiens et les Russes se retirent en Valachie. Dans le Banat, le nouveau général hongrois, Perczel, prend d'assaut Szent-Tamas, qui avait si longtemps résisté aux efforts des Maygars, chasse les Serbes jusqu'à Karlowitz, établit les communications avec Bem. Cependant Windischgrætz, sorti de Pest après trois mois d'inaction, se fait battre par Görgey à Gödölö, et se retire sous les murs de la capitale (7 avril); Klapka débloque Komorn d'où la garnison magyare, depuis le début de la révolution, inquiétait les impériaux et menaçait Vienne. C'était aux impériaux maintenant de reculer. Windischgrætz décidément trop incapable fut rappelé à Olmütz le 12 avril. Son armée évacua Pest, laissant seulement dans la forteresse de Buda une forte garnison. Malgré Kossuth et Klapka, qui préconisaient une offensive hardie, Görgey vint mettre le siège devant Buda. La belle défense du général Hentzi, tué le 21 mai au dernier assaut, donna à la cour le temps de se ressaisir et de rassembler toutes ses forces pour écraser l'ennemi sous le nombre.

La victoire de Gödölö donna à Kossuth le courage de faire un pas décisif. Le 14 avril, dans une séance solennelle, le Parlement de Debreczin, proclama la dynastie de Habsbourg déchue du trône et bannie à perpétuité du territoire hongrois. « Dieu peut m'accabler de tous les maux », s'était écrié Kossuth, « mais il y en a un qu'il ne peut pas m'infliger celui de redevenir jamais sujet de la maison d'Autriche ». L'insurrection pour la défense du droit se transformait en une lutte pour la révolution. On n'osa pourtant pas proclamer la République la majorité du pays était monarchiste; on la leurrait de l'espoir qu'un prince d'une dynastie européenne se trouverait un jour pour accepter la couronne. En attendant, Kossuth, sous le titre de gouverneur, devint chef du pouvoir exécutif.

Le triomphe de Radetzky sur les Sardes (20-24 mars) rendit disponible pour la guerre de Hongrie une partie de ses

troupes, les meilleures de l'Autriche. La nomination au commandement suprême, avec pleins pouvoirs civils et militaires, de Haynau, moins fameux par ses talents de général que par sa terrible cruauté il rapportait d'Italie le surnom de hyène de Brescia », — marqua la résolution du gouvernement d'en finir à tout prix.

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Le 1er mai, le journal officiel de Vienne annonça que le tzar mettait à la disposition de l'empereur d'Autriche une arméc pour concourir à la soumission de la Hongrie. Il y avait un an que Nicolas avait pour la première fois offert ce concours. Son général, Paskievitch, ne chercha pas à ménager les susceptibilités autrichiennes, affecta de jouer le rôle de sauveur. Toutes les tentatives de Kossuth auprès des puissances occidentales et de la Turquie pour provoquer une contre-intervention restèrent vaines. La discorde se mit entre les généraux, et entre l'armée et le gouvernement. Görgey, par ambition, intriguait contre Kossuth et contre ses propres collègues. Battu à Raab et à Komorn, le gros de l'armée hongroise se retira sur Szegedin; Haynau, lancé à sa poursuite, l'anéantit à Temesvar (9 août).

Le gouvernement révolutionnaire qui avait reculé avec l'armée de Pest à Szegedin, de Szegedin à Arad, apprit en même temps cette défaite et celle de Bem, en Transylvanie. Le 11 août, Kossuth, abandonné de ses ministres, céda la dictature à Görgey, et prit le chemin de l'exil. — Görgey avait déconseillé l'acte du 14 avril et la rupture avec la dynastie : il s'empressa d'accepter la capitulation que les Russes lui avaient plusieurs fois offerte: le 13 août, à Világos, 23 000 hommes rendirent leurs armes aux troupes du tzar. Komorn, la forteresse imprenable, résista le plus longtemps; le 27 septembre seulement, Klapka en sortit libre avec sa garnison. Venise était tombée quelques jours après Világos : l'Autriche se retrouvait, triomphante, telle qu'avant la Révolution.

vaincu dans toutes les batailles rangées, il avait pourtant conservé toujours l'avantage. Par une série de marches rapides et habiles, il surprend ses adversaires, pourtant renforcés d'un corps russe venu de la Valachie, et s'empare de Hermannstadt (11 avril). Les Autrichiens et les Russes se retirent en Valachie. Dans le Banat, le nouveau général hongrois, Perczel, prend d'assaut Szent-Tamas, qui avait si longtemps résisté aux efforts des Maygars, chasse les Serbes jusqu'à Karlowitz, établit les communications avec Bem. Cependant Windischgrætz, sorti de Pest après trois mois d'inaction, se fait battre par Görgey à Gödölö, et se retire sous les murs de la capitale (7 avril); Klapka débloque Komorn d'où la garnison magyare, depuis le début de la révolution, inquiétait les impériaux et menaçait Vienne. C'était aux impériaux maintenant de reculer. Windischgrætz décidément trop incapable fut rappelé à Olmütz le 12 avril. Son armée évacua Pest, laissant seulement dans la forteresse de Buda une forte garnison. Malgré Kossuth et Klapka, qui préconisaient une offensive hardie, Görgey vint mettre le siège devant Buda. La belle défense du général Hentzi, tué le 24 mai au dernier assaut, donna à la cour le temps de se ressaisir et de rassembler toutes ses forces pour écraser l'ennemi sous le nombre.

La victoire de Gödölö donna à Kossuth le courage de faire un pas décisif. Le 14 avril, dans une séance solennelle, le Parlement de Debreczin, proclama la dynastie de Habsbourg déchue du trône et bannie à perpétuité du territoire hongrois. « Dieu peut m'accabler de tous les maux », s'était écrié Kossuth, « mais il y en a un qu'il ne peut pas m'infliger celui de redevenir jamais sujet de la maison d'Autriche ». L'insurrection pour la défense du droit se transformait en une lutte pour la révolution. On n'osa pourtant pas proclamer la République la majo rité du pays était monarchiste; on la leurrait de l'espoir qu'un prince d'une dynastie européenne se trouverait un jour pour accepter la couronne. En attendant, Kossuth, sous le titre de gouverneur, devint chef du pouvoir exécutif.

Le triomphe de Radetzky sur les Sardes (20-24 mars) rendit disponible pour la guerre de Hongrie une partie de ses

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