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le régime introduit après 1830 par le gouverneur Van der Bosch. Van der Bosch avait reçu la mission de développer la production des denrées tropicales: il ne pouvait y parvenir par la culture privée, car l'esclavage n'existait pas à Java, et les Malais ne voulaient produire que le riz nécessaire à leur consommation. Le gouverneur imagina d'étendre au sucre et à l'indigo le système appliqué dès le xvir siècle au poivre et au café. A la place de l'impôt foncier, il prit un cinquième des terres cultivées en riz, et comme les indigènes devaient soixante jours de corvée par an, on les fit travailler pendant ce temps à cultiver et à récolter les produits coloniaux sur les terres qu'on leur avait prises. Le gouvernement louait terres et corvéables à des entrepreneurs, qui se chargeaient de nourrir les travailleurs et qui cédaient suivant un prix fixé leurs récoltes à l'administration. Le café, le poivre, le sucre, l'indigo, le thé, le tabac ainsi produits étaient vendus à Amsterdam et procuraient de grands bénéfices au gouvernement. Le budget des Indes se soldait en moyenne par un excédent de 30 millions de florins qui servait à combler le déficit creusé dans le budget métropolitain par la guerre contre la Belgique et par les frais des travaux publics. On réussissait même à économiser une partie de cet excédent pour former un fonds de réserve.

L'excédent de 30 millions de florins, si utile au budget néerlandais, fournissait le principal argument aux partisans du statu quo; ils ajoutaient que les Malais ne travailleraient plus. s'il n'y étaient pas contraints, qu'ils n'achèteraient plus rien à la métropole, puisqu'ils ne gagneraient plus de salaire, que le marché des produits tropicaux établi à Amsterdam perdrait son importance, que le commerce national baisserait. Tels étaient les arguments des conservateurs et des modérés. D'autre part, les libéraux démocrates réclamaient la suppression du régime des cultures, parce que l'obligation du travail était contraire à leurs principes et parce qu'elle avait amené des abus; ils montraient par exemple que le gouvernement prenait plus d'un tiers des terres fertiles, que les entrepreneurs faisaient travailler les corvéables plus de soixante jours, qu'ils ne les nourrissaient ni ne les payaient, enfin que le revenu colonial et les journées de

corvées étaient absorbés par la métropole au lieu d'être employés à l'amélioration du sort des indigènes, aux travaux publics, à l'instruction. Ils dénonçaient ce système d'exploitation comme indigne d'un État moderne. Les partisans de la réforme l'emportèrent après de longs efforts et en plusieurs fois. D'abord, un ministère conservateur qui avait succédé au cabinet modéré de 1853 fut renversé en 1861 par les libéraux parce qu'il refusait de réformer le système des cultures. L'année suivante le ministre des Colonies du cabinet Thorbecke qui avait remplacé le ministère conservateur, dut se retirer après l'échec d'un projet pour établir la liberté de culture. En 1866, tout le cabinet Thorbecke démissionna parce que le roi avait promulgué le nouveau code pénal des Indes orientales par simple ordonnance au lieu de la soumettre à la discussion des États. Le ministère modéré qui le remplaça tomba bientôt sur la question des cultures. Sous le ministère conservateur qui lui succéda (1866-68), le portefeuille des Colonies changea trois fois de titulaire. Enfin les libéraux, revenus au pouvoir, firent insérer en 1869 dans le budget de l'année suivante une disposition aux termes de laquelle les colonies verseraient à la métropole 10 107 749 florins, c'est-à-dire la somme strictement nécessaire à l'équilibre du budget. Le reste de l'excédent devait être dépensé aux travaux d'utilité publique dans les colonies. En 1870 la corvée fut supprimée pour toutes les cultures auxquelles elle s'appliquait encore, sauf pour le café. Ces réformes eurent d'importantes conséquences budgétaires. Le revenu des Indes occidentales. tomba plus bas qu'on ne s'y attendait. Le gouvernement avait absolument besoin, comme on l'a vu, d'un excédent colonial de 10 à 11 millions de florins par an pour équilibrer son budget. Or, en 1868, l'excédent tomba à 2 millions et demi de florins. Le ministre des Finances combla le déficit avec les résidus des excédents antérieurs mais il fallut désormais prévoir pour chaque année un déficit et imaginer de nouveaux impôts, cel qui rendait difficile la situation du parti au pouvoir.

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Les libéraux au pouvoir, malgré le roi. Pendant la discussion du système des cultures, le pouvoir avait changé plusieurs fois de main. Le deuxième ministère Thorbecke

(1862-66) succéda à un gouvernement conservateur. Il acheva la réforme fiscale; l'impôt sur le combustible et les octrois furent remplacés par une augmentation des droits sur les eauxde-vie. Il fit adopter en 1862 un tarif de douanes peu élevé, à l'exemple de la France et de l'Angleterre; il fit exécuter de grands travaux publics, amélioration du fleuve à Rotterdam, creusement d'un canal direct d'Amsterdam à la mer pour accroître le commerce des deux grands ports néerlandais (1863), construction par l'État de 888 kilomètres de voies ferrées à faire en dix ans avec les excédents coloniaux (1860), exploitation des chemins de fer nationaux par des compagnies privées (1863). Ces projets furent combattus comme trop coûteux par les conservateurs. Thorbecke garda contre eux sa majorité; mais comme il était mal vu de la cour, il se retira pour des raisons personnelles en 1866. Le roi prit un ministère conservateur (Van Zuylen), et pour lui donner une majorité recourut à la dissolution de la seconde Chambre (28 sept. 1866); les libéraux conservèrent une petite majorité. En outre les partis confessionnels se coalisèrent contre le cabinet conservateur parce qu'il ne voulait pas se déclarer contre la loi scolaire de 1857 et le principe de l'école publique mixte. Le 26 novembre 1867 l'opposition prit prétexte des négociations relatives au Luxembourg pour refuser de voter le budget des Affaires étrangères. Les ministres donnèrent leurs démissions, mais la Gazette officielle annonça qu'il avait plu à Sa Majesté de faire connaître au Conseil des ministres qu'elle n'avait trouvé aucun motif de retirer sa confiance au cabinet, qu'en conséquence elle n'acceptait pas sa démission» (21 déc.). La seconde Chambre fut immédiatement dissoute; les élections de janvier 1868 se firent à la fois sur la question des prérogatives du parlement et sur la loi scolaire de 1857. Les libéraux eurent la victoire le roi n'osa tenter une troisième dissolution; il accepta la démission du cabinet Van Zuylen (avril), et prit un cabinet libéral dont Thorbecke ne faisait point partie (juin). Le ministère de 1868 se déclara pour le maintien de l'école mixte; il supprima le droit de timbre sur les imprimés et les journaux (1869). Sa majorité s'augmenta légèrement aux élections partielles de 1869.

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Le parti libéral s'est heurté, en Belgique, à un parti catholique compact; dans les Pays-Bas, à une coalition de conservateurs. Dans les deux royaumes, les principaux sujets de conflit sont la réforme électorale et la question des écoles. Le régime parlementaire a été introduit dans les Pays-Bas; dans la Belgique, il fonctionne depuis 1831, aussi correctement qu'en Angleterre.

BIBLIOGRAPHIE

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Pour les répertoires et périodiques bibliographiques, voir Ch.-V. Langlois, Manuel de bibliographic historique, Paris, 1896, in-18. En outre, la Revue bibliographique belge et les Catalogues des bibliothèques du ministère. de l'Intérieur et du ministère des Affaires étrangères du royaume de Belgique. Belgique. Ouvrages de J.-J. Thonissen, Balau (catholiques) et de L. Hymans, Discailles (libéraux) déjà citės ci-dessus (tome X). Deux recueils d'esprit libéral : Patria Belgica, Bruxelles, 1873, 3 vol. in-8 (publié sous la direction de E. van Bemmel); et 4830-1880. Cinquante ans de liberté, Bruxelles, 1880, 4 vol. in-8 (partie politique par Goblet d'Alviella). Jean van Damme (pseudonyme de Frère-Orban, représentant libéral), Les Jésuites, l'enseignement et la convention d'Anvers, Liège, 1854, in-8; La main-morte et la charité, Bruxelles, 1857, in-8. M. Lauer, Entwickelung und Gestaltung des belgischen Volkschulwesen seit 1842, Berlin, 1885, in-8. La Statistique générale de la Belgique parait régulièrement depuis 1841. Voir Xavier Heuchling, Résumé de la statistique générale de la Belgique de 1841 à 1850, Bruxelles, 1852, in-8. Statistique générale de la Belgique de 1861 à 1875, Bruxelles, 1876, 2 vol. in-4.

Sur le développement économique de la Belgique : Enquête commerciale et industrielle de 1842 et années suivantes, dans le Recueil des documents de la Chambre, et ce recueil en général. Album du développement progressif du réseau des routes, voies navigables et des chemins de fer de 1830 à 1880, Bruxelles, 1881, 3 parties, in-fo. Dujardin-Baumetz, Histoire graphique de l'industrie houillère en Belgique, Paris, 1888, in-fo. Bruyssel, Histoire du commerce et de la marine en Belgique, Bruxelles, 1861-65, 3 vol. in-8.

E. van

La principale revue libérale est la Revue trimestrielle (publiée par E. van Bemmel), à laquelle succède en 1869 la Revue de Belgique.

Pays-Bas. Outre les histoires générales de De Bosch-Kemper (conservateur) et de Nuijens (catholique) citées ci-dessus (tome X): Thorbecke (libéral), Aantekening op de Grondwet (Remarques sur la constitution), Amsterdam, 1841, in-8, et un grand nombre d'articles et de discours. G.-J. de Vos (chrétien-historique), Groen von Prinsterer en zijn tijd, t. I, Dordrecht, 1886, in-8. Chantepie de la Saussaye (pasteur), La crise religieuse en Hollande, Leyde, 1860, in-8. Nippold, Die römischkatolische Kirche im Königreich der Niederlande, Leipzig et Utrecht, 1877, in-8. Alphonse Esquiros, La Néerlande et la vie hollandaise, Paris, 1859, 2 vol. in-12. E. de Laveleye, Etudes d'économie rurale. La Néerlande, Paris, 1865, in-8. La grande revue libérale est De Gids; l'organe des chrétiens-historiques, De Nederlander.

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Sur les deux royaumes : Ch. Seignobos, Histoire politique de l'Europe contemporaine, Paris, 1897, in-8.

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L'histoire du Danemark durant la période qui s'étend de 1848 à 1864 est dominée tout entière par les difficultés relatives aux duchés de l'Elbe. Les crises extérieures que celles-ci provoquèrent à deux reprises furent assez violentes pour suspendre à peu près complètement la vie politique intérieure du pays. D'autre part, telles questions qui dans d'autres pays relèvent uniquement de la politique intérieure, les réformes constitutionnelles notamment, se trouvaient compliquées sans cesse par les rapports singuliers existant entre le royaume proprement dit et les duchés. Tout ramène donc en quelque sorte à ceux-ci, et c'est pourquoi il convient de les mettre constamment au premier plan, quand on doit, en retraçant rapidement l'histoire du Danemark à cette époque, dégager ses trails essentiels.

Avènement de Frédéric VII. Réformes constitutionnelles. Frédéric VII succéda à son père Christian VIII en janvier 1848. Le nouveau souverain se trouvait, dès son avènement, en présence de deux ordres de questions également graves le problème constitutionnel et celui relatif aux duchés

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