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bien de donner à chacune de ses parties une constitution séparéc en harmonie avec l'œuvre projetée, et pour cela reviser la constitution du 5 juin 1849 en la limitant au royaume, et doter chacun des duchés des lois nécessaires. Le roi soumit des

projets aux États du Schleswig et à ceux du Holstein. Les uns et les autres, les derniers surtout, firent des objections très vives; mais comme ils n'avaient que voix consultative, le roi passa outre la constitution du Schleswig fut promulguée le 15 février 1854, et celle du Holstein le 11 juin suivant. Leur trait essentiel était d'accorder aux États provinciaux voix déli bérative en ce qui concernait les affaires locales.

Dans le Danemark proprement dit, les choses allèrent moins aisément. La constitution du 5 juin garantissait à la Diète des pouvoirs étendus et la majorité des députés se montraient mécontents de la solution donnée à la question des duchés, voire de la nouvelle loi de succession. L'opposition devint plus vive encore, à la suite d'incidents de politique purement intérieure. Le ministère alors aux affaires n'avait point les sympathies du parlement; le roi fit une dissolution, mais en même temps composa un nouveau ministère ultra-conservateur qui tenta de profiter de la revision nécessaire de la constitution pour restreindre les libertés publiques. De là naquit un conflit aigu où Frédéric VII perdit même pour un temps sa popularité. Au milieu de cette crise une constitution commune fut promulguée par un décret du 26 juillet 1854, mais sans être toutefois immédiatement et complètement applicable, puisque certains votes nécessaires n'avaient pu être obtenus encore de la Diète danoise. De nouvelles élections n'ayant fait que renforcer l'opposition, le roi changea de politique et composa un ministère plus libéral; la Diète se montra aussitôt traitable, vota les mesures qu'on lui proposait, si bien que la constitution commune fut enfin régulièrement promulguée le 2 octobre 1855. Différant assez sensiblement de la constitution beaucoup moins libérale promulguée l'année précédente, elle instituait une Diète commune aux différentes parties de la monarchie en lui laissant des pouvoirs assez étendus.

La constitution de 1855 ne fut pas une solution. Dès la pre

mière session de la Diète commune, onze députés des duchés protestèrent contre la situation faite à leurs pays et qu'ils jugeaient insuffisante. Aussitôt la Prusse et l'Autriche appuyèrent diplomatiquement ces revendications et, peu après, la Diète de Francfort, saisie par les députés protestataires, intervint à son tour et déclara qu'en ce qui concernait le Holstein et le Lauenbourg, la constitution commune de 1855 était inconstitutionnelle au point de vue du droit public fédéral. La crise recommençait donc. L'Angleterre tenta de s'interposer et parla de soumettre la question à une conférence le projet échoua devant l'attitude de la Prusse qui déclarait l'affaire purement allemande (1861). Livré à ses seules forces, le Danemark essaya des concessions. Un décret avait, dès 1858, abrogé dans le Holstein et le Lauenbourg la constitution de 1855. Puis des projets nouveaux furent soumis aux députés de ces provinces, en même temps que des négociations très confuses s'engageaient avec la Diète de Francfort où l'on recommençait à parler d'exécution fédérale (18591860). En même temps, les puissances allemandes s'appliquaient à élargir le débat et à remettre en question la situation du Schleswig, qui pourtant ne faisait point partie de la Confédération. Entre temps, les Danois, reconnaissant les inconvénients de la constitution commune, se mettaient en devoir de la modifier. Renonçant à la théorie de « l'État complexe », un manifeste du 30 mars 1863 déclara rompus tous les liens constitutionnels entre le Holstein et le reste de la monarchie, et une nouvelle constitution, s'inspirant de ces principes, fut votée par la Diète commune le 13 novembre suivant elle ne prononçait pas l'incorporation complète du Schleswig, mais revenait cependant au principe du « royaume jusqu'à l'Eider. » Or c'était là précisément ce que les puissances allemandes ne voulaient pas admettre la Diète protesta contre le manifeste du 30 mars et réclama le rétablissement de l'ancienne union entre le Schleswig et le Holstein (9 juillet) et, le 1er octobre, somma le Danemark de se soumettre, sous peine d'exécution fédérale. Sur ces entrefaites, le roi Frédéric VII mourait (15 novembre 1863).

Christian IX. Seconde guerre des duchés. L'avènement du prince de Glücksbourg, sous le nom de Christian IX, ne fit que susciter des embarras nouveaux. Les difficultés constitutionnelles demeurèrent les mêmes; un autre litige vint s'y ajouter. Le duc d'Augustenborg, qui avait renoncé pour lui-même à ses droits, les transmit à son fils qui s'empressa d'en faire usage, annonçant aux habitants des duchés son avènement sous le nom de Frédéric VIII et le notifiant à la Diète fédérale. Celle-ci, qui n'avait jamais reconnu le traité de Londres, décida de le soutenir, refusa de laisser siéger l'envoyé de Christian IX et résolut enfin de faire occuper militairement le Holstein. En même temps, la Prusse et l'Autriche, qui avaient négocié en 1851 et 1852 le règlement des difficultés constitutionnelles et envers qui le Danemark se trouvait avoir pris de ce fait certains engagements, prétendirent que ces engagements n'étaient pas fidèlement exécutés, manifestèrent l'intention d'intervenir de leur côté, et ce, malgré l'opposition de la majorité des membres de la Confédération, qui voyaient une telle démarche avec jalousie. Elles adressèrent un ultimatum au Danemark, l'invitant à abroger la constitution du 13 novembre 1869 dans le Schleswig, ce qui tendait à séparer de nouveau celui-ci du royaume (janvier 1864). Ne jugeant pas la réponse obtenue suffisante, elles firent avancer des troupes. Il se produisit donc à ce moment, en Danemark, deux interventions militaires allemandes, parallèles mais distinctes des contingents saxons et hanovriens occupèrent le Holstein au nom de la Confédération, une armée austro-prussienne traversa le Holstein pour envahir le Schleswig.

L'issue de la guerre qui commençait ainsi ne pouvait guère être douteuse. Pour des raisons tenant à leur politique particulière, et que l'on trouvera indiquées au moins implicitement dans les chapitres se rapportant à chacune d'elles, aucune des puissances européennes n'était disposée à secourir efficacement le Danemark; le roi de Suède seul fit une démarche que nous rapporterons plus loin en en montrant l'insuccès. Or les forces de Christian IX ne lui permettaient pas de résister longtemps aux efforts combinés de la Prusse et de l'Autriche. Les hosti

lités commencèrent le 1er février 1864. Quelques jours plus tard, les Danois se voyaient obligés d'évacuer, presque sans coup férir, les positions du Dannevirke; en mars, le gros de leur armée était refoulé dans l'ile d'Als tandis que le Jutland était envahi, et le 9 mars un armistice dut être conclu. Depuis quelques semaines déjà, les puissances signataires du traité de Londres, auxquelles se joignit la Diète germanique, avaient entamé des négociations dans l'espoir de trouver enfin une solution définitive de la question des duchés; mais les pourparlers ne servirent qu'à faire ressortir la divergence absolue des opinions. Tandis que l'Angleterre parlait de séparer du Danemark le Holstein et les districts méridionaux du Schleswig, la Diète, la Prusse et l'Autriche se refusaient absolument à admettre un morcellement de ce dernier duché elles étaient néanmoins loin de s'entendre entre elles, car la Diète tenait toujours pour le duc d'Augustenborg et réclamait pour lui le Holstein et le Schleswig entiers, alors que la Prusse et l'Autriche, hostiles au duc, voulaient unir de nouveau les duchés par un lien déclaré indissoluble et les rattacher ensuite à la monarchie danoise par une union personnelle. Le Danemark, enfin, ne se résignait pas encore à accepter des propositions trop rigoureuses. Les opérations militaires recommencèrent donc à la fin de juin. Au milieu du mois suivant, les troupes austroprussiennes étaient parvenues à Skagen et, le 1 août, le Danemark, définitivement écrasé, signait à Vienne les préliminaires de paix qui furent confirmés par le traité du 30 octobre 1864; par ces actes, le roi de Danemark renonçait purement et simplement, en faveur de la Prusse et de l'Autriche, à toute souveraineté sur les duchés de Schleswig, de Holstein et de Lauenbourg. La question des duchés était définitivement tranchée en ce qui concernait le Danemark.

La perte des duchés soulevait, en Danemark même, de nouvelles difficultés constitutionnelles. Deux lois fondamentales étaient en vigueur la constitution commune du 13 novembre 1863 et la constitution du 5 juin 1849. Les duchés abandonnés, une seule suffisait, mais il ne suffisait point de décider que la constitution commune était abrogée, car plusieurs de ses disposi

tions étaient indispensables, tout ce qui concernait certaines catégories d'affaires ayant été supprimé dans la loi de 1849 au moment de la mise en vigueur de la première constitution. commune de 1855 une revision générale de la constitution s'imposait done. Elle se poursuivit lentement au milieu des discussions parlementaires, et ce fut seulement le 28 juillet 1866 que la nouvelle loi fondamentale put être promulguée.

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Oscar Ier. Le règne de Charles-Jean avait été marqué, en Suède comme en Norvège, par d'importants progrès continuèrent sous le gouvernement de son fils Oscar qui lui succéda en 1844. Grâce à d'heureuses mesures législatives, le développement du commerce et de l'industrie se poursuivit. A peu près toutes les branches de l'administration, l'enseignement public, les finances, les affaires ecclésiastiques, furent successivement améliorées. Les lois pénales et le régime des prisons reçurent notamment des améliorations heureuses, car le nouveau souverain s'intéressait très personnellement aux questions pénitentiaires, sur lesquelles il avait écrit un ouvrage. Et l'initiative de la plupart des mesures ainsi prises ne provenant point des Diètes, l'activité réformatrice dont le gouvernement témoignait contrastait assez vivement avec les efforts que Charles-Jean avait toujours faits, durant les dernières années de sa vie, pour éviter les changements. En s'occupant d'améliorer la situation intérieure de ses royaumes, le nouveau roi demeurait cependant fidèle aux traditions paternelles. A un autre point de vue, il s'en écartait complètement.

Bien qu'àgé de quarante-cinq ans lors de son avènement, le roi Oscar avait eu jusque-là un rôle assez effacé. Sauf en de rares occasions, son père l'avait systématiquement écarté des affaires, le tenant, surtout à la fin de sa vie, en véritable suspicion. Par contre, le prince royal jouissait d'une popularité

1. Voir ci-dessus, t. X, p. 680 et suiv.

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