Page images
PDF
EPUB

la guerre continuait encore, proposa à Christian IX un nouveau traité créant entre les trois royaumes scandinaves une sorte d'union militaire et diplomatique, mais dont la majeure partie des duchés serait exclue: cette dernière clause détermina le refus du gouvernement danois.

[ocr errors]

La conduite de

La réforme constitutionnelle. Charles XV dans ses rapports avec le Danemark donne une idée assez exacte de son caractère et de ses façons de gouverner. Il s'occupait activement des affaires de l'État, ne craignait point les initiatives et avait, au contraire de son père, des idées arrêtées et nettes. Il ne s'y obstinait point toutefois outre mesure. Sa préoccupation dominante était de gouverner avec une correction parfaite en appliquant strictement tous les principes du régime parlementaire. De là, en partie, l'influence considérable des ministres; de là aussi le soin constamment pris de les choisir de manière à donner satisfaction aux aspirations légitimes du pays et de ses représentants. Une pareille attitude suffisait déjà pour concilier à Charles XV les sympathies de ses sujets suédois; tout ce que l'on connaissait de son caractère et de sa personne y contribuant aussi, il jouit bientôt d'une popularité très considérable. Le choix de ses ministres avait été particulièrement heureux. Il avait conservé le plus remarquable des conseillers de son père, Gripenstedt; parmi les successeurs donnés aux autres se trouvait un homme hors de pair, le baron De Geer. Ces ministres n'étaient point seulement capables; ils jouissaient de la confiance du pays. Cette confiance s'ajoutant à celle qu'inspirait déjà le souverain, le gouvernement de Charles XV se trouvait dans une situation privilégiée à laquelle il dut de mener à bonne fin l'œuvre délicate qui avait constamment avorté jusque-là.

La réforme constitutionnelle, un peu perdue de vue pendant les dernières années d'Oscar Ier, était de nouveau à l'ordre du jour. Un grand mouvement d'opinion fut organisé dans le pays et, au commencement de 1862, des pétitions revêtues de près de 40 000 signatures demandaient au roi de proposer un nouveau projet. Charles XV, très sagement conseillé par De Geer, n'eut garde de s'opposer à ce désir, et la Diète qui se réunit à l'au

tomne de la même année fut saisie d'un projet officiel également dû à De Geer. Ce projet supprimait la représentation par ordres et instituait deux Chambres, dont la première serait nommée par les assemblées locales et la seconde directement par les électeurs remplissant certaines conditions de cens. Très favorablement accueilli, ce projet fut pris en considération par la Diète de 1862-1863 et définitivement adopté par la Diète suivante; le dernier vote à l'assemblée de la noblesse eut lieu le 7 décembre 1865. L'ancien système représentatif que la Suède gardait pieusement depuis plusieurs siècles avait vécu, et, grâce à l'habileté de ses gouvernants du moment et particulièrement de De Geer, cette transformation profonde s'accomplit sans difficultés et sans secousses.

Les dernières années du règne de Charles XV ne furent pas marquées d'événements politiques importants. Différentes tentatives pour améliorer le système militaire du pays ne purent aboutir complètement, à cause de l'opposition parlementaire. Une des conséquences de la réforme de 1865 fut en effet de faire prédominer dans la Chambre basse les petits propriétaires fonciers or ceux-ci avaient, en même temps que les qualités des paysans, leurs défauts habituels une certaine étroitesse de vues politiques et un désir parfois exagéré d'économies, afin de dégrever autant que possible la terre. Ce parti agrarien ne tarda donc pas à manifester une indépendance très grande à l'égard du gouvernement; d'autre part, les adversaires de la réforme de 1865 lui pardonnaient difficilement de l'avoir fait aboutir. Ces diverses oppositions obligèrent successivement divers membres du conseil à se retirer, et les dernières années du règne furent assombries par des difficultés politiques qui, pour n'être pas très graves, n'en affectèrent pas moins le roi, et d'autant plus profondément qu'il avait conscience de ne les avoir point méritées.

Charles XV mourut à Malmö, le 18 septembre 1872, laissant le trône à son frère Oscar II.

La question norvégienne sous Oscar I et Charles XV. L'histoire proprement norvégienne ne fut pas marquée, au temps d'Oscar Ier et de Charles XV, par des événements bien

caractéristiques. Les rapports avec la Suède primèrent presque constamment la politique purement intérieure. Et dans l'histoire de ses rapports, les avènements des souverains ne marquèrent pas de divisions bien nettes. La situation que nous avons exposée, en parlant de Charles-Jean ', se développa logiquement et aboutit ainsi, sous Charles XV, à l'apparition d'une véritable « question norvégienne ».

Oscar I continua les concessions aux aspirations nationales. dont son père avait été contraint déjà de donner l'exemple à la fin de son règne. Ce fut lui, notamment, qui prit des décisions relatives aux armoiries et au drapeau de la Norvège : questions peu intéressantes en elles-mêmes mais auxquelles on attachait cependant une réelle importance. Il s'appliqua ensuite à ménager toujours les susceptibilités norvégiennes, mais ses efforts n'empêchèrent point les esprits de se surexciter chaque jour davantage. La Diète suédoise finit par s'émouvoir et un de ses membres demanda une revision de l'acte d'union (1859).

A peu près en même temps, le Storting prenait une résolution bien autrement grave. La constitution de 1814 avait prévu pour la Norvège un gouverneur général qui pourrait être suédois. Les premiers gouverneurs nommés par Charles-Jean le furent effectivement; plus tard, et ce fut là une première concession faite aux susceptibilités nationales, le choix des souverains se porta sur des Norvégiens. Löwenskiöld, qui se retira en 1856, n'eut point de successeur. Les Norvégiens, qui protestaient contre le principe même d'un gouverneur général, ne se contentèrent point de cette situation de fait. Le Storting prit en considération une proposition supprimant la charge et, à la session suivante, celle de 1859 cette proposition fut votée par 100 voix contre 2. La portée d'un tel vote ne laissait pas que d'être considérable, car il soulevait et prétendait résoudre une question fort délicate. La Norvège pouvait-elle, de sa propre initiative et sans accord avec la Suède, supprimer le gouverneur général? Les Norvégiens répondaient par l'affirmative en faisant observer qu'il n'était point question du gou

1. Voir ci-dessus, t. X, p. 679.

verneur général dans l'acte d'union; les Suédois ripostaient en déclarant que cette remarque importait peu, et qu'ils étaient évidemment intéressés dans l'affaire. Il s'agissait donc en définitive de savoir si la Norvège était maîtresse de changer à son gré sa propre constitution, même si de tels changements portaient atteinte aux droits de la Suède. Cette question de principe ne fut pas résolue. Le Storting vota, le 23 avril 1860, une adresse au roi, souvent invoquée depuis, et dans laquelle il réservait solennellement les droits de la Norvège. Mais Charles XV préférait ne pas compliquer une situation qui risquait de devenir grave. Il refusa simplement de sanctionner la décision du Storting, et tout en reconnaissant la nécessité de reviser la situation respective des deux pays, renvoya cette revision à une époque indéterminée. Ce n'était là toutefois qu'un expédient; la « question norvégienne » était nettement posée et une crise fatale: elle continua à se préparer lentement pendant toute la fin du règne pour éclater sous Oscar II.

BIBLIOGRAPHIE

Danemark. Allen, Histoire de Danemark (trad. Beauvois), Copenhague, 1878, t. II. S.-B. Thrige, Danmarks Historie i vort Aarhundrede (Histoire du Danemark au XIXe siècle), Copenhague, 1889-1890, 2 vol. in-8; Annuaire historique de Lesur; Annuaire des Deux Mondes; Annual Register. Den G.-A. Gosch, Denmark and Germany since 1815, Londres, 1862. dansktydske krig (La guerre dano-allemande), publication de l'Etat-major général danois, Copenhague, 1867-77. — Acktenstücke zur neuesten SchlesvigHolsteinischen Geschichte, Leipzig, 1861. Nombre de pièces se rapportant aux négociations relatives aux duchés sont insérées dans Martens, Nouveau recueil général des traités, t. XI à XVII.

Suède-Norvège. Säve, Sveriges historia från äldsta tid till våra dagar; VI, 4809-1875 (Histoire de la Suède depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, t. VI, 1809-1875), Stockholm, 1881, 1 vol. in-8. Hildebrand, Svenska statsförfattningens historiska utveckling (Développement historique de la constitution suédoise), Stockholm, 1896, 1 vol. in-8. Dalman, En kort återblick på svenska riksdagarne (Court aperçu des diètes suédoises), Stockholm, 1861. - L. De Geer, Minnen (Souvenirs), Stockholm, 1892, 2 vol. in-8. — E. von Qvanten, Konung Karl XV:s Unionsförslag (Le projet d'Union du roi Charles XV), dans la Revue Ni dagens hrönika, Stockholm, 1889. Rydin, Föreningen emellan Sverige och Norge (L'union entre la Suède et la Norvège), Stockholm, 1863. — Dalman, Några ordom Unionsfrågan och hennes Behandling (Quelques mots touchant la question de l'union et la manière de la traiter), Underaanigst betænkning angaaende revision af foreningsakten mellem Norge och Sverige... (Rapport relatif à la revision de l'acte d'union... déposé par le comité institué par résolution royale du 6 février 1865), Christiania, 1867.

HISTOIRE GÉNÉRALE. XI.

[ocr errors]

29

CHAPITRE XIII

ÉTABLISSEMENT DU DUALISME

AUSTRO-HONGROIS

1859-1871.

I. Le centralisme libéral.

Le Reichsrath renforcé. Le ministre Bach' n'avait pas eu d'ennemis plus acharnés que les magnats hongrois du parti qu'on appelait « vieux-conservateur ». Ils méprisaient en lui le parvenu, et haïssaient le révolutionnaire, c'est-à-dire le défenseur, contre toutes les attaques, de l'émancipation des paysans; plus d'une fois déjà, l'opinion l'avait cru sacrifié à leur rancune. Après Solférino, leur heure avait sonné le premier auquel on offrit le ministère de l'Intérieur fut un des leurs, le baron Jósika; mais un Hongrois, un partisan du dualisme, un adversaire de la centralisation ne pouvait accepter ce poste au refus de Jósika, le comte Goluchowski, gouverneur de Galicie, y fut appelé. L'empereur, dans le manifeste adressé à ses peuples après Villafranca, avait officiellement condamné la politique des dix dernières années. Des procès scandaleux révélaient au public les concussions de l'intendance militaire et les tromperies de ses fournisseurs. Un emprunt de 200 millions, émis en mars 1860, ne fut souscrit que pour 75 millions. C'étaient surtout les embarras du trésor qui ren1. Voir ci-dessus, p. 132 et suiv.

« PreviousContinue »