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Au printemps de 1858, sir Colin Campbell, aidé par des gourkhas du Népaul, reprit une à une toutes les villes de l'Aoude; le 19 mars, Laknau fut définitivement réoccupé. Nana Sahib disparut dans le Népaul. En janvier 1859, la résistance était terminée. En même temps une armée partie de Bombay soumettait les États rebelles du centre (1858-59).

Le 1er novembre 1858, lord Canning avait promis l'amnistie à tous les rebelles qui n'avaient pas participé au meurtre d'un sujet anglais. Le 8 juillet 1859, la paix fut proclamée dans toute l'étendue des Indes. Puis lord Canning fit une tournée officielle chez les princes vassaux, reçut leurs hommages et leur annonça que le droit de désigner un héritier adoptif leur était désormais rendu.

L'Inde passe sous l'administration directe du gouvernement anglais. -La révolte eut pour conséquence la suppression de la Compagnie cette mesure n'était pas inattendue depuis longtemps on reprochait à la Compagnie d'exploiter l'Inde. A chaque renouvellement de son privilège depuis 1813, le Parlement lui avait enlevé quelques prérogatives. Le dernier renouvellement, en 1853, avait été volé non pour vingt années, selon l'usage, mais pour un temps indéterminé dont le Parlement pourrait fixer le terme. La dissolution de la Compagnie fut prononcée en 1858 et l'Acte pour l'amélioration du gouvernement de l'Inde régla l'administration directe du pays. La cour des directeurs était supprimée. L'Inde était gouvernée au nom de la reine par un secrétaire d'État particulier, distinct du ministre des colonies, et assisté d'un conseil de 15 membres. C'était tout simplement le développement de l'ancien bureau de contrôle. Aux Indes le gouverneur général, appelé désormais vice-roi (non officiellement), est nommé par la reine et administre avec un Conseil exécutif composé de chefs de service qu'on appelle ordinairement et avec raison ministres, et avec un Conseil législatif, formé des précédents, plus un certain nombre de personnes désignées par le vice-roi. Celui-ci pas obligé de suivre l'avis de la majorité de ses conseillers. Dans le gouvernement local, le régime direct n'a pas changé grand'chose. Au temps de la Compagnie, on employait le moins

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de fonctionnaires possible, on les payait très cher et on donnait les postes à la faveur. Les jeunes gens protégés par les directeurs ou les actionnaires influents étaient admis pendant quatre ans au collège de Haylebury en Angleterre; à leur sortie et après un premier examen, ils étaient nommés writers et entraient pendant deux années environ, avec des appointements, au collège de Fort-William près de Calcutta, où ils apprenaient l'indoustani et la langue de la région où ils devaient être envoyés. Après un dernier examen, ils étaient nommés assistants, puis enfin collecteurs (receveurs des impôts), ou magistrats, c'est-à-dire à la fois juges et administrateurs en cette qualité ils étaient placés à la tète d'un district, c'est-à-dire d'une région très étendue comprenant en moyenne 800 000 habitants. Un chef-lieu de district ne comptait que quatre ou cinq fonctionnaires importants: un collecteur, un magistrat (fonctions souvent réunies entre les mains de la même personne), un ou deux assistants, un maître de postes, un médecin. En 1857, la Compagnie n'avait aux Indes que 800 fonctionnaires supérieurs le service inférieur était en grande partie confié à des employés indigènes. Après 1858, on a conservé comme unité le district, et on n'a guère augmenté le nombre des fonctionnaires. Depuis 1853 le Parlement avait exigé qu'ils fussent recrutés dès l'origine au concours et non par faveur.

Ce qui a changé, c'est surtout l'esprit du gouvernement. La Compagnie ressemblait aux souverains orientaux dont elle avait pris la succession: elle ne se souciait que de tirer de l'Inde le plus gros revenu possible. L'administration anglaise prend soin des intérêts du pays et commence à dépenser au profit de l'Inde une partie toujours plus grande du produit des impôts. Cette transformation s'est effectuée très lentement.

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Après la

Les finances de l'Inde et l'impôt foncier. guerre, la dette de l'Inde se trouva augmentée de 40 millions de livres et la dépense annuelle de 10 millions. Il fallut trouver de nouvelles ressources; ce fut l'affaire du financial member du conseil exécutif de Calcutta (ministre des finances de l'Inde). Il augmenta le produit des douanes, celui des impôts indirects et créa un impôt sur le revenu dans les Indes. En même temps

qu'elle augmentait les taxes de l'Inde, l'administration anglaise s'efforçait d'en rendre la perception plus équitable.

La principale source de revenu était l'impôt foncier (deux tiers du revenu total en 1869-70). Il avait été établi par les souverains musulmans, qui se considéraient comme propriétaires de tout le sol et traitaient les cultivateurs en fermiers qui leur devaient un cens. La Compagnie s'est substituée aux souverains musulmans et le gouvernement anglais à la Compagnie. L'impôt foncier s'appelle revenu du sol (Land revenue) et l'auteur du livre moderne le plus positif sur l'Inde, W. Hunter, fonctionnaire supérieur de la colonie, se déclare incapable de résoudre cette question : « Le Land revenue est-il un impôt ou un fermage?» Cet impôt si particulier est fixé à la suite d'une série d'opérations qui datent de la Compagnie. On commence par faire un cadastre (survey); puis on apprécie la fertilité du sol, la plus-value que lui donnent l'irrigation, les voies de commu nication, etc., le prix probable des récoltes (settlement). D'après ces calculs on fixe l'impôt dù par chaque propriétaire ou par chaque village (assessment).

Sous l'administration directe, les cadastres sont devenus plus sérieux et plus fréquents; on admet les réclamations et les revisions partielles. Les contribuables peuvent plaider contre les agents financiers devant les cours de justice. La taxe a été étendue à toutes les terres, ce qui a permis de soulager celles qui étaient trop imposées. La proportion de la part prise par le fisc au revenu total de la terre était d'un tiers au temps du Grand-Mogol elle a été réduite aujourd'hui à un dix-septième.

Réformes en faveur de l'agriculture. Le soulagement des cultivateurs, dans un pays exclusivement agricole comme l'Inde, est devenu l'un des principaux soucis du gouvernement anglais. Aux mesures pour une répartition plus équitable de l'impôt se sont ajoutées en 1859 des dispositions spéciales pour la protection des tenanciers dans le Bengale. Le gouvernement a voulu réparer ainsi le tort fait par la Compagnie qui avait érigé, par insouciance, les zémindars, simples fermiers de l'impôt, en propriétaires, et n'avait jamais songé à protéger contre eux les cultivateurs brusquement transformés

en tenanciers. Les zémindars augmentaient sans mesure leurs fermages; les tenanciers, découragés, cultivaient mal ou quittaient le pays. Le gouvernement anglais a essayé de mettre des bornes à cette exploitation par la loi foncière de 1859, applicable au Bengale seul. Cette loi interdit aux zémindars d'augmenter les fermages qui sont restés les mêmes depuis 1793; elle présume que les fermages qui n'ont pas varié depuis vingt ans sont restés les mêmes depuis 1793, à moins que le contraire ne puisse être prouvé; elle permet aux fermiers payant les mêmes redevances depuis douze ans de réclamer l'arbitrage des tribunaux si le propriétaire augmente la redevance.

On a entrepris des travaux publics destinés à l'amélioration de l'agriculture. Ce sont surtout des canaux d'irrigation. Les chemins de fer, dans la période qui nous occupe, sont presque tous construits par des compagnies particulières.

Le développement de certaines cultures a été favorisé par le gouvernement. Il a accordé des subventions et créé des pépinières pour l'acclimatation du thé sur les pentes sud du Bengale et sur celles des Ghats. Il a encouragé la culture du coton à l'époque où la guerre empêchait les États-Unis d'en fournir à l'Europe. La production du coton aux Indes, de 204 millions de livres en 1860 s'est élevée à 615 millions en 1866, mais elle est retombée à 341 en 1870. Le gouvernement anglais a pour la première fois en 1864-65 organisé une surveillance des forêts. En 1869 a été créé un ministère de l'agriculture, supprimé plus tard, puis rétabli. On a commencé à dresser des statistiques pour le Bengale, puis pour les autres régions.

Réformes de la justice et de l'armée. — Avec les Finances, le service civil le plus important, aux Indes, est celui de la Justice; on l'a amélioré, en créant des hautes cours, intermédiaires entre les trois cours suprêmes et les juges des districts (1861). Les textes des lois ont été publiés. Dès 1837 le gouvernement avait adjoint à cet effet un law member, véritable ministre de la Justice, au Conseil exécutif de Calcutta. Le code pénal a été enfin publié en 1860, les codes de procédure civile et criminelle en 1861. On a renoncé à faire un code civil applicable à toute l'Inde. On s'est borné à recueillir les coutumes

les plus généralement adoptées par les diverses sectes, à supprimer celles qui étaient inhumaines ou qui paraissaient immorales à des Européens, et à faire rédiger et imprimer les autres.

L'armée a été réorganisée. Les débris des troupes de la Compagnie ont été fondus dans l'armée de la Couronne. Les cipayes subsistent, mais ils sont encadrés dans un plus grand nombre d'Européens. Ils ne deviennent pas officiers: depuis la révolte on s'est gardé de leur apprendre le maniement des canons, qui sont servis exclusivement par des Européens. Tous les officiers des Indes appartiennent aux cadres de l'armée britannique et sont nommés par la reine.

En 1859 commence pour l'Inde une période de paix qui durera vingt années.

A la fin de cette époque troublée par tant de guerres contre les indigènes, la paix est générale dans l'empire britannique, grâce à la politique du parti libéral.

BIBLIOGRAPHIE

Documents. Dans cette période les statistiques officielles deviennent régulières et leurs principaux résultats sont exposés chaque année dans le Statistical Abstract for the several colonial and other possessions of the U. K. et dans le Statistical Abstract relating to British India. Voir les nombreux annuaires, dont le plus pratique est le Statesman's Year-Book, Londres, depuis 1867, in-8; et le plus complet, le Colonial office List, Londres, in-8. Généralités. Lord Grey, History of the colonial policy of Great Britain, during Lord John Russell's ministery, Londres, 1852, 2 vol. in-8. A. Mills, Colonial constitutions, Londres, 1856, in-8. E. Creasy, Imperial and Colonial Constitution of the br. Empire, Londres, 1872, in-8.

Canada.

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Turcotte, Le Canada sous l'Union, 1844-67, Québec, 2o éd., 1882, 4 part. in-8, est l'ouvrage d'ensemble le plus complet. J.-E.-C. Munro, The Constitution of Canada, Cambridge, 1889, in-8. E.-W. Watkin, Canada and the States. Recollections, 1854-66, Londres, 1867, in-8. Australasie. Sir H. Parkes, 50 years in the making of Australian history, Londres, 1892, 2 vol. in-8. Ch. E. Lyne, Life of Sir H. Parkes, Londres, 1897, in-8. Lady Barker, Station life in New Zealand, 1868; trad. fr. Une femme du monde à la Nouvelle Zélande, Paris, 1882, in-8.

Inde. W.-W. Hunter, The marquis of Dalhousie, Oxford, 1890, in-16 (préférable à la biogr. de Trotter, 1889). Kaye et Malleson, History of Indian mutiny, 1890, 6 vol. in-8, est l'ouvrage le plus complet. Montgomery Martin, The progress and present state of british India, Londres, 1862, in-8, résumé de rapports officiels. E. de Valbezen, Les Anglais et l'Inde, Paris, 1857, in-8; Les Anglais et l'Inde, nouvelles études, Paris, 1875, 2 vol. in-8 (avec l'hist. de la révolte).

Pour le Cap, voir ci-dessous, tome XII, la bibliographie du chapitre correspondant.

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