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juillet 1865, les dernières troupes étrangères étaient retirées de Takou et de Chang Haï.

Les Américains en Chine. Deux puissances avaient suivi avec le plus vif intérêt les événements de 1858 et de 1860 : c'étaient les Russes, dont nous parlerons ci-dessous, et les États-Unis, représentés par leurs ministres William R. Reed, puis John E. Ward. Les États-Unis avaient signé à Tien-tsin, le 18 juin 1858, par l'intermédiaire du premier, un traité; ce traité fut complété par des articles additionnels à Washington, le 28 juillet 1868, ratifiés à Peking, le 23 novembre 1869. Les Américains, depuis la fin du siècle dernier, avaient en Chine des intérêts commerciaux considérables; le pavillon des Russell, des Herd, des Oliphant fit longtemps concurrence à ceux des Dent et des Jardine, et dans le commerce des thés et des colonnades, Boston, New-York et Baltimore, plus tard San Francisco, furent de redoutables rivales pour Londres et Manchester.

Autres traités. Comme après le traité de Nan King de 1842, les traités de Tient-sin de 1858 et les conventions de Peking de 1860, les nations étrangères sc hàtèrent de profiter des avantages cédés à la France et à l'Angleterre, en signant de leur côté des traités particuliers. Le roi de Prusse, au nom du Zollverein, des grands-duchés de MecklembourgSchwerin et de Mecklembourg-Strelitz, et des Villes hanséatiques, envoyait dans l'Asie orientale (1859-1862) une expédition dont un des actes principaux fut la signature, par le comte d'Eulenbourg, d'un traité à Tien-tsin (2 septembre 1861), ratifié à Chang Haï le 14 janvier 1863. Le gouverneur général de Macao, Isidoro Francisco Guimaraes, signait un traité le 13 août 1862 à Tien-tsin, dont la ratification fut refusée par le gouvernement chinois, par suite de la clause relative à Macao, diversement interprétée dans les textes portugais et chinois. Le traité danois, signé par Waldemar Rudolph de Raasloff, est de Tien-tsin, (13 juillet 1863), ratifié à Chang Haï le 29 juillet 1864. Le traité espagnol, négocié par don Sinibaldo de Mas, à Tien-tsin (10 octobre 1864), a été ratifié par la reine d'Espagne le 14 mai 1866, et les ratifications ont été échangées à Tien-tsin le 10 mai 1867.

Le traité hollandais, négocié par J. des Amorie van der Hoeven, a été signé à Tien-tsin le 6 octobre 1863. Le traité belge, négocié par Auguste T'Kint, signé à Peking le 2 novembre 1865, a été ratifié à Chang Haï le 27 octobre 1866. Le traité italien négocié par le capitaine de frégate Vittorio Arminjon, signé le 26 octobre 1866, à Peking, a été ratifié à Chang Haï le 12 novembre 1867. L'Autriche, qui avait déjà visité les mers de l'Asie orientale, lors de la circumnavigation de la frégate Novara (30 avril 1857-26-août 1859), envoyait une nouvelle mission en Chine en 1869, à la tête de laquelle était placé le contre-amiral baron de Petz, qui concluait un traité à Peking le 2 septembre 1869, ratifié à Chang Haï le 27 novembre 1871. Il faut ajouter que dans ces derniers traités, beaucoup des clauses du traité danois, admirablement rédigé, faisaient précédent et étaient adoptées.

La Chine libre. - Canton évacué, la rébellion des T'ai Ping écrasée, la régence fermement établie, la Chine allait reprendre possession d'elle-même. Pour mieux marquer qu'une ère nouvelle commençait pour cet empire, les diplomates de 1860 qui étaient restés comme ministres plénipotentiaires à Peking étaient déplacés (1865). M. de Bourboulon rentrait en France, laissant M. de Bellonet comme chargé d'affaires; Sir Frederick William Adolphus Bruce cédait la place à son collègue du Japon Rutherford Alcock (28 mars et 7 avril 1865), et était nommé à Washington (1or mars 1865). Qu'allait faire la Chine? Le prince Kong paraissait animé des meilleures intentions. La fondation de l'Université de Peking, Tong Wen Kouan (1867), par sir Robert Hart, semblait indiquer le désir chez les Chinois d'acquérir la connaissance de nos sciences et de notre littérature, pendant que leurs armements annonçaient leur intention de transformer leur système militaire. Cependant, il était difficile de faire comprendre aux autorités provinciales le mouvement considérable et irrésistible qui avait amené l'intervention des étrangers en Chine et l'installation définitive de légations à Peking. Des attaques contre les Européens, comme l'affaire de la mission protestante de Yang-tcheou (1868), montraient que le gouvernement chinois ne se rendait pas encore compte de la situation.

Convention Alcock.

L'article 27 du traité de Tien-tsin

du 26 juin 1858, portait que l'une des deux parties contractantes pourrait demander au bout de dix ans une nouvelle revision du arif et des articles relatifs au commerce; en conséquence Sir Rutherford Alcock, ministre d'Angleterre, le prince Kong, Wen Siang et autres fonctionnaires désignés, signèrent à Peking le 24 octobre 1869 une convention supplémentaire en seize articles. Wen-tcheou, dans le Tehe-kiang, et Wou-hou, dans le Nganhouei, devaient être ouverts au commerce britannique; en revanche on renonçait à l'ouverture de Kioung-tcheou dans l'île de Haïnan; la Chine était libre de nommer des consuls dans les ports appartenant à la Grande-Bretagne. La plupart des autres articles étaient relatifs aux droits de différentes sortes. Cette convention ne donnait nullement satisfaction aux revendications du commerce anglais en Chine; aussi fut-elle vivement critiquée, et devant la pression exercée sur lui par l'opinion publique, le gouvernement anglais se refusa à ratifier la convention de Sir Rutherford Alcock; c'était un échec dont ce diplomate ne se releva pas, et deux ans plus tard (juillet 1871) il donnait sa démission de ministre; sa carrière au Japon avait été plus heureuse.

Mission Burlingame. A l'instigation de sir Robert Hart, désireux de faire connaître aux puissances occidentales les idées libérales qui prédominaient, disait-on, dans le nouveau gouvernement chinois, celui-ci eut l'idée d'envoyer aux ÉtatsUnis et en Europe une mission spéciale, et mit à sa tête Anson Burlingame, ministre des États-Unis depuis le 14 juin 1861. Homme disert plus que politique habile, Burlingame accepta la mission qui lui était confiée, et donna sa démission de ministre le 21 novembre 1867. On lui adjoignit comme secrétaires MM. J. Mac Leavy Brown (Anglais) et de Champs (Français) et deux délégués chinois, Soun et Tchi (1868). Burlingame se rendit d'abord aux États-Unis, où, avec William H. Seward, secrétaire d'État, il signa les articles additionnels de Washington (28 juillet 1868) et où il prononça, avec la plus rare éloquence, une série de discours, dans lesquels il représentait « la croix brillant sur toutes les montagnes » de l'empire du Milieu.

Venu successivement à Londres, Paris, Berlin, où il reçut un accueil moins enthousiaste qu'à Washington, il mourut à SaintPétersbourg, au moment où la nouvelle d'une affreuse catastrophe venait apporter le plus atroce démenti à sa théorie d'une Chine libérale : le massacre de Tien-tsin.

Massacre de Tien-tsin. - Le ministre de France, comte Lallemand, avait quitté le 6 novembre 1868 le poste qu'il occupait depuis mai 1867, laissant la gérance de la légation au comte Julien de Rochechouart. Les persécutions contre les missionnaires recommençaient dans les provinces, le parti anti-européen relevait la tête, et un certain Tcheng Ko-jui fomentait de savantes intrigues qui avaient pour but l'expulsion des étrangers, et dont le résultat se fit bientôt cruellement sentir. Le 21 juin 1870, le consul de France à Tien-tsin, M. de Fonlanier; le chancelier du consulat, M. Simon; l'interprète de la légation de France, M. Thomassin et sa femme; un prêtre lazariste, l'abbé Chevrier; un négociant français, M. Chalmaison, et sa femme; trois Russes, Barov, Protopov et sa femme, et neuf sœurs de Saint-Vincent de Paul, dont quatre Françaises, deux Belges, deux Italiennes, une Irlandaise; en tout vingt étrangers étaient massacrés de la façon la plus barbare à Tien-tsin. La cathédrale catholique était incendiée. Les assassins avaient profité de l'absence de tout bâtiment européen dans le Pei-ho et ils se préparaient à envahir les concessions étrangères pour continuer leurs massacres, lorsqu'ils s'arrêtèrent devant l'altitude énergique des résidents étrangers. Qui sait quelle influence aurait pu avoir cette terrible catastrophe sur les événements qui amenèrent la rupture entre la France et la Prusse en 1870? Mais le télégraphe n'allait pas encore plus loin que Singapore et la nouvelle n'arriva en Europe que plus tard.

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Ambassades russes. Le traité de Nerlchinsk', du 29 août 1689, avait rejeté les Russes hors du bassin du He-loung

1. Voir ci-dessus, t. VI, p. 920-922.

kiang; l'ambassade d'Evert Isbrand Ides (1693-1694) est la première de ces missions qui pendant le xvi et le commencement du XIXe siècle se rendirent, au nom du tsar, à la cour de Peking. Citons les principales. L'inconduite des négociants russes leur a fait interdire l'entrée de la capitale, Yan Ismaïlof fut chargé d'obtenir de nouveau de la Chine la libre circulation des caravanes portant les produits russes à Peking. Ismaïlof, accompagné d'une brillante escorte, arriva à Peking le 29 novembre 1720 et séjourna dans cette capitale jusqu'au 2 mai 1721. Une nouvelle ambassade, sous la conduite du comte Sava Vladislavitch, partit en 1725 pour la Chine avec la mission officielle d'annoncer au Fils du Ciel l'accession au trône de Russie, de Catherine, la veuve de Pierre le Grand, qui venait de mourir. Vladislavitch signa le 20 août 1727 un traité déterminant d'une façon plus exacte les limites des deux empires; il faut y ajouter les traités du 21 et du 27 octobre 1727, signés par le même diplomate. Le Suédois Lorenz Lange, qui avait accompagné Ismaïlof et qui, après le départ de ce dernier, était resté à Peking, avait été obligé de quitter cette ville le 12 août 1722. Il y retourna de nouveau avec le comte Vladislavitch, et enfin comme chef de mission en 1736; il repartit définitivement de Peking le 10 mai 1737 et fut nommé vice-gouverneur d'Irkoutsk. Ce fut un des hommes qui rendirent le plus de services aux Russes dans la capitale de l'empire chinois. Ivan Kropotof signa le 18 octobre 1768 un supplément au traité de paix du 21 octobre 1727. Notons l'acte du 8 février 1792, l'ambassade de Golovkin (1805-1806), et celle plus connue, mais non plus utile, d'Egor Fédorovitch Timkovsky en 1820-21.

Mouravief. Nevelsky. - La seconde étape des Russes dans leur conquête du fleuve Amour date de la nomination comme gouverneur général de la Sibérie orientale de Mouravief, gouverneur de Toula. Mouravief avait fait la connaissance à Pétersbourg du capitaine-lieutenant Guennadi Nevelsky, commandant le transport de la Compagnie russo-américaine le Baikal, faisant le service de Cronstadt au Kamchatka. Nicolas Nicolaïevitch Mouravief pensait que Nevelsky était

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