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Prussiens le 26, au matin sa droite occuperait le point dominant de Côte-Brune, d'où elle pourrait battre toute la position de l'ennemi; sa gauche, poussant sur Dannemarie, se saisirait de Silley, qui commande le défilé de Pont-les-Moulins, et couperait ainsi toute retraite aux Allemands.

Malheureusement, Billot ne traversa Besançon que le 26 à trois heures du matin, et Bourbaki, qui comptait trouver les troupes du 18 corps aux prises avec l'adversaire dès le jour naissant, les rencontra à Montfaucon, à Gennes, à Saône, à Nancray, à trois lieues en arrière des positions où elles devaient être. Affligé, inquiet, mécontent, il rentra le soir à Besançon. Là, il reçut coup sur coup trois dépêches qui mirent le comble à son désespoir : l'une, de Freycinet, lui reprochait sa lenteur et l'accusait de recommencer Metz ou Sedan; l'autre l'informait que le 24 corps de Bressolles abandonnait sans retour le Lomont pour se replier vers Morteau et Pontarlier; la troisième lui annonçait que Cremer se retirait également sur Pontarlier au lieu de défendre les défilés de Salins parce qu'il avait entendu le canon des forts. Le général tenta de se brûler la cervelle la balle du revolver dévia sur l'os temporal.

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Un conseil de guerre auquel assistaient Martineau, Clinchant, Borel, Rolland, et Bigot, délibéra sur la situation. Martineau et Borel refusèrent le commandement; Clinchant l'accepta, à condition de battre en retraite sur Pontarlier pour prendre ensuite les routes du Sud.

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Retraite de Pontarlier. Deux divisions demeurèrent aux alentours de Besançon. Le reste de l'armée de l'Est gagna sans obstacle le premier plateau entre Besançon et la vallée de la Loue; mais sa marche devint désastreuse lorsqu'elle atteignit le deuxième, puis le troisième plateau. Les canons et les convois ne pouvaient plus suivre les colonnes. Les hommes et les chevaux tombaient harassés, transis, affamés. Les Prussiens, venant d'Arbois par les routes que Cremer aurait dû défendre, tournant le fort de Salins, barraient les issues, et le 29 janvier, à Sombacourt, une division française de 4000 hommes se laislait capturer avec deux généraux et toutes ses pièces d'artillerie. Clinchant se crut sauvé lorsqu'il apprit l'armistice. Mais l'ar

mistice l'exceptait. Il signa la convention des Verrières avec Hans Herzog, général des troupes de la Confédération helvétique, et pénétra le 1er février sur le territoire suisse où son armée, qui comptait encore 80 000 hommes, fut internée. La résistance énergique que fit au défilé de la Cluse une arrièregarde d'infanterie commandée par Pallu de la Barrière ainsi que la canonnade des forts de Joux et de Larmont avaient protégé le passage.

Reprise de Dijon. Dijon et Belfort succombaient en même temps. A la nouvelle de l'armistice qui ne s'étendait pas à la Côte-d'Or, Garibaldi avait reculé sur Lyon, et le 1er février, le général Hann de Weyhern qui venait de rejoindre Kettler avec deux brigades badoises, entrait dans Dijon sans combat.

Siège de Belfort. La place de Belfort, cernée depuis le 3 novembre, avait longtemps bravé l'effort des assiégeants et subi un bombardement de soixante-treize jours. Non que sa garnison fût solide elle comptait 16 000 hommes dont 3000 seulement avaient une valeur sérieuse. Mais elle avait eu le temps de se préparer aux épreuves qui l'attendaient et d'établir pour sa défense des ouvrages avancés d'un bon profil. D'excellents chefs animèrent les troupes de leur énergie: le capitaine Thiers qui tenait le fort de Bellevue, le capitaine La Laurencie qui dirigeait les batteries du Château, le colonel Denfert qui commandait la ville après y avoir commandé le génie et qui sut imposer à tous, aux bourgeois et aux soldats, son inflexible vouloir. Pourtant, sous les ordres de Treskow, les Allemands faisaient de jour en jour des progrès; ils s'emparèrent peu à peu de tous les villages environnants; ils ouvrirent la tranchée contre les Hautes et les Basses-Perches. Le 8 février, Denfert dut abandonner ces deux mamelons, et de là, cinq jours plus tard, à mille mètres de distance, Treskow braquait sur le Chàteau une centaine de pièces. Mais le 15 février, l'armistice était étendu à toute la région de l'Est. Le 18, Denfert sortait de Belfort avec armes et bagages, après avoir tiré le dernier coup de canon et avec la satisfaction de sauver à la France la seule ville qui lui reste de l'Alsace.

IX. – L'armée du Nord.

La lutte s'était organisée en Normandie et dans le Nord comme sur la Saône et la Loire.

En Normandie où un corps allemand, commandé par le comte de Lippe, occupait Gisors et Gournay, une petite armée se réunissait sous les ordres du général Briand. Elle faisait des reconnaissances, repoussait le 28 octobre à Formerie un détachement du comte de Lippe et surprenait à la fin de novembre un autre détachement dans le bourg d'Etrépagny.

L'effort était plus sérieux dan's le Nord, où les places fortes renfermaient un considérable matériel de guerre et où se rendaient la plupart des prisonniers évadés de Sedan et de Metz. Le commissaire du gouvernement Testelin, aidé du général Farre et du lieutenant-colonel Villenoisy, y formait un 22 corps. qui comptait quatre brigades et sept batteries d'artillerie.

Mais bientôt les Allemands s'ébranlèrent. Ils firent d'abord deux pointes sur Saint-Quentin. Une première fois, le 8 octobre, ils n'étaient qu'en petit nombre trois escadrons de dragons et une compagnie et demie de landwehret ils reculèrent devant une barricade dressée dans le faubourg et sous la fusillade des gardes nationaux et des francs-tireurs animés par le préfet de l'Aisne, Anatole de la Forge. La seconde fois, le 21 octobre, ils parurent en forces trois bataillons de landwehr et une batterie soutenaient les dragons, et la ville fut frappéc d'une contribution.

Villers-Bretonneux. — Après la prise de Metz, une armée composée de deux corps, le I et le VIII, marcha, sous les ordres de Manteuffel, sur Amiens, qui donnait aux Allemands le passage de la Somme et une tête de chemin de fer sur Rouen. Le 27 novembre, elle battit l'armée française que le général Farre avait établie à Villers-Bretonneux, entre la Somme et l'Avre, pour protéger Amiens et Corbie tout ensemble. Le lendemain, elle entrait dans Amiens. La ville avait une citadelle commandée

par le brave capitaine Vogel qui voulait résister à outrance; mais Vogel fut tué sur le rempart, et le 30 novembre, après deux sommations et un jour de feu, la citadelle ouvrit ses

portes.

D'Amiens, l'armée de Manteuffel se porta sur Neufchâtel et Forges-les-Eaux. Le 5 décembre, après avoir culbuté la veille à Buchy l'aile gauche du général Briand qui se repliait en hâte sur Honfleur, elle prenait possession de Rouen.

Les troupes allemandes formèrent dès lors dans cette région deux groupes reliés d'ailleurs par le chemin de fer l'un, sous Bentheim, gardait Rouen et surveillait Le Havre; l'autre, sous Goben, tenait Amiens et les bords de la Somme.

Ce fut sur la Somme que la guerre se continua. L'armée du Nord s'était augmentée : elle comprenait désormais deux corps, le 22°, le plus vigoureux, conduit par Lecointre, et le 23o, mené par Paulze d'Ivoy, beaucoup moins solide, car, s'il avait des fusiliers marins qui se montrèrent très braves, il comptait une division de mobilisés qui fléchirent dans toutes les affaires et furent plus nuisibles qu'utiles. Le général en chef était Faidherbe, ancien colonel du génie et gouverneur du Sénégal, naguère commandant de la division de Constantine, homme avisé, prudent, très expérimenté, persévérant et habile à la fois, qui ne donnait rien au hasard, ne livrait jamais que des combats d'un jour et ne cessait de tenter des pointes, d'inquiéter l'ennemi, d'exercer ses troupes novices et appuyées aux places fortes de l'Artois et de la Flandre.

Pont-Noyelles. Après avoir réoccupé le château de Ham, dont la petite garnison capitula le 9 décembre, et rejeté sur La Fère une reconnaissance d'infanterie, Faidherbe vint avec 78 pièces et 35 000 hommes s'établir sur l'Hallue à PontNoyelles et dans les villages d'alentour. Manteuffel l'attaqua le 23 décembre avec 25 000 soldats et 108 bouches à feu. La bataille fut indécise. Mais le 23° corps ne put, au soir, se maintenir dans le village de Daours. Fatigués par la lutte et surtout par la nuit glaciale qu'ils passèrent sur le lieu de l'action, redoutant d'être tournés, les Français battirent en retraite le lendemain avec un ordre parfait.

Bapaume. Ils reparurent le 2 janvier pour dégager Péronne assiégé, et, si le 23° corps échoua devant Behagnies et Sapignies, le 22° enleva Achiet-le-Grand et Béhucourt. Le 3, par un froid très vif qui couvrait de givre leurs cheveux et sur une neige durcie qui craquait sous leurs pieds, ils marchaient résolument sur Bapaume; cette fois, la victoire fut pour eux. Le général Kummer perdit presque tous les dehors de sa position et se vit refoulé dans la vieille enceinte de Bapaume. Il gardait sans doute le village de Ligny et le hameau de SaintAubin; il refoulait la brigade Forster qui l'attaquait sans ordre de Faidherbe dans le faubourg d'Arras; il repoussait les tentatives de Faidherbe contre les avenues du Calvaire et du chemin de fer. Mais le lendemain, il évacuait Bapaume et reculait derrière la Somme. Son adversaire aurait dù le suivre pour débloquer Péronne. Lui aussi s'était éloigné. Toujours circonspect et nullement sûr du lendemain, ne comptant que sur le tiers de ses troupes pour former ses tètes de colonne, craignant de compromettre un succès acquis, croyant les Prussiens moins battus qu'ils ne l'étaient, Faidherbe avait gagné Boisleux afin de remettre son armée et de la réapprovisionner.

Saint-Quentin. Quelques jours plus tard, le 10 janvier, il partait de nouveau et entrait à Bapaume. Mais là, il apprit que Péronne avait capitulé dans la nuit non seulement les Allemands prenaient 47 canons et 3000 hommes, mais ils donnaient à leur aile droite un précieux point d'appui sur la Somme. Faidherbe, résolu de secourir Paris et, comme il disait, de se dévouer, se rejeta vers l'est pour s'engager sur la route de Saint-Quentin, de Ham et de Compiègne. Il avait 40 000 hommes, et devant ces masses la division de cavalerie. du comte de Lippe évacua le 16 janvier Saint-Quentin. Mais Goeben, qui succédait à Manteuffel dans le commandement des forces allemandes de la Somme, avait ordre de frapper un coup décisif. Il réunit 30 000 hommes et marcha contre Faidherbe. Le 18 janvier, son aile gauche se heurtait aux Français à Trefcon, à Caulaincourt, à Pouilly et leur faisait 500 prisonniers. Le 19, il livrait bataille à Faidherbe qui l'attendait de pied ferme sur les hauteurs à l'ouest et au sud de Saint-Quentin.

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