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à leur niveau ordinaire. En 1859, il présentait un projet de loi pour abolir définitivement l'échelle mobile. Mais, devant les protestations que souleva ce projet, il dut le retirer, et il se vit même obligé de remettre en vigueur, pour quelque temps, la

loi de 1832.

Traités de commerce. Ce nouvel échec prouva à l'empereur qu'il ne pourrait réaliser que de vive force la réforme qu'il croyait indispensable pour assurer le développement de la prospérité de la France. La Constitution de 1852 accordait au chef de l'État le droit de faire des traités de commerce sans recourir aux Chambres. Ce droit fournit le moyen cherché. M. Michel Chevalier, économiste libéral, s'était mis en rapport avec Cobden, l'initiateur de la politique commerciale libérale en Angleterre, dans le but d'essayer d'arriver à une entente entre les deux pays. L'empereur accepta volontiers l'idée de la conclusion d'un traité de commerce avec l'Angleterre, qui lui permettrait de réaliser le plan contre lequel l'opinion soulevait tant d'obstacles. Les négociations, menées dans le plus grand secret, aboutirent rapidement.

Le 5 janvier 1860, dans une lettre adressée à M. Fould, ministre d'État, et publiée dans le Moniteur, l'empereur, sans parler encore du traité projeté, développait le programme économique dont il poursuivait depuis son avènement la réalisation, et qu'il allait demander aux Chambres de sanctionner. L'un des principaux articles de ce programme était la suppression des prohibitions, et la conclusion des traités de commerce avec les puissances étrangères.

Le 23 janvier, le traité de commerce entre la France et l'Angleterre était signé et rendu public. La France adoptait résolument, non une politique libre-échangiste, ainsi que venait de faire l'Angleterre, mais une politique de protection modérée. Les prohibitions étaient supprimées à l'égard des produits anglais et remplacées par des droits qui pouvaient représenter jusqu'à 25 p. 100 ad valorem; par contre, nos produits obtenaient l'admission en franchise en Grande-Bretagne, à l'exception de ceux dont les similaires y étaient frappés de taxes intérieu res.

Ce traité fut bientôt suivi de traités semblables avec d'autres

:

puissances Belgique, Association douanière allemande, Italie, Suisse, etc. En outre, ces diverses puissances signèrent à leur tour des traités entre elles. L'acte de 1860 fut ainsi, pour l'Europe entière, l'ouverture d'une ère de politique commerciale libérale.

Le Corps législatif dut s'incliner devant le fait accompli, il consentit enfin à sanctionner les actes du gouvernement et à mettre le tarif général en harmonie avec le tarif conventionnel résultant des traités.

En 1860, il autorisait l'admission en franchise de plusieurs matières premières, notamment les cotons, les laines, les produits tinctoriaux, et il abaissait les surtaxes de provenance et de pavillon. En 1863, la franchise était étendue aux peaux, au chanvre et au lin, et les prohibitions à la sortie étaient supprimées. Ce ne fut qu'en 1867, cependant, que la franchise fut accordée aux houilles, dont, il est vrai, les droits d'entrée avaient été considérablement réduits par les traités.

En 1861, l'échelle mobile avait été supprimée, et, depuis lors, le blé ne supportait plus, à l'importation, qu'une taxe uniforme, presque nominale, de 0 fr. 60 par 100 kilogrammes.

En 1866, malgré les protestations des constructeurs, qui réclamaient le retour à la prohibition, une loi autorisait, dans le but de favoriser le développement de notre marine, l'admission en franchise des navires construits à l'étranger. Comme compensation, elle accordait la même faveur à tous les produits bruts ou fabriqués nécessaires à la construction, à l'armement ou à l'entretien des bâtiments de mer.

Disparition du système colonial. Les colonies bénéficièrent également des idées dominantes dans le gouvernement. La loi du 5 juillet 1861, étendue successivement à toutes les colonies, fit disparaitre les derniers vestiges du système colonial. Elle autorisait l'importation aux colonies de toutes marchandises étrangères, moyennant le paiement d'un droit de douane égal à celui qui les frappait à leur entrée en France, et l'emploi du pavillon étranger pour toutes les relations commerciales des colonies, soit avec la métropole, soit avec les pays étrangers. Le sénatus-consulte du 4 juillet 1866 alla plus

loin encore il orienta les colonies vers l'autonomie douanière, en donnant aux conseils généraux le droit de voter les tarifs douaniers.

Ainsi, malgré la vive opposition qu'il avait rencontrée, le gouvernement impérial était parvenu à modifier dans un sens libéral la politique commerciale, depuis si longtemps restrictive de la France. Il n'avait pu cependant convertir l'opinion publique à ses idées, et celle-ci ne l'avait suivi qu'avec répugnance dans cette nouvelle voie. On ne réclamait plus, sans doute, la prohibition absolue; les partisans les plus fanatiques de la politique restrictive en reconnaissaient l'impossibilité. Ce qu'on voulait à tout prix, c'était arrêter le gouvernement dans la politique d'abaissement des droits qu'il paraissait décidé à poursuivre, et obtenir un relèvement des droits successivement abaissés depuis 1853.

Dès les premiers jours de 1870, les protectionnistes demandèrent la dénonciation du traité de commerce avec l'Angleterre qui avait été conclu pour dix ans, avec clause de tacite réconduction. Le Corps législatif n'osa pas revenir sur une politique qui, tous les documents le prouvaient, loin d'avoir été défavorable à la France, avait aidé puissamment à son développement économique, et il se prononça contre la dénonciation du traité. Au moment où éclata la guerre avec l'Allemagne, le gouvernement n'eût cependant pu compter sur une majorité pour l'aider à accentuer encore sa politique; il devait se borner à défendre, et souvent avec de grandes difficultés, l'œuvre accomplie.

III.

Le développement du crédit.

De 1815 à 1848, on avait vu les valeurs mobilières commencer à se répandre dans le public. A partir de 1860, elles prennent une extension de plus en plus grande. Le grand public s'y habitue, s'y accommode; il finit par regarder comme une représentation suffisante des capitaux dont il se dessaisit ces simples titres, revêtus des signatures de gens qu'il ne connaît que par la

renommée générale. Il apprécie surtout la facilité avec laquelle, grâce à leur aisée réalisation, il peut recouvrer les fonds qui, à un moment imprévu, lui deviennent nécessaires.

Sociétés financières et établissements de crédit. Par leur ampleur, le coût de l'outillage mécanique, l'importance du fonds de roulement, les entreprises industrielles exigent maintenant une accumulation considérable de capitaux. Peu à peu, ceux-ci prennent dans l'organisation industrielle une importance prépondérante, et la législation faite pour les anciennes associations de personnes devient de plus en plus insuffisante. En 1863, une loi sur les sociétés à responsabilité limitée essaie de combler les lacunes existantes. Bientôt reconnue insuffisante, elle est remplacée à son tour en 1867 par une loi qui remanie complètement la législation relative aux sociétés par actions et supprime l'autorisation préalable conservée jusqu'alors pour les sociétés anonymes.

La Banque de France demeure l'institution financière prépondérante du pays, la forteresse centrale du crédit. Après la crise de 1848, on lui incorpore les banques d'émission départementales, et elle reste seule à jouir du monopole d'émission des billets au porteur et à vue. En 1859, ce privilège lui est renouvelé jusqu'en 1897. A côté d'elle, se constituent successivement de nouveaux établissements de crédit : le Comptoir d'escompte de Paris, créé avec l'aide du gouvernement en 1848, mais qui conquiert bientôt sa liberté; le Crédit mobilier (1852), destiné à finir lamentablement après de brillants débuts; le Crédit industriel et commercial (1859); la Société de dépôts et comptes courants (1863); la Société générale (1864); le Crédit lyonnais (1865).

Magasins généraux. — En 1848, dans l'espoir d'apporter quelque remède à la crise violente qui avait gravement ébranlé le crédit, on introduisit en France le système des magasins généraux, qui fonctionnait avec succès en Angleterre. Dans ces magasins, servant de dépôts publics, soumis à une réglementation particulière, les négociants peuvent mettre en garde les marchandises dont ils ne trouvent pas l'emploi immédiat; il leur est ensuite facile de trouver à emprunter sur les titres (récépissés et warrants) qui leur sont remis comme constatation.

du dépôt. C'est une extension ingénieuse de la législation forcément un peu étroite du prêt sur gage.

Crédit Foncier. - Depuis assez longtemps déjà, l'attention avait été attirée par les plaintes de la propriété et de l'agriculture, qui déclaraient ne pouvoir se procurer qu'avec difficulté les capitaux dont elles avaient besoin pour effectuer les améliorations rendues nécessaires par les découvertes récentes. La République de 1848 ne put résoudre le problème de mettre à leur portée le crédit qu'elles réclamaient. Le gouvernement impérial le reprit, et eut le bonheur de le résoudre, au moins partiellement. En 1852, le « Crédit Foncier », véritable banque de la propriété immobilière, était créé. Cette propriété rencontrait deux obstacles à la réalisation des emprunts qu'elle pouvait avoir intérêt à contracter: l'inconvénient pour le prêteur de l'immobilisation de ses capitaux, et la difficulté pour l'emprunteur d'assurer avec ses revenus à la fois le paiement des intérêts de sa dette et la reconstitution de la somme empruntée, afin d'arriver à une libération rapide. Le Crédit Foncier supprimait ces inconvénients. Il avançait aux propriétaires, sur garantie hypothécaire, les sommes dont ils avaient besoin, et ceux-ci se libéraient envers lui au moyen de versements périodiques réguliers, comprenant à la fois les intérêts et une somme consacrée à l'amortissement du prêt, dont la durée pouvait être faite assez longue pour rendre l'amortissement léger. L'argent qu'il avançait ainsi, le Crédit Foncier se le procurait en émettant des titres de faibles coupures, garantis par les propriétés gageant les prêts consentis, et facilement négociables. C'était une sorte de mobilisation du sol. La tentative réussit, mais elle ne put accomplir qu'une partie de son but et servit beaucoup plus à la propriété urbaine qu'à la propriété rurale.

A la faveur du développement des valeurs mobilières, et de la prospérité économique du pays, le marché financier de Paris prit, sous l'Empire, une très grande extension, et acquit une prépondérance incontestée, inférieure seulement, pour certaines catégories de valeurs, au marché de Londres.

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