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ralisme, qui conduit à soutenir que « les États doivent se constituer et se gouverner sans tenir compte de la religion », que la liberté de la presse ne doit être limitée, ni par l'autorité ecclésiastique, ni par l'autorité civile », que « la volonté du peuple constitue la loi suprême, indépendante de tout droit divin et humain »; — 2o le communisme et le socialisme, qui tendent à exclure la religion de la famille, en prétendant que « tous les droits des parents sur leurs enfants découlent de la loi civile », et que « l'instruction et l'éducation de la jeunesse doivent être enlevées au clergé, ennemi des lumières, de la civilisation et du progrès »; — 3° le régalisme, affirmant que l'Église de Jésus-Christ est soumise à l'autorité civile » et que la puissance ecclésiastique « n'est pas de droit divin distincle et indépendante de la puissance séculière », avec toutes les conséquences, plus ou moins contraires à la liberté de l'Église, que le gallicanisme, le joséphisme, le protestantisme ont tirées de ces prémisses.

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Le Syllabus; règles d'interprétation. A l'encyclique Quanta cura, qui devait être communiquée aux fidèles, était annexé un autre document, qui n'était pas destiné à la publicité : c'était le Syllabus ou « Résumé renfermant les principales erreurs de notre temps, signalées dans les allocutions consistoriales, encycliques et autres lettres apostoliques. de N. T. S. P le pape Pie IX ». Ce catalogue contient, réparties en dix paragraphes, un ensemble de 80 propositions que le pape rejette comme erronées. Dans le premier paragraphe, sont condamnés le panthéisme, le naturalisme, et le rationalisme absolu; dans le second, le rationalisme modéré; dans le troisième, l'indifférentisme et le latitudinarisme. Le quatrième paragraphe n'est qu'un simple renvoi concernant le socialisme, le communisme, les sociétés secrètes, bibliques, clérico-libérales. Le cinquième, au contraire, ne signale pas moins de vingt << erreurs relatives à l'Église et à ses droits » et tendant toutes à affirmer sa subordination au pouvoir laïque. Le sixième paragraphe vise les erreurs relatives à la société civile, considérée soit en elle-même, soit dans ses rapports avec l'Église », et tendant à légitimer tous les errements joséphistes

ou gallicans. Viennent ensuite les erreurs « concernant la morale naturelle et chrétienne » (§ 7), « le mariage chrétien » (§ 8), « le principat civil du pontife romain » (§ 9), et enfin « le libéralisme moderne » (§ 10), c'est-à-dire l'erreur qui consiste à présenter comme conforme à la raison, et non pas simplement comme imposée aux gouvernements par des nécessités de fait, la liberté civile des cultes.

A la suite de chacune de ces 80 propositions, rédigée sous une forme négative et concise qui en rend l'interprétation souvent difficile, se trouvent indiquées les allocutions ou lettres apostoliques auxquelles on doit se référer pour savoir en quel sens et dans quelle mesure est condamnée la proposition en question. C'est uniquement à ces sources auxquelles il renvoie expressément que le Syllabus emprunte sa valeur doctrinale; à proprement parler, il n'en a pas par lui-même. Il ne suffit pas en effet de retourner chaque proposition sous une forme affirmative pour connaître la vraie pensée du pape. En outre, il ne faut pas oublier que le Syllabus se place uniquement au point de vue des principes de l'ordre immuable et absolu, laissant de côté les nécessités de l'ordre contingent et relatif; en termes d'École, il pose la thèse et ne s'occupe pas de l'hypothèse, c'està-dire de la conciliation des principes avec les réalités. Telle proposition, condamnée au sens philosophique, sera au contraire tolérée si on veut l'entendre au sens pratique.

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Accueil fait au Syllabus. Étant données sa nature et sa forme, on comprend que le Syllabus ne fût pas destiné à être publié. Il le fut cependant, dans des circonstances restées obscures, et, bien qu'il ne contînt rien de nouveau, sa publication fit scandale. « Il fut accueilli avec joie par les ennemis de l'Église qui le représentèrent comme une déclaration de guerre du pape à la société moderne, avec ennui par les gouvernements qui essayèrent d'empêcher de le publier, avec un embarras visible par les catholiques libéraux » (Seignobos).

Les ennemis de l'Eglise négligèrent de se reporter aux sources auxquelles se référait le Syllabus, le prirent tel quel, et sans vouloir faire la distinction du sens philosophique et du sens pratique, affectèrent d'y voir la condamnation explicite de

toutes les libertés consacrées par la Révolution, notamment : 1o de la souveraineté nationale et du suffrage universel (proposition 60), alors que le pape condamne simplement la doctrine qui considère « l'autorité comme la somme du nombre et des forces matérielles » et ne reconnait « d'autre force que celle qui résulte de la matière » (alloc. Maxima quidem, 1862); 2o de la liberté des cultes non-catholiques (prop. 78 et 79), qui n'est réprouvée qu'en tant qu'elle implique la tolérance dogmatique, et non pas en tant qu'elle implique la tolérance civile (alloc. Acerbissimum, 1852, et Numquam fore, 1856); 3o de la liberté de la presse considérée d'une façon générale (prop. 79), tandis que le pape visait seulement la liberté illimitée (omnimodam libertatem) qu'aucun gouvernement n'a jamais admise. Et ainsi du reste. Un dernier grief concernait la 80° proposition condamnée, ainsi conçue: «Le pontife romain peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, le libéralisme, et la civilisation moderne »; d'où l'on tirait cette conclusion que le pape réprouvait toutes les sociétés telles qu'elles étaient organisées de son temps, alors que, par ces expressions, d'ailleurs peu heureuses, il entendait désigner « un système combiné tout exprès pour affaiblir et peut-être renverser l'Église du Christ » (alloc. Jamdudum cernimus, 1861).

Cette manière de présenter les choses produisit une double émotion, d'abord chez les monarques, dont quelques-uns interdirent la publication de l'encyclique et du Syllabus (Victor Emmanuel, Napoléon III, Alexandre II), ensuite chez les évêques, qui protestèrent à la fois contre ces mesures d'interdiction et contre l'interprétation donnée au Syllabus par les ennemis de l'Église. Ms Dupanloup, dans sa célèbre brochure sur la Convention du 15 septembre et l'Encyclique du 8 décembre, établit le véritable sens du document pontifical; et ses règles d'interprétation (que nous avons résumées plus haut) recurent l'adhésion de 630 évêques du monde entier et de Pie IX luimême (4 février 1865). Il n'y eut qu'un nombre très restreint de dissidents, dont le plus important était Mr Maret, évêque in partibus de Sura.

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Préliminaires et convocation du Concile. L'émotion provoquée par la divulgation du Syllabus était à peine calmée qu'une émotion beaucoup plus profonde et plus générale fut soulevée, en 1867, par l'annonce de la convocation prochaine d'un concile œcuménique. Pie IX y songeait depuis longtemps, et au moment même où il allait publier l'encyclique Quanta cura, le 6 décembre 1864, il en avait entretenu secrètement quinze cardinaux, puis en 1865 trente-cinq évêques. La très grande majorité s'étant montrée favorable au projet, le pape annonça officiellement son intention aux 500 évêques qui se trouvèrent réunis à Rome, à l'occasion du dix-huitième centenaire du martyre des saints Pierre et Paul (26 juin 1867). L'année suivante (29 juin), il publia la bulle d'indiction (Eterni Patris), qui fixait l'ouverture du concile au 8 décembre 1869, en indiquait l'objet et le lieu (Rome), et manifestait l'espérance que les divers chefs d'État, surtout les catholiques, n'empêcheraient pas les prélats convoqués de se rendre au concile.

Le 8 septembre suivant, Pie IX adressa à tous les évêques orientaux schismatiques la lettre Arcano divinæ, par laquelle il les invitait à venir au concile, afin d'arriver à l'union tant souhaitée de tous ». Cet appel ne fut pas entendu. La nation arménienne manifesta seule des dispositions favorables, qui furent étouffées par les soins du Phanar. - Le 13 septembre, le pape écrivit également aux protestants et autres «< acatholiques », les exhortant à considérer« s'ils étaient bien dans la voie tracée par Jésus-Christ pour conduire au salut éternel » (lettre Jam vos omnes). L'attitude des protestants à l'égard de cette lettre fut diverse les sceptiques s'en moquèrent; les zélés s'en offensèrent et répondirent par des injures; les intentions du pape ne furent comprises et respectées que par un petit nombre de réformés, tels que Baumstark en Allemagne, Guizot en France, Pusey en Angleterre.

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Ce qu'il y avait de remarquable dans ces préliminaires du

concile, c'est que Pie IX n'invitait pas les princes catholiques à s'y faire représenter, comme cela avait eu lieu pour les autres conciles œcuméniques, notamment pour celui de Trente. Cette décision n'avait pas été prise sans hésitation. Admise, puis rejetée, elle avait été volée définitivement le 28 juin 1868, au risque de rendre irrévocable l'hostilité de certains chefs d'État'. C'était la rupture officielle de tout lien entre les pouvoirs séculiers et le pouvoir religieux; mais comme la rupture de fait préexistait, du chef des pouvoirs séculiers, la décision contraire, explicable au moyen âge, ne se fùt pas comprise au XIXe siècle. Les gouvernements, sentant la différence des temps, se tinrent sur la réserve et n'osèrent pas réclamer.

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Préparatifs du concile; le règlement du 27 novembre 1869. Il n'y avait plus de temps à perdre pour préparer le concile. Pendant l'hiver 1868-1869, Pie IX appela auprès de lui un grand nombre de théologiens d'Italie, de France, de Belgique, d'Allemagne, d'Espagne, d'Amérique, pour élaborer les projets qui devaient être soumis au concile. Ces théologiens furent répartis en sept commissions, présidées chacune par un cardinal, et ayant des attributions distinctes.

Pendant que les commissions travaillaient, les gens du dehors ne restaient pas silencieux. De tous côtés, on s'occupait du futur concile; et à son sujet paraissaient une foule d'écrits, de brochures, d'articles de journaux, dont quelques-uns devaient avoir un singulier retentissement. Le 6 février 1869, en effet, parut dans la Civilta cattolica une correspondance française qui indiquait, comme le but exclusif à atteindre et comme le désir de tous les catholiques, l'adoption par le concile des doctrines du Syllabus et la proclamation de l'infaillibilité du pape. Le Catholique de Mayence protesta, et cela suffit pour susciter dans les principaux pays d'Europe une vive polémique. Les germanistes d'Allemagne et les gallicans de France se montrèrent les plus ardents. En Allemagne, le chanoine Döllinger rédigea ou inspira les Lettres de Janus (mars 1869), qui furent réfutées

1. En avril 1868, le prince de Hohenlohe, ministre des Affaires étrangères de Bavière, avait essayé de s'entendre avec les divers cabinets européens pour entraver la réunion du concile.

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