Page images
PDF
EPUB

réside. Or, quand il s'agit de mineurs, ils n'ont pas d'intention; voilà pourquoi la loi leur impose sa volonté. Il est vrai qu'il n'y a pas de loi expresse qui détermine le domicile de l'enfant naturel; mais on peut et on doit appliquer par analogie à l'enfant naturel ce que la loi dit de l'enfant légitime. Nous avons cet argument d'analogie dans l'administration légale, et il nous paraît décisif.

Si les enfants naturels ne sont pas reconnus, ils peuvent néanmoins avoir un domicile légal, s'ils ont un tuteur. Et quand ils sont recueillis dans un hospice, la loi elle-même les constitue en tutelle (1). S'ils ne sont pas sous tutelle, il n'y a plus de domicile légal que l'on puisse leur appliquer. Il faut dire que leur domicile est inconnu, puisque leurs père et mère sont inconnus. Leur habitation leur tiendra lieu de domicile.

No 3. DE L'INTERDIT.

89. L'article 108 porte que « le majeur interdit aura son domicile chez son curateur. » Il y a analogie entre la position de l'interdit et celle du mineur; l'un et l'autre ont le siége de leurs affaires, leur principal établissement, et partant leur domicile, chez leur tuteur. La loi dit : le majeur interdit. Nous verrons que les mineurs peuvent aussi être interdits; on leur appliquera naturellement la même règle. Pour le majeur, il se présente quelques difficultés, quand c'est un conjoint qui est interdit; nous les examinerons plus loin.

La jurisprudence donne des applications de notre principe. Un interdit décède en pays étranger, où il n'a pas cessé de résider; son tuteur est domicilié en France, mais il a été nommé par un tribunal étranger. Si le jugement a été rendu exécutoire en France par un tribunal français, il faut décider, sans doute aucun, que la succession de cet interdit s'ouvrira en France, au domicile de son tuteur (2).

(1) Loi du 15 pluviose an XIII. Décret du 19 janvier 1811, article 15. (2) Arrêt de la cour de cassation du 16 février 1842 (Dalloz, Répertoire,

No 4. DES FONCTIONNAIRES.

[ocr errors]

90. Aux termes de l'article 107, l'acceptation de fonctions conférées à vie emporte translation immédiate du domicile du fonctionnaire dans le lieu où il doit exercer ses fonctions. Par fonctions à vie, il faut entendre des fonctions irrévocables conférées à vie. Cela résulte de l'article 106, d'après lequel le citoyen appelé à une fonction temporaire ou révocable conserve le domicile qu'il avait auparavant, s'il n'a pas manifesté d'intention contraire. Il faut donc deux conditions pour qu'un fonctionnaire acquière un domicile légal: la fonction doit être à vie et irrévocable. Telles sont les fonctions de juge, dans tous les tribunaux, et les fonctions de notaire. Pourquoi la loi fixe-t-elle leur domicile là où ils sont appelés à exercer leurs fonctions? Parce que c'est là qu'ils ont nécessairement leur principal établissement; le fait et l'intention concourent par la nature même de ces fonctions. En effet, le magistrat est nommé à vie, il ne peut être révoqué, pas même déplacé. Son devoir l'appelle donc pendant toute sa vie là où il exerce ses fonctions; il y doit par conséquent résider, et il ne peut pas avoir l'intention de se fixer ailleurs, car ce serait manquer à son devoir, comme le dit le rapporteur du Tribunat. La loi, ajoute l'orateur du Tribunat, ne peut pas même admettre cette supposition, parce qu'elle blesserait toutes les convenances sociales (1). Pour les notaires, il y a encore une raison de plus. La loi du 25 ventôse an XI (art. 2) porte qu'ils doivent résider dans le lieu qui leur est fixé par le gouvernement, sous peine d'être considérés comme démissionnaires.

91. Il y a des fonctions irrévocables, mais qui ne sont pas conférées à vie. Telles sont les fonctions électives; elles ne donnent pas de domicile légal, parce que le légis

au mot Succession, no 1670); et arrêt de la cour d'Agen du 10 avril 1813 (Dalloz, Répertoire, au mot Domicile, no 91).

(1) Rapport de Mouricault, dans Locré, t. II, p. 184, no 8; discours de Malherbe (ibid., p. 189, no 8); Exposé des motifs d'Emmery (ibid., p. 181 n° 5).

lateur n'a pas pu supposer que celui qui est appelé seulement à résider pendant un temps limité dans la capitale, ait l'intention d'y transférer son principal établissement. Il y a plus; lorsque les fonctions, quoique conférées à vie, n'obligent pas celui qui les remplit de résider à demeure dans un lieu, il n'y a pas de domicile légal en vertu de l'article 107. La question s'est présentée devant la cour de cassation de Belgique pour les juges suppléants. D'après la législation belge, ils sont nommés à vie et inamovibles; on pourrait donc leur appliquer la lettre de l'article 107. C'est ce que fit la cour de cassation dans un premier arrêt, malgré les conclusions contraires du procureur général (1). Mais elle revint de son erreur, car erreur il y avait à appliquer la disposition de l'article 107 à un cas pour lequel certainement elle n'était pas faite. Par un nouvel arrêt, la cour décida que cet article n'avait en vue que les fonctionnaires dont les devoirs exigent une résidence au lieu où ils exercent leurs fonctions; cela résulte de la nature même du domicile, et cela a été dit par tous ceux qui ont exposé les motifs de la loi. Or, les juges suppléants ne sont pas obligés de résider là où ils remplissent accidentellement leurs fonctions; le décret du 18 août 1810 les autorise, au contraire, à résider dans une des communes du canton. Cela tranche la difficulté (2).

92. L'article 108 dit que c'est l'acceptation de fonctions publiques qui confère un domicile légal au fonctionnaire nommé à vie. Comment cette acceptation est-elle prouvée, et quelle est sa date? Il importe de le savoir, car le code ajoute qu'il y a translation immédiate du domicile dès qu'il y a acceptation. Le fonctionnaire n'accepte pas à proprement parler; quand il ne veut pas de la fonction qu'on lui a donnée, il refuse; par cela seul qu'il ne refuse pas, il accepte. Mais il prête serment; c'est la prestation du serment qui constitue l'acceptation légale. C'est donc à partir du moment où il a prêté serment qu'il a son domicile dans le lieu où il doit exercer ses fonctions. Cette translation se

(1) Arrêt du 13 juillet 1863 (Pasicrisie, 1863, 1, 406).

(2) Arrêt du 11 juillet 1864 (Pasicrisie, 1864, 1, 346). Comparez le réquisitoire de l'avocat général, M Faider (ibid., p. 344 et suiv.).

fait immédiatement, dit l'article 107, par conséquent avant que le fonctionnaire se soit rendu à sa destination; il a donc un domicile avant d'avoir une habitation. C'est une dérogation à l'ancien droit. Pothier exigeait,ur que le fonctionnaire acquît un nouveau domicile, qu'il rút arrivé là où il doit résider (1). La doctrine du code est contraire aux principes. Nous venons de dire que les auteurs de la loi proclament tous que le fonctionnaire inamovible a son domicile là où nécessairement il a sa résidence; donc le domicile ne devrait commencer qu'avec la résidence.

93. Les fonctionnaires révocables n'ont pas de domicile légal. Aux termes de l'article 106, ils conservent le domicile qu'ils avaient auparavant, s'ils n'ont pas manifesté d'intention contraire. Pourquoi n'ont-ils pas de domicile légal, et quelle est leur position? Malherbe, l'orateur du Tribunat, explique très-bien pourquoi le fonctionnaire réVocable ne change pas de domicile par l'acceptation de ses fonctions. Rien ne le lie au lieu où il les exerce; il pet t être tous les jours, sinon révoqué, au moins déplacé. Parcourant successivement des lieux divers sans s'attacher à aucun, il conserve naturellement l'esprit de retour au domicile qu'il avait avant de devenir fonctionnaire public, et qui est d'ordinaire son domicile d'origine. Quelle est donc sa position? Il est dans le droit commun des personnes qui changent de résidence, sans avoir l'intention de fixer leur principal établissement au lieu qu'ils vont habiter. C'est-à-dire qu'il conserve son ancien domicile, à moins qu'en changeant de résidence il n'ait aussi manifesté l'intention de changer de domicile. C'est ainsi que Malherbe explique la loi. « Il était juste, dit-il, de lui donner la faculté de conserver son domicile, sans qu'il pût en changer autrement que par l'expression positive de sa volonté (2).

"

Ainsi le fonctionnaire révocable a la faculté de conserver son domicile. Il ne le conserve donc pas nécessairement; il dépend de lui de le fixer là où il va exercer ses fonc

(1) Pothier, Introduction aux coutumes, chapitre Ier, n° 15. (2) Malherbe, Discours (Locré, t. II, p. 189, no 8).

tions; la loi elle-même suppose qu'il peut avoir cette intention, et la réalité des choses est en harmonie avec le droit. Tous les jours il arrive que des fonctionnaires, quoique révocables, ont l'intention de se fixer à demeure là où ils exercent leurs fonctions. En effet, bien que révocables, en droit, il est rare, en fait, qu'ils soient révoqués; il y en a même qui, par la nature de leurs fonctions, ne sont guère déplacés. Dès lors, tout les convie, en quelque sorte, à établir leur domicile au lieu qu'ils doivent habiter le plus souvent pendant toute leur vie. Aussi un grand nombre d'arrêts décident-ils que des fonctionnaires révocables, tels que des préfets, ont leur domicile là où ils exercent leurs fonctions (1). On peut même dire que cela est probable, surtout pour certains fonctionnaires. Seulement il faut se garder d'ériger cette probabilité en présomption, comme l'a fait la cour de cassation. On lit dans un arrêt que si des fonctions révocables n'ont pas pour effet d'opérer de plein droit la transmission du domicile dans le lieu où elles sont exercées, elles font légalement présumer que ce lieu est le siége du principal établissement du titulaire, à moins que la preuve contraire ne résulte de circonstances expressément déclarées (2). Voilà un de ces arrêts qui faisaient dire à Merlin: Il ne faut pas juger sur des précédents, mais par des raisons. La décision de la cour est en opposition ouverte avec le texte et avec l'esprit de la loi. Le texte dit que le fonctionnaire révocable conserve son ancien domicile, sauf intention contraire; tandis que la cour lui fait dire qu'il transfère son domicile, sauf intention contraire. A vrai dire, il n'y a aucune présomption légale, pas plus pour la conservation que pour la translation du domicile des fonctionnaires révocables. Tout ce que le législateur dit, c'est que ces fonctionnaires n'ont pas de domicile légal, donc pas de domicile présumé; ils ont la faculté de conserver leur ancien domicile, et ils ont aussi la faculté d'en acquérir un nouveau. En définitive, ils restent dans le droit commun. Non, dit-on; le fonctionnaire révocable doit être dans une

(1) Voyez la jurisprudence dans Dalloz, au mot Domicile, ao 109-111. (2) Arrêt du 21 mai 1835 (section criminelle) dans Dalloz, Recueil, 1835, 1, 112.

« PreviousContinue »