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père et mère mariés doit indiquer la filiation; mais si les comparants ne la déclaraient pas, l'officier ne pourrait la constater d'après la connaissance personnelle qu'il en aurait. C'est en ce sens que le tribun Siméon a dit que les officiers de l'état civil avaient un ministère passif; ils remplissent les fonctions de secrétaire.

Seconde question: L'officier peut-il constater tout ce qui lui est déclaré par les comparants? Il y a des déclarations qui sont prohibées; l'article 85 défend de déclarer qu'un individu est mort assassiné, ou dans une prison, ou sur l'échafaud; donc l'officier ne pourrait pas constater ces faits, s'ils lui étaient déclarés. Il y a ensuite des prohibitions virtuelles. La loi défend la reconnaissance des enfants adultérins ou incestueux (art. 335); il en résulte la défense implicite de faire la déclaration d'une filiation incestueuse ou adultérine. On sait que la Convention nationale approuva le refus d'un officier de constater une filiation adultérine, sur la déclaration de la mère qui voulait afficher son déshonneur. Par la même raison, l'officier ne peut recevoir la déclaration de la paternité naturelle, le code prohibant la recherche de la paternité illégitime (art. 340).

Jusqu'ici tout le monde est d'accord. Il n'en est plus de même quand les comparants font une déclaration que la loi ne commande ni ne défend. La loi ne prescrit pas de déclarer le jour et l'heure du décès. Si la déclaration est faite, et tel est l'usage, l'officier doit-il la recevoir? Sur ce point, il y a dissidence. Demante enseigne que l'officier public doit constater toutes les déclarations qui ne sont pas défendues (1). Cela est contraire au texte et à l'esprit de la loi. Le code ne dit pas que l'officier de l'état civil doit constater tout ce que les parties peuvent déclarer, ou tout ce que la loi ne défend pas de déclarer; la loi est conçue dans les termes les plus restrictifs : les officiers ne pourront rien insérer que ce qui doit être déclaré. Et qu'est-ce qui doit être déclaré? Ecoutons la réponse de Siméon Les parties ne doivent déclarer que ce que la

(1) Demante, Cours analytique de code civil, t. Ier, p. 153, no 80 bis.

loi demande. Si elles vont au delà, l'officier public peut et doit refuser ce qui, dans leurs déclarations, excède ou contrarie le but de la loi (1). » Chabot, l'orateur du Tribunat, est tout aussi explicite: « Ce qui doit être déclaré par les comparants, c'est ce que la loi ordonne d'insérer dans les actes et rien de plus (2). » La loi ne laisse donc aucun doute. Reste à savoir si le législateur a eu raison de se montrer si exclusif, si sévère. Pour répondre à la question, il suffit de considérer le but qu'il a eu en établissant des registres de l'état civil. Ils sont destinés à prouver l'état des hommes. Reçus par des officiers publics, ils sont authentiques; ils font foi par eux-mêmes, tantôt jusqu'à inscription de faux, tantôt jusqu'à preuve contraire. Dès lors le législateur devait veiller à ce que l'officier ne fit d'autres mentions que celles auxquelles il convient de donner force probante. C'est dire que la loi seule peut et doit décider quelles sont les déclarations qui doivent être constatées; l'officier n'est que l'organe et l'instrument de la loi.

18. Siméon dit que le ministère des officiers de l'état civil est passif; ils reçoivent les déclarations qui leur sont faites, ils n'ont pas mission de s'informer si elles sont ou non conformes à la vérité. Cependant il ne faut pas pousser ce principe trop loin. Il est arrivé que des personnes se sont présentées devant l'officier public sous une fausse qualité un tel venait déclarer qu'il consentait au mariage de son fils, alors qu'il n'était pas le père de celui qui voulait contracter mariage. Si le bourgmestre s'aperçoit de l'imposture, faut-il néanmoins qu'il reçoive la fausse déclaration qui lui est faite? Non certes. Il en serait de même si une sage-femme déclarait que telle femme est accouchée, alors que l'officier civil sait que le fait est faux (3). Un homme vient déclarer la naissance d'un enfant dont il se dit le père. L'officier public sait que le déclarant est marié; s'il indique comme mère une autre femme que la sienne, il y aurait déclaration d'une filiation adul

(1) Rapport de Siméon au Tribunat (Locré, t. II, p. 96, no 10). (2) Discours de Chabot (Locré, t. II, p. 105, no 8).

(3) C'est l'opinion de Merlin, Répertoire, au mot Naissance, § 2.

térine; l'officier doit refuser de la recevoir. En ce sens, son ministère n'est pas purement passif. L'officier serait responsable s'il recevait une déclaration qu'il sait fausse et qui est de nature à nuire à un tiers: tel serait le fait d'une filiation adultérine ou incestueuse. Dès lors on ne peut pas lui contester le droit de refuser une déclaration pareille. Tous les auteurs sont d'accord sur ce point (1).

19. Nous renvoyons au texte pour le détail des formalités que le code civil prescrit dans la rédaction des actes. Les actes sont rédigés sur la déclaration des comparants (art. 36). Il y a des cas où la déclaration doit se faire dans un délai déterminé par la loi telles sont les déclarations de naissance. On demande si l'officier public pourrait les recevoir après l'expiration de ce délai. La question a été décidée négativement par un avis du conseil d'Etat du 8 brumaire an XI. S'il était permis de recevoir des déclarations tardives, il serait à craindre qu'elles ne fussent pas l'expression de la vérité; on pourrait ainsi introduire des étrangers dans les familles, ce qui serait une source de désordres. Le conseil d'Etat veut que les actes omis ne soient inscrits sur les registres qu'en vertu de jugements rendus en grande connaissance de cause, contradictoirement avec les personnes intéressées et sur les conclusions du ministère public; le tout comme en matière de rectification. Cet avis ayant été approuvé et publié, a force de loi (2).

Les actes sont reçus en présence de témoins (art. 37). Nous avons déjà dit qu'ils peuvent être étrangers (3). Tous ceux qui figurent dans l'acte doivent signer (art. 39). Les actes sont inscrits de suite sur les registres. Pour éviter les fraudes, la loi veut qu'il n'y ait aucun blanc, que les ratures et les renvois soient approuvés, et que les dates soient écrites en toutes lettres (art. 42). Lecture est donnée de l'acte (art. 38).

(1) Voyez les auteurs cités dans Dalloz, Répertoire, au mot Actes de l'état civil, nos 91 et suiv.

(2) Locré, Législation civile, t. II, p. 137.

(3, Voyez le tome Ier de mes Principes, p. 563, no 451.

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20. Les tribunaux français retentissent depuis quelques années de réclamations concernant les titres de noblesse (1). Tous ceux dont le nom commence par un grand D demandent qu'on rectifie les actes où l'on n'a tenu aucun compte de la précieuse particule de. Tous ceux qui possèdent une terre quelconque qui porte un nom, se hâtent d'agir en justice, pour se faire passer comme descendants des croisés. Que Dieu nous envoie un Molière ou un Béranger pour faire justice de ces niaiseries! Quoique les hobereaux ne nous manquent pas en Belgique, on ne voit pas chez nous de ces misérables procès. Sous le royaume des Pays-Bas, un arrêté royal du 22 juin 1822 ordonna aux officiers de l'état civil d'attribuer dans leurs actes, aux personnes dénommées, les titres de noblesse qui leur appartenaient. A cet effet, le conseil suprême de noblesse devait dresser un état nominatif des personnes dont les titres se trouvaient inscrits sur les registres de la chambre héraldique; puis ces états, dûment approuvés par le roi, devaient être publiés dans le Journal officiel. Nous ne savons si la Belgique a encore le bonheur de posséder une chambre héraldique et un conseil suprême de noblesse. Toutefois notre constitution maintient les titres de noblesse; elle défend seulement d'y attacher aucun privilége. On a dit que ce serait une espèce de privilége si l'officier de l'état civil devait mentionner dans ses actes des titres qui ne sont plus qu'un vain son de mots (2). Mais on pourrait répondre que les titres légale ment conférés font partie du nom, et que toute personne a le droit d'exiger que son nom soit mentionné dans l'acte où elle figure. Nous laissons la question indécise, et nous nous hâtons de passer à un sujet plus sérieux.

(1) Par suite de la loi du 28 mai 1858, qui punit d'une amende de 500 fr. a 10,000 fr. quiconque, sans droit et en vue de s'attribuer une distinction honorifique, aura pris publiquement un titre, changé, altéré ou modifié le nom que lui assignent les actes de l'état civil.

(2) C'est l'opinion professée par les auteurs du Répertoire de l'adminis tration, MM. De Brouckere et Tielemans, t. Ier, p. 195, no 5.

§ II. Nullité. Sanction.

No 1. NULLITÉ.

21. Les formalités prescrites par la loi pour la rédaction des actes de l'état civil doivent-elles être observées sous peine de nullité? D'après les principes que nous avons posés sur les nullités, la décision de la question ne saurait être douteuse (1). La loi ne prononce pas la nullité, on ne pourrait donc l'admettre que si elle était virtuelle, c'est-à-dire si elle résultait de la volonté tacite du législateur. On admet qu'il y a nullité virtuelle quand les formes sont d'une grande importance et que l'intérêt de la société exige cette sanction sévère. Il est évident que tel n'est pas le caractère des formes établies pour les actes de l'état civil. L'article 42 veut que l'officier public y énonce les prénoms, âge, profession et domicile de tous ceux qui y sont dénommés. Il se trouve qu'il a oublié un prénom, qu'il n'a pas marqué l'âge ni la profession. Dira-t-on que ces irrégularités sont si graves que, dans l'intention du législateur, il faut frapper l'acte de nullité? Sans doute, il n'y a pas d'actes plus importants que les actes qui constatent l'état des personnes; mais c'est une raison de plus de ne pas prononcer la nullité pour inobservation de la moindre forme; en effet, ce serait compromettre l'état des hommes, alors que le but du législateur est de l'assurer. Et on compromettrait l'état des citoyens sans qu'il y eût aucune faute à leur reprocher; car d'ordinaire, quand un acte est irrégulier, c'est à la négligence, trop souvent à l'ignorance de l'officier public qu'il faut s'en prendre. Le législateur a donc cherché une autre sanction en établissant des peines contre l'officier de l'état civil.

22. Est-ce à dire qu'il n'y ait jamais nullité? Nous avons admis, avec la doctrine, qu'il y a des formalités substantielles dont l'inobservation vicie l'acte à ce point.

(1) Voyez le tome Ier de mes Principes, p. 80, no 45.

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