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la tutelle aux aïeuls avant de la déférer aux bisaïeuls (1) (art. 402 et suiv.). Y a-t-il réellement analogie? Non, car la tutelle est une charge, et une charge que l'on ne doit pas imposer à des ascendants très-avancés en âge, alors qu'il y en a de plus jeunes et partant plus capables de l'exercer; tandis que, pour consentir, il suffit de l'affection et de quelque intelligence. Dès lors, il n'y a pas de raison de donner une prépondérance au degré quand il y a deux lignes en présence: chaque ligne a un droit à elle. Telle est aussi l'opinion générale (2).

318. Le code civil ne dit pas comment les futurs époux doivent prouver la mort du père, de la mère ou de l'ascendant, s'il y a lieu. D'après la rigueur des principes, ils devraient produire l'acte de décès. Mais le code luimême s'écarte de cette rigueur quand il s'agit d'un acte bien plus important. L'acte de naissance des futurs époux peut être remplacé par un acte de notoriété. A plus forte raison doit-on se montrer facile pour la preuve du décès. Toutefois il fallait une règle émanée du pouvoir qui, sous l'empire de la constitution de l'an VIII, était chargé d'interpréter les lois : tel est l'objet de l'avis du conseil d'Etat du 4 thermidor an XIII (3). Le conseil décide qu'il n'est pas nécessaire de produire les actes de décès des père et mère, lorsque les aïeul ou aïeule attestent le décès. Que si les ascendants dont le consentement est requis sont morts et si l'on est dans l'impossibilité de produire l'acte de leur décès, faute de connaître leur dernier domicile, il peut être procédé à la célébration du mariage des majeurs, sur leur déclaration à serment que le lieu du décès de leurs ascendants leur est inconnu. Cette déclaration doit étre certifiée par serment des quatre témoins de l'acte de mariage, lesquels affirment que, quoiqu'ils connaissent les futurs époux, ils ignorent le lieu du décès de leurs ascendants. Les officiers de l'état civil doivent faire mention, dans l'acte de mariage, desdites déclarations.

(1) Demante, Cours analytique, t. Ier, p. 307, n° 211 bis, II, suivi par Valette sur Proudhon, t. Ier, p. 397, note a.

(2) Mourlon, Répétitions, t. Ier, p. 279 et note. (3) Dalloz, Répertoire, au mot Mariage, no 116.

L'avis du conseil d'Etat ne statue que sur les majeurs. Que faut-il décider des mineurs qui, en cas de décès de leurs ascendants, ont besoin du consentement de famille? On voit, par les considérants de l'avis du 4 thermidor, que, dans la pensée du conseil d'Etat, la marche qu'il indique pour la preuve du décès doit s'appliquer à tous les cas elle est sans danger, dit le conseil, relativement au mariage des majeurs, pour lesquels le consentement n'est pas d'une nécessité absolue et dirimante; et quant aux mineurs, rien n'est à craindre, puisque, à défaut d'ascendants, ils ne peuvent contracter mariage sans le consentement du conseil de famille.

L'on demande si le décès de l'un des père et mère ne pourrait pas être attesté par le survivant? Les auteurs sont divisés; la plupart se contentent de la déclaration du père ou de la mère. Cela est douteux. D'après la rigueur des principes, on pourrait dire qu'il n'appartient pas aux officiers de l'état civil de suppléer au silence de la loi, et de remplacer une preuve légale par une autre preuve. Toutefois l'avis du conseil d'Etat de l'an XIII les y autorise par ses considérants. On y lit que les officiers de l'état civil ne discernent pas assez soigneusement les divers cas que la loi a voulu régler, de ceux qu'elle a laissés à la disposition des principes généraux et du droit commun. Le conseil dit ensuite qu'à Paris les officiers de l'état civil se sont contentés d'actes de notoriété, et même de la simple déclaration des quatre témoins; qu'il n'en est résulté aucun inconvénient ni plainte, tandis qu'il en est, au contraire, résulté beaucoup lorsque, dans des cas pareils, on a voulu être plus rigoureux et exiger davantage. Le conseil approuve donc les officiers de l'état civil qui appliquent la loi de manière à faciliter les mariages, et il entend leur laisser une certaine latitude. Toutefois, nous n'oserions pas poser comme règle que l'un des conjoints peut attester dans tous les cas le décès de l'autre. Est-il à croire, en effet, qu'un époux ignore le lieu où son conjoint est mort? Que s'il le connaît, il doit, en général du moins, produire l'acte de décès, sauf à l'officier de l'état civil à se contenter

de sa déclaration, si, de fait, il lui est impossible de proquire cet acte (1).

N° 2. COMMENT LE CONSENTEMENT DOIT ÊTRE DONNÉ.

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319. Quand les ascendants assistent au mariage, ils donnent leur consentement en présence de l'officier de l'état civil qui le constate dans l'acte qu'il dresse. Mais il se peut que l'ascendant appelé à consentir ne puisse pas ou ne veuille pas se présenter en personne. Dans ce cas, il faut qu'il donne son consentement par un acte authentique l'article 73 semble l'exiger en disant que « l'acte authentique du consentement des père et mère, ou aïeuls et aïeules, contiendra les prénoms, noms, profession et domicile du futur époux et de tous ceux qui auront concouru à l'acte, ainsi que leur degré de parenté. On a toujours entendu cette disposition en ce sens qu'un acte authentique était nécessaire; d'où suit que le consentement ne peut se donner d'une autre manière, par acte sous seing privé, ni tacitement. La cour de Pau, chambres réunies, a décidé, au contraire, que le consentement des ascendants est régi par le droit commun; qu'il peut donc être exprimé par toute espèce d'actes, soit authentiques, soit sous seing privé; qu'il peut même être tacite et résulter d'un ensemble de faits et de circonstances propres à faire connaître l'intention de l'ascendant. Vainement, dit l'arrêt, invoquerait-on l'article 73; cette disposition dit, à la vérité, ce que doit contenir l'acte authentique de consentement, mais il ne dispose pas dans la forme directe et impérative, et surtout il ne prononce pas la nullité pour le cas d'inobservation des formalités qu'il prescrit. Dès lors on reste dans le droit commun (2).

Il nous est impossible d'admettre cette interprétation. Si le consentement des ascendants était régi par le droit commun, l'article 73 serait inutile. La loi parle-t-elle jamais d'un acte authentique, alors qu'elle admet un con

(1) Demolombe, t. III, p. 63, n° 40. Marcadé, t. Ier, p. 397, no 2.
(2) Arrêt du 24 mars 1859 (Dalloz, Recueil périodique, 1860, 2, 157).

sentement tacite? Quoi! le consentement peut se donner tacitement, et la loi énumère longuement les énonciations que doit contenir l'acte authentique! Il est vrai que l'article 173 n'est pas conçu dans une forme impérative. Mais cela n'était pas nécessaire. Cette disposition n'existerait pas dans le code qu'il faudrait encore décider que le consentement des ascendants est un acte solennel. En effet, comment se donne-t-il régulièrement? Par une déclaration reçue par un officier public, donc dans une forme solennelle. Si l'ascendant ne comparaît pas, il peut remplacer son consentement verbal par un consentement littéral, mais l'écrit qui remplace un acte solennel doit naturellement être solennel, c'est-à-dire authentique. L'esprit de la loi l'exige ainsi. C'est pour les plus graves considérations d'ordre social que la loi exige le consentement des ascendants; il faut donc qu'il ne puisse s'élever aucun doute sur ce fait; il faut encore que le consentement soit donné d'une manière réfléchie et comme résultat d'une sérieuse délibération ce qui exclut un consentement tacite. Si la loi veut un acte authentique, c'est que tout est solennel en fait de mariage, le consentement des ascendants aussi bien que celui des futurs conjoints.

Un arrêt de la cour de Toulouse a jugé, conformément à ces principes, que le consentement donné par les père et mère aux conventions matrimoniales de leur enfant ne pouvait pas être considéré comme un consentement suffisant pour la célébration du mariage (1). M. Demolombe, tout en professant que l'article 73 exige que le consentement soit donné dans la forme authentique, dit sur l'arrêt de la cour de Toulouse: « Je ne voudrais pas ériger cette décision en principe, et j'aime mieux me borner à dire que ce sera là une question de fait (2). » Quoi! la question de savoir si le consentement est un acte solennel, ou s'il reste sous l'empire du droit commun, est une question de fait ! S'il est vrai que la loi exige que le consentement se donne dans la forme authentique, comme l'enseigne M. Demo

(1) Arrêt du 29 juillet 1828 (Dalloz, Répertoire, au mot Mariage, no 109). 2) Demolombe, Cours de còde Napoléon, t. III, p. 84 et 78, no 55 et 52.

lombe, peut-on, en ce cas, admettre un consentement tacite? Si le droit doit toujours abdiquer devant le fait, à quoi bon alors le droit, et pourquoi passons-nous notre vie à l'enseigner et nos veilles à l'interpréter?

320. L'acte de consentement donné par l'ascendant doit-il indiquer le nom de la personne avec laquelle le mariage sera contracté? ou peut-il donner à l'enfant le pouvoir de se marier avec qui il voudra, ou laisser le nom en blanc? On est étonné de voir qu'une pareille question soit discutée et qu'il y ait des auteurs qui hésitent à la résoudre négativement. Il y a une raison décisive pour la décider ainsi. Qu'est-ce que l'acte de consentement? Il tient lieu du consentement oral donné en présence de l'officier de l'état civil; il doit donc contenir les déclarations que l'ascendant ferait devant l'officier public, s'il se présentait en personne. Eh bien, est-ce que dans cette solennité le père dit qu'il consent au mariage de son enfant avec un homme ou une femme en blanc? Parlons sérieusement. Consentir, c'est approuver le mariage, après mûre délibération; et sur quoi porte cette délibération? Sur les qualités du futur ou de la future. Donner un consentement général ou en blanc, serait donc une mauvaise plaisanterie. Duranton croit néanmoins que le mariage ne pourrait pas être annulé, si le consentement était donné dans cette forme irrégulière (1). Mais ce prétendu consentement existe-t-il? Voilà la vraie question, et la question n'en est pas une. Non, un consentement général ou donné en blanc n'est pas un consentement; donc il y a nullité. M. Demolombe est de cet avis, mais il ajoute : « Je sais bien avec quelle répugnance les magistrats accueillent les actions en nullité de mariage, et je ne nie pas qu'il pourra souvent arriver, en pareil cas, que le mariage, une fois célébré, soit maintenu (2). Si les tribunaux trouvent bon de se mettre audessus de la loi, ils ont tort, et le devoir de l'interprète est le les rappeler sans cesse à l'observation de la loi; pour mieux dire, il ne doit pas même supposer qu'ils pourraient la violer..

"

(1) Duranton, Cours de droit français, t. II, p. 76, no 91, 92. (2) Demolombe, Cours de code Napoléon, t. III. p. 82, no 53.

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