Page images
PDF
EPUB

coupable ne pourra jamais se marier avec son complice; puis il ajoute que la femme adultère sera condamnée à la reclusion. Eh bien, l'article 308 reproduit cette seconde disposition pour la femme séparée de corps, mais il omet la première. Cela est décisif (i).

No 6. EMPÊCHEMENTS RÉSULTANT DU SERVICE MILITAIRE.

368. Un décret du 16 juin 1808 porte que les officiers ne peuvent se marier qu'après en avoir obtenu la permission par écrit du ministre de la guerre; les sous-officiers et les soldats doivent obtenir la permission du conseil d'administration de leur corps. Des décrets du 3 août et du 28 août 1808 ont généralisé ces dispositions, en les appliquant à tous les corps qui font partie de l'armée.

L'arrêté-loi du 16 février 1814 maintient la législation française pour les officiers; quant aux sous-officiers et soldats, il remplace les conseils d'administration par les chefs de corps. Aux termes de la loi belge du 8 janvier 1817, ceux qui veulent contracter mariage doivent prouver qu'ils ont satisfait aux lois sur la milice (art. 197). Cette disposition est sanctionnée par l'article 164 du code pénal belge.

No 7. LA PRÊTRISE CONSTITUE-T-ELLE UN EMPÊCHEMENT}

369. Cette question, si vivement débattue en France, n'en est plus une en Belgique. Notre constitution établit non-seulement la liberté religieuse la plus illimitée, elle consacre de plus, dans de certaines limites, la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Aux termes de l'article 16, l'Etat n'a pas le droit d'intervenir dans la nomination ni dans l'installation des ministres d'un culte quelconque. C'est dire qu'aux yeux de la loi, il n'y a plus de ministres du

(1) Arrêt de Toulouse du 10 juin 1852 (Dalloz, Recueil périodique, 1852, 2, 169). Comparez Demolombe, t. III, p. 172, no 126.

culte. M. Nothomb, grand partisan du principe de la séparation, a proclamé cette conséquence en termes énergiques, en disant que le prêtre n'est, aux yeux de la loi, qu'un individu; il en conclut que la prêtrise n'est plus un empêchement au mariage (1). Cela est admis sans contestation aucune. Les prêtres se marient en Belgique; si parfois il y a eu opposition à ces mariages, les tribunaux en ont toujours accordé mainlevée.

370. Nous croyons qu'il en est de même en droit français. Comme la question n'intéresse pas nos lecteurs belges, nous nous bornerons à résumer rapidement le débat. Le droit canonique considérait les ordres comme un empêchement dirimant, et par suite de l'union intime qui existait entre l'Eglise et l'Etat, sous l'ancien régime, l'empêchement canonique devint un empêchement civil. Les magistrats les plus distingués ne parlaient du mariage des prêtres qu'avec une espèce d'horreur. Ecoutons Talon: Quiconque sert à l'autel est incapable du mariage. L'opinion contraire à cette maxime est hérésie dans un royaume très-chrétien, et l'action contraire est un crime capital selon nos mœurs (2).

[ocr errors]

"

Les mœurs changèrent subitement après 89. Peut-être faudrait-il dire que le législateur devança les sentiments et les idées de là la triste réaction qui se fait dans la patrie de Voltaire. Un décret du 19 février 1790, reproduit pas la constitution de 1791, déclare que la loi ne reconnaît plus ni vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels. C'était dire, aussi clairement que possible, que l'engagement contracté par les prêtres, lors de leur ordination, de vivre dans la continence, ne serait plus désormais rien aux yeux de la loi civile; aussi la loi du 20 septembre 1792 ne placet-elle pas la prêtrise parmi les empêchements au mariage. Plusieurs décrets furent rendus en ce sens par la Convention nationale; nous nous bornons à citer celui du 19 juillet 1793, qui condamna à la déportation les évêques qui

(1) Discussions du Congrès national de Belgique, t. Ier, p. 597. (2) Merlin, Répertoire. au mot Célibat, no 3.

apporteraient, directement ou indirectement, obstacle au mariage des prêtres.

Le concordat, en restaurant les autels, entendit-il rétablir l'empêchement légal résultant de la prêtrise? Portalis, le négociateur du concordat, répondra à notre question: Pour les ministres que nous conservons, dit-il, la défense qui leur est faite du mariage par les règlements ecclésiastiques n'est pas consacrée comme empêchement dirimant dans l'ordre civil. Ainsi leur mariage, s'ils en contractaient un, ne serait pas nul aux yeux des lois politiques et civiles, et les enfants qui en naîtraient seraient légitimes. >>

66

Le code civil a-t-il modifié cet état de choses? C'est encore Portalis qui a exposé les motifs du titre du Mariage. Il y proclame, bien que catholique sincère, l'indépendance absolue de la loi civile en face de l'Eglise. D'après ce principe, dit-il, l'engagement dans les ordres sacrés, le vœu monastique et la disparité de culte qui, dans l'ancienne jurisprudence, étaient des empêchements dirimants, ne le sont plus. Ils ne l'étaient devenus que par les lois civiles qui avaient sanctionné les règlements ecclésiastiques. Ils ont cessé de l'être depuis que la liberté de conscience est devenue elle-même une loi de l'Etat (1).

"

Nous conclurons avec Merlin que l'empêchement au mariage résultant de la prêtrise n'existe plus, et qu'il ne faut qu'un mot pour le prouver : c'est que le code ne parle pas de cet empêchement, et que, d'après l'article 7 de la Îoi du 30 ventôse an XII, son silence seul vaut abrogation de l'ancienne jurisprudence. Comment se fait-il donc que la question soit toujours controversée en France? Cela tient aux préjugés catholiques qui se sont réveillés avec la réaction. Mais les jurisconsultes ne devraient pas oublier les glorieuses traditions de leur ordre: ils ont toujours été et ils doivent rester les défenseurs de l'autorité civile contre les empiétements de l'Eglise.

(1) Portalis, Exposé des motifs, n° 27 (Locré, t. II. p. 386).

No 8. DE LA MORT CIVILE.

371. L'article 25 du code civil porte: « Le mort civilement est incapable de contracter un mariage qui produise aucun effet civil. » Cette affreuse législation de la mort civile est abrogée en Belgique et en France. Notre constitution, en abolissant la mort civile, ajoute qu'elle ne peut être rétablie (art. 13). La question de savoir si la mort civile est encore un empêchement au mariage ne peut donc plus se présenter que pour les étrangers. On lit dans le Répertoire du droit administratif, que l'étranger qui aurait été condamné dans son pays à une peine emportant mort civile ne pourrait se marier en Belgique. La raison en est, dit M. Tielemans, que les lois concernant l'état et la capacité régissent les personnes, même lorsqu'elles résident en pays étranger (1). Il est vrai que ce principe est inscrit dans l'article 3 du code Napoléon; mais il est aussi de principe que le statut personnel ne peut pas être invoqué, lorsqu'il est en opposition avec une loi fondamentale d'ordre politique (2). Or, l'article 13, qui abolit la mort civile, est placé dans le titre II de notre constitution, c'est-à-dire parmi les droits des Belges. C'est donc là une de ces dispositions qui tiennent à la liberté et qui l'emportent sur le statut de l'étranger.

N° 9. DE L'INTERDICTION LÉGALE.

372. Celui qui est condamné à la peine de mort ou aux travaux forcés est interdit, c'est-à-dire que l'arrêt qui le condamne prononce contre lui l'interdiction de certains droits. Cette interdiction légale entraîne-t-elle l'incapacité de contracter mariage? Sous l'empire du code pénal français, on pouvait le soutenir avec quelque raison, et c'est en effet l'opinion assez générale (3). L'article 29 du code de 1810 porte que celui qui est condamné aux travaux

(1) Tielemans, Répertoire de l'administration, t. Ier, p. 211.
(2) Voyez le tome Ier de mes Principes, p. 124, no 85.
(3) Zachariæ, Cours de droit civil français, t. III, § 464, p. 284.

forcés ou à la reclusion est en état d'interdiction légale. On pouvait donc assimiler cette interdiction à celle que les tribunaux civils prononcent, et en induire une incapacité générale, absolue. Le code pénal belge détermine les effets de l'interdiction légale; ils ne concernent que les biens (art. 22). Cela décide la question, les incapacités étant de stricte interprétation, et les peines aussi devant être interprétées restrictivement.

N° 10. EFFETS DES EMPÊCHEMENTS.

373. Tout empêchement au mariage emporte prohibition de le célébrer. Mais quelle est la sanction de cette prohibition? Il y a, pour la plupart des cas, une sanction pénale; nous en avons fait mention en rapportant les divers empêchements. Ni le code civil, ni le code pénal n'établissent de peine pour les empêchements naissant du divorce. C'est une lacune; nous ne savons pourquoi le nouveau code belge l'a laissée subsister. Il y a de plus une sanction civile pour les empêchements qui constituent un inceste c'est la nullité du mariage. Y a-t-il aussi nullité pour les autres empêchements? Nous examinerons cette question en traitant des nullités.

SECTION V. - Des oppositions au mariage.

374. Le code civil traite de l'opposition dans le chapitre III, et, dans le chapitre II, des formalités relatives à la célébration du mariage. Il y a, en effet, des formalités qui sont prescrites pour la validité du mariage; logiquement, il faudrait donc rattacher cette matière à celle des conditions requises pour la validité du mariage. Si nous nous écartons de cet ordre, c'est qu'il y a des formalités qui ont leur raison d'être dans le droit d'opposition; il convient donc de commencer par cette dernière matière.

Le code accorde à certaines personnes le droit de former opposition au mariage, ce qui veut dire qu'elles peuvent laire défense, par acte d'huissier, à l'officier public de

« PreviousContinue »