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célébrer le mariage. Sur cette opposition, l'officier de l'état civil doit surseoir à la célébration jusqu'à ce qu'on lui en ait remis la mainlevée. Quels sont les motifs pour lesquels la loi permet d'arrêter la célébration du mariage par voie d'opposition? Il y a des motifs généraux; il y en a qui sont particuliers aux ascendants.

L'officier de l'état civil ne peut célébrer le mariage que si les futurs époux remplissent toutes les conditions prescrites par la loi. Comment s'assurera-t-il de ce fait? Les parties contractantes doivent lui remettre les pièces qui constatent qu'elles ont satisfait à toutes les prescriptions de la loi. Mais les parties peuvent elles-mêmes ignorer un empêchement, ou tromper l'officier public. Il fallait donc permettre aux plus proches parents d'informer l'officier de l'état civil des empêchements, soit prohibitifs, soit dirimants, qui portent obstacle à la célébration du mariage. Tel est le but de l'opposition. Pour les empêchements prohibitifs, c'est la seule sanction efficace. Pour les empêchements dirimants, il y a une sanction sévère, la nullité du mariage; mais l'annulation du mariage jette le trouble dans les familles, elle compromet l'avenir des époux et surtout celui des enfants. Il faut donc dire avec Portalis qu'il est plus expédient de prévenir le mal; car il ne peut jamais être entièrement réparé.

Le droit d'opposition que la loi accorde aux ascendants peut être exercé, s'il y a un empêchement au mariage; cela va sans dire. Mais il peut aussi l'être alors qu'il n'y a aucun empêchement légal. Dans ce cas, le but de l'opposition est d'arrêter le mariage, au moins pendant quelque temps, jusqu'à ce que les tribunaux aient prononcé la mainlevée de l'opposition. Pourquoi la loi donne-t-elle aux ascendants le pouvoir d'entraver un mariage, et de le faire manquer peut-être, alors qu'il n'y a aucune cause légale d'empêchement? Il est vrai que l'enfant arrivé à un certain âge peut se marier sans le consentement de ses ascendants; mais il se peut que ce mariage fasse le malheur de l'enfant et la honte de la famille, si une passion funeste l'aveugle. La loi a donc dû donner aux ascendants un dernier moyen de sauver celui qui court à sa

ruine. Elle ne craint pas que les ascendants abusent de co droit, elle suppose et elle doit supposer qu'ils n'agissent jamais que par affection.

§ Ier. Qui peut former opposition?

375. Dans l'ancien droit, le pouvoir de former opposition n'était pas limité à certains parents; la jurisprudence ouvrait en quelque sorte une action populaire, comme le dit Portalis (1). C'était une source d'abus. La cupidité poussait les uns, la malice les autres, à s'opposer à un mariage qui contrariait leurs intérêts ou qui leur déplaisait. Portalis nous apprend que la vanité du rang et de la fortune jouait un grand rôle dans ces oppositions tracassières ou méchantes. L'orateur du gouvernement espère que, sous le régime de l'égalité, les époux pourront céder aux douces inspirations de la nature, et qu'ils n'auront plus à lutter contre les préjugés de l'orgueil et contre les vanités sociales qui mettaient dans les alliances la gêne, la nécessité ou la fatalité du destin même. Nous partageons ces espérances, mais toujours est-il que le législateur a bien fait d'opposer une barrière légale aux mauvaises passions. Il a donc restreint le droit d'opposition, d'abord en le limitant à certaines personnes, et il est de principe que l'opposition ne peut être formée que par ceux à qui le code donne ce pouvoir. Puis le législateur a déterminé les causes pour lesquelles le droit d'opposition peut être exercé; et ces causes sont également limitées, partant de stricte interprétation. Il n'y a d'exception à cette règle que pour les ascendants, dont le droit, par sa nature, est illimité.

N° 1. DROIT DU CONJOINT.

376. Le droit de former opposition, dit l'article 172, appartient à la personne engagée par mariage avec l'uno des deux parties contractantes. » C'est la plus légitime et

(1) Exposé des motifs, n° 36 (Locré, t. II, p. 388).

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la plus grave de toutes les causes d'opposition. L'époux qui la forme defend son titre, il réclame l'exécution de la foi promise, et il prévient un crime honteux, la bigamie. Il faut naturellement qu'il prouve son titre, c'est-à-dire qu'il est engagé par mariage avec l'une des deux parties contractantes. » Par mariage, dit notre texte; donc la simple promesse de mariage ne suffit plus pour donner le droit d'opposition, en supposant même que cette promesse soit valable, ce que nous n'admettons pas. C'est une dérogation à l'ancien droit. Il faut aussi que le mariage soit un mariage légal, célébré devant l'officier de l'état civil. Il a été jugé qué la célébration d'un mariage religieux devant un prêtre ne donnait pas le droit d'opposition (1). Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Qu'est-ce, en effet, que le mariage religieux, alors qu'il n'est pas précédé d'une célébration devant l'officier de l'état civil? M. Nothomb l'a dit au Congrès, c'est un concubinage, car la loi ne connaît point de mariage religieux. Enfin, il faut la preuve légale du mariage, c'est-à-dire un acte de célébration inscrit sur les registres de l'état civil (art. 194). La loi n'admettant pas la preuve par la possession d'état (art. 195), il est certain que la possession d'état n'autorise pas celui qui l'invoque à former opposition au mariage (2).'

No 2. DES ASCENDANTS.

377. « Le père, dit l'article 173, et à défaut du père, la mère, et à défaut de père et mère, les aïeuls et aïeules, peuvent former opposition au mariage de leurs enfants et descendants, encore que ceux-ci aient vingt-cinq ans accomplis. Du principe que nous avons posé sur le droit d'opposition, faut-il conclure qu'il n'y a que les ascendants nommés dans l'article 173 qui aient le droit d'opposition? S'il en était ainsi, les bisaïeuls n'auraient pas ce droit. Mais nous avons déjà remarqué que la loi entend par aïeuls les ascendants à tous les degrés. Cela résulte å

(1) Demolombe, Cours de code Napoléon, t. III, p. 222, n. 139. (2) Arrêt du 16 octobre 1809 (Dalloz, au mot Culte, no 115, 2o).

l'évidence de la combinaison de l'article 173 avec l'article suivant, qui porte: A défaut d'aucun ascendant, le frère ou la sœur, etc. » Donc tout ascendant a le droit de former opposition au mariage de ses descendants, sans distinction de degré.

Mais les ascendants n'exercent pas ce droit concurremment; la loi ne le leur défère que graduellement. Le père y est appelé en première ligne; à son défaut, la mère, c'està-dire si le père est mort ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté. De même, ce n'est qu'au défaut du père et de la mère que ce droit est dévolu aux aïeuls et aïeules. La loi veut que le droit d'opposition soit exercé graduellement, parce qu'elle suppose que si l'ascendant le plus proche garde le silence, il n'y a pas de motif de s'opposer au mariage. Elle tend donc à prévenir les oppositions tracassières. S'il importe que les ascendants aient le droit d'opposition, il importe aussi qu'ils l'exercent sérieusement; car les descendants ont également un droit, celui de contracter mariage, quand ils ont atteint la majorité légale, et qu'il n'y a pas de cause d'empêchement.

378. Les père et mère ont un intérêt égal au mariage de leur enfant, on doit leur supposer la même affection; pourquoi donc la mère n'a-t-elle le droit d'opposition que lorsque le père est mort, ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté? Il semble que si le père est un homme indifférent ou négligent, la mère devrait avoir le droit de former opposition. Au point de vue de l'intérêt et de l'affection, cela devrait être, mais il y a un principe de droit qui s'y oppose. C'est le père qui exerce la puissance paternelle pendant le mariage, à l'exclusion de la mère (art. 373). Son consentement suffit pour la validité du mariage, quand la mère refuse d'y consentir (art. 148). Dès lors son silence est décisif; légalement, la mère ne peut pas agir, quand le père se tait et approuve par cela même.

Que faut-il décider si l'enfant ne demande pas le consentement ni le conseil de sa mère? La mère peut-elle, en ce cas, former opposition au mariage? Il faut répondre négativement, comme nous l'avons déjà fait; car le texte est formel: A défaut du père, la mère. » Le législateur

aurait dû distinguer. On conçoit que, régulièrement, la mère ne puisse pas agir quand le père approuve le mariage par son silence. Mais quand l'enfant a manqué à son devoir et aux convenances, au point de ne pas même consulter sa mère, il y a un motif légal d'opposition. En effet, l'officier de l'état civil ne peut pas procéder à la célébration du mariage, si l'enfant n'a pas demandé le consentement de sa mère pourquoi ne pas permettre à la mère de porter ce fait à sa connaissance par une opposition? Il y a des tribunaux qui ont accueilli l'opposition de la mère, en ce sens qu'ils ont ordonné, avant de prononcer la mainlevée, que l'enfant sera mis pendant quelques jours en communication avec sa mère. Merlin approuve ce tempérament c'est, dit-il, laisser à l'article 148 tout son effet, sans violer l'article 173 (1). Est-il bien vrai que l'article 173 n'est pas violé? Il l'est par cela seul que le juge ne prononce pas immédiatement la mainlevée d'une opposition formée par une personne sans qualité. Que reste-t-il donc à faire à la mère? Elle peut dénoncer à l'officier de l'état civil le fait que l'enfant n'a pas demandé son consentemer t ou son conseil. Si une instance est engagée sur la dema ide de la mère, elle peut dénoncer son action à l'officier, comme l'a décidé le tribunal de Gand par un jugement confirmé en appel (2). Ce sera une opposition indirecte; mieux eût valu lui accorder le droit d'agir directement.

319. « A défaut de père et mère, les aïeuls et aïeules peuvent former opposition au mariage. S'il y a un aïeul et une aïeule dans une même ligne, l'aïeule peut-elle former opposition quand l'aïeul garde le silence? Si l'on s'en tenait à la lettre de la loi, il faudrait lui reconnaître ce dr it, car elle ne dit pas l'aïeule à défaut de l'aïeul, elle dit les aïeuls et aïcules. Mais si l'on interprète la loi ainsi, on la mel en contradiction avec les principes sur la puissance maritale que nous venons de rappeler, principes que la loi applique dans l'article 173. L'aïeule est la femme de

(1) Merlin, Répertoire, au mot Opposition à un mariage, no 4
(2) Arrêt de Gand du 27 décembre 1850 (Pasicrisie, 1851, 2, 39),

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