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naître l'obstacle qui arrête leur union. Toutefois si l'opposition n'était signifiée qu'à celui contre lequel elle est dirigée, pourrait-il soutenir que l'opposition est non avenue? Non, car il y a, dans ce cas, opposition signifiée au principal intéressé. La question de savoir si cette opposition est valable, quoiqu'elle n'ait pas été signifiée à l'autre partie, n'est plus une question d'existence de l'opposition, mais une question de validité. Or, la loi ne prononce pas la nullité; dès lors il y a lieu d'appliquer l'article 1030 du code de procédure.

L'acte d'opposition doit encore être signifié, aux termes de l'article 66, à l'officier de l'état civil. Quel est cet officier? La loi n'ajoute pas, comme elle le fait dans l'article 176, « du lieu où le mariage devra être célébré. » Mais tel est évidemment le sens de la disposition; car ce n'est pas aux officiers de l'état civil que la signification doit se faire, c'est à l'officier, donc à un seul, et naturellement à celui qui est appelé à célébrer le mariage. Quel est cet officier? Ce peut être l'officier de deux ou de quatre communes, comme nous venons de le dire. La loi ne décidant pas la difficulté, il faut appliquer à l'article 66 ce que nous avons dit de l'article 176.

395. L'article 66 ajoute que l'officier de l'état civil doit mettre son visa sur l'original. C'est une formalité que tout officier public doit remplir quand il reçoit une signification (code de procédure, art. 68); elle a pour but, dans l'espèce, de constater que réellement une opposition a été signifiée à l'officier de l'état civil. Sans le visa mis sur l'original, celui-ci pourrait nier le fait. En prescrivant le visa, la loi prévient un conflit entre l'officier de l'état civil et l'huissier, et elle assure en même temps le droit d'opposition.

Aux termes de l'article 67, l'officier de l'état civil doit faire mention, sans délai, des oppositions sur le registre des publications. C'est une mesure d'ordre qui constate l'opposition et empêche par conséquent l'officier public de passer outre à la célébration du mariage.

§ III. Effets de l'opposition.

No 1. PRINCIPE GÉNÉRAL.

396. L'officier de l'état civil à qui une opposition est signifiée doit-il toujours, et dans toute hypothèse, surseoir à la célébration du mariage? C'est une question très-controversée. Dans l'ancien droit, elle ne faisait pas de doute.

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L'opposition, dit Pothier, quelque mal fondée qu'elle paraisse, doit empêcher le curé de passer outrée à la célébration du mariage, jusqu'à ce qu'il ait été donné mainlevée ou par la partie opposante, ou par le juge (1). » Cela tenait aux principes de l'ancienne jurisprudence sur le droit d'opposition. L'action était populaire; il n'y avait rien ds limité, ni quant aux personnes, ni quant aux causes; dès lors toute opposition devait arrêter le mariage. La loi du 20 septembre 1792 posa le principe tout à fait contraire. Toutes oppositions, dit-elle, formées hors les cas, les formes, et par toutes personnes autres que celles ci-dessus désignées, seront regardées comme non avenues, et l'officier public pourra passer outre à la célébration du mariage. (Tit. IV, sect. III, art. 9.)

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Quel est le système du code? L'article 68 porte: « En cas d'opposition, l'officier de l'état civil ne pourra célébrer le mariage avant qu'on ne lui en ait remis la mainlevée, sous peine de trois cents francs d'amende et de tous dommages-intérêts. » En comparant ce texte avec le passage de Pothier et avec la loi de 1792, on serait tenté de croire que les auteurs du code ont consacré l'ancienne doctrine. C'est en ce sens qu'un arrêt de la cour de Bruxelles a interprété l'article 68 (2), et tel est aussi l'avis de Zachariæ (3). Quel est l'effet de l'opposition? L'article 68 répond qu'en cas d'opposition, l'officier public doit surseoir; il ne distingue pas entre les oppositions légales et les opposi

(1) Pothier, Traité du contrat de mariage, no 82.

(2 Arrêt du 6 juillet 1816 (Dalloz, au mot Mariage, no 301 et Pasicrisie, 1816, 164).

(3) Zachariæ, Cours de droit civil français, t. III, p. 236, § 456,

tions illégales. Or, le législateur avait sous les yeux la loi de 1792, qui autorisait formellement l'officier public à passer outre, quand l'opposition était illégale; par cela seul que les auteurs du code n'ont pas reproduit ce principe, ne faut-il pas dire qu'ils l'ont rejeté? Le texte même de la loi prouve, dit-on, que telle a été leur volonté; c'est le tribunal qui est appelé à juger de la légalité ou de l'illégalité de l'opposition, ce n'est pas l'officier de l'état civil. Aussi Tronchet et Thibaudeau soutenaient-ils, lors de la discussion au conseil d'Etat, que les actes d'opposition ne devaient pas être motivés, vu que l'officier de l'état civil n'était pas juge des motifs (1). S'il n'est pas juge des motifs, il n'est pas davantage juge de la qualité des opposants, ni de la forme de l'acte on lui signifie une opposition, son devoir est de s'arrêter.

Le texte paraît décisif, ainsi que l'esprit de la loi, et cependant ils ne le sont ni l'un ni l'autre. Il faut voir, avant tout, quel est le système du code en matière d'opposition: a-t-il suivi la doctrine de l'ancien droit? a-t-il suivi celle ne 1792? Nous avons d'avance répondu à la question. Portalis nous dit que le législateur n'a pas voulu d'action populaire; voilà pourquoi il a déterminé, avec une sévérité extrême, quelles sont les personnes qui peuvent former opposition, les causes pour lesquelles l'opposition peut être faite, et les formes dans lesquelles elle doit être rédigée. Toutes ces dispositions sont limitatives, restrictives; cela n'est pas douteux. C'est bien là le système de la loi de 92. Les auteurs du code ont voulu prévenir les abus auxquels l'ancienne doctrine avait donné lieu. Eh bien, si l'on admet que l'officier de l'état civil doit s'arrêter devant toute opposition, les abus renaîtront, et la loi les autorisera, en quelque sorte, alors qu'elle a voulu les empêcher. Elle défend à l'enfant de former opposition au mariage de son père; il fera opposition et l'officier public devra la respecter : elle produira le même effet qu'une opposition légale, puisqu'elle arrêtera le mariage jusqu'à ce que mainlevée en ait été donnée (1).

(1) Morrlon, Répétitions, t. Ier, p. 323 et suiv.

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Cela est inadmissible. Aussi les auteurs mêmes qui enseignent que l'officier de l'état civil n'est pas juge de la légalité de l'opposition, reculent-ils devant les conséquences de leur doctrine. Le premier venu pourra-t-il former opposition? Non, dit M. Demolombe. Peut-on former opposition dans toute forme, même par lettre, même verbalement? Non, encore. L'acte fût-il régulier en la forme, ajoute Marcadé, l'officier public pourrait n'en tenir aucun compte, si certainement et évidemment elle n'était pas sérieuse. Et qui décidera si elle est ou non sérieuse? L'officier de l'état civil; le voilà donc constitué juge, de l'aveu de ceux-là mêmes qui disent qu'il n'est pas juge! Est-ce à dire que l'officier public soit toujours juge de l'opposition? Non, certes, car le code dit que le tribunal est juge. On doit donc rejeter, et sans hésiter, la doctrine qui autoriserait l'officier de l'état civil à se constituer juge de l'opposition. Et si l'on doit aussi rejeter la doctrine contraire qui lui commande de respecter toute opposition, que faut-il donc décider en définitive, et qu'est-ce que l'officier public peut faire, que ne peut-il pas faire?

Nous croyons qu'il faut interpréter le texte par l'esprit de la loi. Qu'a-t-elle voulu empêcher? Que l'opposition ne dégénérât en action populaire. Or, il n'y a qu'un moyen de l'empêcher, c'est de donner à l'officier de l'état civil le droit de passer outre quand l'opposant est sans qualité. Il ne s'arrêtera donc pas devant une opposition faite par un neveu, par un collatéral du cinquième degré. L'esprit de la loi le veut ainsi, et même le texte. Quand l'opposition est formée par celui qui n'a point le droit de la faire, il n'y a pas d'opposition. Dira-t-on que c'est donner à l'officier de l'état civil le droit de repousser l'opposition du ministère public, puisque le code ne le nomme pas? Non, car le ministère public invoque une loi, celle de 1810; il y a donc un texte. Et ce n'est pas à l'officier de l'état civil à décider si le texte est applicable à l'opposition: il n'est pas juge des questions litigieuses.

Que faut-il dire des formes? Il y en a qui sont prescrites à peine de nullité; si l'une de ces formes est omise, l'officier de l'état civil peut-il passer outre? Nous croyons qu'il

faut distinguer. Les auteurs mêmes qui refusent à l'officier public le droit de rejeter une opposition illégale, disent qu'il ne doit pas s'arrêter devant une opposition informe, telle que serait une opposition par lettre. Pourquoi? Parce que, dans ce cas, il n'y a réellement pas d'opposition. Il n'y en aurait pas davantage si l'opposition n'était pas faite par acte d'huissier. L'opposition est un acte solennel; or, les actes solennels n'existent que s'ils sont dressés par l'officier public compétent. Faits par tout autre officier, ils n'existent pas aux yeux de la loi. Mais dès que l'opposition est signifiée par exploit d'huissier, l'officier de l'état civil doit s'arrêter; il n'est pas juge de la validité de l'acte, parce que ceci est une question litigieuse sur laquelle les auteurs ne sont pas d'accord.

Pour les motifs aussi, il y a une distinction à faire. Il y a des oppositions qui doivent être motivées, ce sont celles des collatéraux. Si un collatéral faisait une opposition sans motif aucun, l'officier public pourrait passer outre, à notre avis, car les motifs sont de l'essence de cette opposition. Mais il n'est pas juge de la validité de ces motifs, parce que cette question est susceptible de controverse. La prêtrise, par exemple, est-elle un motif légal d'empêchement? Non; toutefois la question est si vivement controversée en France, qu'elle doit au moins passer pour controversable en Belgique; or, dès qu'il y a possibilité de litige, l'officier de l'état civil est incompétent,

A l'appui de notre opinion, nous citerons les paroles de Siméon, dans son rapport au Tribunat : « En vertu du principe que les officiers de l'état civil en sont les ministres et non les juges, les oppositions, pourvu qu'elles soient en forme régulière, les arrêteront (1). Tel est aussi l'avis de Merlin.

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No 2. DE LA MAINLEVÉE DE L'OPPOSITION.

397. L'article 66 dit que l'officier de l'état civil ne peut célébrer le mariage avant qu'on lui en ait remis la main

(1) Siméon, Rapport, no 27 (Locré, t. II, p. 98). Merlin, Répertoire, au mot Opposition, question 1re sur l'article 177. Valette sur Proudhon, Traité sur l'état des personnes, t. I, p. 419, note.

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