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haute importance de la publicité. La compétence de l'officier public, comme nous le dirons plus loin, joue aussi un rôle dans la publicité; c'est la raison pour laquelle la loi permet d'annuler le mariage célébré par un officier incompétent.

411. Quelle est la sanction des formalités dont l'inobservation n'entraîne pas la nullité du mariage? Il y en a que le législateur sanctionne par une amende (art. 192, 193); il y en a qui n'ont aucune sanction pénale (art. 75, 66). Ont-elles une sanction civile? Si une irrégularité cause un dommage aux époux ou aux tiers, l'officier public qui l'a commise sera responsable. L'acte de mariage, par exemple, doit être rectifié; c'est l'officier de l'état civil qui a commis l'irrégularité, il est responsable en vertu du principe général posé par les articles 1382 et 1383. La responsabilité civile peut concourir avec la sanction pénale (art. 52).

§ II. Où le mariage doit-il être célébré.

412. Un auteur français se plaint qu'après tant d'années écoulées depuis la publication du code, on ne soit pas encore d'accord sur cette question d'un intérêt usuel: Où le mariage doit-il être célébré (1)? La plainte est fondée, mais à qui la faute? Est-ce le législateur qui est coupable? ou sont-ce les interprètes? Nous croyons que la loi est on ne peut plus claire; si, malgré cela, la question est si controversée que la doctrine désespère d'arriver à une solution définitive, il faut bien que la faute en soit à ceux qui interprètent la loi. Il en est de cette controverse comme de bien d'autres; si les interprètes avaient plus de respect pour le texte de la loi, s'ils ne lui faisaient pas violence pour y chercher ce qu'ils désirent y trouver, il aurait bien moins de questions controversées; notre science gagnerait en certitude et en autorité, car ce qu'on reproche précisément aux légistes, ce sont leurs éternelles discussions; ils discutent tant, dit-on, qu'ils finissent par douter de tout, même des vérités les plus évidentes. Nous

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(1) Valette, Explication sommaire du livre Ier du code Napoléon, p. 91.

offrons un remède contre ce mal aux jeunes docteurs, avocats ou magistrats, c'est le respect du texte et des principes; ils rencontreront toujours des difficultés, mais il en restera peu dont la décision soit douteuse.

Nous demandons où le mariage doit se célébrer, nous ne demandons pas où la célébration peut avoir lieu. S'il est vrai, et cela ne fait pas de doute, que le mariage doit être entouré de la plus grande publicité, il faut que la loi détermine le lieu où le mariage doit être célébré, afin qu'il ait toute la publicité possible. Il ne peut pas s'agir ici d'une faculté laissée aux parties; ce n'est pas une question de liberté, c'est une question d'intérêt social. Voilà ce que la nature des choses nous dit, et ce principe est confirmé par nos textes. L'article 74 porte: « Le mariage sera célébré dans la commune où l'un des époux aura son domicile. Sera, dit la loi, c'est le style impératif, c'est un commandement qui ne laisse rien à l'arbitraire des parties. Quel est ce domicile? Est-ce le domicile de droit défini par l'article 102, le lieu où tout Français a son principal établissement, le lieu où il exerce ses droits civils? L'article 74 répond à notre question : « Ce domicile, quant au mariage, s'établira par six mois d'habitation continue dans la même commune. » Il y a donc un domicile, quant au mariage, ce qui indique un domicile spécial, partant une exception à l'article 102. En effet, la loi dit que ce domicile spécial s'établit par six mois d'habitation continue, donc par la résidence, à la différence du domicile de droit qui peut, à la rigueur, exister sans résidence aucune; qui, en tout cas, existe alors même qu'il n'y aurait qu'une résidence d'un jour (1). Combinons maintenant la définition que l'article 74 donne du domicile, quant au mariage, avec le principe posé par ce même article sur le lieu où le mariage sera célébré; nous aboutirons à cette conséquence claire comme la lumière du jour : le mariage doit être célébré dans la commune où l'un des époux a une habitation continue de six mois.

Telle est la règle posée par l'article 74; certes, il n'y a

(1) Voyez plus haut, no 79, p. 108.

pas de texte plus clair dans tout le code civil. Il faut dire encore la raison pour laquelle la loi établit un domicile spécial, quant au mariage. La définition même de ce domicile nous fait connaître le motif pour lequel la loi a fait exception au domicile général; c'est l'habitation continue pendant six mois qui le détermine, tandis que le domicile de droit est indépendant de l'habitation, en ce sens que l'on peut avoir son domicile de droit là où l'on n'habite pas. Pourquoi, au lieu de maintenir le domicile de droit pour la célébration du mariage, le législateur a-t-il prescrit un domicile spécial qui s'établit par la résidence? Il a choisi le lieu où les futurs époux sont connus, parce que le mariage n'est réellement public que s'il est célébré là où tous les intéressés connaissent les époux. Faut-il demander si ce lieu est celui de la résidence ou du domicile de droit? Ce sont des mineurs qui se marient; ils habitent Gand, tandis que leur tuteur est domicilié à Bruges, où les futurs époux n'ont jamais mis le pied. Où seront-ils connus? à Gand ou à Bruges? Le domicile de droit peut être inconnu, il est parfois fictif, il faut être jurisconsulte pour dire où il est. Et c'est à un domicile inconnu, fictif, contesté ou contestable, que la loi ordonnerait de célébrer le mariage, alors qu'elle veut que la célébration soit connue de tous ceux qui ont intérêt à la connaître ! Le législateur a été plus logique; il n'a pas voulu que le mariage fût célébré au domicile de droit, parce que très-souvent le mariage n'y aurait pas eu de publicité. Il a voulu que le mariage soit célébré là où les futurs habitent depuis six mois; là on doit les connaître, puisqu'on les voit tous les jours. Mais pour être bien sûr qu'on les y connaît, la loi prescrit que l'habitation soit continue; encore une règle spéciale au domicile, quant au mariage, exception qui prouve de nouveau que nous sommes en dehors du droit commun (1).

413. Nous pourrions encore invoquer l'ancien droit et la loi de 1792, quo le code n'a fait que reproduire. Mais il y a aussi controverse sur l'ancien droit; pour ne pas

(1) Duranton, t. II, p. 163, nos 220-224. Marcadé, t. Fer, p. 433, no 1 de l'article 74.

embarrasser le débat en y mêlant un autre débat, nous préférons nous en tenir au code civil. Qu'oppose-t-on au texte si clair de l'article 74 et à l'esprit de la loi, tout aussi clair? On prétend que le mariage peut aussi se célébrer au domicile de droit; on cite l'article 165 qui porte : « Le mariage sera célébré publiquement, devant l'officier civil du domicile de l'une des deux parties. » Cette disposition, dit-on, est tout aussi claire, tout aussi formelle que l'article 74. Elle ne parle pas de la résidence ni de l'habitation pendant six mois; elle parle du domicile, et dans le langage du code, le domicile est toujours le domicile de droit, tel qu'il est défini par l'article 102. Si l'article 102. Si par le mot domicile, dans l'article 165, le législateur avait entendu le domicile spécial qu'il établit dans l'article 74, quant au mariage, il l'aurait dit. On ne peut pas admettre qu'il s'y soit référé tacitement. « Une pareille combinaison de textes, dit M. Valette, ainsi cachée et sous-entendue, serait pour les interprètes et pour les justiciables un véritable piége (1). » A notre tour nous dirons qu'avec un pareil système d'interprétation, les questions les plus claires doivent devenir obscures. Mettons en regard les deux articles entre lesquels on prétend qu'il y a antinomie. L'article 74 commence par dire : « Le mariage sera célébré dans la commune où l'un des deux époux aura son domicile. » Ce sont presque les termes de l'article 165: Le mariage sera célébré devant l'officier de l'état civil du domicile de l'une des deux parties. » Voilà deux dispositions identiques l'une et l'autre veulent que le mariage soit célébré au domicile des parties. Mais quel est ce domicile? A cette question, l'article 74 répond : « Ce domicile, quant au mariage, s'établira par six mois d'habitation continue dans la même commune. » Le code définit donc le domicile, quant au mariage. Devait-il répéter dans l'article 165 ce qu'il venait de dire dans l'article 74? A quoi bon? N'est-il pas question du domicile, quant au mariage, dans l'article 165? Et ce domicile n'était-il pas défini d'avance dans l'article 74? Faut-il répéter sans cesse des définitions? le faut-il dans deux dispositions identiques? Les motifs pour les

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(1) Valette, Explication sommaire du livre Io du code civil, p. 92 et s.

quels le législateur établit un domicile spécial, quant au mariage, dans l'article 74, avaient-ils cessé quand il s'est occupé de ce même domicile dans l'article 165? Fallait-il rappeler expressément l'article 74? Et pourquoi, alors que les deux articles n'en font qu'un?

Chose remarquable! Ceux qui se plaignent que l'article 165 renferme un piége, si on l'interprète par l'article 74, sont obligés d'altérer cet article 74 pour lui trouver un sens. D'après eux, l'article 165 pose la règle : le mariage se célèbre au domicile de droit; mais on peut aussi se marier là où l'on n'a qu'une simple résidence de six mois. C'est une faveur que l'article 74 accorde. Nous disons que l'on altère l'article 74, en le considérant comme une faveur. En effet, cette disposition est conçue en termes impératifs; elle dit que le mariage sera célébré dans la commune où l'un des époux aura une habitation réelle de six mois. Est-ce qu'une faveur s'accorde par voie de commandement? Singulière faveur que celle qui consiste à dire « Je veux que vous célébriez votre mariage à votre domicile, et ce domicile n'est pas votre domicile de droit, c'est votre résidence. Quand le législateur parle en termes impératifs, c'est qu'il a des raisons pour cela. Nous avons dit quelles sont ces raisons. Elles excluent toute pensée de faveur; elles impliquent une nécessité, parce que l'intérêt de la société est en cause, et quand il s'agit de l'intérêt social, la loi commande ou elle défend, et elle ne laisse rien à l'arbitraire des parties contractantes.

414. On prétend que, dans notre opinion, il y a un article du code qui devient complétement inexplicable. L'article 166 dit que les publications doivent se faire au domicile des parties. Puis vient l'article 167, qui porte :

Néanmoins, si le domicile actuel n'est établi que par six mois de résidence, les publications seront faites en outre à la municipalité du dernier domicile. » Le mot néanmoins, dit-on, implique une exception; la règle est donc que les publications ne se font pas au dernier domicile. Or, si le mariage doit nécessairement se célébrer au lieu de la résidence, les publications devront toujours avoir lieu au dernier domicile. Ainsi ce qui, d'après le texte

T. II.

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