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intéresse surtout les personnes qui ont le droit de former opposition; toutefois comme, pour les fils, il y a une majorité spéciale, il eût mieux valu exiger l'âge. Si la loi ne l'a pas fait, c'est peut-être pour ménager la délicatesse de ceux qui se marient à un âge plus ou moins avancé.

Les actes de publication sont inscrits sur un registre spécial; à la différence des autres registres de l'état civil, il est tenu en simple original, et joint, à la fin de l'année, aux doubles des registres qui sont déposés au greffe du tribunal (art. 63).

419. Les anciennes ordonnances exigeaient trois publications afin de prévenir les mariages clandestins; la loi de 1792 se contenta d'une seule publication; le code civil en prescrit deux. De fait, il n'y en a aucune. La publicité qui précède le mariage se réduit à l'affiche; cette affiche n'est pas renouvelée, on la laisse subsister jusqu'au jour où, d'après la loi, le mariage peut être célébré. Cela ne répond certes pas au vou de la loi. Lors de la discussion, on objecta contre la formalité d'une double affiche, qu'elle pourrait entraver la célébration et même la rendre impossible. Pour remédier à cet inconvénient, la loi permet à l'empereur, ou aux officiers qu'il prépose à cet effet, de dispenser, pour des causes graves, de la seconde publication. Aux termes de l'arrêté du 20 prairial an xi, c'est le procureur impérial qui est investi de cette mission. Comme il peut y avoir des causes graves qui commandent de hâter la célébration du mariage, il fallait naturellement donner le droit de dispense à un magistrat qui fût sur les lieux et qui pût l'accorder de suite. Quelles sont ces causes graves? On en a signalé deux dans la discussion le mariage in extremis, qui ne comporte aucun délai, et le mariage d'un officier public, civil ou militaire, obligé de se rendre immédiatement à son poste où des circonstances urgentes l'appellent. Sous l'ancien régime, les dispenses étaient une question d'orgueil on dédaignait, dit Tronchet, de laisser prononcer publiquement son nom (1).

(1) Séance du conseil d'Etat du 4 vendémiaire an x (Locré, t. III, p. 324, n° 11).

Cette sotte vanité serait très-déplacée aujourd'hui que le flot montant de la démocratie égalise toutes les conditions. Du reste, il n'y a plus de publications proprement dites; le seul but de la dispense est donc de hâter le mariage. La loi ne permet pas de dispenser des deux publications, pas même pour un mariage in extremis: l'intérêt de la publicité domine tout autre intérêt.

420. Où les publications doivent-elles se faire? Nous avons trois articles sur cette question, et ils donnent lieu à des controverses qui tiennent à l'incertitude de la doctrine sur le lieu où le mariage peut ou doit se célébrer. Dans notre opinion, le mariage doit toujours se célébrer dans la commune où les futurs époux ont une habitation continue de six mois. C'est à ce point de vue que nous allons nous placer pour interpréter les articles 166 et 167. Après avoir dit, dans l'article 165, que le mariage sera célébré devant l'officier civil du domicile de l'une des parties, la loi dit, dans l'article 166: « Les deux publications ordonnées par l'article 63 seront faites à la municipalité du lieu où chacune des parties contractantes aura son domicile. » Que faut-il entendre, dans l'article 166, par le mot domicile? Est-ce le domicile de droit de l'article 102, ou est-ce le domicile de fait de l'article 74? Il nous semble que la question doit être décidée dans le dernier sens. En effet, l'article 166 fait suite à l'article 165; les deux dispositions se lient, non-seulement par la place qu'elles occupent, mais surtout par le motif qui les a dictées. Pourquoi l'article 165 veut-il que le mariage soit célébré au lieu où l'un des futurs époux a une habitation de six mois? pourquoi à ce domicile de fait plutôt qu'au domicile de droit? Nous l'avons dit, c'est afin que le mariage soit entouré de la plus grande publicité possible. Et quel est le but des deux publications qui, d'après l'article 166, 'doivent aussi se faire au domicile de chacune des parties contractantes? Le but est identique, c'est la publicité. Dès lors le moyen d'atteindre le but doit aussi être le même. C'est dire que, dans l'intérêt de la publicité, les publications doivent se faire au domicile de fait, de préférence au domicile de droit, si les deux domiciles diffèrent.

Telle est la règle. L'article 167 vient la compléter; il porte: « Néanmoins, si le domicile actuel n'est établi que par six mois de résidence, les publications seront faites en outre à la municipalité du dernier domicile. » Cette disposition a donné lieu aux interprétations les plus diverses. Que faut-il entendre par : le domicile actuel qui n'est établi que par six mois de résidence? C'est évidemment le domicile de fait défini par l'article 74. La loi suppose donc que le mariage va se célébrer à ce domicile de fait. La loi suppose encore que les parties ont un domicile de droit différent de ce domicile de fait. Eh bien, dans cette supposition, la loi veut que les publications se fassent et au domicile de fait et au domicile de droit. C'est ce domicile de droit que l'article 167 appelle le dernier domicile; les parties l'ont quitté pour prendre un domicile de fait, en ce sens leur domicile de droit est leur dernier domicile. Pourquoi la loi veut-elle cette double publication? Elle la prescrit parce que le domicile de droit est le lieu où les parties ont leur principal établissement; c'est là que régulièrement se trouve le siége de leurs affaires; il y a donc là des personnes intéressées à connaître leur mariage; dès lors il doit y être annoncé par voie de publication. La publication ainsi que la célébration du mariage au domicile de fait ne suffirait point pour le rendre public au domicile de droit. Voilà pourquoi la loi prescrit une double publication.

On demande quand les publications ne doivent plus être faites au dernier domicile. On a prétendu que, dans notre opinion, elles devaient toujours s'y faire. Il n'en est rien. Par les mots si le domicile actuel n'est établi que par six mois de résidence, la loi entend le domicile de fait. Donc, si les parties contractantes ont conservé leur domicile de droit, tout en acquérant un domicile de fait, elles devront toujours faire leurs publications au domicile de droit, quelque longue que soit leur résidence au lieu qu'elles habitent. Cela est fondé en raison. La loi veut que le mariage soit publié là où les futurs époux ont des relations; or, ils en ont régulièrement au lieu de leur domicile de droit, puisque c'est là que se trouve leur principal établissement. De là la nécessité de doubles publications.

Quand cette nécessité cessera-t-elle? Lorsque le domicile de droit et le domicile de fait se confondent. C'est-à-dire si les futurs époux ont une résidence de six mois dans la même commune où ils ont leur domicile. Dans ce cas, le texte de l'article 167 n'est plus applicable; on ne peut plus dire “ que le domicile actuel n'est établi que par six mois de résidence; parce que, outre l'habitation de fait, les époux y ont aussi leur domicile de droit. Et, en raison, il n'y a plus lieu de faire des publications à l'ancien domicile, parce que les parties n'y ont plus le siége de leurs affaires (1).

421. L'article 168 porte: Si les parties contractantes, ou l'une d'elles, sont, relativement au mariage, sous la puissance d'autrui, les publications seront encore faites à la municipalité du domicile de ceux sous la puissance desquels elles se trouvent. » Que faut-il entendre par ces mots être sous la puissance d'autrui? Le sens littéral ne laisse aucun doute les enfants sont sous puissance de leurs ascendants jusqu'à l'âge de vingt et un ou de vingtcinq ans, puisqu'ils ont besoin de leur consentement pour contracter mariage. Après cet âge, la puissance des ascendants cesse. Il est vrai que les enfants sont encore tenus de demander le conseil de leurs ascendants; mais il n'en résulte pas qu'ils soient sous puissance, car ils peuvent se marier malgré le refus de leurs ascendants; cela ne s'appelle certes pas être sous puissance. Aussi l'opinion commune est-elle que les filles âgées de vingt et un ans et les fils âgés de vingt-cinq ans ne doivent plus faire de publications au domicile de leurs ascendants. Marcadé seul est d'un avis contraire (2); mais son opinion n'a pas trouvé faveur. Il est vrai qu'il y aurait utilité et convenance à faire des publications au domicile des ascendants, alors même que les futurs époux sont majeurs quant au mariage. Mais il ne s'agit pas de ce qui est utile ou convenable; il s'agit de savoir si les enfants sont sous puissance de leurs ascendants, alors qu'ils peuvent braver cette prétendue puissance poser la question, c'est la résoudre. Le texte

(1) Voyez les diverses opinions des auteurs sur cette question dans Dalloz, au mot Mariage, no 343.

(2) Marcadé, Cours élémentaire, t. Ier, p. 425, article 168, no 2.

est donc décisif; dès lors, toutes les considérations que l'on peut invoquer sont à l'adresse du législateur; l'interprète ne connaît que la loi.

422. Que faut-il entendre par domicile dans l'article 168? C'est évidemment le domicile de droit défini par l'article 102; il ne s'agit plus ici du domicile des futurs époux quant à leur mariage; il s'agit du domicile des ascendants. Or, le domicile, dans le langage du code, est le domicile de droit, c'est là qu'en principe doivent se faire tous les actes juridiques qui concernent le Français. La loi y fait exception pour les futurs époux, elle n'y fait pas exception pour les ascendants des époux. On reste donc sous l'empire de la règle générale.

Mais la question est douteuse lorsque les enfants mineurs de vingt et un ans, et n'ayant plus d'ascendants, veulent contracter mariage. Ils sont certainement, quant à leur mariage, sous puissance du conseil de famille; ils devraient donc, aux termes de l'article 168, faire des publications au domicile du conseil (1). Telle est, en effet, l'opinion commune. Mais quel est ce domicile? Les auteurs répondent là où le conseil s'assemble et où il siége. Ce serait là un domicile spécial, distinct du domicile général défini par l'article 102; or, pour admettre un domicile spécial, ne faudrait-il pas une loi? L'affirmative est évidente. Proudhon a donc raison de dire que le conseil de famille n'a point de domicile. Non-seulement il n'y a pas de texte, mais l'esprit de la loi est en opposition avec l'opinion commune. Les publications se font, en vertu de l'article 168, pour vertir ceux qui sont appelés à consentir au mariage. Ce sont donc les parents collatéraux individuellement qu'il faudrait prévenir; seront-ils prévenus si l'enfant fait des publications au lieu où se réunit le conseil, c'est-à-dire à son propre domicile? Il se peut qu'aucun des membres du conseil n'ait son domicile dans ce lieu à quoi serviraient donc les publications? Enfin, les publications que l'on devrait faire, d'après les auteurs, au domicile du conseil de famille, se confondront presque toujours avec celles qui

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(1) Demolombe, Cours de code Napoléon, t. III, p. 294, no 190.

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