Page images
PDF
EPUB

faut qu'ils puissent la faire respecter; ils doivent donc avoir le droit d'agir en nullité. Il y a cependant un motif de douter. L'époux confirme quand il a atteint l'âge où il peut consentir par lui-même au mariage. Or, sa confirmation ne vaut-elle pas consentement? et puisque son consentement suffit alors pour valider le mariage, peut-on permettre aux parents de le faire annuler? A peine annulé, le mariage pourrait être célébré malgré les parents! Ne seraitce pas se jouer des nullités? Sans doute le législateur aurait pu prendre ces raisons en considération, et décider que l'action des ascendants serait éteinte par la majorité de l'enfant. Mais la question est de savoir si le législateur l'a fait. M. Demolombe le dit (1). Qu'on veuille bien nous montrer le texte qui déclare l'action des parents éteinte par la majorité des enfants! Si les enfants ont leur droit, les parents ont le leur. Il faudrait une décision formelle pour subordonner le droit des parents à celui des enfants. Des raisons ne suffisent pas. La loi ouvre l'action; à elle seule il appartient de l'éteindre.

[blocks in formation]

467. L'impuberté est une cause de nullité absolue (art. 184), parce que c'est pour des motifs d'ordre public et d'intérêt social que la loi exige un certain âge pour se marier. Toutefois cette cause de nullité n'est pas aussi grave que l'inceste et la bigamie; l'impuberté cesse nécessairement, elle peut même ne plus exister de fait, quoique la loi la présume, tandis que l'infamie et le crime subsistent toujours. De là résulte que la nullité résultant de l'impuberté a des caractères spéciaux qui en font une nullité à part, absolue en un sens, relative en un autre sens.

Le mariage peut être attaqué, dit l'article 184, par les époux eux-mêmes, donc sans distinction par l'époux impubère et par l'époux pubère, alors même que celui-ci aurait

(1) Demolombe, Cours de code Napoléon, t. III, p. 472, no 291.

connu l'âge de son conjoint. Duranton dit que la question peut être sérieusement controversée quant à l'époux impubère. Lui-même donne cependant des motifs péremptoires pour l'affirmative, qui est, du reste, l'opinion générale. L'article 183, qui ouvre l'action, dit : les époux eux-mêmes. Y a-t-il une disposition qui fasse exception à ce texte général? Non; eh bien, dès lors la question est décidée. L'esprit de la loi est en harmonie avec le texte. La loi veut ouvrir l'action à tous les intéressés, parce que la nullité est d'intérêt public, et le législateur a pensé que plus il y aurait de chances d'annulation, moins les futurs époux seraient disposés à se mettre au-dessus de la loi. Îl est vrai que l'article 186 déclare non recevables les parents qui ont consenti au mariage, et les époux aussi ont consenti. Mais quelle différence entre des parents qui ont l'expérience de l'âge et les époux dont l'un est encore un enfant, et qui tous deux ont pour excuse l'entraînement de la passion! L'impubère peut encore invoquer le principe qui permet à l'incapable de se prévaloir de son incapacité; la loi le permet même dans les nullités relatives (art. 182); à plus forte raison devait-elle le permettre quand il s'agit d'une nullité absolue. Voilà plus de raisons qu'il n'en faut pour mettre hors de toute controverse un point qui est décidé par le texte même de la loi (1).

468. Ces cor séquences tiennent au caractère absolu de la nullité d'impuberté; en voici qui découlent du caractère relatif de cette nullité. Elle peut se couvrir dans deux cas, tandis que les nullités absolues ne se couvrent jamais, pas même par la prescription. Le mariage ne peut plus être attaqué pour cause d'impuberté, dit l'article 185, lorsqu'il s'est écoulé six mois depuis que l'époux qui n'avait pas l'âge requis a atteint l'âge compétent. Portalis nous dira les raisons de cette disposition spéciale : « Le défaut d'âge est réparable. Il serait donc absurde qu'il servît de prétexte pour attaquer un mariage, lorsqu'il s'est déjà écoulé un délai de six mois, après que les époux auraient atteint l'âge compétent. Alors la nullité n'existe

(1) Duranton, Cours de droit français, t. II, p.272 et suiv., nos 315 et 316.

plus l'effet ne doit pas survivre à sa cause. » On peut même s'étonner que la loi permette d'attaquer le mariage dans ce délai de six mois. Portalis répond à l'objection, que la loi doit donner un délai utile pour exercer l'action.

Que faut-il entendre, dans l'article 185, par les mots âge compétent? Cette question est si simple, dit Merlin, et la solution en est si facile, qu'il y a lieu de s'étonner qu'elle ait fait la matière d'un procès. L'article 185 appelle encore l'âge compétent, l'âge requis; et quel est l'âge requis, alors qu'il s'agit de puberté? On est honteux de poser la question, puisqu'il suffit de lire l'article 144 pour y trouver la réponse. Cependant la question a été portée jusque devant la cour de cassation. La cour suprême donna une leçon à ces plaideurs téméraires, en décidant que l'âge compétent dont parle l'article 185 est évidemment l'âge fixé par l'article 144 (1).

On demande encore s'il faut que pendant six mois la femme ait cohabité avec son mari, si c'est elle qui n'avait pas l'âge compétent. La réponse se trouve dans le code; il n'exige pas cette condition; et l'interprète peut-il établir des conditions que la loi ne prescrit point (2)? Ajoutons qu'il n'y avait aucune raison d'exiger la cohabitation. Ceci est le point important de la question. Quand la loi veut la cohabitation, c'est comme une marque de l'intention que les époux ont de confirmer leur mariage (art. 181). S'agit-il, dans l'article 185, de confirmer le mariage? Du tout, la confirmation ne se conçoit même pas, puisque la nullité est absolue, c'est-à-dire d'intérêt public; l'époux peut ne pas intenter l'action qui lui appartient, mais il ne peut pas renoncer à une action qui est établie, non dans son intérêt, mais dans l'intérêt de la société. Pourquoi donc l'époux qui garde le silence pendant six mois est-il non recevable? C'est une question de prescription, comme le dit Portalis; quand la loi accorde une action, il faut bien qu'elle détermine un délai dans lequel l'action doit être intentée.

(1) Merlin, Répertoire, au mot Mariage, section VI, § 2, article 185, 1re question.

(2) C'est l'opinion générale, Proudhon seul est d'un avis contraire (Dalloz cite les auteurs, au mot Mariage, no 533).

469. On demande si l'époux qui a atteint l'âge compétent peut confirmer le mariage, soit expressément, soit tacitement. Dans notre opinion, la question ne peut pas même être posée. Confirmer, c'est renoncer à un droit accordé par la loi. La renonciation se conçoit quand il s'agit d'un intérêt privé; elle est impossible quand il s'agit d'un droit d'intérêt général, Or, la nullité fondée sur l'impuberté étant absolue, est par cela même d'intérêt général, ce qui décide la question. Les auteurs distinguent entre la confirmation tacite et la confirmation expresse; ils sont presque unanimes à repousser la confirmation tacite, parce qu'ils considèrent le silence de l'époux pendant le délai de six mois comme une confirmation tacite; ce qui, en matière de nullité de mariage, impliquerait l'intention de ne pas admettre d'autre confirmation tacite (1). C'est, à notre avis, une mauvaise raison, car le délai de six mois n'est pas une confirmation, mais une prescription. Sur la confirmation expresse, il y a controverse. Si l'on admettait, en cette matière, le principe de la confirmation, il faudrait décider que la confirmation expresse est valable comme étant de droit commun. Mais nous nions le principe. On objecte que l'époux arrivé à l'âge compétent peut contracter un mariage valable; on en conclut que l'approbation qu'il donne au mariage qu'il a contracté, alors qu'il était impubère, équivaut au consentement qu'il donnerait à un nouveau mariage. Cela serait très-juste si la nullité était relative, c'est-à-dire d'intérêt privé. Mais quand l'intérêt social est en cause, i' n'est plus vrai de dire que la confirmation efface le vice. Vainement dira-t-on que le vice n'existe plus, que l'impubère étant devenu pubère, le mariage doit être valable, s'il est confirmé; Portalis n'a-t-il pas dit que l'effet ne peut survivre à la cause? Notre réponse est écrite dans la loi ; elle n'admet pas le principe, formulé par Portalis, d'une manière absolue; dès que l'époux est devenu pubère, la cause de la nullité cesse et néanmoins l'action en nullité n'est pas éteinte; pour qu'elle le soit, il faut que tous les intéressés gardent le silence pendant six mois.

(1) Demante, Cours analytique, t. Ier, p. 369, no 268 bis, I.

Après tout, la confirmation donnée par l'époux serait inutile, en supposant même qu'elle pût se faire. Elle est inutile quant à l'époux; s'il ne veut pas attaquer le mariage, il n'a qu'à garder le silence pendant six mois. Elle est surtout inutile à l'égard des autres parties intéressées. Il est impossible d'admettre, avec M. Demolombe, que la confirmation expresse de l'époux éteindrait l'action du ministère public et des autres intéressés. Lui-même hésite.

Je serais bien tenté de dire, même alors, dit-il, que l'effet ne doit pas survivre à sa cause (1). » Ce motif de douter est à l'adresse du législateur; quant à l'interprète, il est en face d'une nullité absolue, d'intérêt social; conçoit-on que le ministère public, qui a six mois pour agir, soit déclaré non recevable parce que l'époux a confirmé le mariage? Cela est contraire aux principes, et cela est aussi contraire au texte de l'article 185. La loi ouvre une action à tous ceux qui y ont intérêt, ainsi qu'au ministère public (art. 184); elle donne à tous six mois pour agir; dès lors son action ne peut pas être entravée par l'époux. Le législateur seul, qui donne l'action, peut l'éteindre (2).

[ocr errors]

470. La nullité est encore couverte lorsque la femme qui n'avait pas l'âge compétent a conçu avant l'échéance de six mois (art. 185), » Portalis dit que la loi ne doit pas aspirer au droit d'être plus sage que la nature; la fiction doit céder à la réalité. Que faut-il entendre par ces mots de l'article 185: avant l'échéance de six mois? Portalis dit que ce sont les six mois donnés pour exercer l'action en nullité (3), c'est-à-dire les six mois dont il est parlé dans le n° 1 de l'article 185. Il eût été plus correct de dire des six mois. Mais il n'y a aucun doute sur le sens de la loi.

Si la femme avait l'âge requis, si elle était pubère, tandis que le mari est impubère, la grossesse de la femme ne produirait pas de fin de non-recevoir contre le mari. Le texte est formel, et la raison de la différence que la loi met entre le mari impubère et la femme impubère, est

(1) Demolombe, Cours de code Napoléon, t. III, p. 507, no 318. (2) Notre opinion est celle de Vazeille, Traité du mariage, t. Ier, p. 383, n° 247, et de Zachariæ, édition Vergé et Massé, t. Ier, p. 204, note 20. (3) Exposé des motifs, n° 46 (Locré, t. II, p. 393).

« PreviousContinue »