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tence même du mariage: il n'y a pas de mariage quand il n'y a pas d'officier de l'état civil, comme il n'y a pas de mariage sans consentement. Vainement les parties consentiraient-elles, vainement leur consentement serait-il authentiquement constaté; s'il n'y a pas d'officier de l'état civil, ou si l'officier ne prononce pas que les époux sont unis par le mariage, il n'y aura pas de mariage.

la

De ce que l'officier civil est simple témoin du mariage, Marcadé conclut que l'incompétence de l'officier public n'est autre chose que l'absence de publicité voulue par loi (1). Cela aussi est trop absolu. Il en résulterait, en effet, que le mariage ne pourrait pas être annulé, quand même l'officier public serait incompétent; en d'autres termes, qu'en cas d'incompétence, le juge ne devrait annuler le mariage qu'en constatant en fait qu'il y a défaut de publicité. Cette théorie est contredite par le texte du code; l'article 165 ne se contente pas de dire que le mariage sera célébré publiquement, il ajoute : « devant l'officier civil du domicile de l'une des parties. Il y a donc deux conditions distinctes, la publicité et la présence de l'officier public. Aussi l'article 191 dit-il que l'on peut attaquer tout mariage qui n'a point été contracté publiquement, et qui n'a point été célébré devant l'officier public compétent. Il y a donc deux causes de nullité, le défaut de publicité et l'incompétence. Si les deux nullités n'en faisaient qu'une, pourquoi la loi mentionnerait-elle séparément l'incompétence? Si la compétence n'était que l'un des éléments de la publicité, pourquoi la loi mentionnerait-elle cet élément plutôt que les autres?

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Le texte nous révèle la vraie théorie du code. La présence de l'officier public est d'abord requise comme condition de l'existence du mariage, indépendamment de toute publicité. Ensuite il faut que l'officier public prononce, au nom de la loi, que les parties sont unies par le mariage. Ceci est encore indépendant de la publicité. Le consentement des parties serait donné avec toute la publicité possible, qu'il n'y aurait pas de mariage si l'officier public ne

(1) Marcadé, Cours élémentaire, t. Ier, p. 494 et suiv., article 191, no 1.

le prononçait point. Toutefois il y a quelque chose de vrai dans la doctrine que nous combattons. Demante en a déjà fait la remarque: « La présence de l'officier public compétent, dit-il, sans parler des garanties qu'elle offre en ellemême pour la parfaite observation des conditions du mariage, est aussi un des principaux éléments de publicité (1). » C'est pour cette raison que le code veut que le mariage soit célébré devant l'officier civil de l'une des parties. En ce sens, la compétence se lie à la publicité; le mariage aura, en effet, plus de publicité s'il est célébré par l'officier public du domicile des parties, que s'il était celébré par tout autre officier public. C'est à raison du lien qui existe entre la publicité et la compétence, que la loi unit les deux causes de nullité dans une même disposition, et dans l'article 165 et dans l'article 191, ce qui n'empêche pas que les deux causes soient distinctes et que la nullité puisse être prononcée, soit pour défaut de publicité, soit pour incompétence.

482. Il y a, en général, deux espèces d'incompétence, l'incompétence à raison de la personne des parties contractantes, et l'incompétence à raison du lieu où l'acte se passe. Il est certain que l'officier de l'état civil est incompétent lorsqu'il procède à l'union de deux personnes dont aucune n'a son domicile, relativement au mariage, dans la commune où il exerce ses fonctions. Mais est-il aussi incompétent lorsqu'il célèbre un mariage hors de cette commune, quoiqu'il soit l'officier de l'une des parties? Merlin nie l'incompétence territoriale. L'officier civil, ditil, n'exerce ni juridiction contentieuse ni juridiction volontaire; dès lors on ne peut pas lui appliquer le principe que la juridiction est renfermée dans un certain territoire. Ce principe, d'ailleurs, ne serait pas d'application à la juridiction volontaire, et c'est la seule que l'on pourrait revendiquer pour l'officier civil. Il est vrai que les notaires et les huissiers ne peuvent faire des actes de leur ministère que dans les limites d'un certain ressort, mais c'est parce que des lois spéciales l'ont décidé ainsi. Pour l'officier de l'état

(1) Demante, Cours analytique, t. Io, p. 376, no 273 bis, I.

civil, nous n'avons pas de loi; nous restons donc sous l'empire du principe déjà suivi par les jurisconsultes romains, que la juridiction volontaire n'est pas attachée à un territoire limité. Il suit de là que l'officier civil, compétent quant à la personne des futurs époux, peut valablement célébrer leur mariage hors de la commune où il exerce ses fonctions (1).

C'est une question de texte. Est-il vrai que l'article 191, en parlant de l'officier public incompétent, n'entende parler que de l'incompétence personnelle? On peut dire que l'article 191 se rapporte à l'article 165, comme le dit expressément l'article 193. Or, que dit l'article 165? Que le mariage sera célébré devant l'officier civil de l'une des parties. Cette disposition ne prévoit donc que la compétence personnelle, et il n'y a pas d'autre article qui déclare le mariage nul pour incompétence territoriale, ce qui semble décider la question, Nous croyons que l'article 165 prévoit les deux cas de compétence; en effet, il ne fait que reproduire en d'autres termes la disposition de l'article 74. Et l'article 74 dit que le mariage sera célébré dans la commune où l'un des époux aura son domicile. Cette expression équivaut à celle de l'article 165: « devant l'officier civil du domicile de l'une des deux parties. » Donc il résulte de la combinaison des deux dispositions, que l'article 165 exige la compétence personnelle et la compétence territoriale, et par suite le mariage peut être attaqué, en vertu de l'article 191, lorsque l'officier public, bien que compétent quant aux personnes, est incompétent quant au territoire.

483. La question a peu d'importance pratique. Quand même l'on admettrait qu'il y a nullité à raison de l'incompétence territoriale, en vertu de l'article 191, il faudrait appliquer à l'incompétence territoriale, aussi bien qu'à l'incompétence personnelle, le principe établi par l'article 193. Nous avons dit que l'article 193 fait de la clandestinité une nullité facuitative, en ce sens qu'il l'aban

(1) Merlin, Répertoire, au mot Mariage, section IV, § 1, article ler, 3 question.

donne à l'appréciation du juge. Doit-on admettre le même principe pour l'incompétence? Au premier abord, la question paraît absurde. Il y a des degrés dans la publicité et dans la clandestinité; un mariage peut être plus ou moins public, plus ou moins clandestin. Mais peut-on dire d'un officier public qu'il est plus ou moins incompétent? Il n'y a pas là de nuances, il n'y a pas de question de fait, il y a une question de droit : l'officier civil est compétent ou il ne l'est pas. S'il ne l'est pas, il y a vice, cause de nullité, et rien, dans ce cas, ne peut être abandonné au pouvoir discrétionnaire du magistrat. Cependant il est certain que l'article 193 donne au juge le même pouvoir pour l'incompétence que pour le défaut de publicité. En effet, il parle de contraventions aux règles prescrites par l'article 165; or, cet article établit deux règles : la célébration publique et la présence de l'officier civil du domicile de l'une des parties. Mais comment expliquer le pouvoir discrétionnaire des tribunaux dans une matière qui paraît exclure toute appréciation des faits? Le juge peut-il décider que l'officier civil est compétent, alors que réellement il est incompétent? C'est ici le cas de rappeler la remarque de Demante et la théorie de Marcadé. En tant que la compétence se lie à la publicité, on conçoit que le juge ait un pouvoir d'appréciation. Si un officier civil célèbre hors de sa commune le mariage de deux personnes qui sont domiciliées dans cette commune, il y a incompétence territoriale, et par suite une cause de nullité. Mais supposons que la célébration ait eu lieu à la maison de campagne de l'une des parties, dans un lieu où elle est parfaitement connue, où la publicité a été entière, le juge maintiendra le mariage. Si, au contraire, il y avait dans le fait de la célébration hors de la commune une intention de clandestinité, il pourrait l'annuler. Dans le cas d'incompétence personnelle, il y a une raison de plus pour donner au juge un pouvoir d'appréciation. La doctrine est toujours divisée sur la question de savoir si le mariage peut être célébré au domicile de droit ou s'il doit l'être au domicile de fait. Annulera-t-on un mariage s'il a été célébré au domicile de droit? Non, certes. Mais si les parties n'avaient aucun

domicile là où le mariage a été célébré, le juge pourrait prononcer la nullité (1).

Que faudrait-il décider s'il y avait tout ensemble incompétence personnelle et incompétence territoriale? Merlin dit que dans ce cas il y aurait nullité absolue; l'officier civil ne serait plus qu'un simple particulier, et partant sans qualité aucune pour célébrer le mariage (2). Cette décision nous étonne. Merlin enseigne que l'incompétence territoriale n'est pas une cause de nullité; il n'y a donc, en réalité, qu'une seule incompétence à raison des personnes; or, cette cause de nullité est abandonnée à l'appréciation du juge par l'article 193. Alors même qu'il y aurait un double vice à raison de l'incompétence personnelle et territoriale de l'officier public, il faudrait encore admettre, en droit, le pouvoir discrétionnaire du juge, car l'article 193 ne distingue pas.

SV. Y a-t-il d'autres causes de nullité?

484. Si l'on admet le principe posé par la cour de cassation, la question ne peut pas même être posée. Il n'y a pas d'autres nullités que celles qui sont établies dans le chapitre IV de notre titre, donc il ne saurait y avoir de nullité virtuelle résultant des termes prohibitifs ou irritants de la loi; l'empêchement sera simplement prohibitif, mais non dirimant.

Il y a un de ces empêchements au titre du Mariage. La femme, dit l'article 228, ne peut contracter un nouveau mariage qu'après dix mois révolus depuis la dissolution du mariage précédent. Si le mariage avait été célébré malgré cette prohibition, pourrait-il être annulé? La négative est admise par tout le monde, même par ceux qui repoussent le principe de la cour de cassation (3). Il est donc inutile d'insister (4).

(1) C'est l'opinion commune, et elle est consacrée par la jurisprudence (Dalloz, au mot Mariage, nos 561 et 562.

(2) Merlin, Répertoire, au mot Mariage, section VI, § 2, article 191, 2o question.

(3) Demante, Cours analytique, t. Ier, p. 360, no 260 bis, IV. Valette sur Proudhon, t. Ier, p. 405.

(4) La jurisprudence est en ce sens (Dalloz, au mot Mariage,n° 969 et 967)

T. II.

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