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l'accouchement. Après ce délai, l'officier public ne peut plus recevoir la déclaration. D'après un avis du conseil d'Etat du 8 brumaire an xt, il faut un jugement, rendu contradictoirement avec les parties intéressées, sur les conclusions du ministère public.

L'article 56 détermine les personnes qui doivent faire la déclaration de naissance. C'est une obligation sanctionnée par une peine (code pénal belge, art. 361).

L'enfant doit être présenté à l'officier public (art. 55). C'est une formalité essentielle. Elle imprime force probante au fait de la naissance, jusqu'à inscription de faux.

L'article 57 prescrit les énonciations que doit contenir l'acte de naissance. Comme l'officier public ne fait qu'énoncer ce que les parties lui déclarent, il faut que les comparants fassent toutes les déclarations qui doivent être mentionnées dans l'acte, aux termes de l'article 57.

Le code contient des dispositions spéciales pour les enfants nés pendant un voyage de mer (art. 59-62).

§ II. Des enfants naturels.

56. Il y a des enfants malheureux que leurs parents exposent à la pitié publiqué. Le code veille à ce qu'ils soient remis à l'officier de l'état civil, avec tous les renseignements qui pourront un jour les aider à retrouver une famille (art. 58). Nous n'avons à nous occuper que des enfants naturels dont la naissance est déclarée à l'officier public. Il va sans diré que la naissance de tous les enfants doit être déclarée, sans distinguer s'ils sont naturels ou légitimes. L'orateur du Tribunat en a fait la remarque, et il était même inutile de la faire. Mais qu'est-ce que les comparants doivent déclarer? Nous venons de dire que la déclaration de naissance doit contenir toutes les énonciations que doit constater l'acte de naissance; or, l'article 57 veut que l'officier de l'état civil y énonce les noms des père et mère. Cette disposition est-elle applicable aux enfants naturels?

Tout le monde est d'accord que le nom du père ne doit

pas être déclaré. On se fonde sur l'article 340 qui prohibe la recherche de la paternité. Cela est dit textuellement dans le discours du rapporteur du Tribunat. « De l'obligation de nommer le père, dit Siméon, on n'induira point qu'il doit être nommé s'il ne se déclare pas... Sans doute la naissance suppose un père; mais quel est-il? Il est incertain, à moins que son mariage ne le manifeste, ou que, déchirant lui-même le voile sous lequel le mystère de la génération le tient enveloppé, il ne se montre et ne se nomme. Le sens de l'article 57 est donc qu'on n'énoncera que le père qui veut ou qui doit être déclaré (1). » Nous n'insistons pas sur ce point, puisqu'il est universellement admis. Il en résulte que l'officier de l'état civil ne peut pas énoncer le nom du père, alors même qu'il lui serait déclaré. C'est une conséquence évidente du principe posé par l'article 35 (2).

Mais que faut-il dire du nom de la mère? La question est très-controversée et, à notre avis, elle est douteuse (3). Il faut avant tout préciser le vrai point de la difficulté. Ceux qui l'ont examinée et résolue en sens divers se sont trop préoccupés de la théorie, c'est-à-dire de ce que le législateur a dû faire. Qu'importe qu'au point de vue des vrais principes, le nom de la mère doive être déclaré? C'est bien notre opinion, et si nous avions une loi à faire, nous la formulerions nettement en ce sens. Mais l'interprète n'a point à voir ce que le législateur aurait dû faire, il doit voir ce qu'il a fait. Et pour savoir ce qu'il a fait, il faut consulter les textes. C'est ce que nous allons faire.

57. Quand on demande ce que l'officier public doit énoncer dans l'acte qu'il reçoit, il ne faut pas perdre de vue le principe fondamental posé par l'article 35. Or, sur ce point nous connaissons la volonté du législateur : il défend aux officiers de l'état civil de rien insérer dans les actes que ce qui doit être déclaré par les comparants. Et tous les orateurs du gouvernement et du Tribunat nous ont dit que

(1) Locré, Législation civile, t. II, p. 97, no 21.

(2) Voyez plus haut, p. 28, no 17.

(3) Voyez sur cette question le Mémoire couronné de M. Alfred Seresia: De l'acte de naissance de l'enfant naturel (Bruxelles, 1869, p. 34 et suiv.).

rien ne doit être déclaré par eux que ce que la loi leur ordonne de déclarer. La question que nous examinons se réduit donc à savoir s'il y a une loi qui ordonne de déclarer le nom de la mère naturelle. Or, le code ne parle pas de la mère naturelle; l'article 57, le seul que nous ayons sur la matière, prescrit, il est vrai, d'énoncer les noms des père et mère; mais tout le monde convient que cet article ne s'applique pas au père naturei, il ne s'applique donc qu'au père légitime; et comment veut-on que les mots père et mère signifient, dans une seule et même phrase, père légitime et mère naturelle ou légitime? Cela se comprendrait, s'il y avait une autre disposition dans le code qui ordonnât de déclarer le nom de la mère naturelle; alors l'article 57 serait une simple disposition d'application, et il ne faudrait plus y faire la distinction entre la mère naturelle et la mère légitime. Mais, nous le répétons, l'article 57 est le seul que nous ayons. Dès lors, parlant des père et mère, et entendant par père le père légitime, il est impossible qu'il entende par mère la mère naturelle ou légitime.

Nous disons plus : l'article 57 ne peut pas s'entendre de la mère naturelle pas plus que du père naturel. Pourquoi l'article 35 limite-t-il les énonciations que l'officier public peut recevoir à celles qui doivent être déclarées en vertu de la loi? C'est parce que, dans le système du code, on ne doit énoncer que ce qui est destiné à faire foi. Or, qu'est-ce que l'acte de naissance est destiné à prouver? Il prouve la filiation quand les père et mère sont mariés; voilà pourquoi l'article 57 veut qu'on énonce leurs noms; l'énonciation est donc substantielle. Est-ce que l'acte de naissance prouve aussi la filiation des enfants naturels? Non; leur filiation ne se prouve que par l'acte de reconnaissance. Dès lors, par application du principe de l'article 35, les noms des père et mère de l'enfant naturel ne doivent pas être déclarés. Donc l'article 57, qui prescrit l'énonciation des père et mère, ne peut pas s'entendre des père et mère naturels

58. Nous avons dit que la question est controversée et qu'elle nous paraît très-douteuse. D'abord la pratique uni

verselle est contraire à l'opinion que nous venons d'émettre. Les auteurs sont divisés. Marcadé avoue que, d'après la rigueur des principes, il faudrait dire que le nom de la mère ne doit pas être déclaré, et que si la déclaration est faite, l'officier de l'état civil ne peut pas la recevoir (1). Dans sa première édition, M. Demolombe a vivement soutenu cette doctrine; il a fini par l'abandonner, à cause de « la pratique contraire, constante et universelle (2). » Sur quoi se fonde l'opinion générale?

Remarquons d'abord que ceux qui la professent ne s'accordent pas entre eux, Demante enseigne que la déclaration du nom de la mère naturelle est facultative : « Il serait aussi dangereux qu'immoral, dit-il, de forcer les personnes qui assistent à un accouchement, ou celles qui reçoivent la femme en couches dans leur maison, à violer le secret qui leur est commandé, et dont l'observation est pour la plupart de ces personnes une règle de profession (3). Ces motifs s'adressent au législateur et non à l'interprète. Au point de vue des textes et des principes, l'opinion de Demante est souverainement illogique. Le code ne connaît point de déclaration facultative. Ou une déclaration est ordonnée par la loi ou elle ne l'est pas : dans le premier cas, l'officier public doit la recevoir; dans le second, il ne le peut. Y a-t-il un texte qui commande de déclarer le nom de la mère naturelle, alors l'officier public doit constater la déclaration; n'y a-t-il pas de texte, l'officier ne peut pas la recevoir, quand même elle lui est faite. La logique des principes le veut ainsi; M. Demolombe l'avoue, bien qu'il se soit rallié à cette opinion illogique, sans doute parce qu'il en résulte un moindre mal. Mais encore une fois, l'interprète n'a pas à se préoccuper des avantages ou des inconvénients que produit la loi. Avant tout, il faut voir s'il y a une loi.

59. La cour de cassation de Belgique a décidé à plusieurs reprises que le nom de la mère naturelle doit être déclaré; notons cependant qu'un de ces arrêts a été rendu

(1) Marcadé, Cours élémentaire, t. 1er, p. 181.

(2) Demolombe, Cours de code Napoléon, t. Ier, p. 487.

(3) Demante, Cours analytique de code civil, t. ler, p. 101, no 102 bis, II

sur les conclusions contraires du procureur général (1), La cour prend pour point de départ l'article 46, qui oblige le père de déclarer la naissance de l'enfant. Il est certain que la naissance de l'enfant naturel doit être déclarée, C'est sur cette déclaration que l'officier de l'état civil rédige l'acte; il faut donc que le comparant déclare tout ce qui doit être énoncé dans l'acte, conformément à l'article 57; donc aussi le nom de la mère. Oui, si l'article 57 exigeait la mention du nom de la mère naturelle. La cour prétend que l'affirmative est prouvée par les termes généraux de la loi, qui ne distinguent pas entre les père et mère légitimes et les père et mère naturels. Si on ne l'applique pas au père naturel, c'est à cause de l'article 340 qui prohibe la recherche de la paternité, tandis que la loi permet la recherche de la maternité. Ici, nous semble-t-il, il y a un vice de raisonnement. La recherche de la paternité et de la maternité n'a rien de commun avec l'interprétation de l'article 57. La loi a prescrit les énonciations qui doivent faire foi; or, l'acte de naissance ne fait jamais foi de la filiation, pas plus de la filiation maternelle que de la filiation paternelle; dès lors, qu'importe que la recherche de la maternité soit admise, et que la recherche de la paternité soit prohibée?

La cour cite encore les articles 60, 61 et 93. D'après ces articles, s'il naît un enfant pendant un voyage de mer ou à l'armée, une expédition de l'acte de naissance doit être envoyée à l'officier de l'état civil du domicile du père ou de la mère, si le père est inconnu, ce qui implique que le nom de la mère doit être énoncé dans l'acte, alors même qu'elle est naturelle. L'argument est loin d'être décisif. Dire que l'acte de naissance doit être envoyé au domicile de la mère, c'est supposer que la mère est connue; or, elle peut l'être par son propre aveu, par la reconnaissance quelle a faite dans l'acte. En tout cas, ce n'est pas ordonner que son nom soit déclaré par les comparants.

La cour invoque encore la loi du 20 septembre 1792. Mais, chose singulière, cette loi est aussi invoquée par les

(1) Arrêts du 14 novembre 1853 (Pasicrisie, 1854, 1, 28) et du 10 juillet 1855 (Pasicrisie, 1855, 1, 309).

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