16 Année. — No 1. Omnes omnium caritates patria una complexa est. 31 janvier 1878. ON S'ABONNE EN FRANCE REVUE SAVOISIENNE Par un bon postal à l'or- JOURNAL PUBLIÉ PAR LA SOCIETÉ FLORIMONTANE D'ANNECY dre du Directeur; LA HAUTE-SAVOIE AVANT LES ROMAINS Quand les géologues modernes ont voulu étudier les révolutions de la terre, au lieu de se borner, comme la plupart de leurs devanciers, à imaginer de belles théories au coin du feu, ils se sont dit: << Si nous commencions comme les historiens? Ceuxci ne décrivent les anciens âges qu'après avoir groupé par milliers les parchemins, les estampes, les médailles, les monuments lapidaires: faisons de même. pour le globe. » Et les voilà, le marteau à la main, fouillant les montagnes, recueillant roches et fossiles, notant la superposition des couches, examinant la structure des êtres disparus. Bientôt l'on voit éclore une science qui n'avance pas un fait sans avoir mis sous vos yeux, dans vos mains, les preuves de ses déductions. Une dent, une vertèbre isolée suffit au génie d'un Georges Cuvier pour reconstruire l'animal auquel ces débris ont appartenu, pour connaître ses mœurs et dire à quelle époque géologique il a brouté les grandes herbes des marécages ou poursuivi et dévoré ses victimes. L'archéologie préhistorique, science bien jeune encore, a passé par les mêmes phases que sa sœur la géologie. Il n'est pas éloigné le temps où les théoriciens en chambre s'écriaient : « A quoi bon recueillir de vieux crânes? on sait bien que tous nos ancêtres étaient des Celtes. Pourquoi se donner la peine de fouiller les dolmens ? ignore-t-on que c'étaient des autels destinés aux sanglants sacrifices des druides?» - On s'endormait dans le dolce far niente de l'omniscience, lorsque de jeunes révolutionnaires vinrent déranger cette belle harmonie. Les uns avaient remué le sol des cavernes et découvert des instruments en pierre et des têtes osseuses offrant fort peu de rapports avec ce que l'on croyait savoir sur les habi- | tudes et la conformation des peuplades primitives. D'autres, explorant les dolmens, n'avaient recueilli ni serpes d'or ni gui desséché, mais s'étaient trouvés en face de simples caveaux funéraires. Depuis 1854, les stations lacustres offrirent aux chercheurs d'inépuisables trésors. L'élan était donné. Les musées publics et les collections particulières prirent en peu d'années un développement prodigieux. Munis de nombreux éléments de discussion, les observateurs purent commencer à tirer des conclusions. Mais si beaucoup de points ont été mis en lumière, combien d'autres sont encore dans une pénombre ou dans la nuit ! Les anthropologistes n'ont pu comparer jusqu'ici que de rares spécimens de têtes pour nous dire quelles populations ont habité nos cavernes aux époques les plus reculées ; on se demande ce que sont devenus les corps des hommes qui ont couvert nos lacs de stations sur pilotis et n'ont laissé pour ainsi dire aucun débris de leurs os, soit sur les rives, soit dans les bas-fonds où abondent pourtant les ossements des animaux qu'ils ont tués; et dans ces restes d'animaux, est-on bien sûr de ce que l'on avance quand on affirme que telle espèce était sauvage et telle autre domestiquée ? et telle autre domestiquée? - Parmi les antiquités qui ornent les musées, quel usage précis assigner aux disques en bronze composés d'anneaux concentriques, aux cylindres lacustres entourés de boucles mobiles, et à tant d'autres objets en métal ou en pierre? Après ces questions de détail, à combien de recherches ne faudra-t-il pas se livrer pour dresser, par exemple, une carte d'Europe donnant l'ensemble des découvertes relatives à chaque époque, de manière à nous apprendre un jour si les peuplades conduites dans nos contrées par la main de la Providence venaient du Nord, comme on l'a d'abord prétendu, ou du Sud, comme d'autres le soutiennent, ou de l'Est, comme le veut une nouvelle école ? Pour étendre sur une carte ces traînées de signes conventionnels, jalons indicateurs d'un courant commercial, d'une émigration ou d'un progrès social, il faudra multiplier les fouilles et dresser un inventaire des découvertes opérées dans chaque région. Cet inventaire, j'ai essayé de l'établir pour la Haute-Savoie. Suivant les conseils d'un ami, M. Gabriel de Mortillet, et mettant à profit les critiques un peu trop bienveillantes de M. de Jussieu, j'ai renoncé à la division par arrondissements et cantons adoptée dans le Répertoire manuscrit que l'Académie de Savoie a bien voulu couronner. Il y sera suppléé par des tables où les communes et lieux dits seront classés d'abord par ordre topographique, puis alphabétique. Nous éviterons ainsi l'aridité inhérente aux Répertoires, si précieux d'ailleurs, que le ministère de l'instruction publique fait dresser en prescrivant la distribution géographique. La division suivante sera plus méthodique et plus favorable à la discus sion : Grottes et abris. - Monuments mégalithiques. Objets divers de l'âge de la pierre. Stations lacustres. Fonderies. - Objets divers de l'époque du bronze. Sépultures. Oppidums. Numismatique gauloise. - Mythologie gauloise et légendes. Voulant être exact, j'ai cherché à voir à peu près tout ce que j'étais appelé à décrire. Depuis seize ans, l'album sous le bras, j'ai parcouru la Haute-Savoie, à l'exception des vallées intérieures du Chablais, qui du reste ne paraissent pas riches en antiquités préromaines. Les collections publiques et particulières de la Savoie, de quelques autres départements et de la Suisse, ouvertes avec la plus grande obligeance par leurs conservateurs ou propriétaires, m'ont permis de composer une liste aussi complète que possible des découvertes faites jusqu'à ce jour. Tous mes dessins ont été exécutés d'après nature; réduites au pantographe avec une précision mathématique, les aquarelles ont été interprétées par la gravure au moyen du procédé Comte. (A suivre.) LOUIS REVON. LE JOUR DE L'AN AU CAIRE On s'occupe peu des Orientaux dans notre pays, très peu surtout de ce qui se rattache à leurs calendriers et à leurs manières de mesurer le temps. Il n'est donc pas certain que la petite revue à laquelle nous allons nous livrer ici présente un vif intérêt d'actualité. Pour notre part elle sera comme un souvenir d'un pays où nous avons eu l'occasion de coudoyer journellement vingt races diverses appartenant à toutes les régions de l'Afrique et de l'Asie; mais le lecteur y verra-t-il autre chose qu'une exhibition plus ou moins curieuse de traditions et d'usages? Il se peut cependant que la détermination du point de départ des calendriers de l'Orient, qui doit faire l'objet de cet article, mette un esprit studieux sur la voie de quelque rapprochement historique dont pourrait profiter la science, et à ce titre peut-être notre travail se fera-t-il pardonner la place qu'il vient occuper dans les colonnes de la Revue savoisienne. Voici donc, par ordre de dates, la nomenclature des jours de l'an que les habitants du Caire ont coutume de se souhaiter entre eux, suivant la nationalité à laquelle ils appartiennent. Après les membres de la colonie européenne, qui restent partout fidèles à leur 1er janvier, ce sont les Grecs qui commencent la série des irrégularités pour cette cérémonie. Leur nouvel an tombe actuellement le 13 janvier de notre calendrier, et il en sera ainsi jusqu'à la fin du siècle. A partir de 1900, leur écart avec nous sera d'un jour de plus et leur nouvel an ne viendra alors que le 14 janvier. Le 7 février 1875 est le commencement d'une nouvelle année de l'hégire musulmane. Cette sorte d'année est toujours composée de douze lunaisons, jamais plus, et pour ce motif elle avance régulièrement de dix à onze jours sur l'année solaire. Le peuple musulman est le seul aujourd'hui à s'en servir. Beaucoup d'autres, il est vrai, font aussi usage du calendrier lunaire, mais ils ont tous la précaution d'y intercaler de temps en temps un treizième mois, afin de ramener la coïncidence avec les mouvements du soleil. Cette intercalation se fait sept fois en dixneuf ans, suivant la règle trouvée par Méthon l'Athénien, dès l'an 433 avant notre ère. Avec la lune de février se rencontre aussi le nouvel an des Chinois. Le calendrier du Céleste Empire est réglé sur la révolution lunaire combinée avec celle du soleil, et il a pour point de départ la nouvelle lune qui précède immédiatement le 19 février. Or, que se passe-t-il de particulier à cette dernière date? Astronomiquement, rien que l'entrée du soleil dans le signe zodiacal des Poissons; mais sur la terre et sous ces latitudes, c'est la descente d'une douce chaleur qui annonce l'arrivée du printemps, réveille la végétation endormie et marque le commencement des grands travaux agricoles. Pour un peuple de cultivateurs comme les Chinois, c'est donc une date très importante. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls à célébrer le soleil du 19 février; on retrouve, en Egypte même, une tradition populaire qui le désigne sous le nom de Petit-Soleil, par opposition à celui du 21 mars qui est appelé Grand-Soleil, et à l'un comme à l'autre, la tradition attribue une bienfaisante influence. En continuant de suivre l'ordre des dates, nous signalons, au 21 mars, qui est le jour de l'équinoxe de printemps, le commencement de l'année du Cochon chez les Tartares Kirghiz. Le mot cochon marque le rang qu'occupe cette nouvelle année dans un certain cycle de douze ans usité parmi les tribus de l'Asie centrale. Elle est la dernière de ce cycle; elle succède à l'année du Chien, et sera suivie de celle de la Souris, qui en est la première. Le 21 mars est également le premier jour de l'année nationale des Persans, jour qu'ils fêtent avec une grande solennité. Les pays groupés autour de l'Himalaya sont alimentés par des pluies périodiques et par des cours d'eau qui ont des inondations régulières; c'est en avril que les pluies se déclarent, et que, sous leur action, le niveau des fleuves commence à s'élever. Les riverains ont choisi cette saison comme point de départ de leurs calendriers, de préférence à toute circonstance astronomique. Ainsi, au nord de l'Himalaya, les Tartares du Khovaresm font partir leur année du 8 avril, qui est le premier jour de la crue de l'Oxus, dont les eaux fertilisent les pâturages avoisinants. Au sud, et pour des raisons analogues, les Siamois et les Hindous fêtent le jour de l'an à la nouvelle lune d'avril, les Birmans au 12 de ce mois, et les Arméniens établis dans l'Inde au 2 avril. Plus près de nous, cette lune d'avril marque encore le renouvellement de l'année sacrée des Hébreux, celle dont ils faisaient usage au moment de leur sortie de l'Egypte. Son premier mois, qui est celui de la Pâque, correspond, aujourd'hui comme autrefois, au commencement du printemps. Leur année civile, sans rien changer à l'ordre des mois de l'année sacrée, ne commençait pas au printemps, mais à l'automne, et il en est toujours de même de notre temps, comme chacun sait. Ne quittons pas le mois d'avril sans mentionner en passant la date du 23 et la fête de saint Georges, qui y reste attachée. Le brillant chevalier a laissé en Orient de profonds souvenirs; il y est l'objet d'une pieuse vénération, non-seulement de la part des chrétiens, mais encore de celle des musulmans de la Syrie, de l'Asie-Mineure et de la Turquie d'Europe. Il a même plus qu'un culte dans la capitale de l'Islam: pour le bas peuple de Constantinople, sa fête est l'origine d'une façon de calendrier primitif qui mérite d'ètre connu. Il est simple et d'un usage commode, car la complication des mois en est entièrement écartée; l'on y divise simplement l'année en deux parties à peu près égales; saint Georges préside à la première, et saint Démétrius (26 octobre) à la seconde. Ainsi on dit : l'avénement du Sultan a eu lieu le 51 jour après la Saint-Georges, le grand jeûne du Ramadân se terminera trois jours après la Saint-Démétrius. Passé le mois d'avril, nous ne remarquons plus de jours de l'an jusqu'à la date du 17 juin, qui nous ramène en Egypte. Effectivement le 17 juin annonce le Nocta, c'est-à-dire le commencement de la crue du Nil sous le parallèle du Caire, et à ce titre il devient le point de départ de l'année agricole ou des saisons, qui fut longtemps en usage dans ce pays; une forme d'année scientifique par excellence, comme tout ce qui touchait à l'agriculture, scrupuleusement réglée sur la révolution du soleil, et commençant invariablement quatre jours avant le solstice d'été. On a conservé au Caire la fête du Nocta, mais l'année dont elle marquait l'origine est tombée en désuétude, ainsi que deux autres formes d'années également égyptiennes qui étaient employées concurremment avec elle. L'une de celles-ci, calculée sur les mouvements de Sirius, commençait le jour du lever héliaque de cette étoile sur l'horizon de Memphis; elle était exactement de 365 jours 1/4. L'autre, qui était de 365 jours seulement, avançait d'un jour tous les quatre ans sur la précédente (pour cette raison elle était appelée vague), et finissait, au bout d'une période de 1460 ans, par se retrouver au point initial. C'est ce grand cycle de 1460 ans qui fut appelé pé riode caniculaire ou sothiaque, des noms que l'on donnait jadis à l'étoile Sirius et qui joua un rôle fameux dans l'antiquité. Si les deux espèces d'années dont il s'agit s'étaient conservées, la plus courte commencerait maintenant le 24 mai, et la plus longue, celle de Sirius, le 1er août, qui est encore aujourd'hui la date du lever de Sirius à Memphis. Il est bon de noter que ce mécanisme d'une année vague, destiné à ramener une lointaine coïncidence avec une autre année, n'était pas la propriété exclusive de l'Egypte. Les Persans y ont eu recours pendant fort longtemps. Les Arméniens s'en servaient encore il y a un siècle à peine, et si leurs relations commerciales les ont amenés à adopter le calendrier grec, ils n'en conservent pas moins dans leurs livres populaires les traces du calendrier national; il est d'ailleurs absolument calqué sur celui des Egyptiens, c'est-à-dire qu'il se compose aussi d'une double année, l'une de 365 jours 1/4, et l'autre de 365, qui fait le tour de la première en 1460 ans. Seulement cette période de 1460 ans, au lieu de se nommer caniculaire comme en Egypte, est appelée par les Arméniens période de Haygh, du nom du fils de Japhet, auquel ils en font remonter l'origine. Le 23 août 1888 sera la fin de la période courante, qui serait, suivant les Arméniens, la troisième depuis que leur nation a pris naissance. Le 10 septembre est le jour de l'an des Coptes et des Abyssiniens; l'année dont ils font usage est semblable à l'une de celles des anciens Egyptiens, et cependant on peut remarquer qu'elle ne débute ni avec le lever de la canicule, ni avec la crue du Nil. Comment expliquer un pareil oubli des traditions locales, dont les Coptes passent précisément pour être les dépositaires? La raison en est simple. Lorsque l'empereur Auguste fit la conquête de l'Egypte, il arrèta l'année vague au point où elle se trouvait, et il la rendit fixe par l'intercallation d'un jour de plus tous les quatre ans. De cette manière elle se trouvait de la même longueur que l'année romaine, et les décrets de l'Empire relatifs à la nouvelle province portaient dès lors une concordance de dates invariable. Or, au temps d'Auguste, l'année vague commençait le 29 août du calendrier de Jules César. Depuis que l'année fut rendue fixe, cette date est demeurée la même et c'est encore le 29 août julien qu'elle commence aujourd'hui, c'est-à-dire le 10 septembre du calendrier grégorien. Nous n'avons plus maintenant, pour achever cette revue, qu'à mentionner encore au 13 septembre, le commencement de l'année ecclésiastique des Grecs, au 30, celui de l'année civile des Juifs, 13 octobre, le jour de l'an des Syriens, 28 novembre, le premier dimanche de l'Avent, qui marque la fin de l'année liturgique chez les catholiques latins. et au L'année civile des Juifs, nous l'avons déjà dit, commence vers l'équinoxe d'automne, aussi exactement, du moins, que le permettent les coïncidences luni-solaires. Celle des Syriens est aujourd'hui en retard de vingt jours sur ce point cardinal de la révolution solaire; mais il n'en a pas toujours été ainsi. A l'origine de l'ère des Séleucides, qui est l'ère adoptée par les Syriens, elle commençait exactement le premier jour de l'automne; l'écart provient de ce que l'année dont ils font usage est réglée sur la marche de Sirius, qui est un peu plus lente que celle du soleil. C'est pour la même cause que notre 1er janvier ne correspond plus avec le solstice d'hiver, ainsi qu'il a dù le faire jadis. Avant la réforme du pape Grégoire XIII, en effet, notre année était exactement de 365 jours 1/4, comme l'année caniculaire des Egyptiens, comme celle des Grecs modernes et des Syriens. C'est d'ailleurs un astronome égyptien, Sosigènes, qui, sur l'ordre de Jules César, l'avait introduite à Rome, en remplacement de l'année irrégulière précédemment usitée. Seulement l'année ca niculaire de l'Egypte commençait avec le lever de Sirius, c'est-à-dire en plein été, tandis que les Romains avaient coutume de fêter les saturnales au début de l'hiver. Pour se conformer à cette tradition, Sosigènes aurait pu placer son 1er janvier au solstice d'hiver du temps de César. Mais, prévoyant l'écart qui ne tarderait pas à se produire, il préféra reporter la distribution du nouveau calendrier à l'époque de la fondation de Rome, et fixer ainsi, par un procédé astronomique particulier, la date d'une ère célèbre. Pour l'année de la fondation de Rome, en effet, 753 avant Jésus-Christ, le 1er janvier aurait coïncidé avec le premier jour de l'hiver, et le 1er juillet avec le commencement de l'été. Ainsi qu'on vient de le voir, les peuples se sont inspirés de diverses considérations pour déterminer le jour initial de leurs calendriers respectifs. Chez le plus grand nombre, cependant, c'est l'un des quatre points cardinaux de l'année solaire qui leur a servi de base. Quelquefois aussi, ç'a été un autre phénomène astronomique, ou encore une circonstance physique locale. En aucun cas du moins, le caprice ne paraît avoir présidé à cette détermination; le soin même qu'ont apporté les auteurs des anciens calendriers à faire revenir périodiquement telle ou telle coïncidence, ou à la perpétuer le plus longtemps possible, témoigne au contraire de l'importance qu'à toute époque les hommes ont attribuée à une mesure méthodique et régulière du temps. E. TISSOT. STATION DE L'AGE DE LA PIERRE POLIE PLATEAU DE SAINT-SATURNIN, PRÈS CHAMBÉRY (SAVOIE) I La gorge de Saint-Saturnin, par laquelle la vallée de Sonnaz communique avec celle de Saint-Alban, s'élève par une pente très rapide de l'extrémité sud de la vallée de Sonnaz jusqu'à un petit vallon. A l'extrémité supérieure de celui-ci, elle est divisée en deux par une petite colline calcaire, en arrière de laquelle s'élève, à une hauteur de 150 mètres, une pointe de rocher qui forme un angle obtus dont les côtés vont en s'élargissant de l'ouest au sud-est et au nord-est en descendant, par une pente assez douce à l'extrémité de la gorge, au niveau du plateau supérieur qui domine la vallée de SaintAlban. Du pied de ces rochers, la gorge tourne, d'un côté, au sud-est; c'est par elle que passe la route actuelle qui a suivi l'ancienne voie romaine en la rectifiant; de l'autre, elle continue au nord-est, mais est d'un accès difficile et pénible par suite de l'amas de quartiers de rocs qui l'encombre et n'est traversée que par un sentier. Du milieu de ce passage sourd une eau abondante, utilisée à l'époque romaine comme elle l'est encore aujourd'hui. La partie la plus élevée du plateau triangulaire est complétement abrupte et inabordable du côté de la route. Seul, un petit sentier, suivant une corniche naturelle du rocher, part de derrière l'ermitage en face de la chapelle de Saint-Saturnin et permet d'arriver à grand'peine à une petite plate-forme de 40 mètres de large sur 15 mètres de profondeur, placée à 12 mètres au-dessous du plateau supérieur que l'on atteint directement par une sorte d'escalier naturel ou par la continuation du sentier un peu au-dessous de sa pointe extrême. Du côté de la source, au contraire, la descente est praticable à peu de distance de l'extrémité du plateau, et il est assez aisé de descendre à la source et de remonter. Ce point, malgré son abord très accessible, est facile à défendre contre un ennemi arrivant par la gorge, soit en élevant des retranchements qui ont pu être détruits par l'établissement des cultures qui couvrent ces pentes, soit en précipitant sur lui des blocs de rochers qu'il était possible de détacher de la partie dénudée où ils sont divisés par les eaux. Cette position était donc de premier ordre pour garder et fermer le passage, présentant en arrière toutes facilités de s'approvisionner et de se retirer sans avoir rien à craindre de l'ennemi arrêté par la force même de la position, et, l'eût-il forcée, ne pouvant avancer que difficilement au-delà, au milieu des bois taillis et des broussailles qui couvraient les plateaux et les pentes en arrière et où la défense pouvait se continuer sans trop de désavantage, même contre un ennemi plus nombreux. Ce passage avait une importance majeure qu'il n'a plus aujourd'hui; il était, en effet, alors la clé de l'entrée de cette partie de la Savoie pour les arrivants par le Rhône et le lac du Bourget et par le col du Montdu-Chat. La plaine de Chambéry était entièrement marécageuse et impraticable, et il n'était pas possible de communiquer par elle avec la partie supérieure de la vallée de l'Isère. Ses extrémités sont encore à l'état de marais aujourd'hui, malgré l'endiguement du torrent de Leysse et de la rivière de l'Albane, et elle n'a été traversée par des chemins praticables que dans les temps modernes. Au moyen âge encore, la grande voie ou plutôt la seule qui longeât cette vallée, partait de la vallée supérieure de l'Isère vers Montmélian, suivait la base des coteaux, s'élevait derrière la colline de Chignin, s'abaissait vers Leysse pour traverser le torrent à sa partie la plus resserrée, et, par la base des coteaux de SaintAlban, s'élevait jusqu'au plateau supérieur et descendait ensuite par la gorge de Saint-Saturnin sur le plateau de Sonnaz. De là, elle gagnait le Viviers et Aix, d'une part, et de l'autre, descendant et traversant la terre nue près du lac, arrivait au pied du Mont-du-Chat, d'où deux routes partaient à l'époque romaine l'une, principale, par le col du Mont-duChat; l'autre, secondaire, par le col de Saint-Michel, passant au-dessus des coteaux de La Motte et de Saint-Sulpice. C'était donc là un poste d'une importance d'autant plus grande que la gorge, d'un accès très difficile du côté de Sonnaz, arrive au pied du plateau escarpé d'où les gardiens, sans être en grand nombre, étaient dans les meilleures conditions de défense, ayant de l'eau en abondance sans pouvoir en être coupés, et toutes facilités pour se retirer ou pour recevoir des approvisionnements et des secours de la partie du pays placée derrière eux, et d'où un signal d'appel pouvait être facilement vu à de grandes distances. La force naturelle de cette position fait com |