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ligne tirée du nord au sud sur une longueur de quinze kilomètres. Décidément la Savoie n'est pas riche en monuments de cette catégorie. Si le malheur d'autrui est une demi-consolation, ajoutons que la Suisse est encore plus mal partagée : il paraît qu'un seul dolmen, élevé dans le canton de Zurich, a été reconnu jusqu'à ce jour dans cette terre si féconde en autres souvenirs des anciens àges. Quant à l'orientation, je l'ai signalée où c'était possible, sans y attribuer toutefois une grande importance: M. Cartailhac a figuré sur une carte l'orientation d'une cinquantaine de dolmens de l'Aveyron; or ils sont dirigés indistinctement dans tous les sens; des observations analogues ayant été faites dans d'autres contrées, il faut renoncer désormais à se préoccuper de ce caractère si variable.

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MENHIRS. C'est dans le passé, plutôt que dans le présent, qu'il faut chercher la liste de nos pierres

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complète dans d'autres parties, ne note que deux de
nos monuments. F. Troyon, Monuments de l'an-
tiquité dans l'Europe barbare, formant le t. XXV
des Mém. de la Soc. d'hist. de la Suisse romande,
1868. Il décrit, p. 79-80, d'après M. Blavignac,
les dolmens de Reignier et de Saint-Cergues.
Paul Vionnet, Les monuments préhistoriques de
la Suisse occidentale et de la Savoie, Lausanne,
1872, magnifique album in-folio, texte et 35 photo-
graphies; deux planches sont consacrées au dolmen
de Reignier, une à celui de Saint-Cergues, deux
autres à la pierre Passe-Diable et à la pierre au Diable.
(A suivre.)
LOUIS REVON.

ABBAYE DE SAINTE-CATHERINE PRÈS D'ANNECY

(Suite. V. les nos de janvier et février.) D'après les notes manuscrites de M. David, chanoine de la collégiale de Notre-Dame-de-Liesse

debout. Les entrepreneurs de bâtisses, peu respec-d'Annecy au milieu du siècle dernier, la reine Ertueux envers l'archéologie, transforment peu peu les vénérables aiguilles en pieds-droits et en bordures de trottoirs. Voyez plutôt où nous en sommes réduits :

Dans la commune d'Amancy, on doit reléguer au rang des souvenirs la pierre du milieu du monde, placée par Notre-Seigneur pour marquer le milieu de la terre, entre Vozeyrier et Passeirier, à droite et au bord de la route actuelle de Bonneville. MM. Dumont, de Mortillet et Pinget m'ont dit avoir bien constaté l'existence de ce menhir en protogine, aujourd'hui disparu, et réduit alors à une hauteur de 1m,50, après avoir eu probablement une élévation presque double.

Commune de Collonges, au mas de Pierre-Grand (Pirra-Grand), un menhir désigné sous le même nom, et détruit il y a quelques années, avait, dit-on, huit mètres de hauteur; il est permis de mettre un point d'interrogation devant un pareil chiffre, quoiqu'il ait été inscrit par des écrivains sérieux.

On ne peut guère comprendre dans les menhirs des blocs formés de plusieurs pièces, comme celui d'Abondance, ni d'énormes rochers qui n'ont pas été dressés par les hommes, comme la Pierre Margeria près d'Annecy. Nous en reparlerons à propos des gendes, et nous étudierons dans le même chapitre les pierres à écuelles et les pierres branlantes.

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mengarde, épouse de Rodolphe III de Bourgogne, après avoir fait achever l'église et le couvent de Talloires, et donné aux religieux plusieurs rentes sur les villages environnants, vers 1032, aurait encore fondé plus tard, au bas du château de Sallenove, dans un site appelé Bonlieu, une maison de Bénédictines, qui aurait adopté, au siècle suivant, la réforme de saint Bernard de Clairvaux.

Nous n'avons pu trouver les preuves de cette assertion. D'ailleurs le nom de Bonlieu, qu'ont porté deux abbayes cisterciennes d'hommes dans les diocèses de Limoges et de Bourges, et trois autres abbayes de femmes du même ordre dans les diocèses du Mans, de Lyon et de Valence, nous semble appartenir spécialement à la famille de Citeaux, qui ne commença qu'en 1098, quarante-deux ans après la mort d'Ermengarde, et qui n'eut réellement de vigueur propagatrice qu'après l'entrée, en 1113, de son second fondateur, Bernard, qui devint, en 1115, premier abbé de Clairvaux (1).

C'est ensuite d'un retour plus complet à la règle primitive de saint Benoît dans les abbayes de femmes, dù au zèle de saint Bernard, qu'on les appela Berlé-nardines. De Tart, près de Dijon, où cette réforme commença, en 1120, elle avait passé à Saint-Paulde-Niseaux, dans le diocèse de Grenoble. C'est de là que la mère de saint Pierre II, archevêque de Tarentaise, conduisit, vers 1140, une colonie à la ferme du Beton, au sud de Chamousset, dans le diocèse de Maurienne. Elle fut sous la direction des cisterciens de Tamié, dont saint Pierre II avait été le premier abbé dès le 9 mai 1133 (2).

BIBLIOGRAPHIE. Eusèbe Salverte, Notice sur quelques monuments anciens, situés dans les environs de Genève. Genève, 1819, br. L'auteur donne libre cours à son imagination: il transforme en aiguille de cadran solaire le bloc dressé à côté du dolmen de Reignier. - Album de la Suisse romande, 3 vol. Joli dessin de Burdallet figurant le monument de Reignier. - Blavignac, Description de quel ques monumenis celtiques situés dans les environs de Genève, br. tirée du t. V des Mém. de la Soc. d'hist. et d'arch. de Genève, 1847. Bonnes indications. A cette époque, les Orovèse et les Velléda oocupaient une large place dans les rêves des écrivains. Ducis, description du dolmen de Reignier dans Revu · savoisienne, juin 1866. A. Bertrand, Carte de la Gaule, Monments de l'âge de pierre, dolmens et tumuli-dolmens, Paris, 1867. Cette belle carte, si

Nous n'hésitons donc pas à considérer Bonlieu du diocèse de Genève comme une filiation du Beton, non par la simple adoption de la réforme bernardine, mais par sa fondation primitive, à la demande de la maison de Viry-Sallenove, qui en fit la première dotation, et que l'Inventaire des titres du Beton fait remonter à l'an 1160.

Lorsqu'un monastère était nombreux, il pouvait

(1) Ratisbonne, Histoire de saint Bernard, 1.

(2) Académie de Savoie, III, 315. Melville Glower, L'abbaye du Beton. Burnier, Histoire de Tamié. Chevray, Vie de saint Pierre 11. Archives de Tarentaise, 72, 129.

fonder une colonie dans celle de ses fermes (grangia) qui suffisait à entretenir treize sujets. C'est ainsi que, soixante-huit ans après la fondation de Bonlieu, un essaim en sortit pour aller s'installer dans un repli rocheux de la croupe septentrionale du Semnoz, à la demande, toutefois, de la comtesse de Savoie, Béatrix de Genève, qui avait pourvu aux frais d'établissement.

Un jour, après l'office du matin, toute la communauté s'était réunie au chœur de l'église, dont les échos répétaient pour la première fois des prières inaccoutumées. La supérieure désigna les religieuses qui devaient former la colonie. Elles vinrent recevoir sa bénédiction; puis le cortège parcourut les cloîtres au chant des psaumes. A la porte du couvent, la supérieure remit à sœur Agathe de Genève le livre de la règle et une croix de bois, et on se dit adieu de part et d'autre.

A la suite du père directeur et peut-être de la fondatrice, le jeune essaim se dirigea vers Annecy, en continuant la psalmodie, et se rendit au lieu de sa destination, dont nous avons marqué l'itinéraire dans l'article précédent.

En arrivant elles prirent possession du cimetière par la plantation des croix de bois aux quatre angles; puis elles entrèrent à l'église, dont la construction avait été commencée par l'aïeul de la prieure, et, après y avoir récité les prières prescrites en pareille circonstance, elles occupèrent, toujours suivant le cérémonial de l'ordre, l'habitation qui leur avait été préparée.

Leur costume se composait d'une robe de laine d'un blanc gris, retenue à la taille par une corde, et sur laquelle s'abattaient les deux bandes d'un scapulaire noir. Une guimpe blanche couvrait la gorge et les épaules, et un voile noir pour les professes et blanc pour les novices couvrait la tête et le buste. Au chœur les professes portaient une ample tunique blanche appelée coule. Les sœurs converses avaient presque le même costume, mais plus simple et de couleur cendrée à cause de leurs occupations.

Toutes gardaient leurs vêtements pour aller prendre le repos, qui durait de huit heures du soir jusqu'à cinq heures du matin, sauf l'interruption entre minuit et une heure et demie du matin pour le chant de matines et laudes. Le chant des autres parties de l'office était distribué en six autres moments de la journée. L'exercice de l'oraison mentale avait lieu le matin et à la tombée du jour.

Elles ne faisaient que deux repas, le premier après dix heures du matin, le second à six heures du soir. L'abstinence des aliments gras était obligatoire toute l'année. Le jeune et la discipline devaient avoir lieu les mercredis et vendredis et les vigiles des fêtes.

Le silence était perpétuel, sauf pendant une heure après le premier repas et une demi-heure après le second.

Les professes et les novices s'occupaient, à certaines heures, de travaux manuels, comme coudre, filer ou soigner le petit jardin. Le grand jardin était dévolu aux sœurs converses, ainsi que les autres travaux de la campagne, dans lesquels elles pouvaient être aidées par des domestiques attachées à la maison sans aucune obligation conventuelle.

C'est à la suite des travaux de défrichements et de culture que s'établit la Bouverie, à 400 mètres au sud du couvent, et successivement un autre grangeage à l'extrémité du plateau.

Tels étaient les points principaux de la règle des Bernardines primitives (1).

La colonie de Sainte-Catherine était sortie de Bonlieu depuis à peine quatorze ans, lorsque survint un différend entre la mère et la fille. Il n'est pas étonnant que la première ait prétendu conserver sur la seconde un droit de suprématie, qui était dans les usages, à moins de stipulation contraire. Mais cette filiation devait-elle se traduire en redevances, fondées peut-être sur le droit qu'avait antérieurement Bonlieu dans les parages du Semnoz? Nous l'ignorons, faute de documents.

La question fut portée au chapitre général de l'ordre de Citeaux, qui nomma deux juges, Jean, abbé du Miroir, près de Cuiseaux, et B. (2), abbé de Chassagne, près de Chalamont.

Dans leur sentence, prononcée à Ambérieux, au mois d'octobre 1242, ces arbitres imposèrent à la maison de Sainte-Catherine la somme de trente livres de Genève à solder à celle de Bonlieu, à l'égard de laquelle ils la déclaraient, moyennant ce solvit, complétement affranchie de toute sujétion. La décision fut acceptée de part et d'autre par serment, avec amende de trente livres viennoises contre toute contravention, et les parties donnèrent pour garants, Bonlieu, Michel, abbé de Bonmont, près Nyon, et Sainte-Catherine, B..., abbé de Saint-Sulpice, près Thésillieu en Bugey (3).

Le jeune prieuré ne put satisfaire à ses engagements. La fondatrice était probablement absente; car elle aurait tenu à honneur de concourir à l'affranchissement de son œuvre de prédilection. Agathe de Genève ne pouvait recourir à son père, Guillaume II, comte de Genevois, dont la fortune était dans l'état le plus précaire. Cinq ans auparavant il avait été condamné à payer à Pierre de Savoie la somme de 20,000 marcs d'argent, soit plus d'un million de francs, qu'il n'avait pas fini de solder en 1250, et pour laquelle il dut mettre en gagerie la plupart de ses châteaux (4).

Un incident, dont nous ne connaissons pas les causes, fit passer la charge de caution pour Bonlieu de l'abbé de Bonmont à celui de Haute-Combe, qui devint le visiteur ordinaire de cette maison.

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(2) D'après Gallia Christiana, l'abbé s'appelait alors Guido. (3) Revue savoisienne, 1867, pages 37, 45. L'abbé de Saint-Sulpice était visiteur pour la province de Savoie en 1667.

(4) Regeste genevois, 708, 716, 737, 744, 781, 821, 823, 824, 836. (5) Ce R... abbé de Haute-Combe, qui était encore en fonctions en 1249, d'après Besson, a été omis par M. Jacquemoud dans la liste des abbés réguliers, page 138. Ce pouvait être un Robert, Rodolphe ou Richard.

30

Nous ne savons qui leur vint en aide pour cette somme; peut-être la fondatrice, de retour de ses terres de Piémont ou de Bresse. Elle aurait également obtenu pour sa nièce le titre d'abbesse.

On a vu précédemment que les supérieures des deux maisons n'avaient encore que le rang de prieures. C'est ce qui résulte de l'acte publié, il y a quelques années, par M. Jules Vuy: In causa quæ vertebatur inter priorissum el moniales de Bonotoco | ex una parte et priorissam et moniales de Montamen ex altera. Mais, ensuite de l'autonomie accordée au couvent de Sainte-Catherine, il est probable que les deux maisons obtinrent le titre d'abbaye. Nous le rencontrons pour la première fois dans l'acte qui va suivre (1).

Neuf ans après, le comte de Genevois, Guillaume II, père d'Agathe, testait à Domène en Dauphiné le 9 novembre, et mourait le 25, en 1252. Nous voyons sa fille, abbesse de Sainte-Catherine, prendre part à un acte de famille, passé au château d'Annecy le 8 janvier suivant, avec sa mère Alix de la Tourdu-Pin, pour la répartition des biens et dettes du comte décédé (2).

A cette époque la fondatrice de Sainte-Catherine vivait encore. A la prière de sa mère et de ses frères Philippe et Thomas de Savoie, Boniface, archevêque de Cantorbéry, avait accordé des franchises à la chartreuse des Portes dans le Roussillon. Sa mère, Béatrix de Genève, fut chargée de les faire exécuter, et c'est l'objet des lettres patentes données à Pierre Chatel le 21 septembre 1253 (3).

Nous pensons que c'est après cet acte de bienfaisance et de justice qu'elle se retira à Sainte-Catherine-du-Mont. L'anteur de la vie de Pierre II, comte de Savoie, place sa mort au 8 avril 1257 (4). Quoi qu'il en soit, ce fut sa nièce qui lui rendit les honneurs funèbres, fit placer son tombeau dans le choeur de l'église et mettre au bas du tableau du vestibule l'inscription rapportée précédemment.

Nous n'avons plus rien sur cette abbesse jusqu'à six ans plus tard, qu'elle figure comme témoin dans deux autres actes de famille passés, le 27 septembre 1273, au château de Chatillon, où nous retrouvons ses deux frères, Guy, évêque de Langres, et Amédée, évêque de Die (5). Elle ne dut pas survivre longtemps à cette date.

Il n'est pas douteux qu'on ait placé sur son tombeau une inscription rappelant son nom et sa qualité, comme on l'a fait pour la seconde abbesse. Mais cette pierre aura été employée dans les matériaux des constructions modernes, n'ayant pas été soustraite auparavant à ce genre de vandalisme comme celle que nous avons reproduite dans le premier article.

Béatrix, fille de Gérard de Compeys, seigneur de Thorens, vidomne de Genève et gouverneur du château de l'Isle, succéda à Agathe de Genève, nous ne

(1) Clémence de Rivoire, première prieure de Bonlieu entre La Bathie et Montbrison, dès 1200, ne fut abbesse qu'en 1249.

(2) Regeste genevois, no 847, 848, 819, 852.

(3) Mémoires et documents de la Société savoisienne d'hist. et d'archéo-
ogie, IV, p. 143.

(4) Regeste genevois, 693.

(5) Regeste genevois, nos 1104, 1105.

savons précisément en quelle année (1). L'inscription
funéraire, qui a été l'occasion de cette étude, relate
son décès en 1307 au 12 juillet.

C'est cette seconde abbesse qui a dû recevoir, dans
la nécropole des princes genevois, la dépouille mor-
telle de deux prélats de cette famille, tous deux
baye; Robert, évêque de Genève, mort le 1er avril
frères de la première abbesse et bienfaiteurs de l'ab-
le 6 mai 1290, d'après le récit de Besson. Mais les
1288, et Guy ou Guigues, évêque de Langres, mort.
deux bénédictins, cités plus haut, ont constaté, par
les peuples
le martyrologe manuscrit de l'abbaye, que l'on en
avaient une grande dévotion à son tombeau (2).
faisait la mémoire le 21 novembre et que
Il n'est guère possible d'assigner moins de 78 ans
à l'administration successive des deux premières
45 ans. Cette longévité n'a rien d'extraordinaire à
abbesses. La première aurait donc pu siéger près de
cette époque. L'obituaire de Bonlieu signale la su-
dant 40 ans, de 1370 à 1410.
périorité abbatiale de Peronette de Sallenôve pen-

(A suivre)

C.-A. DUCIS.

UN SAVOISIEN A LA FACULTE DE DROIT DE DIJON
(J.-B. CARRIER)

Le 1er juin 1809 s'ouvrait à Paris un concours
d'agrégation. Il s'agissait de remplacer à la Faculté
Joly, décédé le 11 août précédent. Trois concurrents
de droit de Dijon le professeur de Code civil, Philibert
se disputaient la place: Dupin ainé, Persil et Carrier,
le Savoisien Carrier, qui, le 31 juillet 1809, était
et, chose étonnante, ce fut le plus modeste des trois,
solennellement proclamé vainqueur. Quelques jours
après, abandonnant Grenoble où il était professeur
ne devait plus quitter, et devenait dès lors le collègue
suppléant, l'heureux lauréat s'installait à Dijon qu'il
et l'ami du grand jurisconsulte Proudhon. « Elevé à
l'Université de Turin, a dit à ce sujet M. le professeur
Villequez (3), l'un des meilleurs docteurs de l'an-
la langue latine, alors en usage dans les concours,
cienne Faculté de droit, maniant le Corpus juris et
avec une égale facilité, Carrier, très versé déjà dans
fait des cours, habitué à la chaire, devait l'emporter
la connaissance du nouveau Code, sur lequel il avait
sur de jeunes docteurs » comme ceux contre lesquels
il avait en à lutter.

Jean-Baptiste Carrier était né au Châtelard, en Chambéry, le 16 juillet 1770, de Jean-François Savoie, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Carrier, notaire audit lien, et de Jacqueline-Césarine Vellex. Il fit ses études de droit à Turin; puis, voulant, commie tant d'autres, payer sa dette à la patrie, il entra au service militaire sans renoncer régiment de Berchini, son Corpus juris, pendu par pour cela à ses travaux de prédilection. Hussard au une boucle à l'arçon de sa selle, ne le quitta jamais pendant la campagne d'Italie qu'il fit avec le général Bonaparte, et M. Villequez, qui nous fournit ces

(1) Costa de Beauregard, Les seigneurs de Compey.

(2) Voyage littéraire, etc., I, page 242. Besson, Mémoires, 131, 172. (3) V. Les Ecoles de droit en Franche-Comté et ex Bourgogne. Paris, 1875, brochure in-8", p. 88.

détails, ajoute: il passait à le relire et à le méditer tous les loisirs que lui laissait sa nouvelle carrière, qu'il accomplissait bravement. Blessé de deux coups de sabre sur le bras dans une charge brillante à Marengo, atteint d'un coup de lance en pleine poitrine à Lodi, il avait repris sa robe d'avocat quand le chef de l'Etat, qui se connaissait en hommes, l'appela à une chaire de suppléant à la Faculté de Grenoble, nouvellement constituée. Quelque temps. après il passait, comme nous l'avons vu, à l'Ecole de droit de Dijon et se faisait inscrire au tableau de l'ordre des avocats.

Très attaché à l'empereur Napoléon, Carrier vit avec un vif regret disparaitre le gouvernement impérial; il fut peu sympathique à la Restauration, qui lui conserva cependant sa place, et lui accorda, quoique un peu de mauvaise grâce, des lettres de naturalité le 28 février 1816. Si je ne craignais d'introduire ici la politique, je reproduirais sur notre savant compatriote une note du maire de Dijon au préfet de la Côte-d'Or, note conservée aux archives départementales et classée M. 11, liasse 2, cote 9, où l'on peut en prendre connaissance.

Quand Carrier mourut, il était depuis quelques minutes doyen de la Faculté de droit (26 avril 1841). « Vous verrez, disait-il à ceux qui l'entouraient, que le décanat, quelque empressement que le rédacteur de l'ordonnance veuille bien y mettre, n'arrivera que pour décorer mon cercueil. Il succomba des suites d'une opération de lithotritie et eut pour successeur dans ce décanat M. le professeur Morelot, qui vit encore aujourd'hui.

Jurisconsulte distingué, orateur écouté, homme d'une probité antique et d'une honnêteté scrupuleuse, Carrier, comme avocat, n'acceptait jamais que la moitié des honoraires qui lui étaient dus. Un jour, on le vit payer de ses deniers les frais d'un procès perdu qu'il avait conseillé, le croyant juste. Très habile dessinateur, il a laissé de curieux croquis à la plume, pris sur place, de scènes militaires auxquelles il avait assisté. Il a écrit aussi sur le Code civil des observations qui ne manquent point d'intérêt et de valeur, mais qui ont été depuis bien dépassées par la science contemporaine. Nous citerons parmi ses travaux sur le droit 1° Traité des obligations d'après les principes du Code civil, Paris, Delestre et Boulage, 1818, in-8°; Traité des hypothèques, priviléges et expropriations forcées, Paris, Delestre et Boulage, 1819, in-8° : 3o Traité sur les engagements qui se forment sans convention et sur le contrat de mariage, Paris, Delestre et Boulage,

1819, in-8°.

Carrier, qui s'était uni à Jeanne-Françoise Bauzon, avait appelé auprès de lui son neveu, François-Théophile Carrier, licencié en droit, né au Châtelard en 1810, naturalisé français en 1835, mort à Dijon en 1873, fils de Maurice-François Carrier, notaire au Châtelard, et d'Antoinette Grillery, époux en 1850 d'Anne-Esther-Nicole Bouchard, fille d'un magistrat dijonnais, et père de deux filles mariées récemment.

Un J.-M. Carrier a publié à Paris, chez Bossange et Masson, en 1809, un Catalogue des minéraux de la vallée de Chamonix et des montagnes voisines; est-ce un parent du professeur de la Faculté de droit de Dijon ? A. ALBRIER.

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Séance du 21 mars

PRÉSIDENCE DE M. C. DUNANT

M. Ducis 1o appelle l'attention sur un détail architectonique du choeur de quelques églises du XIV siècle, dont les contreforts angulaires sont à angle droit au lieu d'être en diagonale;

2o Cite une inscription en l'honneur d'Eustache Chappuys par les Barnabites du collège d'Annecy;

3o Donne connaissance d'une étude qu'il a commencée sur les rapports entre la langue latine et les patois de quelques vallées savoisiennes.

MM. Dunant, Gex, abbé Tissot et Coldefy prennent successivement la parole pour discuter l'origine des patois savoyards et établir des rapprochements avec les langues anciennes et modernes. M. Coldefy signale de nombreux points de ressemblance entre nos patois et le wallon; il établit d'autre part des rapprochements aveo certaines expressions en usage dans le Midi. Sur la proposition de M. Dunant, les membres qui s'occupent de ces questions dresseront des listes de nos mots patois, avec mention de leur étymologie.

M. Nanche dépose comme don un grand parchemin enluminé, daté de 1593: c'est le diplôme de docteur de Jean Favre, l'un de ceux qui ont élevé au Villaret une chapelle en l'honneur du P. Lefèvre.

M. Tissot, ingénieur, demande si la Société pourrait faire construire des appareils pluviométriques pour organiser des observations régulières dans certaines localités situées sur la ligne des eaux qui alimentent le lac d'Annecy Faverges, Saint-Jorioz, Doussard, Bluffy, Saint-Eustache, etc. La réunion accueille favorablement cette

proposition, et invite M. Tissot à faire un appel aux personnes disposées à entreprendre des observations régulières MM. les instituteurs en particulier pourraient offrir un concours précieux. M. Revon fait circuler une photographie qui lui a été envoyée par M. le pasteur Vionnet; elle représente un amis de dattes et d'olives découvert dans les ruines romaines d'Avenches (Aventicum`, avec des vases dessinés dans l'Indicateur d'antiquités suisses (janvier 1875); ces amphores ont une grande ressemblance avec les poteries algériennes que nos membres correspondants de Bône ont données au musée d'Annecy.

M. Serand lit deux lettres adressées de Pondichery, en 1822, par des missionnaires savoyards, donnant des renseignements sur les fonctions remplies dans l'Inde par le général de Boigne. Ces lettres, qui seront publiées dans la Revue, démontrent la fausseté évidente des bruits répandus à cette époque sur l'origine de la fortune du célèbre général.

DONS ET ÉCHANGES:

Henri Miot, 1o Les insectes auxiliaires et les insectes utiles; 2o De la répression des mauvais traitements exercés envers les animaux domestiques; 3° L'horticulture au concours de Langres, dons de l'auteur. Ch. Le Fort, 1o Les franchises de Flumet de 1228; 2o L'otage conventionnel d'après des documents du moyen-áge, dons de l'auteur. G. Spano, Storia degli Ebrei in Sardegna, don de l'auteur. 1° Diplôme de docteur de Jean Favre, parchemin: 2° Pièce concernant les capucins d'Annecy, 1787, dons de M. Nanche.

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sances médicales. — L'Investigateur. — Courrier de Vaugelas. --Bulletin de la Société des sciences de Semur, 10 vol.. Mémoires de la Société des sciences de Lille, 2 vol. - Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Toulouse. Société des lettres de l'Aveyron L'Educa'cur. Inicateur d'antiquit's suisses. Industriel savoisien. Le Léman. L'Echo La Savoie thermale.

--

L'Union savoisienne. Les Alpes. -L'Echo du Salève.

-

L'Allobroge.

chablaisien Journal de la Savoie.

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Le Secrétaire-adjoint, LOUIS REVON.

Quelle que soit la vaste et légitime renommée des truffes du Périgord, ce n'est pas la Dordogne qui fournit le plus de truffes à la France. Loin de là, parmi les cinq départements dont la production truffière a quelque importance, la Dordogne n'occupe que le quatrième rang.

Le premier rang appartient à Vaucluse, comme nous l'apprend M. Jacques Valserre, dans son livre sur la Culture lucrative de la truffe par le reboisement. Ce département, ayant planté 60,000 hectares en chênes truffiers, est arrivé à produire environ 400,000 kilogrammes de truffes par an: ce qui, à dix francs le kilogramme, représente une valeur de quatre millions.

Le second rang revient aux Basses-Alpes, qui elles aussi ont planté de nombreux milliers d'hectares de chênes truffiers. La production annuelle y est de 350,000 kilogrammes, soit trois millions cinq cent mille francs.

La troisième place est dévolue au Lot, qui fournit 300,000 kilogrammes, et qui donnerait bien plus s'il avait été reboisé en chênes truffiers. C'est, en offet, un des départements dont le sol se prête le mieux à la qualité et à la quantité du tubercule aromatique.

La Dordogne tient le quatrième rang avec 130,000 kilogrammes. Elle aussi pourrait augmenter singulièrement son produit, mais jusqu'à ce jour on s'y est peu occupé du reboisement en chênes truffiers. La Drôme le cède de bien peu à la Dordogne, puisqu'elle fournit 125,000 kilogrammes, également susceptibles de grandement augmenter par le reboisement.

Quarante-sept autres départements donnent aussi des truffes, mais fort peu, car à eux tous ils ne font guère que 295,000 kilogrammes. Ce n'est pas que le sol se refuse à ce produit précieux. Bien au contraire, beaucoup de ces départements fourniraient des truffes excellentes, notamment le Tarn, l'Indre, l'Aube, le Jura, la Meurthe-etMoselle, l'Isère.

Le principal consommateur de truffes, c'est Paris; après Paris vient la Russie.

En Algérie, les exploitations de mines se sont singulièrement développées le nombre des ouvriers dépasse 3,500 et croît chaque année. On suppose que l'exportation de minerais de fer en 1874 a été de 490,000 tonnes, contre 420,000 en 1873. Les principales exploitations en pleine activité sont les mines de fer de Soumah près d'Alger, celles d'Aïn-Mokhra près de Bône; les mines de cuivre de Kefoum-Theboul près de la Calle, et d'Aïn-Barbar près de Bône : on pense que les mines de fer des Beni-Saf, dans la province d'Oran, ne tarderont pas à rivaliser avec celles mêmes d'Aïn-Mokhra.

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L'exportation de l'alfa, qui était de 4,000 tonnes en 1869, a dû s'élever en 1874 à 60,000 tonnes, d'un prix moyen de 150 francs la tonne à Oran soit une exportation de huit millions. Bientôt quatre lignes ferrées remontant jusque sur les hauts plateaux au milieu de plaines immenses couvertes d'alfa, donneront une rapide extension à ce commerce. La compagnie franco-algérienne d'Arzeu à Saïda recherche les moyens d'accroître la valeur et les débouchés de l'alfa en livrant ses produits à l'exportation soit sous la forme d'étoupes, soit sous celle de pâte à papier.

La culture du tabac prospère: la récolte de 1874 a été très abondante, et les livraisons faites dans les établissements de l'Etat ont atteint le chiffre de 4,850,000 kilogrammnes, qui ont rapporté aux producteurs 3,530,000 fr., c'est-à-dire presque le double de l'année précédente.

Depuis l'année 1947 jusque aujourd'hui, l'Administration a reçu des plauteurs environ 68,000,000 de kilogrammes de tabac qui ont été payés 54,000,000 de franes. Le bénéfice réalisé par suite de la vente des produits manufacturés pendant la même période a fait rentrer dans les caisses de l'Etat une somme de 493.360,000 fr., c'està-dire près d'un demi-milliard en vingt-sept ans.

Le bénéfice rapporté à l'Etat par la récolte algérienne de l'année dernière peut être évalué à 33,500,000 fr. Voilà un chiffre qui peut soutenir avantageusement la comparaison avec les 23,000,000 du budget de l'Algérie.

On compte, sur un million d'habitants :

14 suicides en Espagne, 32 aux Etats-Unis, 35 en Ecosse, 43 en Belgique, 66 en Suède, 69 en Angleterre, 73 en Bavière, 94 en Norwége, 109 dans le duché de Bade, 110 en France, 123 en Prusse, 128 en Hanovre, 155 dans l'Oldenbourg, 156 dans le Lauenbourg, 159 dans le Mecklembourg, 173 dans le Holstein, 269 dans le Sleswig, 251 dans la Saxe, 288 dans le Danemark, 333 dans la Saxe-Altembourg.

En moyenne, 9 pour 100 des suicidés appartiennent à l'agriculture, environ 13 pour 100 au commerce, près de 22 pour 100 aux professions libérales; le reste est classé comme « sans profession.

Il y a plus de suicides chez les protestants que chez les catholiques.

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