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en 1162; qu'il reçut des faveurs spéciales du pape Célestin III par bulle du 27 maí 1191; que les religieux remplirent quelque temps les fonctions de curés d'Annecy pour la banlieue hors les murs: que le tombeau de B. André d'Antioche, qui en avait été clavaire dès 1348, était achevé en 1360; que l'église, dont on peut encore apprécier l'architecture, quoique destinée à d'autres usages, a été bâtie par les soins du cardinal Robert et de son frère Pierre de Genève sur la fin du XIVe siècle; que ce prieuré fut mis sous la protection et visite des archevêques de Tarentaise dès 1417; qu'enfin il échappa, à cause de son ancienneté, à la réunion de toutes les autres maisons de son ordre faite par Innocent VIII, en 1484, en faveur des chevaliers de Saint Jean-de-Jérusalem.

M. Ernest Chantre, membre correspondant à Lyon, a organisé une Association lyonnaise des amis des sciences naturelles. Parmi les excursions inscrites au programme de cette année, plusieurs ont pour but l'étude de la Savoie : déjà l'exploration de la grotte de la Balme, près d'Yenne, a pleinement réussi, et dans quelques jours l'Association viendra examiner les collections publiques d'Annecy et visiter les gorges et galeries du Fier. La Société Florimontane félicite M. Chantre de cette excellente idée, si souvent mise en pratique par nos voisins de la Suisse, et la propose comme exemple à nos concitoyens.

M. Dégerine, membre effectif à Saint-Julien, fait hommage de plusieurs curiosités historiques et de quelques objets de l'Océanie. Dans ce nombre est un instrument devenu rare: le battoir cannelé servant à agglutiner le liber du Mûrier à papier et de l'Arbre à pain pour la fabrication des étoffes dites tapas; l'emploi de ces étoffes disparaît devant l'invasion des tissus européens.

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M. Jules Philippe, rappelant que les études archéologiques auxquelles nous nous intéressons ne s'arrêtent pas aux limites de la Savoie, donne quelques détails sur la découverte récente, faite en Portugal, des ruines de Cetobriga, ville ensevelie sous les sables de l'Océan, près de Sétubal. Un Français, M. Blin, voyant cet emplacement couvert de murs sur un espace de 3,000 hectares, en fit l'acquisition; il organise une société par actions pour opérer des recherches méthodiques. Une portion de la ville est sur terre, l'autre se découvre à marée basse. Il y a quatre kilomètres de murs d'enceinte.

M l'abbé Tissot et M. Ogier font observer, au sujet du concours d'histoire de la fondation Andrevetan, que plusieurs auteurs pourraient hésiter à envoyer leurs travaux à cause de l'obligation d'abandonner les manuscrits à la Société. La réunion décide que les envois non récompensés seront restitués aux auteurs qui en feraient la demande dans le délai d'une année; ceux qui auront été l'objet d'une distinction resteront déposés dans les archives, à moins que les lauréats ne veuillent les faire imprimer; dans ce cas ils leur seront restitués en échange d'un exemplaire de l'ouvrage imprimé.

A la fin de la séarce, la réunion examine au Musée les nouveaux dons faits par l'Etat: une collection de vases étrusques, grecs et cimmériens, et trois tableaux exposés au salon de 1874: Christophe Sly, scène tirée de Shakespeare, par M. Dupont; le Mont-Aiguille (Isère), par M. Bernard; et une Danse antique, par M. Matout. Cet envoi sera complété prochainement par un paysage de M. de Groiseilliez. Le Secrétaire-adjoint, LOUIS REVON.

BULLETIN

Nous apprenons par le Journal de Genève que la Société géologique de France se réunira le 29 août à Genève. Elle y passera quatre o cinq jours, pour explorer ensuite plusieurs localités de la Haute-Savoie : « eile visitera le récif corallien du Salève dont l'âge

est encore discuté, les Voirons dont la structure compliquée mérite une attention particulière, et la localité classique de la perte du Rhône. Elle se rendra ensuite à Chamonix où elle continuera pendant quelques jours ses excursions.

Le peintre MAX de WALDECK, originaire de Prague, né le 16 mars 1766, est mort le 29 avril, à l'âge de CENT-DIX ANS. En 1785 il fit un premier voyage d'exploration dans l'Afrique méridionale. De retour à Paris, il travailla chez David et chez Prud'hon, puis s'engagen, en 1794, dans l'armée française, qu'il suivit en Egypte; pour ne pas être compris dans la capitulation, il résolut de traverser l'Afrique, franchit le désert de Dongola, et parvint seul aux établissements portugais. Après un nouveau séjour en France, il visita le Mexique et en rapporta de nombreux dessins d'antiquités, qui ont été reproduits par la lithographie dans l'ouvrage intitulé: Recherches sur les ruines de Palenqué.

Depuis que le phylloxera ravage les vignobles de France, de nombreux viticulteurs méridionaux ont abandonné ou vendu leurs propriétés ruinées par le fléau, pour venir s'établir en Algérie et y planter de la vigne. Cette importation en Algérie, de l'industrie viticole du midi, aura, dans un avenir peu éloigné, des conséquences incalculables pour la prospérité de ce pays. Déjà, nos jeunes vignes atteignent des prix que l'on ne trouverait peut-être pas dans les vieux vignobles du Var et de l'Hérault, et ce mouvement ascensionnel s'accentuera encore si, comme tout le fait craindre, le phylloxera continue sa marche envahissante vers le midi. Que l'on considère que la production anLuelle de la France, qui était autrefois de 46 millions d'hectolitres de vins et de 1,200,000 hectolitres d'eau-de-vie, représentant une valeur de cinq cents millions de francs, a baissé de plus d'un tiers depuis l'invasion du fléau, et l'on comprendra tout ce que l'Algérie aurait à gagner, si elle peut arriver à combler l'énorme déficit de la production métropolitaine.

L'Inde a exporté, de 1835 à 1870, une valeur de marchandises évaluée à 1,012,000.000 de livres sterling, soit en francs environ 25,300,000,000. Pendant le même laps de temps, l'importation a été de 583,000,000 de livres sterling, ou de 13,575,000,000 fr.: différence, au profit de l'exportation, 11,725,000,000 fr. Il ne s'agit absolument ici que de marchandises, à l'exclusion de toute autre valeur, telle, par exemple, que l'arrivée dans le pays, pendant 35 ans, de 275,000,000 de livres sterling, ou 6,875,000,000, envoyées dans l'Inde par l'Angleterre pour les innombrables besoins de son armée, de son monde d'employés, de son réseau de chemins de fer indiens, etc. Cet immense commerce s'est fait et se fait encore principalement : en premier lieu avec le Royaume-Uni, en second lieu avec la Chine, qui reçoit très peu de l'Inde, mais qui, en revanche, lui envoie beaucoup d'opium.

Un des grands résultats de l'exploration que les savants russes viennent de faire du delta de l'Amou, c'est la fixation définitive de l'altitude de la mer d'Aral.

Cette mer, ce lac si l'on veut, est plus élevée au-dessus des océans qu'on ne l'admettait jusqu'à ce jour. Un nivellement fait sous la direction du colonel Thilo, au mois d'octobre, entre l'Aral et la Caspienne, a donné pour l'altitude de la première de ces deux nappes, 81 mètres au-dessus de la Caspienne, et par conséquent 53 à 54 mètres au-dessus du niveau des mers.

Le nombre des papeteries des Etats-Unis est maintenant de 800; elles emploient 20,000 ouvriers.

Le dernier recensement municipal de Milwaukee (Etats-Unis), accuse près de 95,000 habitants : c'est un accroissement de 23,000 âmes depuis 1870.

Le Directeur-gérant, L. REVON.
ANNECT. — TYP. A. PERRISSIN ET Cie.

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LES ŒUVRES POÉTIQUES DU DOCTEUR ANDREVETAN

(Suite et fin)

ABONNEMENT

France.

Italie et Suisse

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6 fr.

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7

PAYABLE D'AVANCE

On ne reçoit que des abonnements annuels.

Les communications de tout genre adressées à la Revue savoisienne doivent être affranchies.

Hommages à Jenner, notre libérateur,
Et de l'humanité le premier bienfaiteur.▾
Sur le bronze votif on lira ton histoire,
Des plus grands rois la tienne éclipsera la gloire.
Ton nom, plus que le leur, dans la postérité
Retentira du bruit de l'immortalité,

Et volant d'Albion jusqu'au-delà des ondes,

De son immense éclat enceindra les deux mondes.

M. Andrevetan a déjà déployé dans cette œuvre toute son originalité : il y est tout entier. Mais ce n'est encore là que sa première manière. Le poète a rompu ses lisières, il a son Cosmos. Mais dans cette tension considérable: on voit un peu les muscles lutte de Jacob contre l'ange, il n'a pu éviter une dans cette poésie. Désormais il va s'attaquer à tous les sujets; son talent est non moins vigoureux que peut dire alors avec Térence: Homo sum et nihil flexible. C'est sa seconde manière. M. Andrevetan humani a me alienum puto. Tantôt il nous fait pénétrer au centre des enfers avec Dante; tantôt, dans un hymne à la Providence divine, il chante l'avène

Le caractère général de l'œuvre du poète précisé, indiquons-en rapidement les grands traits. M. Andrevetan a débuté par un poème didactique en dix chants le Code moral du médecin (1842). Il y chante la vie de dévouement du disciple d'Hippocrate, lui enseigne ses devoirs et ne craint pas d'entrer dans les détails les plus techniques et d'affronter les difficultés les plus sérieuses et parfois les plus scabreuses de la versification. A ce point de vue, c'est une œuvre vraiment étonnante. Certes, comme difficultés vain-ment, le règne et la chute de Napoléon Ier : cues, comme tours de force, elle surpasse de beaucoup les ouvrages de nos autres poètes: il y a là du Paracelse. Et ne croyez pas que cette étonnante science de facture paralyse l'imagination chez notre auteur. Il est telle peinture de maladie qui, par la puissance du coloris, le relief, son caractère terrible et lugubre, semble inspirée par la fameuse description que Lucrèce a tracée de la peste d'après Pline, le tableau le plus émouvant qui soit sorti de la plume d'un homme. A côté de ces peintures si scientifiques, sí sévères, se détachent des morceaux vraiment inspirés où le poète montre toute la noblesse du sacerdoce qu'il remplit lui-même et dont il donne la législation:

Celui qui le possède, et d'une main savante
L'applique à conserver la nature vivante,
Exerce un art si beau, si sublime en sa fin,

Qu'il tient moins d'un mortel que d'un être divin.
Il est du Créateur la plus parfaite image.

Puis plus loin, quand il chante la gloire de Jenner :

Les mortels envers toi de respect pénétrés
Béniront ta mémoire, et des peuples sans nombre
Par ces cris d'allégresse honoreront ton ombre:

Des hauteurs où se rend la justice éternelle,
Une main invisible à la race mortelle
Part, traverse l'immense et diaphane éther,
Et d'une rude étreinte, aux rives de la mer,
Saisit le superbe coupable.

Entre l'onde et le ciel au sud ardent lancé,
Il va sur un rocher noirâtre et crevassé
Tomber d'une chute effroyable.

Tantôt il analyse les œuvres de Joseph de Maistre. Il fait preuve dans sa Maistriade d'une rare science analytique et d'une grande indépendance de critique:

Dans ses accès de verve une vive chaleur
De son cœur convaincu passe dans son langage,
Echauffe, vivifie, ranime son ouvrage.

De grâce dénué, dédaigneux d'ornement,
Mais ferme en son essor, vif en son mouvement,
Son style condensé, nerveux et laconique,
Est fait pour les disputes et pour la polémique.
De son raisonnement serré, paradoxal,
Il attaque, il saisit, il presse son rival.

Ici pour immoler un impie adversaire,
D'un style fulgurant il arme sa colère;
Ou là, de tout son poids, colossal éléphant,
Sous ses pieds il écrase, aplatit cet enfant.

La critique, en ses mains, a du vainqueur d'Antée
Placé l'arme jadis des brigands redoutée.
«Sa plume est une hache,» au dire de Pinet;
Plus d'un autre écrivain l'a transformée en fouet.

Mais la France vient d'être livrée pieds et poings liés à l'étranger, ses plus belles provinces sont foulées par la botte du Prussien. Alors le poète pleure les malheurs de la patrie. On ne voit plus chez lui la sérénité olympienne du philosophe; il emploie le fouet de la satire, il tonne, il désespère, il maudit. Il sent qu'il ne faut pas flatter le peuple, mais le relever en lui faisant sentir ses fautes.

On ne peut plus dire alors du poète:

Castigat ridendo mores.

Non! à l'exemple de Victor Hugo

Il jette au vent sa strophe irritée et meurtrie.

C'est la troisième manière de M. Andrevetan. S'il faut reconnaître que sa poésie est alors moins large, en revanche, il a resserré l'inspiration comme dans un étau. Jamais, selon nous, il ne s'était élevé aussi haut. Voici un des passages les plus remarquables de ses satires. Nous prions le lecteur de ne l'envisager qu'au point de vue de l'art, en laissant de côté la passion politique, et se pénétrant bien de cette règle souveraine de la poésie, la liberté de l'inspiration.

O France! tu verras durant mille ans encor
Les prétendants au trône attenter à ton or ;
En leur nom tes enfants, en d'horribles batailles,
Rougir et terre et mer du sang de leurs entrailles;
De leurs divisions laisser pour monuments
De tes propres foyers d'affreux déchirements.

Un cabinet se forme à dix heures du soir

;

A la onzième il est biffé par le grattoir;
On le reconstitue, à minuit on l'épure,
Et l'on en fait au jour déjà la sépulture,
Pour renaître et mourir encor le lendemain:
D'un trouble dans l'Etat présage trop certain,
Des révolutions l'hydre aristocratique
Vous dévorera, Francs, tant que la République
Ne sera pas reçue en principe par tous,

Et l'ogre plébéien vous meurtrira de coups.

Les citations que nous venons de faire suffisent pour donner une idée de l'œuvre de M. Andrevetan. Il nous est impossible dans cette courte notice d'en donner une analyse plus détaillée, qui d'ailleurs serait forcément écourtée. Nous aimons mieux renvoyer le lecteur aux ouvrages mêmes, et nous ne saurions trop l'engager à les approfondir. C'est par l'étude des poètes qu'on devient poète soi-même : l'inspiration veut cette base. Et qui n'en sent l'indigence aujourd'hui? Les poètes ne produisent plus parce que la poésie n'est plus goûtée. La satisfaction des grossiers appétits de la brute est mise au-dessus des nobles jouissances de l'art. Retomberions-nous dans la barbarie? car il n'y a que les barbares, a

dit Goëthe, qui soient insensibles aux accents des poètes. En dehors de nos anciens maîtres, point de productions marquantes.

Qu'on le comprenne bien cependant, la poésie est le plus sûr instrument de rénovation, le meilleur sursum corda. Les prophètes animaient les guerriers hébreux, Tirtée conduisait les Grecs au combat, Koerner et Arndt ont galvanisé l'Allemagne après Iéna, Béranger a tué sous le fouet du ridicule un despotisme imbécile, Lamartine et Victor Hugo ont réagi contre le froid scepticisme du XVIIIe siècle, Goëthe, le plus grand des poètes modernes, a contribué puissamment à l'émancipation de l'intelligence. La poésie est le plus nécessaire de tous les arts, car ses intentions sont plus précises, plus saisissantes, elle s'adresse à tous. Elle est surtout morale, tandis que la peinture et la musique réalisent avant tout le beau abstrait ou plastique. « La poésie, a dit Hegel, est l'art universel, l'art divin. »

Etudiez donc les œuvres de M. Andrevetan. Supposons même un instant que sa poésie ne soit pas de votre goût, que vous n'y trouviez pas la nourriture esthétique que réclament les tendances particulières de votre esprit, croyez bien que pour autant cette lecture n'aura pas été stérile. Si vous avez appris à estimer une incroyable force de volonté unie à la plus grande probité, à admirer une vie toute entière consacrée à la science et à l'art, si vous voulez l'imiter, ce n'est pas en vain que vous aurez feuilleté les œuvres du barde de La Roche.

F. MACHARD.

Nous croyons utile de faire suivre cette courte notice de la nomenclature des ouvrages du poète :

Satires sur les événements contemporains et sur les hommes qui les ont amenés et conduits; Code moral du médecin, poème en X chants; La Savoie poétique, poème en VI chants; Le Lac d'Annecy, poème en VI chants; Les Odes sur l'affranchissement de l'Italie; Les Possédées de Morzine, drame en vers et en deux actes; La sainte de Magland, ou l'hypocrisie sacrilége, drame en vers et en trois actes; Lamentations sur l'Etat déplorable de la civilisation en Savoie, en prose; Fêtes de musiques et d'orphéons en Savoie, poème narratif, descriptif et lyrique; La Décoromanie, pentalogie dialoguée en vers; Le Triomphe de l'amitié, drame en cinq actes et en vers; Le Mariage de réconcilia tion par dépit, comédie pastorale en deux actes et en vers; L'Hôtelier-Vampire, comédie en deux actes et en vers; Le Médecin disciple, rival de son maître, comédie en trois actes et en prose; La Maistriade ou Vie, œuvres de J. de Maistre, et réfutation de sa doctrine, poème en IV chants; Décentralisatio· littéraire, poème en III chants; Le Dante en miniature : l'Enfer, le Purgatoire, le Paradis, poème en III chants; L'Exposition universelle de 1867, poème en I chant; Églogues — Idylles et Arcachon, poème en IV chants.

MORILLON AU XIVe & AU XVe SIÈCLE

(D'après des documents inédits).

A cinq kilomètres de Samoëns, sur la gauche du Giffre, s'élève, coupée de prés-bois, une colline qui se relie à la route départementale par un pont en pierre construit il y a trente ans. C'est Morillon, commune et paroisse de 750 âmes, dont on aperçoit de Taninges le clocher brillant au-dessus des touffes

d'arbres. Morillon, joli nom de lieu appartenant aussi à une ville de Poitou et qui paraît signifier « petit mont (1). Le bourg et l'église sont perchés sur un tertre dominant la plaine et qui est désigné, dans la charte ci-après, par Crestum de Morillion ou Morellons. >

S'il faut ajouter foi à certain document trouvé, il y a vingt ans, dans les archives du presbytère, par Rd Bastard, curé de la paroisse, les habitants auraient, jadis, combattu avec héroïsme les Sarrasins. En retour, les souverains du Faucigny leur accordèrent certains priviléges, tels qu'exemptions de tailles, etc.

Avant l'an 1313, les villages de Morillon semblent avoir été du fief du prince et faisaient partie de ce qu'on appelait alors la « Vallée de Certous» (2).

I

Mais au XIVe siècle, une puissante famille des environs d'Annecy, les de Pontverre, seigneurs de Chavaroche, célèbres, plus tard, dans l'histoire des gentilshommes de la Cuiller, y acquirent des droits considérables. Ce qui résulte de trois chartes en latin dont les copies authentiques et contemporaines sont parvenues jusqu'à nous (3).

Outre un fragment de généalogie sur ces dynasties, et outre l'intérêt qu'elles offrent pour l'histoire du sol et des familles, nos chartes fournissent, parmi les témoins qui y figurent, des noms mêlés à l'histoire générale du pays.

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Le premier de ces titres, reproduit dans le second, porte la date du 9 des calendes d'août 1313. On y voit que « Vir dominus Johannes de Pontevitreo miles » jure fidélité et hommage à Hugues Dauphin seigneur de Faucigny, - sauf l'hommage et fidélité à Guillaume, comte de Genevois, et promet << reducere et recorvare dictum dominum Hugonem et heredes suos et gentes suas in domo sua Calve ruppis. En échange, Hugues Dauphin donne au sire de Pontverre « infeudum perpetuum quindecim libratas terre annui redditus in hominibus in mandamento castri montanerii seu Castellionis, sub forma, modis et conditionibus quibus dominus Hugo assetavit domino Girardo fratri dicti domini Johannis decem libratas annui redditus. » L'acte, concernant Girard de Pontverre, n'est ici qu'indiqué.

Ce contrat entre Jean de Pontverre et Hugues Dauphin est reçu par le notaire Gaido Billet, d'Annecy apud Marcossey (4), in camera domini Hugonis, presentibus: Steph. de Compessio, ca« nonico geben. Roberto Vuagnardi, Girardo de < Pontevitreo, militibus. Humberto de Saramans, « jurisperito. Johanne de Tavel et Petro de Mon<thoux. »

Il résulte aussi de Lettres patentes données, deux ans après, par Hugues Dauphin, le 4 des nones de février 1315. Ces patentes, dont la teneur est énon

(1) D'après Ducange, Morellum signifie bois. Le nom d'Essertous vient à l'appui avec la signification de défrichements. (Note de la rédaction). (2) Voir le titre de la fondation de Mélan de l'an 1292. (3) Don de M. Riondel, géomètre, qui les a trouvées à Samoëns. (4) Ruines près de Sevraz, à Viuz-en-Sallaz,

cée dans notre première charte, contiennent 31 noms de taillables à miséricorde, parmi lesquels sont : « Petrus de Costa, Johes Anthonius, Richardus de Honora, trois familles qui subsistent encore de nos jours.

Le second titre, qui lui-même renferme les deux pièces qui précèdent, est une Reconnaissance en faveur du comte de Savoie Amédée VI, successeur des barons de Faucigny, par Guichard, fils du dit Jean de Pontverre, seigneur de Chavaroche, reçue le 13 septembre 1369, par le notaire Jean Gaillard, à Cluses, dans la maison de Guillaume Amidouz, < presentibus: Guillelmo de Cors domicello. HumJohanne Famelluz de Contamina. Jacobo Fabri berto Billereti parochie muscecii in valle pellosa. de St-Mauricio in Tarentaysia. Petro de Croso de Araschia. » Il relate une longue énumération de poses ou partie de poses de terre, et de taillables. Quantité de ces noms d'hommes sont inconnus. On y trouve, cependant, les noms de Dénarié, Michaud, Pontel, de Roland, du Verney, Simond, de Lullin et Fabri de Lestelley.

Pour tout quoi Guichard de Pontverre promet l'hommage au comte de Savoie, sauf toujours l'hommage au comte de Genevois, - et fait, quant au château de Chavaroche, les mêmes promesses que son père avait faites à Hugues Dauphin. Au bas de l'acte, on lit : « Levata est pro confitente per me Poncium de Berbesiis notarium. »

La 3me, ou, pour mieux dire, la 2me charte, est aussi une Reconnaissance au comte de Savoie Amédée VII, par Hugonin de Pontverre, damoiseau, qui confesse tenir en fief du dit comte un certain nombre de : « redditus, homines, tallias, census et ser« vicia,» le tout situé au crêt de Vésignier, aux Miaux et aux Champs. Suit la liste des pièces de terres, des hommes liges, taillables ou francs. Pour tous ces droits le confessant promet, par serment, d'être fidèle au comte de Savoie et « omnia alia fa« cere que in capitulis fidelitatum nove et veteris continentur. Il n'est plus question du château de Chavaroche.

«

Ce dernier document est reçu par le notaire Jean Gaillard, à Bonne, le 14 mars 1386, dans la maison d'Hugonod Charpin de pede Aye, en présence de Nob. Nantelme de Boege, damoiseau, seigneur de Rochefort; Nycolet d'Amency, damoiseau; Mermet de Thoren, bourgeois de Crusille, et d'Etienne Cornut de Samoëns, notaire. Cette Reconnaissance est reçue, par acte même Jean Gaillard, notaire, du 11 avril 1392, à Chambéry « in castro in logia prope < capellam, presentibus nobilibus Nantelmo de Bo«gio domino Ruppis fortis. Petro filio domini « Roberti Pugini et Petro filio Johannis Pugini, <ac Roleto de Passu notario de Bonnavilla. »

A cette époque reculée, les Miaux, le Verney et Honora, étaient déjà les principaux centres de population. Ils dépendaient de la paroisse de Samoëns et du château mandemental de Montanier (1), détruit par les Vallaisans en 1476.

A propos du nom d'Honora, écrit aussi dans nos chartes, Honorum, son origine paraît se rattacher à la perception des impôts. En effet, dit un

(1) Regeste genevois, p. 509.

auteur (1), « les délégations d'impôts, pratiquées par <les empereurs avant de l'être par les rois Francs,

<< consistaient à attribuer à des fonctionnaires en <activité ou sortant de charge, ou simplement à des << particuliers qu'on voulait favoriser, une portion déterminée du revenu public: le péage d'un pont, << les redevances en denrées dues par un village, etc. Cette dotation s'appelait Honor, et les gens << qui la recevaient étaient honorés. »

Jusque à quand les sires de Pontverre possédèrentils ce fief de Morillion? Comme nous verrons plus bas, les de Viry y eurent des droits vers 1450. Il paraît avoir été rétrocédé au prince, car on trouve que, le 17 juillet 1597, noble de Moyron, receveur général des finances du duc de Genevois, alièna, en faveur de Charles de Gex, la paroisse de Morillon qui fut, ensuite, érigée en baronie en faveur de son fils Jacques de Gex, par patentes du duc de Savoie CharlesEmmanuel, du 22 janvier 1622 (2). TAVERNIER.

(A suivre.)

DOCUMENTS INÉDITS SUR LE GÉNÉRAL COMTE DE BOIGNE Les biographies consacrées à cet illustre bienfaiteur de la patrie par l'Académie de Savoie en 1830, et dernièrement par M. le comte de Foras, dans l'Armorial nobiliaire de Savoie, ont abondamment vengé sa mémoire de quelques rares calomnies échappées à l'envie.

A l'appui de cette réhabilitation nous publions les deux lettres suivantes copiées aux archives du collége de Mélan. Le caractère de leurs auteurs donne à leur témoignage une autorité qui mérite d'entrer dans le domaine de l'histoire. (Voir la Revue de cette année, page 32). E. SERAND.

LETTRE DE M. VUICHARD, MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE A PONDICHERY, DANS LES INDES (Envoyée à Mélan, datée de Pondichery 28 novembre 1822.) Si je n'eusse pas été malade à mon arrivée, on m'auroit d'abord envoyé à Séringapatan ou Chiringapatnan, Capitale jadis du Prince Tiposaïbe, qui a été tué au siége de cette ville par les Anglais, qui ont détruit cette puissance.

Ce qu'on dit de Monsieur de Boigne est faux. Il n'a jamais été au service de Gipo ou Tipou. Mr de Boigne a commandé en qualité de Général les troupes d'un prince Maratte, appelé Sindiah, voisin de Tiposaïbe. Lorsque sa fortune a été assez considérable, il l'a mise en sûreté auprès des Anglais; il est faux qu'il l'ait trahi, il a été remplacé par un autre officier Européen. Quant à la fortune de Mr de Boigne, je ne crois pas qu'elle soit injustement acquise, comme on le dit. Ce prince Maratte assignoit à son Général le revenu d'immenses propriétés, lui laissant le soin d'en tirer le parti qu'il pourroit, pourvu qu'il entretînt les troupes. Alors le Général prenant le titre de Prince de ses terres, nommoit des officiers pour l'administration de ses propriétés, et en disposoit à son

(1) Vuitry, Régime financier de la France avant 1789. (2) Voir Revue savoisienne, 1871, p. 65.

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LETTRE DE M. DUBOIS, DIRECTEUR DES MISSIONS
ÉTRANGÈRES, ANCIEN MISSIONNAIRE DES INDES

(Envoyée à Mélan, datée du 7 février 1825.) J'arrivai de l'Inde au mois de mai 1823 après un séjour non interrompu de plus de trente ans dans ce pays, en qualité de missionnaire appartenant à la de temps, je parcourus toute la presqu'ile de l'Inde; mission de Pondichéry. Durant cette longue période mais mon principal séjour fut dans le royaume de Meisjour. Durant les premières années de mon arrivée dans l'Inde, j'entendis souvent parler de Mr le Général du Boigne, qui étoit alors au service du prince Maratte Sindiah. Je connus personnellement plusieurs officiers Anglais et Portugais, qui avoient servi sous les ordres du Général; et je déclare sur mon honneur que je n'entendis jamais parler de ce dernier qu'en termes de louanges comme d'un galant officier et d'un homme d'honneur. C'est un fait généralement connu dans l'Inde que ce fut à l'excellente discipline que le Général du Boigne vint à bout d'établir dans l'armée du prince Sindiah, que celui-ci fut redevable de la longue suite de victoires et de conquêtes, qui le rendirent le plus puissant souverain de l'Indostant, que ces succès non interrompus furent l'ouvrage du Général du Boigne. Après la conquête de Délhi par Sindiah, ce dernier suivant la coutume barbare des princes despostes de l'Asie, fit crever les yeux au prince Mahométant, Mamous son prisonnier de guerre, et confia le commandement de Délhi et la garde du prince vaincu au Général du Boigne; et c'est aussi un fait connu que ce dernier se conduisit envers ce prince infortuné avec une humanité et une magnanimité propres à adoucir toutes les amertumes du sort de cet illustre captif, et qui furent un sujet d'admiration dans tout l'Indostant, et lui attirèrent l'estime de toutes les âmes sensibles. Quant à la fortune que fit le Général du Boigne dans l'Inde, personne n'auroit à rougir selon moi des sources d'où elle procède. Le prince qu'il servoit avec honneur et fidélité, lui avoit abandonné les revenus entiers et absolus de plusieurs Jaggihères ou provinces pour solder les troupes sous son commandement, et lui laissoit le surplus sans qu'il fût obligé de rendre compte à qui que ce soit. Le Général exact à payer les troupes mois par mois, trouvoit un excédant considérable dans le revenu des provinces mises à sa disposition. Ainsi sa fortune quelque considérable qu'elle puisse être, n'a été acquise que par des voies honorables; et je déclare de nouveau que je n'ai jamais entendu, durant mon séjour de plus de trente ans dans l'Inde, aucune insinuation qui pût tourner au désavantage du Général du Boigne, ou le faire soupçonner coupable de quelqu'une des bassesses qu'on dit lui être reprochées par ses ennemis.

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