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18 Année. – N° 3.

Omnes omnium caritates patria una complexa est.

28 mars 1877.

ON S'ABONNE

REVUE SAVOISIENNE

Par un bon postal à l'or- JOURNAL PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ FLORIMONTANE D'ANNECY

dre du Directeur;

La Revue rendra comp

te des ouvrages dont deux exemplaires lui auront été adressés.

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SOMMAIRE. La neutralité du nord de la Savoie (suite), par M. C.-A. Ducis. Résumé des observations météorologiques faites à Annecy et dans la Haute-Savoie pendant l'année 1876, par M. Eugène Tissot. Etude philologique sur le mot Tsar, par M. A. Constantin. L'école à l'exposition d'hygiène et de sauvetage, Bruxelles 1876, par M. J.-C. de Vigne. gnier (fin), par M. l'abbé Gex. Séance de la Société Florimontane. Bulletin. Observations météorologiques et hydrométriques faites au jardin public d'Annecy, par M. A. Mangé.

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LA NEUTRALITÉ DU NORD DE LA SAVOIE

(Suite)

XVI

Le châtai

Il nous reste maintenant à justifier le premier article de ce traité, à expliquer le second, et à voir l'exécution du troisième, par rapport aux traités précédents.

Il faut se rappeler qu'en 1535 Genève avait consommé l'acte de révolte, déclaré déjà dès 1526, contre le pouvoir temporel et spirituel de l'évêque, et celui du duc de Savoie, comme acquéreur des droits de la maison de Genève et vidomne de l'évêque, et comme vicaire perpétuel de l'Empire, dont l'évêque tenait son principat. Elle s'était mise sous le protectorat de Berne, qui voulut aussi s'imposer à Lausanne. Mais le pays de Vaud restait fidèle au duc de Savoie et à l'évêque de Lausanne.

Berne, appuyée par François Ier, s'empara, en 1536, des pays de Gex, de Nyon, de Vaud, Vevey et Villeneuve, des baillages de Ternier et Gaillard, et du Chablais occidental jusqu'à la Dranse, et y imposa de force le protestantisme.

Les habitants d'au-delà de cette rivière jusqu'à Saint-Maurice, voyant que le duc de Savoie ne pouvait les secourir contre les dévastations menaçantes de Berne, se mirent sous la protection de l'évêque de Sion, du bailly et des sept dixains du Vallais, à condition de rentrer sous la domination du duc de Savoie, quand les circonstances le permettraient, sauf indemnité des frais de sauvegarde. Une ligue défensive, solennellement célébrée à Sion le 1er mai 1528, liait d'ailleurs le duc de Savoie à l'Etat du Vallais. Ce qui n'empêcha pas ce dernier d'abuser de sa position, soit du côté d'Aoste, soit du côté du

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Payable d'avance.

On ne reçoit que des abonnements annuels.

Les communications de tout genre adressées à la Revue savoisienne doivent être affranchies.

Chablais, où il avait organisé les trois baillages de Monthey, d'Evian et d'Aulps.

Le canton de Fribourg avait occupé le comté de Romont, sous prétexte de le garantir de l'hérésie bernoise, ainsi que plusieurs terres de Vaud, qui s'étaient réservé de retourner au duc de Savoie quand le pays lui serait restitué.

À la faveur de ces diversions, le roi de France avait pris la Bresse, le Bugey, le Val-Romey, la basse Savoie, la Tarentaise, la Maurienne et une partie du Piémont. Il n'eut pas besoin de conquérir le Genevois, le Faucigny et Beaufort, formant dès 1514 l'apanage de la branche cadette de Savoie, dotée par lui du duché de Nemours en 1528, et alors sous la tutelle de Charlotte d'Orléans-Longueville, sa cousine.

A la diète de Spire, 1544, Charles-Quint, comme suzerain des anciennes provinces burgondes, avait condamné les Bernois, les Fribourgeois et les Vallaisans à restituer leurs prises au duc de Savoie, et fait promettre au roi de France d'en faire autant.

Vainqueur à Saint-Quentin et à Gravelines, Emmanuel-Philibert recouvra d'abord, par le traité de Cateau-Cambrésis du 3 avril 1559, toutes les prises de la France en deçà des Alpes.

Le 11 novembre 1560, il renouvelait l'alliance avec les sept cantons des ligues allemandes, et, par arbitrage de médiateurs du 30 octobre 1564 à Lausanne, le gouvernement de Berne rendit le pays de Gex, les baillages de Ternier et Gaillard, le Chablais occidental, et garda le reste, comme Fribourg. C'est depuis lors que Thonon est devenu le chef-lieu du Chablais au lieu de Saint-Maurice d'Agaune, tenu par les Vallaisans.

Genève avait retenu les terres ecclésiastiques, sans se soucier des charges, dont elles étaient grevées, et que ne pouvait plus acquitter le personnel qu'elle en avait chassé. Les arbitres n'en pouvant venir à bout, renvoyèrent le débat de la question entre le duc de Savoie et la cité rebelle, sans aucune participation de Berne.

Article III. Touchant les droits que les prédécesseurs d'illustre mémoire de Son Altesse ont eus à Genève, nous semblerait bon que cet article et négoce pour le présent demeurat en surséance; espérant que Son Altesse en pourra, à l'avenir, avec bonne discrétion, convenir, arrêter et appointer avec

la dite ville de Genève; et, au cas que cela n'aurait lieu et ne se pourrait faire, alors ceci se devra résoudre et terminer par voie d'ordinaire justice. > A l'article XIV, est arrêté que nulle des dites. parties fera cession ou transport des villes, forteresses, terres et gens à elle présentement attribuées, à aucun autre prince, seigneur, villes et pays ni communautés quelconques, soit à titre d'achat, permutation ou en autre sorte et manière; et ce, afin que d'un côté et d'autre, ils soient et demeurent déchargés d'incommodité de voisinage étranger et moleste. >

Il ne s'agissait ici que des baillages de Thonon, de Ternier et Gaillard et surtout de Gex, qui enclavait Genève de Vernier à Versoix, dont le territoire longeant le lac séparait Genève du pays de Vaud et conséquemment du canton protecteur de Berne.

Tout en s'appuyant de la France pour rogner la Savoie, Genève et Berne voulaient encore moins du voisinage étranger et moleste de la France.

A trois siècles de distance ce fut la même chose. C'est précisément cet article XIV qni servait de base aux prétentions suisses, auxquelles le propriétaire d'Arenemberg, bourgeois suisse lui-même, n'avait osé résister d'abord.

Or, ce fameux traité de 1564 n'avait pas tardé à être déchiré, ainsi que les suivants, par ceux mêmes qui avaient réclamé la clause de l'article XIV comme on le verra plus loin.

Mais Emmanuel-Philibert tenait à garder les clefs de la Savoie le long du Léman et du Rhône et à ne pas créer un état rival en-deçà des Alpes. Il essaya de satisfaire le chef de la branche cadette par des augmentations successives de revenus avec le titre de duc de Genevois, en 1564, pour correspondre à celui de duc de Nemours, que son père Philippe avait reçu de François Ier en 1528. Pour aider aux frais de son mariage avec Anne d'Est, veuve du duc de Guise, le duc de Savoie lui donna encore, en 1565, les fiefs de Poncin et de Cerdon en Bresse. En 1571 il ajouta aux fiefs que son père avait reçus en Bugey dès 1528, le marquisat de Saint-Sorlin, en compensation de la baronie de Faverges, donnée à l'ambassadeur Millet, qui devait avoir l'œil sur la petite cour d'An

necy.

Le duc de Savoie avait enfin récupéré de Henri III, les dernières places que la France avait retenues en Piémont. Il acquérait, en 1575, la clef des Apennins depuis le col de Tende jusqu'à Oneille, en échange de quelques fiefs de la Bresse et du Bugey, où déjà se trouvait dès 1559 le douaire de la duchesse, Marguerite de France, et où fut placé encore, en 1576, l'apanage d'un fils illégitime, Don Amédée de Savoie, marquis de St-Rambert.

On voit qu'Emmanuel-Philibert préludait à la cession future de ces contrées, qui n'eut lieu qu'en 1601, pour s'étendre de l'autre côté des Alpes, où d'ailleurs il avait transporté le siége de son gouvernement, en faisant construire la citadelle de Turin.

En face de cette politique, Jacques de GenevoisNemours, qui avait été gouverneur du Lyonnais et du Dauphiné, devait se trouver trop à l'étroit dans la petite ville d'Annecy. Comptant sur Henri III, qui avait épousé sa nièce, Louise de Lorraine - Mercœur, il crut le moment favorable pour surprendre Genève et en faire la capitale de ses états en-deçà et en-delà du Rhône, 1576. La fidélité et la résistance du père de saint François de Sales pour ses terres de Brens, relevant du duc de Savoie, empêchèrent cette tentative.

Emmanuel-Philibert fit rappeler son cousin au devoir par le gouverneur de Savoie et le président du Sénat, garda comme btage à sa cour le fils aîné, prince de Genevois, le pensionna, vint en Savoie pour raffermir le principe dynastique, en faisant prêter serment de fidélité à son héritier présomptif, le prince de Piémont, renouvela l'alliance avec les cantons suisses catholiques et reprit ses tractations diplomatiques sur Genève.

En demeure de s'exécuter dès 1564, le gouvernement du Vallais, par le traité de Thonon du 4 mars 1569, ne rendit que la partie du Chablais entre la Dranse de Thonon et la Morge, et, par l'influence de la France, garda ce qu'on a appelé dès-lors le bas Vallais, en s'appuyant d'une donation prétendue de Charlemagne à l'évèché de Sion, qui ne put en jouir; car les Vaudois tenaient la partie de la rive droite du Rhône, dès 1478, et le gouvernement civil du Vallais s'adjugea celle de la rive gauche en 1613. Par acte passé à Berne le 5 mai 1570, un modus vivendi avec alliance défensive fut conclu entre le duc de Savoie et Berne pour 20 ans, et les parties contractantes convinrent le même jour d'une forme analogue entre le duc de Savoie et la ville de Genève pour 23 ans. Au fond, sous prétexte de favoriser le commerce entre ces contrées, ces accords n'étaient qu'un leurre pour laisser se raffermir l'état de choses introduit en 1536. Car Genève garda les terres ecclésiastiques réservées au duc; et, quant aux droits politiques de ce dernier, on s'en référait à l'article III du traité de Lausanne de 1564. Irrité, Jacques de Genevois-Nemours prétendit Mais voici venir un autre prétendant. aux droits souverains des régales dans tout son apaPendant la lutte de François Ier et Henri II contre nage. Le duc de Savoie lui prouva que c'était une Charles-Quint et Philippe II, deux princes de la prérogative de la couronne. Il lui donna encore, pour maison dé Savoie s'étaient trouvés dans les camps l'apaiser, de nouvelles pensions, mais cette fois à opposés: Emmanuel-Philibert avec l'Empire, et Jac- condition de renoncer à toute prétention sur la souques avec la France. Par la restitution de la Savoie, veraineté des Etats. L'acte est du 8 avril 1580. Emce dernier, héritier de l'apanage du comté du Gene- manuel-Philibert mourait le 30 août. Son fils Charvois et des baronies de Faucigny et Beaufort, rede-les-Emmanuel le ratifia le 13 octobre, le fit confirmer venait le feudataire de la branche aînée. Appuyé par la France, il voulait partager avec le duc de Savoie les provinces restituées, et arrondir son apanage au moins de tout l'ancien pagus de Genève, qui comprenait plus de la moitié de la Savoie.

par l'empereur d'Allemagne, et reprit la question de Genève plus vivement que jamais.

Or, les parties n'ayant pu s'accorder entre elles, selon l'article XII de 1570, et le duc de Savoie n'ayant pu recouvrer Genève avec bonne discretion, même

en lui offrant de redevenir capitale de la Savoie septentrionale, ni par voie d'ordinaire justice, puisque Genève ne reconnaissait plus le tribunal d'Etat de ces contrées, c'est-à-dire la Chambre Aulique, qui avait sanctionné en 1422 l'acquisition faite en 1402 par Amédée VIII de la succession de la maison de Genève, résolut de l'avoir par la voie des armes. Il avait eu le tort de compter sur la parole de l'envoyé d'Henri III, roi de France, qui lié avec la Suisse par le traité de 1579, suivant les traditions de ses prédécesseurs, fit manquer l'expédition de 1582, à laquelle il avait donné d'abord son assentiment.

A l'annonce de cette tentative, d'ailleurs mal concertée, Jacques de Genevois-Nemours, toujours d'accord avec la France, et dans l'espérance de la succession de Charles-Emmanuel, non encore marié et qu'on pensait devoir succomber à cette équipée, avait quitté Annecy pour se retirer dans ses terres de la Cassine de Chatillon près de Turin, où il mourut le 18 juin 1585.

gnoles et napolitaines, presque aussi à charge que des ennemis.

Le duc de Savoie était alors du côté de la Provence, qui l'avait appelé à la souveraineté. Son fils Don Amédée ne put tirer parti des corps auxiliaires espagnols et napolitains pour une action décisive, ni du côté de Genève, ni du côté de la basse Savoie contre Lesdiguières. Il ne pouvait compter non plus sur Charles-Emmanuel de Genevois-Nemours, qui, gouverneur du Lyonnais pour la Ligue, essaya de faire de Lyon ce que son père aurait voulu faire de Genève sept ans auparavant. On l'enferma au château de Pierre-Cise.

La conversion de Henri IV au catholicisme, le 25 juillet 1593, semblait ôter aux Bernois et aux Genevois l'espoir d'être soutenus par la France. On négocia donc une trève d'après laquelle le duc de Savoie reprenait Ternier et Thonon sans renoncer à ses droits sur Gex et Gaillard, que retinrent les Genevois. A sa demande, Mgr Claude de Granier envoya à Thonon pour le service catholique du Chablais François Bochut, prêtre distingué, qui fonda plus tard le collège de Cluses en 1617. C'en fut assez pour les intelligences Bernoises et Genevoises, qui poussèrent Thonon à la révolte et à la destruction du château du

Les partisans savoyens du pays de Vaud, supportant avec peine le joug de Berne, se mirent au service du duc de Savoie pour lui faire récupérer ce pays, cédé contre leur volonté et sans correspectif. Un orage empêcha les flottilles du Chablais de sou-prince, 1594. C'est après cet acte de sauvagerie, du tenir le mouvement au jour fixé et tout fut manqué (1588).

Le duc de Savoie désavoua cette tentative, à la quelle il n'avait pris aucune part personnelle, pas plus qu'à celle de Genève, occupé qu'il était cette fois à reprendre, sur les instances de l'Italie et de l'Espagne, le marquisat de Saluces, que la France avait gardé injustement dès 1536.

Ne pouvant empêcher cette occupation, Henri III se vengea sur la Savoie. Par accord du 27 février 1589, Berne prêtait au roi 100,000 écus d'or, lui donnait 12,000 hommes sous le commandement de Harlay de Sancy, qui, de concert avec les Genevois, reprenait, en avril, Gex, Ternier, Gaillard et le Chablais, pénétrait dans le Faucigny et le Genevois, puis, en mai, emmenait ses hommes en FrancheComté et de là au siége de Paris. Pour pallier l'effet de ce départ, la France, par accord du 19 avril, avait assuré à Genève la propriété de ses prises jusqu'aux Usses, et la possession du Faucigny jusqu'à restitution par la France de la somme de 55,200 écus d'or, comme frais de guerre avancés par Genève. Profitant des circonstances, les Vallaisans avaient repris le Chablais à la droite de la Dranse; mais ils se hâtèrent de le rendre à l'arrivée du duc de Savoie, qui fit évacuer le reste de ses provinces, et aurait repris Genève, sans la duplicité du commandant auxiliaire espagnol, Guevara.

Les Bernois rendirent leurs prises par le traité de Nyon du 1er octobre 1589, et se désistèrent du protectorat de Genève. Mais les cantons protestants se récrièrent, et Berne rompit l'accord de Nyon comme elle avait fait du traité de Lausanne; et, pendant que les troupes d'Henri IV occupaient de nouveau le pays de Gex, puis le Chablais, les Suisses ravagèrent le Faucigny et pénétrèrent deux fois, 1591 et 1592, jusqu'au faubourg de Boeuf à Annecy, qui fut mieux défendu par la peste que par les garnisons espa

genre de leurs précédents, que François de Sales fut chargé de la mission apostolique qui ramena les Chablaisiens à la religion de leurs pères. Arrêtonsnous là.

Il était donc bien évident que le duc de Savoie n'avait point attaqué les Bernois; que ceux-ci, au contraire, s'étaient entendus avec la France pour reprendre les provinces restituées, et que, pour eux, le traité de 1564 n'était plus qu'une lettre morte.

Le 10 janvier 1601, ils félicitaient encore la ville de Genève d'avoir concouru avec la France à la démolition du fort de Sainte-Catherine, ne se doutant pas que sept jours après, par le traité de Lyon, le duc de Savoie cédait à Henri IV le pays de Gex, spécialement visé dans l'art. XIV du traité de 1564. Ils n'osèrent plus s'en prévaloir, pas plus que protester contre l'occupation de la Savoie par la France en 1630, en 1690; sauf en 1703. Ne pouvant alors accepter la neutralité de la Savoie, à l'encontre de Louis XIV, Berne se réserva que ce pays ne fût jamais cédé à la France, qui le garda, quand même, jusqu'en 1713, le reprit en 1792, se le fit céder en 1796, en garda le tiers en 1814, sans réclamations effectives de la Suisse contre ce voisinage étranger et moleste; attendu que cette réserve n'avait pas été sanctionnée par les puissances.

Ce n'est qu'en 1860 que ce lambeau du vieux traité de Lausanne est sorti comme un fantôme de son tombeau. Dans une dépêche au représentant français à Berne, du 17 mars 1860, M. de Thouvenel y avait répondu en rappelant que la convention de 1564 avait pour objet un partage et des délimitations que les événements postérieurs ont plusieurs fois modifiés sans réclamations de la part de la Suisse. Elle se référait à une situation et des éventualités qui sont sans analogies avec l'état de possession actuel; elle se trouve donc périmée par la force des choses; il n'en a été fait aucune mention dans les actes de

1815, où l'on a pris soin cependant de rappeler la convention de 1754. >

Cette réponse avait été inspirée probablement par une note historique du 5 mars précédent, émanée d'un ancien magistrat, très familier avec l'histoire de son pays. Elle se terminait ainsi : « Ne contrarions pas la loi de la Providence; car son action, un moment entravée par les accidents qu'elle permet, emporte bientôt son obstacle. La nature a fait la Savoie française, qu'elle le soit enfin, et pour toujours et tout entière. >

Huit jours après la signature du traité de cession, Victor-Emmanuel annonçait aux habitants de la Savoie et de Nice que, quelque pénible qu'il lui fût de se séparer des provinces auxquelles tant de souvenirs le rattachaient, les changements territoriaux amenés par la guerre, en justifiaient la cession à la France. Je ne pouvais méconnaître, d'ailleurs, que le développement du commerce, la rapidité et la facilité des communications augmentent chaque jour davantage l'importance et le nombre des rapports de la Savoie et de Nice avec la France. Je n'ai pu oublier enfin que de grandes affinités de race, de langage et de moeurs rendent ces rapports de plus en plus intimes et naturels. »

En les appelant à manifester leurs vœux en toute liberté, il ajoutait: Dans ces circonstances solennelles, vous vous montrerez dignes de la réputation que vous avez acquise. Si vous devez suivre d'autres destinées, faites en sorte que les Français vous accueillent comme des frères qu'on a depuis longtemps appris à apprécier et à estimer. Faites que votre réunion à la France soit un lien de plus entre deux nations dont la mission est de travailler de concert au développement de la civilisation. Turin, 1er avril 1860. »

Il n'y avait plus à choisir entre la France et le Piémont. La votation avait pour objet la réunion à la France, oui ou non. Le scrutin presque unanime de la Savoie, tout en exprimant des aspirations que les circonstances ne pouvaient plus guère modifier, fut un dernier acte d'adhésion à l'invitation résignée du prince qu'elle allait quitter. (A suivre).

C.-A. DUCIS.

RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES FAITES
A ANNECY ET DANS LA HAUTE-SAVOIE
PENDANT L'ANNÉE 1876

Des observations détaillées sur les vents, la pression de l'air, l'humidité et la température ont été prises, durant le cours de cette année, à Annecy et à Mélan La station de Saint-Julien, près Genève, nous a également fourni des relevés barométriques à partir du mois de juin dernier. Enfin, les hauteurs d'eau tombée sous forme de pluie ou de neige ont été enregistrées dans une douzaine d'autres points. Tels sont les matériaux, réunis par la Commission de Météorologie de la Haute-Savoie que nous allons essayer de passer en revue pour caractériser le climat de notre département pendant l'année qui vient de finir.

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II. VENTS. Sauf une vingtaine de jours où le vent a soufflé des rumbs du nord et six jours de l'est, sa direction générale a été obstinément d'entre sud et ouest, tant à Annecy qu'à Mélan. Ici cependant, eu égard à l'orientation de la vallée du Giffre, le vent d'est a régné un peu plus souvent on l'a signalé trente-quatre fois, c'est-à-dire un jour sur dix à peu près; dans le seul mois de décembre, il a été relevé treize fois. Les jours de nord et nord-ouest, à Mélan, sont au nombre de quarante, dont douze en janvier et deux ou trois dans chacun des autres mois; tout

le reste de l'année, les courants d'entre ouest et sud ont formé le régime dominant comme à Annecy.

Telle est la manière dont les choses se passent aujourd'hui de ce côté des Alpes. Mais si l'on jette un regard sur le versant italien, on trouve au contraire que ce sont les vents d'est qui règnent le plus; suivant la saison et la direction des vallées, ils peuvent incliner vers le nord et le sud, mais incontestablement les rumbs de l'ouest y sont en minorité. Il semble dès lors, en considérant la région des Alpes dans son ensemble, que les vents accomplissent une espèce de rotation autour du massif de la chaîne principale. De plus, comme le sens de ce mouvement est le même que celui des aiguilles d'une montre, on est admis à penser, vu la loi des courants, que la pression atmosphérique est plus forte sur la droite du vent que sur la gauche, ou qu'en d'autres termes les couches aériennes qui enveloppent la montagne ont plus de densité que celles qui couvrent la plaine. Serait-il permis de voir le centre de ce tourbillon dans l'archipel glaciaire qui émerge au-dessus de nos altitudes de 2,700m? Dans le Mont-Blanc, par exemple, pour le département de la Haute-Savoie? Sans insister autrement sur ce point, nous le signalons dans l'unique but de montrer le rôle que jouent les montagnes dans l'économie de notre climat.

En voici d'ailleurs une autre manifestation. Il est clair que, d'une manière générale, nous subissons l'influence de l'océan; ses dépressions, bien qu'amoindries par la distance, nous arrivent en moyenne trente-six heures après Paris. Nous ressentons également et d'une façon encore plus rapide les perturbations du golfe de Gascogne; elles sont la source habituelle de nos orages. Ajoutons qu'enfin nous ne sommes pas étrangers aux phénomènes dont le bassin de la Méditerranée est le théâtre, témoin les dégels subits et les coups de sirocco enregistrés par nos observateurs pendant les mois d'hiver ou de printemps. Mais il n'en est pas moins vrai que ces diverses influences entrent en lutte lorsqu'elles se rencontrent sur la croupe des Alpes et que les pays situés, comme le nôtre, sous la zone de combat, en reçoivent directement les éclaboussures.

Nous avons dit que les vents d'entre ouest et sud sont ceux qui dominent aujourd'hui dans le département de la Haute-Savoie. Il n'en a pas toujours été ainsi les relevés faits jour par jour depuis 1830 par le chanoine Vaullet montrent que les vents du nord, connus sous le nom de bise, étaient fréquents il y a une quarantaine d'années; et même, jusqu'à 1860, on n'en comptait pas moins de cent jours par an. Depuis lors ils ont diminué progressivement et ont en quelque sorte disparu, pour céder la place aux vents moins froids mais plus humides que nous avons mentionnés.

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IV. TEMPÉRATURE DE L'EAU. - Pendant sept mois, la température de l'eau du lac d'Annecy, mesurée à la surface à 9 h. du matin, a été plus élevée que celle de l'air; le contraire a eu lieu pendant les cinq autres mois. Comparée à la température de l'air à 9 h. du matin également, elle se maintient à peu près dans la Au surplus, les chiffres suivants, résumés par pé-même relation, ainsi que le montre le tableau suivant: riodes de cinq années, montrent clairement la marche de cette déviation. On peut se demander si elle s'arrêtera bientôt, et si nous verrons la bise reprendre peu à peu son ancien empire. Avec des observations plus anciennes, on trouverait peut-être une sorte de périodicité à ces mouvements atmosphériques et l'on essayerait de leur attribuer une cause; mais en l'état actuel, mieux vaut s'abstenir et observer encore.

Températures de l'air et de l'eau du lac à 9 h. du matin.
Air. Eau. Differce.
2031

Janvier
Février

Air. Eau. Différce.
Juillet.. 22011 19°88 -2023
Août... 20.60 20.97 +0.37
Septe... 14.48 16.31 +1.83
Octobre. 13.06 14.70 +1.64
Nove.
3.56 8.94 +5.38
19.30 16.45 -2.85 Déc.... 3.63 8.01 +4.38

3°48 +5° 79
0.60 4 03 +3.43
Mars.. 4.84 4.90 +0.06
Avril.. 9.77 7.14 -2.63
Mai... 12.68 10.40 -2.28
Juin...
Moyennes annuelles: air 10°19, eau 11°27; différence +1°08.

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