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francs. Quoique la décision du Conseil municipal ait été prise quelques jours avant le vote du budget des théâtres par la Chambre des députés, personne n'a élevé la voix pour faire rétablir le crédit supprimé par par la commission; M. Turquet devra donc soumettre la question à la Chambre après la rentrée. Si la subvention est rétablie, toutes les difficultés ne seront pas encore levées; la municipalité voudra certainement organiser le théâtre nouveau selon ses vues; et elle ne se rend peut-être pas un compte exact des conditions d'existence d'un théâtre lyrique. Elle est disposée à installer l'Opéra populaire dans la salle du théâtre du Châtelet, en réservant la salle de l'ancien Théâtre lyrique au théâtre populaire dramatique qu'elle veut organiser conjointement avec l'Opéra populaire. Le choix de la salle du théâtre du Châtelet est motivé par ses dimensions permettant un grand nombre de places à bas prix.

Un ancien tenorino de l'Opéra comique, M. Leroy, a organisé des représentations lyriques au théâtre du Château-d'Eau; elles paraissaient n'avoir pas été mal accueillies du public; on dit qu'elles seront continuées dans une autre salle du voisinage. Cependant de pareilles représentations ne sauraient se prolonger longtemps sans une organisation régulière et solide.

Le théatre Taitbout aussi va se rouvrir sous la direction de M. Vasseur, l'auteur de la musique de la Timbale d'argent; on y donnera des opéras comiques et des opéras bouffes, sans choeurs. On ne saurait prévoir si la tentative réussira; en tout cas elle peut être utile. Il n'est d'ailleurs pas probable que l'Opéra populaire municipal, si tant est qu'il soit établi, s'ouvrira l'hiver prochain; la saison sera trop avancée quand on sera tombé d'accord sur l'organisation de ce théâtre.

Les Bouffes Parisiens ont fait leur réouverture sous la direction de M. Cantin, directeur des Folies Dramatiques, dont la fortune a commencé par la Fille de Madame Angot. Tandis que les Folies Dramatiques et la Renaissance donnent des pièces qui se rapprochent de l'opéra comique, les Bouffes préfèreront les pièces graveleuses, à en juger par Panurge. Si la musique de M. Hervé aidant, cela peut ramener aux Bouffes un certain public et leur rendre la prospérité, ce sera tant mieux pour le directeur.

Quant au théâtre qu'on a proposé d'établir dans les bâtiments agrandis du Conservatoire, je n'ai pas à en parler; tout cela est encore à l'état de projet, et en tout cas, par la force des choses, ce ne sera qu'une salle d'exercices plus grande et jamais un véritable théâtre. Il se passera d'ailleurs plusieurs années avant que les projets d'agrandissement soient exécutés. En attendant, le Conservatoire persiste dans ses habitudes et sa routine, comme si tout était pour le mieux. JOHANNES WEBER.

BULLETIN

La seule rivière de la Durance jette annuellement à la mer une quantité de matières fertilisantes dont la valeur équivaut à celle de tous les engrais que nous achetons à l'étranger; et la masse de limons ainsi perdue pendant une période de 50 années représente environ celle des terres arables de tout un département de la France. Par là

on peut imaginer ce que l'ensemble de nos fleuves enlève ainsi annnellement au territoire.

Si la langue celtique a laissé peu de traces dans la langue française, elle en a beaucoup laissé sur le sol de la France. Un très grand nombre de noms de lieux, de rivières, de forêts, sont dérivés de l'idiome de nos ancêtres, non sans avoir quelquefois singulièrement changé de forme en route.

Cot, Coat, voulait dire en celtique la forêt; ce mot, nous le retrouvons encore, non altéré en Bretagne : par exemple dans les Côtes-du-Nord, aux environs de Belle-Isle-en-Terre. Là, deux forêts se nomment Coat-an-Nos ou forêt de la Nuit, et Coat-an-Nay. Dans le Finistère, un petit fleuve s'appelle Coat-Meret, un petit ruisseau, tributaire de la Penzé, se nomme Coat-Touldach.

Ce Coat, ce Cot, les Romains en firent Cotia ; et de ce Cotia ou de ses dérivés sont venus les noms de Coucy, Cuise, Cuiseaux, Cuisance, Cuisery, Cuisiat, Cuiserey, Cuisy, Cuissy, Guise, Quincy, Choisy, Chessy, Crécy, Cressy, Chaource, etc, etc.

Ce même Coat, ou plutôt le mot Coil, qui se retrouve encore aujourd'hui en gaëlique sous la forme Coill, est devenu avec le temps le mot Goële ou Gouelle. On nomme ainsi un petit pays de Seineet-Marne qui empiète un peu sur l'Oise et sur Seine-et-Oise, et dont le bourg principal s'appelle Dammartin-en-Goële.

Pour nous en tenir aux forêts, la forêt de Chaux, l'une des plus grandes de France, car elle a bien près de 20,000 hectares, entre le Doubs et son affluent la Loue, sur le territoire du Jura et un peu sur celui du Doubs, la forêt de Chaux, disons-nous, tire évidemment son nom du mot celte Chod, bois.

de

l'Europe, son nom, dit Alfred Maury, paraît être dérivé de Quant à la forêt des Ardennes, qui fut jadis l'une des plus grandes l'article celtique ar, et dan, dean, forêt. On doit faire observer

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toutefois, à l'encontre de cette étymologie, que l'article ar, dont l'ancienne forme semble être ir, se change en an devant le det devant le ; de sorte qu'on aurait dû dire Andenne, et non Ardenne. Aussi le savant Zeuss, dans sa Grammatica celtica, explique-t-il ce nom par le celte Arddu, haut (Altior). »

Et de fait, il y a en France une forêt d'Andaine, jadis beaucoup plus vaste, dans le département de l'Orne, à l'est de Domfront, à l'ouest de la Ferté-Macé, au nord de Juvigni-sous-Andaine.

On peut facilement imaginer que l'instruction publique en Sibérie laisse encore passablement à désirer. Et pourtant, le ministère a multiplié les avantages qui pourraient attirer les fonctionnaires de l'enseignement au delà de l'Oural. La retraite, qui ne s'obtient en Russie qu'après vingt-cinq ans de services, est accordée là-bas après quinze ans. Néanmoins les amateurs sont rares. Professeurs, médecins et juges n'ont qu'une idée, celle de s'enfuir le plus tôt possible. Malgré tout, le gouvernement persévère. Il vient encore d'ouvrir pour l'instruction secondaire deux gymnases de garçons, à Tomsk et à Omsk, et deux progymnases de filles, à Omsk et à Barnaoul. Cette dernière ville réclame encore une école professionnelle.

D'autre part, Pétropavlosk, Semipalatinsk et Kaïnsk demandent à cor et à cri des gymnases de garçons. Dès aujourd'hui, dans le seul gouvernement de la Sibérie Occidentale, le ministère de l'instruction publique peut citer avec orgueil 26 établissements d'enseignement secondaire, comprenant 3,800 élèves, et plus de 600 écoles primaires, avec une population de 14,000 garçons, et seulement, il est vrai, 2,200 filles. Et je ne parle pas ici des maisons d'instruction fondées pour civiliser les nomades, c'est-à-dire une vingtaine d'internats pour les enfants kirghises: dont 3 pour les filles, qui y apprennent, outre la langue russe, les éléments des sciences et des arts de l'Europe. Il n'est pas jusqu'aux misérables sauvages connus sous le nom d'Ostiaques et de Samoyèdes dont les enfants ne soient recueillis et élevés par l'Etat, dans une sorte d'école mutuelle établie au centre de la région désolée de l'extrême nord, à Obdorsk.

Le Directeur-gérant: L. REVON.

BAROMETRE

PLUIE Evapo- HUMIDITÉ

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THERMOMÈTRES

OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES & HYDROMÉTRIQUES FAITES AU JARDIN PUBLIC D'ANNECY

:

Altitudes Du Jardin, 448 30. Du baromètre, 453 10. Du zéro de l'Echelle du Lac, 446 275. (Annecy par 45° 53' 59" de latitude et 3° 47' 33" de longitude E.) THERMOMETRES A MIDI

ÉTAT DU CIEL

HAUTEUR DU LAC

à 9 h. du matin

TEMPÉRATURE

de l'eau à 9 h. m.

VENTS A 9 HEURES DU M.

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faible couv.3/4 Beau à 10 h. soir.

0,46

1902

0

id.

couvert Très beau à 10 h. s.

id.

très beau

O-N-O

id.

très beau

0,45 19,1 0,44 18,5 0,44 19,2

0

id.

beau Bourr. pl., écl. et tonn. vers 6 h. s. A 10 h. cont. 0,435 19,7

E

id.

S-O

id.

Couvert Bourrasque pluie après midi. Couv. à 10 h. s. 0,44 couvert Très beau à 10 h. s.

20

0,42 19,8

S-E

id.

couv.1/2 Pluie à 10 h. s.

0,41 19,5

E

fort

pluie Très beau à 10 h. s. Neige la nuit à 2,300 0,42 18

S

id.

couvert Très beau à 10 h. s.

[d'altitude. 0,44 17,7

?

SNEO

id.

très beau

Id.

0,43 16,7

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S-E

id.

couv.1/2

0,41 17,3

S-E

id.

couv.1/4 Couvert à 10 h. s.

?

E

id.

couvert Pluie dans la nuit.

S

id.

couv.1/2 Très beau à 10 h. s.

S-E

fort

couv.1/2

0,40 17

0,39 17,2 0,38 18

0,36 18,1

id.

couv..

v.1/2

Très beau à 10 h. s.

0,35 18

id.

couv.1/2

Id.

0,35 17,7

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couvert Bourrasque pluie à 7 h. m. Beau à 10 h. s.

0,35 17,7

S-O

fort

couvert Couvert 1/2 à 10 h. s.

0,34 17,5

S-E

faible couv.1/2 Beau

id.

0,33 17

N

fort

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pluie Continuelle t. le j. et la nuit. [1,600m d'alt. 0,31 15,3 couvert Pluie légère t. lej., forte à 6 h. s. Neige la nuit à 0,305 12,2 Couvert Tremblement de terre par trépidation régulière 0,30 12,7 couvert très courte à 4 h. m.

0,30 12

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Couvert Couvert 1/2 à 10 h. soir.

N

id.

très beau

0,29 13,3 0,28 13

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La lettre p signifie pluie inappréciable au pluviomètre; de même n signifie: quantité de neige inappréciable au pluviomètre. Les nombres relatifs aux hauteurs de pluie ainsi qu'à l'évaporation, représentent des millimètres. - Le signe ? indique qu'on n'a pas pu reconnaître la direction ou la force du vent. Le signe — marque un calme plat. Enfin le chiffre entre parenthèses qui suit le mot brouillard ou son abréviation, signifie que les objets cessent d'être perceptibles à cette distance. AUGUSTE MANGÉ, architecte de la Ville.

20me Année. N° 10. Omnes omnium caritates patria una complexa est.

31 octobre 1879.

ON S'ABONNE

REVUE SAVOISIENNE

Par un bon postal à l'or- JOURNAL PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ FLORIMONTANE D'ANNECY

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SOMMAIRE. Compte-rendu de la deuxième session du congrès des Sociétés savantes savoisiennes (suite): Guillaume Fichet, communication faite par M. Jules Philippe; La justice criminelle dans les hautes vallées des Alpes au moyen âge, communication de M. André Perrin; Une famille savoisienne d'origine cypriote, communication faite par M. Jules Vuy; Notes inédites sur saint François de Sales, présentées par M. l'abbé Léon Bouchage; Note sur une pierre à godets trouvée à Mont-Denis (Maurienne), par M. Florimond Truchet; Coup d'œil sur certains usages et sur le patois de la vallée de la Dranse, avant 1792, par M. Aimé Constantin. Travaux de la Société d'histoire de Maurienne, par M. Jules Vuy. Observations météorologiques et hydrométriques faites au jardin. public d'Annecy, par M. A. Mangé.

COMPTE-RENDU

DE LA

DEUXIÈME SESSION

DU

CONGRÈS DES SOCIETES SAVANTES SAVOISIENNES

(Suite)

GUILLAUME FICHET

COMMUNICATION FAITE PAR M. JULES PHILIPPE

M. Jules Philippe, député de l'arrondissement d'Annecy, ancien secrétaire de la Société Florimontane, a fait une communication relative à une étude biographique qu'il prépare sur Guillaume Fichet. Il s'est excusé de ne pas présenter au congrès un travail complet et terminé; mais il a pensé que ses confrères n'entendraient pas sans intérêt l'exposé de ses recherches et du but qu'il se propose d'atteindre. Depuis de longues années, M. Jules Philippe s'est appliqué à faire connaître les hommes illustres ou simplement remarquables originaires de la Savoie, afin de restituer à ce pays le rang qui lui est dû dans les annales intellectuelles des peuples, rang que lui ont enlevé certains préjugés universellement répandus. En écrivant la biographie de Guillaume Fichet, il ne fait que continuer l'œuvre patriotique qu'il a entreprise, en même temps qu'il prouve sa fidélité aux études historiques que ne lui ont point fait abandonner les graves et

nombreuses occupations que lui occasionne sa situation.

De tous les hommes remarquables produits par la Savoie, Guillaume Fichet est peut-être celui sur lequel on a publié le moins de détails biographiques, et cela faute de renseignements. M. Jules Philippe a été assez heureux pour retrouver de précieux documents sur notre compatriote, dans les bibliothèques de Paris. Il a pu reconstituer à peu près complètement l'histoire de Guillaume Fichet, depuis l'arrivée de ce professeur à Paris et son entrée à la Sorbonne, comme élève, jusqu'à sa mort arrivée à Rome vers 1474. II peut rectifier des notions répandues et répétées jusqu'à ce jour sur les faits et gestes de cet humble enfant de nos montagnes, qui, parti du Petit-Bornand sans autre bagage que son ardent amour de la science, est parvenu, au bout de quelques années, au grade de professeur de rhétorique à la Sorbonne et bientôt après au poste de recteur de l'Université de Paris.

Mais ce qui a attiré surtout l'intérêt de M. Jules Philippe sur Guillaume Fichet, c'est la part qu'a prise ce professeur à l'introduction de l'imprimerie à Paris, à la fin de 1469. Cet acte de notre compatriote constitue en effet un grand titre de gloire et pour lui et pour son pays d'origine. Tous les auteurs qui ont écrit sur ce sujet ont bien cité Guillaume Fichet comme le principal créateur de l'établissement typographique qui s'installa dans les bâtiments mêmes de la Sorbonne, et commença à imprimer dans les premiers mois de 1470; tous ont bien cité le traité de rhétorique de Fichet qui fut l'un des premiers livres imprimés à Paris, et le premier sorti d'une plume française. Mais aucun n'a traité ce sujet en détail et avec toute l'attention que méritait un pareil évènement ; quelques-uns même ont mal exposé les faits, mal désigné la part qui revient aux divers personnages engagés dans la question. M. Jules Philippe espère pouvoir compléter le récit des uns et rectifier les erreurs des autres, grâce aux documents qu'il a sous les yeux.

Ces documents consistent surtout en un recueil de lettres qu'il a retrouvé à Paris; ce recueil précieux, cité par quelques bibliographes, mais non utilisé jusqu'à ce jour, contient une partie de la correspondance de Guillaume Fichet avec le cardinal Bessarion, ce savant cardinal grec qui fut un des principaux promoteurs de la Renaissance en Italie. Il faut ajouter à ce document de nombreuses publications faites en ces

dernières années et dans lesquelles on trouve, éparpillés au milieu des textes ou des notes, de précieux renseignements sur Fichet et ses actes. Le tout étudié, classé, coordonné pourra produire, on le comprendra, un travail complet et intéressant. Ce travail sera accompagné de la description minutieuse du recueil de lettres cité plus haut, du traité de rhétorique dont les principales bibliothèques de l'Europe possèdent des exemplaires, ainsi que des autres ouvrages imprimés auxquels Guillaume Fichet a collaboré.

M. Jules Philippe a terminé son exposé par quelques considérations sur l'utilité des recherches historiques locales, qui sont un puissant moteur des sentiments patriotiques. Il voudrait voir les jeunes générations s'occuper un peu plus de ces études qui élèvent le cœur, et meublent l'intelligence de notions qu'il n'est permis à aucun citoyen d'ignorer: l'homme qui se désintéresse des choses de son pays natal, de sa petite province, de sa ville d'origine, voire de son village, est bien près de ne plus ressentir l'émotion que doit faire naître dans le cœur du vrai citoyen le mot de Patrie!

LA JUSTICE CRIMINELLE

DANS LES HAUTES VALLÉES DES ALPES AU MOYEN AGE

COMMUNICATION DE M. ANDRÉ PERRIN

J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le premier volume de documents relatifs au prieuré et à la vallée de Chamonix; le second est en cours d'impression.

Cet important cartulaire, dont le manuscrit comprend plus de trois cents actes, est dû aux recherches infatigables de M. Bonnefoy, notaire à Sallanches, qui, pendant plus de quarante ans, a fouillé les archives de Chamonix et de Sallanches; vous regretterez, comme moi, que son grand åge ne lui ait pas permis de se rendre à notre réunion.

A la mort de notre regretté confrère Burnier qui avait entrepris l'étude de ces documents, et devait écrire une histoire de Chamonix, M. Bonnefoy voulut bien me confier la publication de cet important recueil dont l'Académie de Savoie vota l'impression dans ses Mémoires. Les pages que je vais vous lire sont en partie extraites des documents sur Chamonix et de quelques autres relatifs aux vallées d'Abondance, de Sixt et de St-Maurice d'Agaune, sans doute occupées par des tribus burgondes qui, lors de la chute de l'empire romain, envahirent nos contrées, et prirent en partie la place des anciens propriétaires du sol ou s'établirent dans ces hautes vallées encore inoccupées.

A partir du XIIe siècle, les chartes établissent une distinction entre le droit criminel et le droit pénal, distinction bien plus marquée dans nos hautes vallées des Alpes. L'exercice de la justice criminelle était réservé aux syndics ou aux bons-hommes élus par leurs pairs à l'exclusion des prieurs, maitres du sol, et de leurs juges. Cette importante prérogative qui remontait aux libertés germaines, fut maintenue intacte pendant toute la durée du moyen âge dans la plupart des hautes vallées de la Savoie et du Valais. L'homme libre était le Germain investi des droits politiques, le guerrier possédant un héritage, exempt de servage,

qui au moyen âge s'appela bonus homo, probus homo, bon-homme.

Les populations, chez lesquelles les anciennes libertés et en particulier le droit de rendre la justice avaient été conservés, portaient le nom de consuétudinaires; et dans leurs demandes de confirmation des franchises locales, nous les voyons toujours réclamer le maintien de leurs bonnes et anciennes coutumes. Et lorsque des contestations s'élèvent spécialement à l'égard du droit de rendre la justice, elles insistent, ainsi que le fit la communauté des bons-hommes, des habitants et des sujets du prieur de Chamonix, en 1338, réclamant que dans les causes et les affaires criminelles soit observé ce que dicte l'ordre du droit et de la coutume. Les officiers du prieur avaient fait le procès à une truie accusée d'avoir tué un enfant, et l'avaient condamnée à mort; les bons-hommes demandèrent que la cause leur fût remise. Une enquête fut ordonnée par le prieur Antoine de Saint-Amour; il en résulta que, de temps immémorial, en conformité des bonnes et anciennes coutumes, la communauté des bons-hommes avait le droit de juger les criminels comme juges et cognitores du prieur et du prieuré, de rendre des sentences et d'absoudre les accusés après instruction de l'affaire par un clerc de la curie. Les témoins rapportèrent à l'appui du droit de la communauté les jugements suivants : condamnation d'un voleur au pilori, acquittement d'un accusé non coupable, la peine de mort prononcée contre un homme qui avait enlevé l'oreille d'un enfant, le bannissement prononcé contre un homme après avoir été battu de verges. Ces faits furent ténorisés dans un acte, et le prieur dut confirmer un droit qui constituait pour lui une infériorité par l'impossibilité où il était d'établir des fourches patibulaires aux extrémités de son territoire en signe d'omnimode juridiction. Un acte d'opposition fut fait par les syndics de Chamonix, en 1368, contre la prétention du prieur de vouloir en faire établir; l'affaire fut déférée à l'abbé de Saint-Michel de la Cluse qui donna toutefois raison à la communauté.

Nous allons exposer l'ordre suivi dans l'instruction des affaires criminelles, l'interrogatoire et la comparution des accusés et la reddition du jugement. Pendant le laps de temps fixé avant la remise de l'affaire aux prud'hommes, le châtelain et le clerc de la curie procédaient à l'enquête dont ils remettaient toutes les pièces aux trois prud'hommes chargés de l'étudier; ceux-ci étaient obligés au secret. A Chamonix, ces juges étaient nommés par la réunion des bons-hommes (probi homines, boni homines); à Abondance, l'exercice de la justice appartenait aux syndics nommés à l'administration de chacun des hameaux.

Le prieur devait procurer à ses frais aux prud'hommes un jurisconsulte ou conseiller en loi choisi hors du territoire ou sans aucun pouvoir dans l'étendue de la juridiction du prieuré; sa nomination était soumise aux syndics libres de l'accepter ou de la refuser. Dans la plupart des cas, cette charge était remplie par le juge du prieuré, qui se démettait auparavant de sa charge. Le rôle de ce conseil consistait à faire connaître son opinion sur la cause, la législation en vigueur et les peines qu'il croyait encourues par le coupable, sans que les prud'hommes fussent tenus de s'en rapporter à son opinion ou d'en tenir compte. Les

dossiers des causes criminelles jugées par les prud'hommes et les jugements rendus contre eux, que M. Bonnefoy a pu retrouver pour Abondance et pour Chamonix, nous font connaître les détails des procédures. Tout accusé de crime devait être traduit devant le tribunal des prud'hommes, au plus tard trois jours après son arrestation, par les officiers du prieur et être remis à la garde du métral pendant un jour et une nuit. L'un des prud'hommes nommé juge et rapporteur de la cause (cognitor) était chargé de rédiger et de rendre le jugement d'après la décision prise avec ses collègues. Pour le couvrir de la responsabilité qui lui incombait d'une façon plus particulière par suite des condamnations qu'il pouvait prononcer, les syndics et les procureurs de la communauté s'engageaient à le sauvegarder, et lui en donnaient des lettres testimoniales.

Le jour de la comparution, qui avait lieu en public sur la place du prieuré, l'accusé était amené devant le tribunal et interrogé par le juge. Lecture de l'acte d'accusation, des interrogatoires et de l'enquête était faite par le notaire en langue latine d'abord (lingua romana) et ensuite en langue vulgaire (laïca lingua), pour que ces actes fussent compris de l'accusé et de tous les assistants.

La cause entendue, le juge prenait l'avis du conseil, et rendait ensuite la sentence au nom des syndics et d'après la décision des prud'hommes. Les syndics faisaient dresser par les notaires acte du jugement et de la sentence. Absous, l'accusé était immédiatement relâché; condamné, il était remis de nouveau aux mains du châtelain, chargé de faire exécuter la sentence.

Les jugements criminels rendus par les prud'homines entraînaient souvent la perte d'un membre, la mort par la corde ou par le feu, le bannissement après avoir subi la peine du fouet. Une condamnation à ces dernières peines, rendue à Abondance, le 23 juillet 1562, nous a été conservée en langue vulgaire.

«Nous, scindiques, prodhomes et communiers de «la Vaux d'Abondance, procédant comme en tel cas << avons eu de coutume, ordonnons, connaissons et par << notre définitive sentence, prononçons toi Antoine < (Brelat) enqueruz de voir être, par les officiers de Rd seigneur Monsieur d'Abondance, remis aux <«<mains du maître exécuteur de la justice et être par <«< icelui dépouillé depuis le nombril en sus et être « battu de verges publiquement ès lieux où seront «gens congregés pour voir la justice et mené d'ici << jusqu'au lieu accoutumé de sous les Saix, auquel lieu «tu demanderas à Dieu pardon de ton offense et re<«<mercieras la justice de ton bon châtiment, et en « après cela fait, connaissons toi devoir être banni de «la dite Vaux et des limites d'icelle pour le terme « d'un an et d'un jour, rière la dite Vaux durant le «<dit terme tu ne te trouveras. >>

Cette langue vulgaire ou laïque est un français déjà pur qui fait regretter de n'avoir pas un plus grand nombre de ces actes, qui présenteraient un intérét plus grand que ceux en langue latine que nous possédons en si grande quantité.

Les condamnations au dernier supplice avaient lieu dans les cas assez nombreux de sorcellerie et d'hérésie; la teneur des jugements parvenus jusqu'à nous reflète

d'une manière toute spéciale l'esprit de l'époque. Les cruautés exercées contre les sorciers et les hérétiques au moyen âge ne sont point, comme on l'a souvent avancé, le fait du clergé seul; l'on semble avoir oublié l'état des croyances, à cette époque, dont le peuple, comme toutes les classes de la société, a subi les influences. Les traitements barbares auxquels les coupables étaient condamnés, découlaient de la barbarie de leur siècle, et à la fin du XVIIe siècle, un sénateur du Sénat de Savoie écrivait encore: « que les jugements rendus contre les sorciers ne sont pas des «songes n'y à l'égard des juges, n'y à l'égard des <<< accusés. >>

Les pays protestants, comme les pays catholiques, adoptèrent les lois civiles contre les sorciers et les hérétiques regardés comme rebelles à Dieu et comme auteurs de séditions contre l'Etat, et nommèrent des commissions d'enquête et des inquisiteurs chargés d'en purger le pays. Les croyances à la sorcellerie étaient tellement répandues que, par suite d'une véritable aberration de l'esprit, un grand nombre de personnes, prenant des rêves et des imaginations pour la réalité, se croyaient réellement en rapport suivi avec Satan ou avec les sorciers, et douées de pouvoirs considérables sur les hommes et sur les créatures.

Les accusés d'Abondance et de Chamonix dont nous possédons les jugements et les condamnations, paraissent avoir tous été dans ce cas. Les juges ne sont plus ici des inquisiteurs ou des commissaires spéciaux, le tribunal est composé des syndics ou des prud'hommes nommés par les habitants. De tous leurs actes ressort un sentiment de justice en faveur des accusés et des efforts presque toujours inutiles pour les ramener de leurs erreurs et leur éviter de cruelles condamnations; condamnations que l'obstination des accusés à maintenir la vérité de leur dire et les faits qui leur étaient imputés et à ne point vouloir renoncer à leurs prétendus rapports démoniaques, rendait en quelque sorte inévitables et nécessaires.

L'analyse de quelques-uns de ces jugements fera mieux juger de leur esprit. En 1458 les prud'hommes de Chamonix instruisent contre Guiga, veuve de Millieret, Balmat, dit Monard, de Chamonix et Rolette, veuve de Jean Duc de Vallorcine.

Les accusées conduites dans l'église de Chamonix y sont interrogées par Pierre Ginod, professeur de théologie et inquisiteur, puis remises par lui au châtelain qui les conduit devant l'aire de la grange du prieuré où siégeaient les prud'hommes et les syndics, en requérant leur condamnation comme hérétiques. Après avoir entendu la lecture des actes d'accusation et interrogé les accusées qui n'alléguèrent rien de juste à l'encontre des accusations portées contre elles, Jacques Bollet, au nom des syndics et de la volonté et du consentement de la majeure partie des bons-hommes, les condamne à mourir dans un feu grand et terrible, afin que cette mort inspire de la crainte à ceux qui tenteraient de les imiter.

En 1462, un procès plus grave se déroule devant le même tribunal; huit accusés des crimes d'hérésie et de sorcellerie, après avoir été examinés par Claude de Pup, vice-inquisiteur, sont amenés devant les prud'hommes sur la place publique remplie par une foule considérable. Le notaire donne lecture, en langue laïque, des

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