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DE LA

SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE,

COMMERCE, SCIENCES ET ARTS

DU DÉPARTEMENT DE LA MARNE,

TENUE A CHALONS LE 12 AOUT 1833.

Châlons.

BONIEZ-LAMBERT, IMPRIMEUR-LIBRAIRE

DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, etc.

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SÉANCE PUBLIQUE

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SUR LES ASSEMBLÉES NATIONALES ANTÉRIEURES AUX ÉTATS-
GÉNÉRAUX DE 1789;

Par M. J. GARINET, conseiller de préfecture, président annuel.

MESSIEURS,

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LORSQUE les Francs saliens, sous le commandement de Clovis, vinrent s'établir dans les Gaules sur les débris de la puissance romaine, ils y apportèrent avec eux des usages communs à toutes les peuplades d'origine Germanique.

Les affaires qui intéressaient la nation se décidaient à la majorité des suffrages dans des assemblées annuelles tenues en pleine campagne, au mois de

mars.

Clovis consulte ses guerriers pour déclarer la guerre aux Visigoths: il leur propose de se convertir

à la religion chrétienne (1). La loi salique, les autres lois des peuples soumis à la domination franque sout adoptées et revisées dans des assemblées générales. Cet état politique des Francs est celui de toutes les nations barbares : elles jouissent d'abord de leurs droits, et ne renoncent à les exercer qu'à mesure qu'elles se civilisent.

La force des circonstances modifie la manière d'être des sociétés politiques, comme elle altère celle des individus. Les Francs, en étendant leurs conquêtes sous les fils de Clovis, se trouvèrent disséminés sur un vaste territoire, isolés les uns des autres. Quand ils eurent goûté les douceurs de la propriété et de la vie individuelle, ils ne sentirent plus autant le besoin de rester unis. A mesure qu'ils s'occupèrent davantage de leurs intérêts privés, les affaires publiques leur devinrent de plus en plus étrangères. La souveraineté dont les Francs, sous Clovis, s'étaient montrés si jaloux, passa toute entière dans le conseil du roi, composé de seigneurs et d'évêques, et les assemblées du Champ de mars ne furent plus convoquées.

Clovis ayant à sa disposition le domaine des empereurs, fort considérable dans les Gaules, en détacha quelques parties en faveur des officiers de la conquête et des églises. Ces bénéfices n'étaient, dans l'origine, que des concessions temporaires, mais tout tendait à l'hérédité par le seul changement de situation. Les rois Francs par leur imprudente fa

(1) Grég. Tur. hist. lib. 2. cap. 27. Aimoni de gessit. Franc. lib. 1. cap. 16.

cilité à concéder des bénéfices, épuisèrent leur domaine. Ils s'aperçurent, mais trop tard, que le pouvoir allait leur échapper. Pour le retenir, ils opposèrent les partis aux partis, devinrent chefs de cabales, et créèrent cette politique de bascule qui, à défaut de force réelle, s'appuie sur l'intrigue et la mauvaise foi.

Des ducs, des comtes, sont torturés, mis à mort sans jugement, sur de sinples soupçons. Le sang de l'évêque Prétextat rougit les autels.

Les bénéficiaires ayant à se défendre contre la férocité naturelle aux rois Francs, et contre leur politique sanguinaire, s'unirent entre eux pour donner quelque stabilité à leur fortune. Ils firent insérer dans le traité d'Audelaw, de 587, que les rois ne seraient plus libres de retirer aux seigneurs et aux églises les bénéfices dont ils étaient en possession, et cette mesure fut confirmée dans le concile de Paris, de 615. Les évêques, de concert avec les seigneurs, décidèrent que nul ne pourrait être mis à mort, sans avoir été entendu et jugé, et que les rois n'auraient plus la faculté d'accorder des lettres d'iniquité à leurs favoris pour envahir des successions, commettre des actes de violence, et ravir des filles à leurs parens. L'influence du clergé dans ce concile de Paris opéra un grand bien, car l'ordre s'introduit par la règle et non par l'épée, et la règle n'était alors connue que du corps ecclésiastique.

Sur les débris de la puissance royale s'était élevé un pouvoir nouveau. Les maires du palais firent sentir aux deux ordres privilégiés un nouveau maître, quand ils croyaient n'en plus avoir.

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