Page images
PDF
EPUB

testé l'exactitude de cette traduction. Il s'est attiré de la part du rapporteur un audacieux démenti: «< Votre citation n'est pas exacte et la mienne l'est, » a dit celui-ci à l'orateur; et un peu plus tard: Voici la partie du texte que vous supprimez « Ce sont des restrictions largement mentales, et par conséquent, licites. »

Voyons donc le texte lui-même. Certum est, inquit Billuart, tales non teneri ad aperte respondendum, « sed posse dissimulare seu celare veritatem aequi« vocis et restrictionibus late mentalibus. Utrum vero « possin respondere « Nescio » vel « Non feci » re« solutio videtur valde dubia, quia si semel admitta« tur adhiberi posse, quotiescumque gravis causa ur« get, hanc restrictionem: Nescio, vel: non feci ita ut « tenear dicere,jam mendacium nemo unquam com« mittet, nisi plane imperitum.

« Il est certain, dit Billuart', que de telles per<«<sonnes ne sont pas tenues à répondre ouvertement et « qu'elles peuvent dissimuler ou céler la vérité par des « équivoques et restrictions improprement dites. «Peuvent-elles répondre « Je l'ignore ou « je ne l'ai << pas fait », cela paraît très douteux, car si une fois l'on « admet qu'on puisse employer dans toute circonstance «< grave, cette restriction: Je ne sais ou je ne l'ai pas << fait, il n'y aura plus à mentir que les maladroits. »><

Le lecteur jugera par lui-même de la bonne foi du rapporteur, et combien sont piquantes dans sa bouche, les invectives contre « la doctrine jésuite » des restrictions mentales. Quant à l'exemple lui-même, il est en réalité un de ces cas obscurs où les meilleurs esprits hésitent. Si l'austère M. Trouillot le condamne, M. Brisson, non moins austère, l'excuse. De fait les circonstances, les soupçons du mari, les conséquences terribles d'un aveu, conséquences que le mari prévoit et prétend imposer, tout cela ne donne-t-il pas à la réponse de la coupable un sens suffisamment précis? Une dénégation semblable

• Dominicain du 17e siècle, adversaire du probabilisme. M. Trouillot l'appelle par erreur Belluaud. S'il se trompe sur le nom de l'auteur, il peut faire erreur sur sa doctrine.

équivaut, ce semble, à un refus de répondre, et bien sot serait le mari qui l'interpréterait autrement.

Ces explications sont déjà longues, et pourtant incomplètes. Mais il faudrait un volume pour relever en détail toutes les sottises débitées par M. Trouillot. Il a formellement reproché à l'Inquisition espagnole, sur l'autorité de Llorente, d'avoir fait 365.000 victimes; et Llorente lui-même dont on connaît le peu de loyauté, donne un chiffre total inférieur à 32.000. Il a soutenu que «< la direction d'intention qui permet tous les méfaits est aujourd'hui la doctrine de l'Eglise, et s'enseigne dans soixantesept séminaires de France ». Ceci est calomnie pure; et le moindre séminariste peut mettre M. Trouillot au défi d'apporter sur ce sujet la plus légère apparence de démonstration. Il a déclaré que la morale des Jésuites, « morale monstrueuse », a été condamnée par quatorze papes. Ceci encore est une calomnie; et « monstrueuse » à n'en pas douter. Quels sont ces quatorze Papes? Où sont leurs sentences de condamnation? Dans quel Bullaire les a-t-on insérées? Par contre les Jésuites peuvent présenter à leur dénonciateur un gros volume contenant plus de cent trente Lettres Pontificales en leur faveur, et émanant de vingt sept Souverains Pontifes depuis Paul III jusqu'à Léon XIII inclusivement. Dans le long catalogue des Papes qui se sont succédé pendant les trois derniers siècles, à peine en trouve-t-on deux ou trois à qui l'occasion ait manqué d'affirmer leur bienveillance pour ceux que Pie VII appelait de vaillants rameurs sur le vaisseau de l'Eglise; et au XIXe siècle, Pie VIII dont le règne fut éphémère est le seul dont le témoignage leur fasse défaut. Le Concile de Trente lui-même a proclamé que l'Institut des Jésuites est louable et pieux cela suffit à les consoler des injures de M. Trouillot (Sess. XXV, Cap. 16).

Restons-en là. L'exposé du probabilisme serait long à faire, et M. Trouillot me permettra de le renvoyer pour cette question qu'il ignore comme les autres, à n'importe quel professeur de théologie morale. Je lui signalerai aussi certains articles qu'un Jésuite aujourd'hui octogénaire

1

le R. P. Matignon publiait en 1866 dans les «< Etudes Religieuses ». Il y pourra lire, sans doute avec émotion, que saint Grégoire de Nazianze, saint Léon le Grand d'autres encore parlaient déjà au v° siècle comme de vrais probabilistes et il sera peut-être tenté de conclure que dès lors les Jésuites avaient perverti la morale catholique, comme ils ont infusé leur poison jusque dans l'enseignement de saint Paul sur le mariage. Aussi bien ce n'est pas de bonne foi qu'il s'agit, mais de guerre déloyale où toutes les armes sont bonnes pour nuire, comme on lance sur les fauves des balles explosibles ou empoisonnées. La victoire peut couronner de pareils efforts; mais combien n'en voudraient pas à un tel prix ! A. BULOT, S. J.

Ou prouvez ce que vous dites, ou si vous ne le pouvez pas, gardez-vous de condamner la pratique contraire. Car si la chose est douteuse, c'est le sentiment le plus facile et le plus doux qui doit triompher. Saint Grég. Naz., Orat., 30.

PROJET DE LOI SUR LES ASSOCIATIONS

L'article 14 du projet de loi sur les Associations' dit que :

« Passé ce délai, la propriété en sera acquise à l'Etat, ainsi que le surplus de l'actif, et affectée à la dotation d'une caisse de retraite des travailleurs. »

L'indication d'un emploi de fonds par l'Etat est ici de peu d'importance; ce qui frappe, c'est le principe nouveau de la confiscation introduit dans la loi après les solennelles promesses de 1789.

On lit, en effet, dans la déclaration des droits de l'homme, article 17, que : « La propriété étant un droit «< inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce « n'est lorsque la nécessité publique légalement cons<< tatée l'exige évidemment et sous la condition d'une « juste et préalable indemnité. »

La confiscation est bannie de notre droit le législateur se croit en possession des moyens nécessaires pour que l'usage de la propriété, entre les mains d'un propriétaire quel qu'il soit ne puisse tourner au détriment de la société dont il a la charge.

Si donc l'usage demeure sous la surveillance du pouvoir, conformément au principe consacré plus tard dans le Code civil, article 544, le droit lui-même demeure audessus de toute atteinte.

Une seule cause de dépossession subsiste : l'expropriation pour cause d'utilité publique avec l'indemnité compensatrice qui donne à cette dépossession les conséquences d'une vente, sauvegardant ainsi, dans la mesure du possible, l'inviolabilité du droit.

Quant aux lois ou règlements relatifs à l'usage de biens dont le propriétaire ne peut être légalement dé

Le dépôt de divers amendements a fait changer le numéro de l'article contenant cette disposition.

possédé, ils sont nombreux; qu'il suffise de citer les textes relatifs aux établissements insalubres, et en général tous ceux relatifs aux servitudes d'utilité publique.

Le législateur de 1901 devra donc, s'il ne veut trahir les promesses de la Révolution, montrer d'abord l'évidence de la nécessité publique de l'expropriation et ensuite le fait nouveau justifiant le défaut d'indemnité préalable, défaut que le législateur de 1789 n'avait pas voulu prévoir, même à titre d'exception.

Il y a entre les causes de l'expropriation pour cause d'utilité publique et la dépossession d'une association non autorisée, conformément au texte des articles 11 et 14 du projet, une différence essentielle.

Dans la première hypothèse l'utilité publique préexiste, son objet est déterminé, il faut par exemple ouvrir une route; l'expropriation de tel immeuble devient alors nécessaire, il est construit sur le terrain même de la route.

Dans le cas de dépossession d'une Association, rien de semblable: le but n'est pas l'utilité publique à satisfaire, mais l'association à dissoudre. Il est fait usage des biens, mais ces biens ne sont pas, comme dans le cas d'expropriation, seuls capables de satisfaire à l'objet même d'utilité publique'. Les fonds sont employés parce qu'ils se trouvent disponibles; si l'association n'était pas dissoute, grèverait-on le budget d'un impôt nouveau? On prend sans avoir démontré, ce qui seul peut justifier la dépossession: la nécessité. »

Le fait d'utilité publique n'existe pas, il est donc naturel de partager, conformément aux principes généraux du droit et au texte même de l'article 8 du projet, l'actif social entre les associés. Le législateur ne le veut pas. Pourquoi ?

Faut-il, pour atteindre son but, dépouiller les associés? L'association, dira-t-on, ne doit plus exister, et les biens

Le projet de loi affecte la valeur des biens confisqués à la fondation d'une caisse de retraite.

« PreviousContinue »