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Les auteurs, mêmes appartenant à l'Administration ne sont pas unanimes'.

Toutefois dans la pratique, certaines exigences se sont produites, des justifications ont été demandées. Mais les tribunaux ont jugé que les bienfaiteurs ont voulu, en insérant une clause quant au mode de distribution, laisser aux intermédiaires désignés une liberté d'action en harmonie avec les idées qu'eux les bienfaiteurs, avaient professées. Suivant la Cour de Riom, le Bureau de bienfaisance n'est pas fondé à demander qu'un curé soit tenu de leur rendre compte des distributions dont il a été chargé par un testateur, et la quittance remise par le curé à chaque réception d'arrérages suffit à la Commission administrative pour la justification de l'emploi des sommes2.

Précédemment la Cour de Limoges avait jugé licite et valable la disposition par laquelle un testateur dispensait de tout contrôle et de toute reddition de comptes 3, un curé chargé par lui d'une distribution charitable. Dans un considérant de son arrêt, la Cour rapporte un avis du ministre des Cultes d'où il résulte que « l'insertion d'une clause qui dispense le curé distributeur ne serait même pas nécessaire pour que l'ecclésiastique chargé de la distribution aux pauvres se trouve en réalité soustrait au contrôle du Bureau de bienfaisance. »> Et on conçoit sans peine qu'il en soit ainsi. Autrement on arriverait à des impossibilités pratiques qui équivaudraient à l'annulation du droit de distribution et par conséquent à la violation des volontés des testateurs qui ont investi le prêtre de leur confiance pour distribuer leurs aumônes. Vainement on argue de ce que le contrôle du Bureau de bienfaisance, sur les distributions faites aux pauvres, est d'ordre public et qu'il n'y peut être dérogé. Si, la distribution par un intermédiaire est

1 MM. Marques di Braga et Camille Lyon dans leur remarquable ouvrage Comptabilité de fait, n. 290, admettent la légalité de la dispense du contrôle.

Riom arrêt précité. D. 97, 2, 49. Cf. Caen., 23 octobre 1888, ibid, p. 50, nota a.

3 Limoges, 28 janvier 1899, D. 90. 2. 303.

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légale et licite, et cela est admis la suppression du contrôle suit nécessairement, elle est une conséquence forcée du droit de distribution comme le remarque l'avis ministériel cité par la Cour de Limoges 1. Comment, en effet, un prêtre pourrait-il fournir des pièces justificatives? Comment demander un récépissé en échange d'un bon de viande, donné à un malade? Comment obliger le prêtre à faire figurer sur un état d'émargement, les noms des personnes dont la misère n'est connue que de lui seul, et ne s'est confiée qu'à sa discrétion qui est un des devoirs de son ministère ? Répétons-le, on se heurte à des impossibilités pratiques 2.

V

Pour nous résumer et conclure redisons :

Que la clause par laquelle un testateur confie à un curé la distribution d'aumône est licite et valable;

Que si, d'après la jurisprudence du Conseil d'Etat, c'est le Bureau de bienfaisance qui doit accepter la libéralité, il doit se conformer, s'il accepte en fait, à la condition imposée par le testateur, que le curé désigné a le droit d'intervenir en justice pour demander que la clause soit exécutée;

Que la personne désignée pour la distribution ne semble pas devoir être soumise au contrôle du Bureau de bienfaisance,ni rendre compte du détail de la distribution; enfin, que le gouvernement ne peut qu'autoriser ou refuser l'acceptation du legs; les tribunaux de l'ordre judiciaire l'interprêtent souverainement quant à la validité.

Ce sont ces règles résultant de la jurisprudence dont nous avons essayé de présenter un rapide aperçu. Peutêtre pourront-elles servir pour l'interprétation à donner aux libéralités testamentaires et guider dans la solution des difficultés qui seraient soulevées.

1 Ubi supra.

* V. la note déjà citée de M. Planiol. D. 97, 2, 50.

Si pour l'avenir, des projets de testaments étaient soumis où le testateur voudrait insérer dans un legs fait aux pauvres, une clause de distribution par le curé de la paroisse, il faudrait aussi conseiller de se conformer exactement aux règles tracées par les diverses décisions judiciaires que nous avons rappelées. On trouvera du reste une formule très bien étudiée dans l'excellente Revue que dirige avec tant de dévouement et de compétence, notre savant confrère et ami M. Grousseau 1.

1

Puissent ces simples et brèves observations n'être pas inutiles aux défenseurs de la liberté de la charité chrétienne! Je m'estimerais très heureux de leur être venu quelque peu en aide dans leurs efforts en faveur de cette. grande cause.

A. CELIER.

1 Revue administrative du culte catholique, 1895, p. 329.

(La suite du Congrès au prochain numéro.)

LE NOUVEAU RÉGIME FISCAL DES SUCCESSIONS

C'est le 26 février qu'après le vote de deux douzièmes provisoires a été enfin promulguée la loi de finances de 1901. Indépendamment des charges nouvelles, dont, comme les précédentes, elle aggrave la situation déjà si obérée des contribuables, la loi a réalisé dans notre régime fiscal une réforme, sur les conséquences de laquelle il semble nécessaire d'appeler l'attention.

Ces conséquences ont été du reste exposées au Sénat par M. de Marcère, qui s'est refusé à voter le budget, motivant son refus sur les considérations suivantes : « J'estime qu'il y a dans ces dispositions le germe d'une véritable révolution sociale, à laquelle je ne saurais m'associer. On a cru devoir, par une habileté dangereuse, faire entrer dans le budget des dispositions qui n'ont aucun caractère budgétaire et qui, de plus, tendent à l'introduction dans notre régime fiscal du principe. de la progressivité de l'impôt; je veux dégager ma responsabilité. »

L'élaboration de la loi du 26 février a été laborieuse; son origine remonte à 1893. A cette date, le législateur, reconnaissant enfin l'opportunité de donner satisfaction aux incessantes réclamations des contribuables contre le système appliqué dans la liquidation des droits de succession et qui percevait les droits sur l'actif brut sans tenir compte des dettes laissées par le défunt, décida qu'il y avait lieu d'accorder désormais la déduction du passif.

Cette déduction aurait dû être obtenue à l'aide d'économies faciles, ce semble, à être réalisées dans un budget qui, depuis vingt-cinq ans, s'est augmenté de plus d'un milliard. Mais, comme la regrettable théorie que « toute réforme fiscale doit suffire à elle-même » est plus que jamais en honneur sous le régime actuel, M. Burdeau, qui tenait alors le portefeuille des Finances,

se résolut à demander les ressources nécessaires à un relèvement du tarif des droits de succession et de donation. Les tarifs étaient sensiblement accrus, mais respectaient le principe de la proportionnalité, donné par la Constituante en 1789, comme base à notre droit fiscal moderne. Ils changèrent de caractère dans le nouveau projet présenté par le successeur de M. Burdeau, M. Poincaré « Le projet, disait l'exposé des motifs du 24 juillet 1894, apporte une transformation réellement démocratique dans notre système d'impôts, en gråduant le tarif des droits à percevoir, non plus seulement d'après le degré de parenté qui sépare du défunt les héritiers et légataires, mais encore d'après l'importance de l'émolument recueilli par chacun d'eux. >>

Sous une forme un peu enveloppée, c'était en réalité l'impôt progressif qui faisait son entrée dans notre régime fiscal. Faisant sien le système de M. Poincaré, la Commission législative du budget l'aggrava en insistant, par l'organe de M. Doumer, son rapporteur, sur <«<l'obligation de faire contribuer dans une plus large mesure la richesse acquise aux charges du pays. >>

Devenu ministre à son tour, M. Doumer appuya et fit triompher devant la Chambre le projet, qu'il avait soutenu comme rapporteur (22 novembre 1895). Le projet fut transmis au Sénat, lequel nomma, pour l'examiner, une Commission composée de membres unanimement hostiles à la réforme. Le rapport de M. Cordelet, déposé le 9 juillet 1896, concluait à l'adoption de la déduction des dettes, en lui donnant, comme contre-partie, une augmentation générale des droits de succession à tous. les degrés. Mais, repoussant le système de la progressivité, il affirmait, dans un article spécial, le principe fondamental de la proportionnalité de l'impôt.

L'article n'eut pas la chance d'être accueilli par la haute Assemblée laquelle, reniant sa Commission, se prononça, au contraire, le 7 février 1898, après une vive discussion, en faveur d'un amendement de MM. Strauss et Peytral, qui avaient repris le tarif progressif présenté en 1894 par M. Poincaré. Le vote n'avait été rendu

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