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lesquels ne contiennent rien de répréhensible, et que la partie perdue de la cédule était aussi insignifiante; que Jeanne pouvait signer cette cédule sans le moindre scrupule et sans rien rétracter de ce qu'elle avait toujours soutenu;

Que Jeanne n'a d'ailleurs à peu près rien compris à cette cédule et au sens caché que les juges y attachaient; qu'elle ne savait même pas ce que c'était que d'abjurer, ses juges ayant empêché qu'on le lui expliquât;

Que l'abjuration prétendue n'a été qu'un semblant d'abjuration, et, de la part des juges, une indigne comédie et une violence criminelle;

Que dans tout ce qu'a fait.Jeanne on ne peut relever aucune faute grave ou légère contre Dieu ou l'Eglise, ni aucune transgression des devoirs de loyauté, de délicatesse et d'honneur; que jamais, au contraire, elle n'a été plus admirable de foi, de force morale et de patriotisme.

Ce qui ressort en outre de plus en plus de l'étude nouvelle, c'est la scélératesse des juges de la Pucelle. On a vu, dans l'histoire de tous les temps, bien des procès politiques scandaleux et iniques. Mais on n'en peut trouver un où les juges aient été aussi atrocement criminels que Cauchon et ses complices, vendus comme lui aux Anglais. Je ne sais s'il y a un personnage historique plus hypocritement cruel et plus repoussant que le bourreau mitré de Jeanne et plusieurs de ceux qui l'ont aidé dans ce crime qui a duré une année et qu'on appelle le procès de Rouen.

Ce qu'on admire aussi de plus en plus, avec l'étude nouvelle, c'est l'éclat de ce lys immaculé, de cette vierge qui a été la rançon et la rançon volontaire de la France.

La brochure du chanoine Dunand, qui couronne son Histoire complète de Jeanne d'Arc est d'une importance considérable pour la grande cause religieuse et nationale de la canonisation; elle est aussi un précieux monument pour l'histoire du XVe siècle..

Enfin, elle montre l'obstination dans l'aveuglement de certains historiens tels que Michelet, Henri Martin, Quicherat, Vallet de Viriville qui, même en admirant Jeanne d'Arc, refusent de la voir telle qu'elle est, et qui en touchant du doigt les crimes de Cauchon, trouvent encore des phrases équivoques pour louer ou excuser l'oeuvre de ce scélérat. Si Jeanne avait été moins catholique et si l'évêque de Beauvais avait été réellement dévoué à l'Eglise, le langage de ces historiens à succès aurait été sans doute tout autre. C'est triste...

A. DESPLAGNES,
ancien magistrat.

Commentaire de la loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire, 4o édition, 1901, prix : 5 francs. Paris, bureaux de la Société géné

rale d'éducation, 35, rue de Grenelle.

La Société générale d'éducation vient de faire paraitre une 4 édition de son excellent Commentaire de la loi de 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire. Il est superflu de faire l'éloge de cet ouvrage devenu classique et qui fait autorité même au ministère de l'instruction publique. Cette nouvelle édition, soigneusement revisée et augmentée, fait connaître exactement le dernier état de la législation. Nous ne saurions trop la recommander à tous ceux qui s'occupent d'écoles.

Signalons seulement sur un point une importante jurisprudence qui s'est affirmée pendant l'impression du livre et qu'il y aura lieu de mentionner à la suite du n° 192, sous l'art. 40. La Cour de cassation, par deux arrêts en date du 30 mars 1901 (Gaz. Trib. no du 23 mai 1901) dont la doctrine a été adoptée par deux jugements du tribunal correctionnel de Lyon des 5 et 24 juin 1901, a décidé que si la fermeture de l'école en cas de contravention à l'art. 40 de la loi de 1886 s'imposait en principe aux tribunaux judiciaires, du moins cette mesure, établie dans un intérêt d'ordre public, ne devait plus être prononcée quand, au jour du jugement, il était constaté que la cause ayant motivé la poursuite (par exemple l'emploi d'un instituteur non breveté) avait cessé d'exister.

Auguste RIVET.

Lyon.

Le Gérant: X. JEVAIN.

Imp. X. Jevain, r. François Dauphin, 18

REVUE CATHOLIQUE

DES INSTITUTIONS ET DU DROIT

(XXIX. ANNÉE)

L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR LIBRE

DE 1875 A 1900

Affirmé en termes généraux par la Charte de 1830 et la Constitution de 1848, le principe de la liberté d'enseignement le fut à nouveau, en ce qui concerne l'enseignement supérieur, par la loi du 15 mars 1850. Mais, pas plus en 1850 qu'en 1867 et 1870, époques où elle fut de nouveau agitée, la question d'application ne reçut de solution législative. C'est la loi organique du 12 juillet 1875 qui, la première, a fait échec au monopole, jusqu'alors absolu, de l'Université dans cette branche d'enseignement.

« L'enseignement supérieur est libre », dit l'article 1°. Il peut être distribué, à charge pour les professeurs de présenter des garanties de moralité et de savoir et de faire une déclaration préalable de l'ouverture des cours, par tout Français majeur de 25 ans comme par toute association constituée légalement dans ce but, soit dans des cours isolés, soit dans des établissements consacrés exclusivement au haut enseignement et susceptibles d'acquérir la personnalité morale comme établissements d'utilité publique. Ouverts régulièrement et représentés obligatoirement par trois administrateurs responsables, ces établissements peuvent prendre le nom de facultés libres de droit, des sciences, des lettres, etc., à la condition d'avoir autant au moins de professeurs pourvus du grade de docteur que les facultés de l'Etat comptant le moins de chaires, voire même la qualification d'universités libres s'ils réunissent trois facultés. Les cours sont toujours accessibles aux délégués du ministre de l'instruction publique

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2e LIV. 2e SEM. 290 ANN. AOUT 1901.

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qui d'ailleurs n'ont pas à y exercer un contrôle universitaire, à y imposer une méthode, mais vérifient si l'enseignement n'est pas contraire à la morale ou à la Constitution. Parce que la collation des grades est un corollaire naturel de l'enseignement, l'article 13 de la loi de 1875 autorise les élèves des universités libres à subir leurs examens, soit devant le jury universitaire auquel rien n'est changé, soit devant un jury spécial, dit jury mixte, dont feront partie des professeurs de l'enseignement non officiel la majorité est toujours rẻservée, ainsi que la présidence, aux membres de l'Université. Dans ces jurys, tous les examinateurs, d'où qu'ils viennent, sont choisis par le seul ministre. - Enfin l'article 15 soumet les élèves des universités libres, quant aux conditions d'âge et d'inscriptions, quant aux formes et aux programmes des épreuves d'examen, aux mêmes règles que l'Etat se réserve de poser pour ceux des facultés officielles. Telles sont, avec l'attribution aux représentants du Pouvoir judiciaire du droit de former opposition à l'ouverture d'un cours ou d'un établissement d'enseignement supérieur libre et de statuer sur cette opposition, puis avec la faculté pour le préfet ou le recteur de déférer au conseil départemental de l'instruction publique tout professeur dont l'enseignement semblerait contraire à la morale et aux lois, les principales dispositions de la loi de 1875, si violemment attaquée depuis lors.

Modestes cependant, nous venons de le voir, étaient les réformes accomplies. On était loin de la liberté complète, de cette liberté de l'enseignement à tous les degrés, « suprême refuge de la liberté de conscience »>, « liberté constitutionnelle », comme l'ont si bien dit MM. de Lacombe et Duverger. Les nouvelles universités étaient libres, prétendait-on. Libres de faire plus que l'Etat, peut-être, mais tenues avant tout de faire autant et de même façon que lui, puisqu'à lui-seul il appartenait de déterminer les matières et de les répartir entre les examens. Libres aussi sans doute de changer, sinon l'objet, du moins l'esprit de l'enseignement, mais non

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de conférer les grades car l'institution des jurys mixtes, c'est-à-dire la coopération de leurs professeurs, non pas à tous les examens, mais aux examens de ceux-là seuls de leurs élèves qui le demanderaient, était tout au plus une combinaison propre à ménager la dignité du nouveau corps enseignant et à garantir l'impartialité des commissions d'examens. Certes ce n'était pas l'autonomie des universités comme à l'étranger, et les droits de l'Etat, même aux yeux des Français du XIXe siècle habitués depuis cent ans à s'en faire une idée exagérée en la matière, demeuraient amplement sauvegardés.

Si mince pourtant que fût la victoire, si peu ardente qu'eût été pour l'obtenir la collaboration des prétendus libéraux, redoutant au fond de leur âme qu'elle servît surtout à l'Eglise et qu'elle fût destinée à « préparer des auxiliaires de l'esprit catholique » suivant le mot de M. Challemel-Lacour à la séance du 4 décembre 1874, il importait d'user de cette liberté nouvelle. Depuis longtemps les croyants la réclamaient au nom des consciences. et de la foi menacée. « Il est urgent, disait avec raison le R. P. Captier', que nous, chrétiens, nous prenions, comme tels, notre part dans l'enseignement supérieur. Il le faut pour la liberté de l'Eglise, pour la prospérité de nos écoles, pour le progrès des lettres et des sciences et pour la pacification des esprits. » Désormais la lutte était possible et, si restreint que fût le champ de l'action enlevé au monopole, il fallait en tirer parti. Les bonnes volontés ne manquèrent pas et, avant même que tous les détails relatifs à l'organisation et au fonctionnement des nouvelles institutions eussent été réglés par décrets, cinq universités catholiques étaient créées à Paris, à Lille, à Lyon, à Angers et à Toulouse. L'effort fut considérable; il était justifié, car, suivant la parole d'un des plus éloquents apôtres de la liberté de l'enseignement supérieur, « une institution qui vit de la charité, mais qui sert la vérité par la science, intéresse

1 Correspondant, 10 mai 1868.

Mgr d'Hulst, Assemblée solennelle de l'Institut catholique de Paris le 16 novembre 1892.

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