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cour de cassation quelle est la loi qui accorde ce pouvoir discrétionnaire au juge.

Avant de terminer cette vaste matière des successions, sur laquelle on pourrait écrire, et l'on a écrit, en effet, des volumes, nous devons dire quelques mots touchant les successions des étrangers en Roumanie.

Le code roumain ayant reproduit, dans son article 2, le principe traditionnel du code Napoléon, d'après lequel les immeubles situés en Roumanie sont régis par la loi roumaine, alors même qu'ils seraient possédés par des étrangers, la succession ab intestat ou testamentaire d'un étranger, ouverte en Roumanie, sera régie, quant aux immeubles qui en font partie, par le statut de la situation des biens, c'est-à-dire par la loi roumaine (lex rei sita), et, quant aux meubles, par le statut personnel du défunt; (1) en sorte qu'il faut reconnaître, relativement aux immeubles, autant de successions particulières qu'il y a de territoires où sont situés les immeubles provenant du défunt. C'est l'application de la vieille maxime : Quot sunt bona diversis territoriis obnoxia, totidem patrimonia intelliguntur.

L'école allemande est d'un avis contraire et applique à la succession ab intestat ou testamentaire, sans distinction de meubles et d'immeubles, la loi qui régit l'état et la capacité du défunt, (2) mais cette doctrine, d'ailleurs fondée, et consacrée

(1) Argument de l'art. 2 C. C., qui dit que seuls les immeubles situés en Roumanie sont régis par la loi roumaine. Ce texte a été reproduit à l'article Etrangers, p. 41.

(2) Voy.,entre autres, Mittermaier (Deutsches Recht, § 32), Wächter, Schäffner, Helfeld, Glück, Puffendorf, Mühlenbruch, etc, ; et à ces auteurs il faut ajouter Savigny (System des heutigen römischen Rechts, VIII, § 375, 376), Arntz (I. 72) Bertauld (Quest. de code Napoléon, I, 75 et suiv.), E. Dubois, dans le Journal de droit international privé de Clunet, Tome II (année 1875) p. 51-54. Ch Antoine, Succession légitime et testamentaire (1896), No 56 et suiv., Louis Renault, Laurent, André Weiss, etc. V. aussi G. G. Flaischlen, Du statut national et du droit d'acquérir des immeubles en pays etranger. Revue de droit international et de législation comparée (année 1893), Tome 25. On peut également consulter, sur cette question, une brochure de notre collègue de la faculté de droit de Bucarest, N. Basilesco: Du conflit entre le code Caragea et le code autrichien (Bucarest, 1894). Voy. aussi du même auteur Du conflit des lois en matière de succession ab intestat (Paris, 1884) (Thèse pour le doctorat).

par l'art. 8 du code italien (dispositions préliminaires), est en contradiction flagrante avec l'art. 2 du code civil: attendu, dit la cour de Bucarest, qu'aux termes de l'art. 2 du code civil, lés immeubles situés en Roumanie sont régis par la loi roumaine, alors même qu'ils sont possédés par des étrangers; que cette disposition formelle de la loi s'oppose à ce que la transmission de ces biens ait lieu autrement qu'en conformité de la loi roumaine; qu'en ce qui concerne les meubles, il est, au contraire, de principe que les valeurs mobilières de toute nature sont régies, quant au droit d'en disposer et de les recevoir, suivant la maxime mobilia sequuntur personam, ossibus persona inhærent, par le statut personnel de l'étranger, lequel statut se détermine, non d'après les lois du lieu où il a eu son domicile au moment de sa mort, mais d'après les lois du pays auquel cet étranger appartient, etc. » (1)

Pour justifier cette distinction entre les meubles et les immeubles, on a dit que, dans chaque Etat, la loi sur les successions, n'étant qu'un corollaire de l'organisation politique, il y a un intérêt d'ordre public à ce que les immeubles soient dévolus et répartis conformément à la loi du pays où ils sont situés; mais c'est perdre de vue que les valeurs mobilières, grâce au développement qu'elles ont reçu, peuvent être aujourd'hui beaucoup plus grandes que les valeurs immobilières, et que les lois qui règlent la continuation de la personne après sa mort doivent être les mêmes que celles qui régissaient l'existence de la personne de son vivant.

La doctrine consacrée par le code italien, d'après laquelle les successions légitimes et testamentaires, en ce qui concerne soit l'ordre successoral, soit la quotité des droits successoraux et la validité intrinsèque des dispositions, sont réglées par la loi de la nation de celui dont l'hérédité est ouverte, quels que

(1) Cour de Bucarest (2 nov. et 11 décembre 1892). Le Droit (Dreptul) de 1892, No 76 et Courrier judiciaire de 1893, No 40. Plusieurs conventions internationales font l'application de ce principe. Voy., entre autres, les art. 23 et 29 de la convention consulaire conclue, en 1869, entre la Roumanie et la Russie (non ratifiée).

soient la nature des biens et le pays où ils se trouvent, (1) est seule conforme aux vrais principes du droit, et le législateur roumain, qui, on l'a vu, dans ses moments perdus, s'est inspiré du code italien, a eu l'immense tort de ne pas la consacrer.

Du nouveau principe inscrit dans le code italien, il résulte que, tandis que les Italiens ne pourront hériter des immeubles en Roumanie que conformément à la loi roumaine, les Roumains hériteront, au contraire, en Italie, de toute espèce de biens, meubles ou immeubles, conformément à la loi italienne. (2) Les Roumains en Autriche, et les Autrichiens en Roumanie ne pourront également hériter des immeubles que conformément à la loi du lieu respectif de leur situation, parce que le code autrichien consacre la tradition des statuts dans toute son antique rigueur (art. 300 du code autrichien, reproduit dans l'art. 396 du code Calimach); (3) mais il est à remarquer que ce code ne pousse pas le réalisme aussi loin que les autres codes, attendu que la capacité de succéder ab intestat et de recevoir par testament y est réglée par le statut de la personne qui est appelée à recueillir les biens. C'est un pas timide hors de la tradition, dit Laurent (Droit international, II. 127).

Il nous resterait à examiner les mesures que les consuls étrangers peuvent prendre en Roumanie, en matière de successions, lorsqu'un sujet étranger vient à mourir dans le pays, mais cette matière sera beaucoup mieux à sa place à l'article Exécution des jugements, où nous traiterons de la juridiction consulaire, telle qu'elle existait autrefois et telle qu'elle existe encore aujourd'hui.

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(1) Di qualunque natura siano i beni, ed in qualunque paese si trovino. » (Art. 8, disp. préliminaires). Il faut remarquer que le code italien, dans son innovation timide, n'a pas osé rompre complètement avec la tradition des statuts, car, dans son art. 7 (disp. prélimin.), ce code porte « que les meubles sont soumis à la loi de la nation de leur propriétaire, sauf disposition contraire dans la loi du pays où ils se trouvent, et les immeubles à la loi en vigueur au lieu de leur situation.”

(2) Voy. l'art. 3 de la convention consulaire conclue à Bucarest entre la Roumanie et l'Italie, en 1880, cité à l'article Étrangers, p. 38, 39.

(3) Ces textes ont été reproduits à l'article Étrangers, p. 41, note 2.

IX. Administration des successions.

Nous avons déjà remarqué, à l'article précédent, que la loi roumaine n'accorde pas la saisine à tous les héritiers légitimes. Elle n'appartient, en effet, qu'aux descendants et aux ascendants du défunt. (1) Tous les autres héritiers doivent se faire envoyer en possession par la justice. (2) (Art. 653 C. C.)

(1) Les descendants naturels qui viennent à la succession de leur mère ou aïeule naturelle (art. 652, 677 C. C.), ainsi que la mère naturelle et ses ascendants qui viennent à la succession de leurs descendants naturels (art. 678 C. C.) ont aussi la saisine.

(2) La procédure de l'envoi en possession est très simple. L'héritier adresse une requête sur papier timbré au tribunal ou au juge de paix, si la valeur de la succession n'excède pas 3000 fr. (Art. 63 loi du 1er juin 1896, qui modifie et abroge celle de 1894.) Le tribunal ou le juge compétent est celui du dernier domicile du défunt. (Art. 95 C. C.) Cass. Roum. 1er ch. Bullet. (année 1886), p. 444. Le tribunal ou le juge de paix statue sans assigner les parties, s'il n'y a pas de contestations (Cass. Roum. loco suprà cit. et C. de Bucarest. Le Droit de 1886, No 62), et s'il y en a, personne n'est envoyé en possession tant qu'elles n'ont pas été définitivement vidées. (Cour de Bucarest. Le Droit, de 1875, No 41.)

L'héritier qui demande à être envoyé en possession doit établir, par toute espèce de preuves, ne fût-ce que par témoins, sa parenté avec le défunt au degré successible. D'après la rigueur des principes, il devrait également établir qu'il n'y a pas d'autres héritiers plus proches, surtout dans le code roumain où l'on n'a prescrit aucune mesure de publicité (l'art. 770 du code fr. ayant été éliminé), et où l'on n'a pris de faibles garanties que contre l'Etat et l'époux survivant. (Art. 681, 682 C. C.) Comp. C. de Bucarest. Le Droit (Dreptul) de 1886, No 31. Néanmoins, dans la pratique, il n'est tenu qu'à prouver sa parenté avec le défunt au degré successible. C'est pourquoi l'envoi en possession n'a pas le caractère d'un jugement définitif; en sorte que les héritiers plus proches pourront toujours, tant que leur droit n'a pas été prescrit, c'est-à-dire pendant 30 ans (art. 700 C. C.), réclamer la succession par voie de pétition d'hérédité. (Tribun. Bucarest. Le Droit de 1887, No 33.) Avant la mise en possession, l'héritier doit payer une taxe d'enregistrement de 3, 6 ou 9%, selon son degré de parenté. Sont exemptés de cette taxe : les successions légitimes (ab intestat), les testaments, legs et donations

Mais les héritiers non saisis payent les dettes du défunt, tout comme les héritiers saisis, et dans les mêmes conditions, parce que, comme nous l'avons vu à l'article précédent, la saisine n'a, d'après le code roumain, aucun rapport avec le payement des dettes. (Voy. Successions, p. 199.)

Le code Napoléon a été également modifié en ce qui concerne les légataires, lesquels n'ont la saisine dans aucun cas.

Le légataire universel doit demander la délivrance des biens compris dans le testament aux héritiers réservataires, et, à leur défaut, à la justice (1) (art. 889, 891 C. C.); les légataires à titre universel doivent la demander aux héritiers réservataires, à leur défaut, au légataire universel, (2) et à défaut de ceux-ci, aux autres héritiers légitimes. (Art. 895 C. C.)

Quant aux légataires à titre particulier, en l'absence de tout texte, ils demanderont la délivrance aux héritiers saisis, à leur défaut, au légataire universel ou à titre universel, et, à défaut de ceux-ci, aux autres héritiers même irréguliers, après qu'ils l'auront également obtenue, et, à défaut de tous, au curateur de la succession vacante. Par conséquent, le légataire à titre particulier, non plus que le légataire à titre universel, ne pourront jamais demander à la justice la délivrance des biens com

à titre de dot de toute espèce de biens, meubles ou immeubles, ainsi que toutes donations ou libéralités faites entre parents en ligne descendante ou ascendante, à l'époux ou à l'épouse. Il en est de même des donations, legs et de toute espèce de libéralités faites en faveur des établissements publics, de bienfaisance et d'instruction du pays. (Loi du timbre de 1881, modifiée par une loi postérieure du 21 mars 1886.)

(1) Comp. C. de Bucarest. Le Droit (Dreptul) de 1886, No 62.

(2) Les légataires universels n'ayant jamais la saisine d'après la loi roumaine, ne peuvent pas la transmettre aux autres. Nemo dat quod non habet. C'est donc par inadvertance que l'art. 895 C. C. parle du légataire universel. Néanmoins, le texte étant formel, il faut forcément admettre, qu'à défaut d'héritiers réservataires, le légataire à titre universel demandera la délivrance au légataire universel, ou à tous les légataires universels, s'il y en a plusieurs, mais, bien entendu, après que ceux-ci l'auront obtenue, eux aussi, de la justice. (Art. 891 C. C.) Si les légataires universels n'ont pas demandé la délivrance, la succession sera déclarée vacante et le légataire à titre universel s'adressera au curateur de cette succession.

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