Page images
PDF
EPUB

outre, 32 tribunaux de première instance; 4 cours d'appel (Bucarest, Jassy, Craïova et Galatz) (1) et une cour de cassation siégeant à Bucarest, dont les membres ont toujours été inamovibles. (Art. 17, loi du 24 janvier 1861 et art. 104 Constit.)

De plus, il y a deux tribunaux mahométans, l'un à Toultchéa et l'autre à Constantza (Kustendge), pour les contestations entre Musulmans relatives à l'organisation de la famille, à la puissance paternelle, au mariage, au divorce et aux successions ab intestat.

Le tribunal mahométan se compose d'un cadi, recommandé par le mufti et confirmé par le ministère de la justice. (Art. 40, loi du 30 mai 1886.)

Les parties sont libres de se soumettre aux juridictions ordinaires qui, en ce cas, appliqueront les lois et us mahométans. (Art. 39, loi du 30 mai 1886.) (Voy. suprà, Naissance, p. 3.)

En matière pénale, il existe aussi des cours d'assises et des instances spéciales pour les militaires (conseils de guerre et de révision.) (Art. 3, loi d'organ. judiciaire de 1890 et Code de justice militaire du 24 mai 1881, modifié en partie par la loi du 27 mars 1894.)

[blocks in formation]

Les cours d'assises siégent tous les trois mois dans chaque département et se composent de trois magistrats (un conseiller de la cour d'appel et deux juges du tribunal), d'un greffier (2) et d'un jury de 12 citoyens, (3) tirés au sort sur des listes dressées tous les trois ans par les préfets de chaque département. (Art.

(1) Cette cour était antérieurement à Fokchani. Elle a été tranférée à Galatz par la loi du 30 mars 1886. La même loi a supprimé le tribunal d'appel de Toultchéa (Dobroudcha).

(2) Le concours du greffier est indispensable à tous les actes de la procédure, et sa présence résulte de la signature apposée au bas de l'arrêt rendu par la cour. Cpr. Pand. Fr., Répert. T. 21, Cour d'assises, 344 et suiv.

(3) Ce nombre étant de rigueur, ne peut être ni restreint, ni dépassé. Cpr. Pand. Fr., loco cit., 667 et suiv.

246, 266 et suiv. Pr. pén. et règlement du 25 juillet 1875.) Comme partout ailleurs, le jury n'intervient que pour trancher la question de fait, et les magistrats prononcent l'acquittement, ou, en cas de verdict affirmatif, la peine fixée par la loi.

Depuis la loi du 20 février 1874, le vol qualifié, la bigamie, la banqueroute frauduleuse, et, depuis celle du 27 mai 1893, le faux en écriture publique, sont de la compétence des tribunaux correctionnels, lesquels jugent ces délits en premier ressort, à charge d'appel à la cour. Il en est de même des contrefaçons ou falsifications de monnaies, de billets de banque ou d'effets émis par le trésor public, du sceau de l'Etat, etc. (Loi du 29 avril 1895.)

Le jury connaît seulement des meurtres, assassinats, brigandages ou rapines (talhări), vols à main armée et de grand chemin ; des attentats à la pudeur commis sur des enfants de moins de quinze ans accomplis (art. 264, § 2, C. pén.); des enlèvements, par fraude ou violence, de mineurs au dessous de seize ans, pour les livrer à la mendicité ou à la débauche (art. 283 C. pén., 205 C. pén. prussien), etc.

Il connaît, en outre, des délits politiques (1) et de pres

(1) La loi roumaine ne définissant pas le délit politique, il est généralement admis que ce délit tire son caractère principal des circonstances qui l'accompagnent, de l'intention de l'agent et du but qu'il se propose. Ainsi, pour qu'il y ait délit politique, il faut que le fait délictueux constitue une atteinte injuste à l'ordre politique de l'Etat et qu'il ait été commis pour des motifs politiques et dans le but exclusif de changer, en tout ou en partie, l'ordre social ou l'ordre politique établis. Tels seraient, par exemple, les troubles ou voies de fait qui auraient pour but d'empêcher les citoyens de voter; le fait d'entretenir des intelligences avec l'ennemi; de porter les armes contre son pays; de conspirer pour changer la forme du gouvernement; l'attentat dirigé contre un des organes de la presse, en raison des opinions qu'il aurait émises, etc. Comp. Cass. Roum. Tribun. et C. de Bucarest. Le Droit (Dreptul) de 1890, N° 23, 26 et 57; Le Droit de 1891, No 24 et 49; Le Droit de 1893, No 25. Comp. aussi Al. Dégré. Le Droit de 1887, No 89 et Cass. Roum. 2o ch. (23 octobre 1895) Le Droit de 1895, No 75. Idem. Garraud, Précis de dr. crimin., No 60. Thonissen, Constit. belge, 442 et s. Haus, Dr. pén. 330, etc. C'est donc à tort que le tribunal de Bucarest a jugé (Le Droit de 1893, No 47) que, vu l'absence de toute définition, les délits politiques n'existent pas dans la législation roumaine et que les tribunaux ordinaires

se. (1) (Art. 105 Constit.) (Cpr. art. 98 Const. belge.)

Pour ces derniers délits, la procédure est la même que pour les crimes (2); le jury fixe lui-même le quantum des dommages-intérêts (3) (art. 105 Constit.), et l'emprisonnement préventif est interdit. (4) (Art. 24 Constit.)

Il n'y a que les délits commis contre la personne du Roi et de la famille royale, ou contre les souverains étrangers, qui soient de la compétence des tribunaux ordinaires, conformément au droit commun. (Art. 24 de la Const., révisée en 1884.)

connaissent de toute espèce de délits. Mais, par contre, la cour de cassation a très bien jugé que l'outrage par paroles, gestes ou menaces au président d'un bureau électoral ne constitue pas un délit politique, si le fait n'a pas été commis dans un but politique. (Le Droit de 1895, No 11.) Notons enfin que l'art. 7 de la loi sur les étrangers, du 7 avril 1881, dit expressément que l'attentat commis contre un chef d'Etat étranger ou contre les membres de sa famille n'est pas considéré comme crime ou délit politique, toutes les fois qu'il y a meurtre, assassinat ou empoisonnement.

(1) L'expression de presse s'étend à tous les imprimés, journaux, dessins, gravures, brochures, placards, feuilles volantes, etc., en un mot, à tous les moyens à l'aide desquels on s'adresse au public par la voie de l'imprimerie, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre la presse lithographique, la presse authographique, et la presse ordinaire. Cass. Roum. Le Droit (Dreptul) de 1893, No 16. Doit également être considéré comme délit de presse le refus du gérant d'un journal d'insérer un communiqué ou la réponse d'une personne attaquée dans les colonnes de ce journal. (Art. 193, C. pénal.) Tribun. Galatz (Gr. J. Alexandresco, présid.) Le Droit de 1896, No 19. Dans le même sens C. de Bucarest et Cass. Roum. Le Droit de 1879, No 32. - Contrà. Tribun. Ilfov (Bucarest) Le Droit de 1883, No 5. Thonissen, Const. belge, No 457. (2) Cass. Roum. 2o ch. (8 mai 1896) Le Droit de 1896, No 46. La question posée au jury en ces termes « un tel est-il coupable comprend tous les éléments qui constituent la culpabilité en matière de calomnie. Cass. Roum., Le Droit, loco cit.

[ocr errors]

-

(3) C'est encore le jury qui fixe les indemnités dues aux particuliers à la suite d'expropriation pour cause d'utilité publique. (Art. 39 et suiv. Loi du 20 octobre 1864.)

(4) En matière de délits de presse, la prescription est de quatre mois. (Art. 594 Pr. pén., modifié par la loi du 17 avril 1875.) Voy. suprà, p. 250. Il a été jugé qu'en matière de presse, l'exception de prescription est d'ordre public, qu'il s'agisse de la prescription de l'action civile, ou de celle de l'action publique (Comp. Paris, 2 janvier 1892. D. P. 92. 2. 199), mais cette solution est loin d'être exacte en ce qui concerne la prescription de l'action civile, Comp. Cass. Fr. (5 janvier 1892) D. P. 1892. 1. 45.

Certains délits prévus et punis par la loi électorale sont de la compétence des cours d'assises (art. 116-125, 127, loi électorale de 1884 et art. 135 de la même loi, modifiée par la loi du 3 mai 1895); ils ne peuvent donner lieu à la détention préventive.

En matière électorale, l'action publique et l'action privée se prescrivent par un mois à dater de la proclamation du scrutin. (Art. 133, loi électorale de 1884.) (Voy. l'article Actions, p. 250.) D'autres délits électoraux ont été déférés aux tribunaux ordinaires, comme infractions de droit commun, par la loi du 3 mai 1895. Ce sont les délits prévus et punis par les art. 126, 128-131 de la loi électorale. Tel est le fait d'être entré armé dans le local des élections (art. 126, loi électorale); le fait d'avoir influencé par des violences ou menaces le vote d'un électeur ou de l'avoir déterminé à s'abstenir de voter (art. 128, loi électorale); la violation du scrutin ou le retard apporté aux opérations électorales par violence ou par outrage au bureau électoral (art. 129, loi électorale.); l'enlèvement ou la soustraction de l'urne (art. 130, loi électorale), et enfin la violation du scrutin par les membres du bureau ou les agents de la force publique. (Art. 131, loi électorale.) Pour ces délits de droit commun, la nouvelle loi de 1895 admet, contrairement à la Constitution, la détention préventive, en cas de flagrant délit.

L'action publique se prescrit, conformément aux règles générales du droit, mais le délai de la prescription est d'un an. Quant à l'action privée, elle se prescrit par un mois. (Art. 133 et 135, loi électorale, modifiée par la loi du 3 mai 1895.) (Voy. l'article Actions, p. 250.)

La loi de 1895 a été taxée d'illégale et de contraire à la Constitution. Si les juges en décidaient ainsi, ils se trouveraient en présence d'une autre difficulté. Il a été, en effet, plus d'une fois statué, contrairement à l'opinion générale, que le juge, en présence d'une loi anticonstitutionnelle, doit appliquer la Constitution, parce que, suivant l'expression d'un grand publiciste moderne, (1) la Constitution est une arche sainte, où

(1) Ed. Laboulaye, Histoire des États-Unis, Tome III, p. 475 et suiv.

le peuple a déposé ses libertés, afin que personne, pas même le législateur, n'ait le droit d'y toucher. (1)

Nous avons nous-même autrefois soutenu cette opinion, (2) mais la question est tout au moins douteuse, parce que la Constitution roumaine ne donne pas au juge le droit d'examiner la constitutionnalité des lois: secundum leges, non de legibus, judicandum est. Aussi la cour de cassation a-t-elle décidé, dans ces derniers temps (11 mars 1886), que les instances judiciaires ne peuvent examiner la constitutionnalité des lois qu'au point de vue des conditions requises pour leur existence. (3) En

(1) Voy., dans ce sens : Cass. Roum. Cour et Tribun. Bucarest. Bullet. 2o ch., (année 1875) p. 223 et Le Droit (Dreptul) de 1875, No 64 (proc. général Vioreano, conclusions contraires). Cour de Jassy (27 septembre 1876). Idem. Dém. C. Popesco. Le Droit (Dreptul) de 1883, No 38. G. Meitani, Études constitutionnelles. Art. 61, Constit. p. 37 et suiv. G. Màrzesco, Maximes du droit romain, p. 36 et suiv. - Contrà. Laurent. I. 31. Bluntschli, Droit public général. Liv. II, ch. 13. Thonissen, La Constit. belge annotée, p. 335 et suiv., No 511. Hello, Du Régime constitutionnel, p. 246. Cass. Fr. Répert. Dalloz, vo Lois 527. P. Th. Missir (professeur à la faculté de droit de Jassy) Le Droit de succession aux immeubles ruraux en Roumanie, p. 35 et suiv., etc. (2) Voy. notre Commentaire du code civil, Tome I, 1re partie, p 19, texte et note 1.

(3) Le Droit de 1886, No 33. Toute loi doit être sanctionnée et promulguée par le Roi, après avoir été discutée et librement votée par les deux Chambres. (Art. 32 Constit.) (Art. 69 Constit. belge.) Une loi peut étre votée d'abord par le Sénat et ensuite par la Chambre des députés. Il n'y a que les lois relatives aux recettes et dépenses de l'Etat et au contingent de l'armée qui doivent être présentées en premier lieu à la Chambre des députés et votées par elle. (Art. 33 Constit.) (Comp. Art. 27, Constit. belge et art. 8, loi Constit. fr. du 24 février 1875, relative à l'organisation du Sénat.)

On a dit, pour justifier cette disposition exceptionnelle, que la Chambre des députés représentant surtout l'élément populaire, il convient, en premier lieu, de faire sanctionner par elle les deux charges publiques qui, dans leur répartition, pèsent principalement sur les classes moyenne et inférieure. Voy. Thonissen, Constit. belge, No 162. Mais la vraie raison de cette disposition spéciale, empruntée au droit constitutionnel de l'Angleterre, c'est que les lords, qui composent la Chambre aristocratique du parlement anglais, sont nommés par le chef de l'Etat et, par conséquent, ne représentent pas la nation. Cette disposition, qu'on rencontre aussi dans la charte constitutionnelle de 1814, qui fut modifiée après la révolution de 1830, et abolie par celle de 1848, n'a donc pas de raison d'être ni en Roumanie ni en Belgique, où les pouvoirs des deux Chambres émanent de la nation.

« PreviousContinue »