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stitutionnel, ou administratif. [Il est constitutionnel quand il règle l'organisation et les droits de l'Etat. Il est administratif quand il règle l'exercice de la puissance publique, soit entre les pouvoirs publics et les citoyens, soit entre les citoyens.] Le droit administratif se divise en autant de parties qu'il y a d'objets sur lesquels la puissance publique est appelée à s'exercer. Le droit civil, en tant qu'il contient les règles d'après lesquelles la puissance publique s'exerce dans les choses civiles [sensu stricto], est donc une partie du droit administratif ainsi entendu 3.- [Le droit civil proprement dit, opposé au droit naturel, prend aussi le nom de droit positif.]

§ 3. Du droit des gens.

Le droit des nations, considérées comme personnes morales, est naturel ou positif 1. [On l'appelle droit international ou droit des gens. Le droit des gens naturel ou primitif n'est autre chose que le droit naturel, appliqué aux affaires des nations 2.] Le droit des gens positif est celui des nations qui appartiennent à une Confédération, comme les Etats-Unis de l'Amérique du Nord, et, à un certain degré, les Etats de la Confédération germanique. [C'est aussi et surtout celui qui résulte des traités, des conventions, des engagements par lesquels les Etats ou leurs chefs règlent leur conduite réciproque : quelquefois aussi il résulte de l'usage 3.]

Du reste le droit des gens est en contact sur plus d'un point avec le droit civil et l'administration de la justice, notamment en ce qui concerne les priviléges des ambassadeurs, les suites juridiques des conquêtes, la force obligatoire des traités internationaux pour les juges de chaque pays, la juridiction des consuls et la compétence des agents diplomatiques, comme officiers de l'état civil. [Les règles auxquelles sont soumises ces différentes matières composent ce qu'on appelle le droit international privé.]

3 Dans le langage ordinaire, on entend par droit administratif, la partie du droit qui règle les rapports du pouvoir exécutif dans leur application à des circonstances particulières et locales.

1 [Littéralement, Zachariæ dit civil: dénomination exacte en ce sens que le droit positif des nations, considérées comme individus, est leur droit civil. Néanmoins la division du droit des gens en droit naturel et positif est plus généralement admise par les publicistes.]

[Zachariæ, persistant dans l'erreur que nous avons signalée plus haut, V. §2, définit le droit des gens naturel, celui des peuples qui restent les uns vis-à-vis des autres dans l'état de nature. Il n'y a pas plus d'état de nature pour les nations que pour les individus : les nations sont sociables comme les individus, et ont entre elles des rapports de sociabilité desquels résultent des droits et des devoirs qui constituent le droit naturel.]

3 [V. Massé, 1, n. 40 et suiv.]

CHAPITRE II.

DU DROIT FRANÇAIS.

SECTION Ire.

NOTION ET DIVISIONS DU DROIT FRANÇAIS.

§4. Des lois dont se compose le droit français.

corps

Le droit français est le droit positif propre à la nation française. Il se compose de l'ensemble des lois émanées des investis de la puissance législative [ou réglementaire. En ce sens, les lois sont les règles d'action imposées par une autorité à laquelle on est tenu d'obéir.]

Aujourd'hui le droit français se compose de toutes les lois promulguées depuis l'origine de la monarchie, pourvu toutefois qu'elles n'aient pas été abrogées par une loi postérieure, par application de la maxime lex posterior derogat priori. Il se compose surtout de toutes les lois qui ont été rendues depuis le Consulat, et qui forment la source la plus importante du droit actuel. La Charte de 1814 a expressément confirmé les lois existantes au moment de la Restauration; l'art. 70 de la Charte de 1830 contient la même confirmation pour les lois postérieures; [l'art. 112 de la Constitution du 4 nov. 1848 contenait une disposition analogue, qui a été reproduite dans l'art. 56 la Constitution du 14 janvier 1852.1

§ 5. Des sources du droit français actuel.

Les sources du droit français actuel sont :

1o Les lois, c'est-à-dire dans le sens que le langage constitutionnel français donne à ce mot, les dispositions légales qui, depuis que la France a un gouvernement représentatif, ont reçu force exécutoire suivant les règles tracées par la Constitution 1. D'après la première Constitution impériale, on donnait le nom de lois aux dispositions que l'Empereur présentait au Corps législatif et que celui-ci adoptait 2. D'après la Charte de 1814, l'initiative de la loi n'appartenait qu'au roi 3. D'après celle de 1830, un projet de loi pouvait émaner des trois branches de la puissance législa

1 Le mot lois est pris ici dans un sens restreint, in sensu stricto, tandis que dans une acception plus large il comprend toutes les sources du droit civil français. Dans l'ancienne monarchie les ordonnances royales tenaient lieu de lois dans la signification restreinte que présente aujourd'hui ce mot.

2 [V. Constitution du 22 frimaire au VIII, art. 23 et s.]

3 Charte constit. de 1814, art. 15-22. Les Chambres, d'après cette charte fondamentale, avaient aussi le droit de prier le roi de leur présenter des projets de loi, ainsi que d'amender les projets de loi qui leur avaient été présentés.

tive, et lorsqu'il avait été accueilli par la majorité des deux Chambres et sanctionné par le roi, il avait force de loi. [Sous la Constitution du 4 nov. 1848, les lois étaient proposées, soit par les représentants du peuple, dont chacun avait le droit d'initiative, art. 39, soit par le Président de la République, art. 49; votées par l'Assemblée législative, art. 49, et promulguées par le Président de la République, art. 56 et suiv. Aujourd'hui, sous l'empire de la Constitution du 14 janv. 1852, et des sénatus-consultes du 7 nov. et du 25 déc. 1852, l'Empereur a seul l'initiative des lois, art. 8; le Corps législatif les vote, art. 39; le Sénat en examine la constitutionnalité, art. 25 et suiv.; l'Empereur les promulgue. Le Sénat règle, par des sénatus-consultes, certaines matières spéciales, art. 27; il peut aussi poser les bases des projets de loi d'un grand intérêt national, art. 30.] - La loi, ainsi entendue dans son sens le plus restreint, est la source principale du droit civil français; et c'est dans ce sens que le mot loi est employé dans cet ouvrage.

2o Les ordonnances royales et, d'après la Constitution de l'Empire, les décrets impériaux lorsqu'ils contiennent des règles générales *. D'après l'art. 14 de la Charte de 1814, le roi avait le droit de faire, sans le concours des Chambres, les ordonnances et règlements nécessaires pour l'exécution des lois et la sûreté de l'Etat. La Charte de 1830 reproduisait cette disposition dans son art. 13, avec cette réserve motivée par les événements du mois de juillet de la même année, que le roi ne pouvait jamais user de ce droit pour suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution. [Sous la Constitution du 4 nov. 1848, le Président de la République, chargé de surveiller et d'assurer l'exécution des lois, art. 49, ne pouvait en aucune manière en suspendre l'exécution, art. 51.] Du reste, le point de savoir si une ordonnance royale invoquée à l'occasion d'un litige, est constitutionnelle ou inconstitutionnelle, appartient toujours aux tribunaux compêtents *. - Les décrets impériaux, sous le premier Empire, émanaient de l'Empereur en vertu du droit que lui donnait la Consti

* Charte du 9 août 1830, art. 14-16. * S. V., 33, 1, 372.

6 V. plusieurs exemples de l'application de ce principe [ Cass. 3 mars 1817; Paris, 1er avril 1850; Tarascon, 1 févr. 1835, S. V., 35, 2,174; Rennes, 1er avril 1834, S. V., 34, 2, 588; Grenoble, 6 juill. 1833, S. V., 33, 2, 628; Bordeaux, 18 avril 1836, S. V., 36, 2, 410; Aix, 16 juil. 1836, S. V., 37, 2, 80. V. aussi Foucart, Droit adm., 1, n. 97; Serrigny,

Comp. adm., 1, n. 5; Chauveau, Comp. adm., 2, p. 10, n. 20; Trolley, Traité de la hiér. adm., 1, n.142.]

7 Quelquefois des décisions de l'Empereur, rendues verbalement sur la pré-sentation d'un rapport du ministre, sont également mentionnées dans les circulaires ministérielles. La force obligatoire de ces décisions doit être appréciée d'après les mêmes principes que les circulaires elles-mêmes.

tution de développer les principes posés dans les sénatus-consultes ou dans les lois (sensu stricto), d'interpréter les lois obscures et de faire tous les règlements nécessaires à l'exécution des lois et des sénatus-consultes 8. Il est souvent arrivé, lorsque Napoléon Ier exerçait un pouvoir sans limite, que les décrets impériaux, au lieu de se borner à interpréter les lois ou à en faciliter l'application, les modifiaient. Le Sénat qui, seul, avait le droit d'attaquer les décrets impériaux, comme inconstitutionnels, Const. du 22 frim. an VIII, art. 21, n'ayant pas fait usage de ce droit, il en est résulté que ces décrets, bien que contraires aux lois, ont été et sont encore acceptés par la jurisprudence comme règles de droit en vigueur9, et ne peuvent être abrogés que par une loi 10. [Aujourd'hui, sous le nouveau régime impérial, et d'après la Constitution du 14 janvier 1852, art. 6, l'Empereur fait les règlements et décrets nécessaires pour l'exécution des lois; il peut même, aux termes des art. 3 et 4 du sénatus-consulte du 25 déc. 1852, modifier seul, et sans le concours du Corps législatif, les tarifs de douane et ordonner les grands travaux d'utilité publique.] Il y avait encore sous le premier Empire les statuts impériaux, ou décrets relatifs à l'organisation de la maison de l'Empereur, et qui avaient pour objet le droit de famille de la Famille Impériale. V. le sén.-cons. du 28 flor. an XII, art. 14. [Aujourd'hui, c'est encore à l'Empereur qu'il appartient de fixer la position, les titres et la condition des membres de sa famille, Sénatus-consulte du 7 nov. 1852, art. 3; décret du 21 juin 1853.]

8 Constit. du 22 frim. an VIII, art. 44; Merlin, Rép., v° Loi, § 3.

9 Cass., 18 janv. 1821; 3 oct. 1822; 12 déc. 1823; 26 avril 1828; 8 et 18 avril 1831 [et autres indiqués par Gilbert, Code civil annoté, sur l'art. 1er, no 6. V. au surplus la note suivante. 1

10 Paris, 27 juin 1831, S. V. 31, 2, 335. [On a vu dans la note qui précède qu'un grand nombre d'arrêts ont jugé que les décrets impériaux publiés et exécutés comme lois de l'Etat ont, malgré leur inconstitutionnalité, conservé leur force obligatoire sous les divers gouvernements qui se sont succédé depuis la fin du premier Empire. Cette jurisprudence, aujourd'hui incontestable, a été suivie par beaucoup d'auteurs. V. notamment Foucart, 1, p. 98; Serrigny, 2, n. 6; Trolley, 1, n. 25; Richelot, Princ. du droit civ., n. 15; Duvergier, Coll. des lois, préf., p. 6. Toutefois elle a été combattue, du moins dans sa généralité, par quelques auteurs, qui ont pensé que les dis

positions pénales contenues dans des décrets impériaux ne devaient plus être appliquées. V. Dupin, Réquisit., 2, p. 148; Chauveau et Hélie, Théorie du Code pén., 2, p. 336. Et il a même été jugé en ce dernier sens qu'une peine d'emprisonnement ne peut être prononcée en vertu d'un décret impérial, alors surtout qu'il n'est pas établi que ce décret ait jamais été exécuté dans sa disposition pénale, Bordeaux, 22 mars 1832, S. V., 32, 1, 483.- Du reste, il est bien évident que les décrets impériaux ne sont aujourd'hui obligatoires comme lois que lorsqu'ils ont été publiés et exécutés comme lois par le gouvernement impérial, Cass., 12 juill. 1844, S. V., 44, 1. 855.-Les décrets rendus par l'impératrice Marie-Louise, pendant sa régence, au delà des termes des pouvoirs à elle délégués par les lettres-patentes qui lui conféraient la régence, sont-ils obligatoires comme les décrets impériaux? Non. Cass., 13 mars 1832, S. V., 32, 1, 295, Oui, Nimes, 9 déc. 1829.]

3o Les avis du Conseil d'Etat. Sous la première Constitution impériale 11, le Conseil d'Etat avait, entre autres attributions, celle de déterminer le sens des lois. Ses avis avaient et ont encore, lorsqu'ils ont été approuvés 12 par l'Empereur, la même force obligatoire que les décrets impériaux.-Sur le mode actuel d'interprétation des lois, v. ci-après le § 37.

4° Les sénatus-consultes, ou résolutions du Sénat de l'Empire français 13. Ils n'ont trait au droit civil que dans ses rapports avec le droit constitutionnel.

5o Les circulaires et les décisions ministérielles. Ces lettres et décisions sont obligatoires pour les fonctionnaires publics, mais elles n'obligent en rien les tribunaux, relativement aux points de droit civil qu'elles décident 14.

§ 6. Continuation. - Les cing Codes de l'Empire français.

Codes publiés ultérieurement.

-

En tête des lois françaises, il faut placer tout d'abord les cinq Codes de l'Empire: 1° le Code Napoléon, ou le Code civil des Français; 2o le Code de procédure civile; 3o le Code de commerce; 4° le Code d'instruction criminelle; 5° le Code pénal. Ces Codes contiennent, pour les matières civiles, commerciales et criminelles, des dispositions si complètes, si bien reliées entre elles, et, en tout point, si conformes à la raison, que peu de législations en Europe peuvent être mises en parallèle avec la législation française 1. Tous ces Codes sont l'œuvre de Napoléon Ir. Ils montrent combien les travaux de la paix sont plus durables que les conquêtes de la guerre ! Tous ces Codes ont été préparés et discutés de la même manière. Ils sont encore tous ensemble en vigueur sur le territoire continental de la France 2.

Sous le règne de Charles X, un sixième Code, le Code fores

11 Cass., 19 oct. 1808.

12 Ils portent par conséquent une double date, celle du jour de la résolution et celle de l'approbation. La mention d'une seule date ne s'applique jamais qu'à celle du jour de l'approbation.

13 Sur les fonctions de l'ancien Sénat,V. Constitution du 22 frim. an VIII, art. 15 et s.; Sénatus-cons. org. du 16 therm an X, art. 54 et s.; celui du 28 flor. an XII, art. 57 et s. [Sur les fonctions du Sénat actuel, V. Constitution du 14 janvier 1852, art. 19 et s.]

"La jurisprudence est conforme. V. Cass., 11 janv. 1816; [et les auteurs

aussi. V. Toullier, 1, n. 56; Foucart, 1, n. 104; Trolley, 1, n. 28; Dupin, Réquisit., 1, n. 398; Richelot, 1, n. 17. Les circulaires ne sont pas obligatoires pour les tribunaux, même lorsqu'elles ont seulement pour but de déterminer l'étendue des fonctions des officiers ministériels, Amiens, 31 déc. 1824.]

1 Les Codes des principaux Etats de l'Europe ont été traduits en français par V. Foucher.

2 Ils n'ont jamais été introduits dans les colonies françaises simultanément et par une loi générale, [mais successivement et avec certaines modifications par divers décrets, lois ou ordonnances.]

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