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devaient avoir force de loi chacune dans son ressort particulier. Ce sont ces collections, rédigées par ordre du roi et sanctionnées par lui, que l'on nomme coutume, dans le sens spécial du mot. Des lettres-patentes du même roi, du 26 août 1459, confirmèrent ensuite la coutume de Bourgogne, dont la rédaction avait été terminée la première. Sous les successeurs de ce prince, le travail se continua, et fut terminé sous Charles IX. Plus tard aussi, vers l'an 1580, plusieurs de ces coutumes furent revisées, en raison des fautes qui s'étaient glissées dans la première rédaction, et publiées de nouveau sous une forme meilleure.

Dès la première rédaction officielle des coutumes, et plus encore lors de la seconde, le droit romain exerça une influence considérable sur ce travail, auquel prirent la part la plus active des hommes dont l'éducation comme jurisconsultes s'était faite exclusivement à l'école du droit romain. Depuis cette époque, c'est-à-dire à dater du quinzième et du seizième siècle, les pays de coutume eurent donc un droit qui, quoique coutumier dans son origine, était néanmoins un droit écrit, quant à sa forme et à sa force obligatoire,

Le nombre de ces coutumes était considérable; on les distinguait, quant à leur ressort, en coutumes générales et en coutumes locales, On comptait environ soixante coutumes de la première espèce, et près de trois cents de la seconde. Chaque coutume en particulier portait le nom du ressort ou de la juridiction à laquelle elle appartenait. Les jurisconsultes dénomment et classent aussi les coutumes d'après leur contenu, comme, par exemple, coutumes d'égalité, d'après lesquelles un héritier ne pouvait être avantagé de préférence à un autre, et coutumes de franc-alleu, d'après lesquelles des biens-fonds devaient être considérés, dans le doute, comme des alleux.

La coutume de Paris, appelée aussi coutume de la prévôté et vicomté de Paris, mérite une mention particulière comme source principale du Code civil. Elle remonte à l'an 1510. L'édition

revisée date de 1580. Même hors de la ville de Paris, quelques juridictions avaient recours à ses dispositions comme à une règle de décider, lorsque le droit coutumier général ou local de leur ressort laissait le cas indécis, ou que leur coutume était muette. Du reste le droit romain, dans les pays de droit coutumier, n'avait pas en général 19 l'autorité d'un droit écrit; mais quand l'étude scientifique du droit de Justinien se fut propagée en France, ce droit servit également à compléter les coutumes, même auprès des tribunaux de ces pays, non à titre de droit positif, mais seulement comme recueil de décisions formant règle générale, ou comme raison écrite, ratio scripta, notamment dans la théorie des obligations et des contrats.

Avec la décadence du pouvoir royal en France, sous les derniers rois de la seconde race, les ordonnances royales, encore appelées capitulaires, et les lois émanées des assemblées nationales devinrent de plus en plus rares. Les premiers rois de la troisième race usèrent peu du pouvoir législatif. La France était alors, sinon nominalement, au moins de fait, un État fédéral : le roi n'était que le chef de la confédération. Mais peu à peu le pouvoir royal se releva de cet état de faiblesse; les assemblées nationales, bien qu'autrement composées et n'ayant plus les mêmes pouvoirs qu'autrefois 20, reprirent de la considération et de l'influence. Ainsi les édits ou règlements rendus par le roi, soit de son propre mouvement, soit sur la proposition des Etats, devinrent une des sources du droit français. Ils reçurent alors le nom d'ordonnances. On trouve cette dénomination dans un édit de Philippe le Bel, de l'an 1327 21. On distingue encore les actes du pouvoir royal, d'après leur contenu, par des désignations spéciales. C'est ainsi que l'édit est une loi rendue sur un objet spécial; l'ordonnance, dans son acception plus restreinte, une loi qui embrasse

19 A moins que la lettre royale, confirmative de la Coutume, ne renvoyât expressément au droit romain. V. l'ouvrage précité, 9, p. 364, note 10; Merlin, Rép., vo Autorités. $ 5,

20 Les droits des Etats généraux se bornaient alors au vote de l'impôt et à présenter au roi des doléances et remontrances.

21 Merlin, Rép.. vo Ordonnance.

toute une catégorie d'objets ou toute une théorie de droit ; une déclaration est une loi qui en explique une autre, ou qui décide un point de droit controversé ; les lettres-patentes, enfin, sont des ordres moyennant lesquels le roi confère un privilége, ou adresse aux tribunaux une résolution prise en Conseil d'Etat, pour la mettre à exécution.

Autant l'autorité des ordonnances royales avait d'abord été douteuse, autant le domaine de ces ordonnances avait été incertain, autant leur force légale fut incontestée et illimitée d'après le droit constitutionnel postérieur, c'est-à-dire environ au milieu du dix-septième siècle. Cependant, les Parlements s'étaient arrogé le droit de subordonner la force obligatoire des ordonnances à la condition de l'enregistrement, de sorte que chaque Parlement n'appliquait que les ordonnances qu'il avait enregistrées lui-même dans les registres publics à ce destinés. On sait que la possession de ce droit, ou, si l'on veut, cette prétention des Parlements était regardée comme inconstitutionnelle par l'autorité royale.

Parmi les ordonnances les plus importantes pour le droit civil, il faut citer les suivantes : l'ordonnance de Villers-Coterets (août 1539), rendue par François Ier et relative à la procédure judiciaire; l'ordonnance de Charles IX, de janvier 1561, sur les griefs des Etats d'Orléans; l'ordonnance du même roi, rendue à Moulins en février 1566, sur la réforme de la procédure judiciaire; l'ordonnance de Henri III, de 1579, motivée sur les griefs des Etats de Blois au sujet de la police générale du royaume; les ordonnances de Louis XIV (V. inf., §§ 16 et 19), et celles de Louis XV, sur les donations, de 1731; sur les testaments, de 1735; et sur les substitutions, de 1747. Du reste les ordonnances, quoique obligatoires pour toute la France, ne supprimèrent la distinction entre les pays de droit écrit et ceux de droit coutumier que pour certaines parties du droit et à certains égards. L'ordonnance sur les testaments, de 1735, prend même expressément cette distinction pour base de ses dispositions, en établissant des formes testamentaires diffé

XXVI INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT CIVIL FRANÇAIS.

rentes pour les pays de la première et pour ceux de la seconde catégorie.

Telle était la diversité d'esprit et d'origine des sources du droit civil français, lorsque la révolution éclata. Les inconvénients de la variété de législation étaient encore aggravés par cette circonstance que chaque Parlement avait sa jurisprudence particulière, et qu'en outre certains priviléges se mêlaient aux décisions en matière de droit civil. On verra, aux §§ 6 et suiv., comment la révolution française s'efforça de substituer à cette confusion un droit civil uniforme pour toute la France, et en harmonie avec les besoins nouveaux de l'époque. Elle n'atteignit qu'imparfaitement ce but, et il était réservé au gouvernement consulaire de résoudre le problème.

CHOISIE

DE L'ANCIEN DROIT FRANÇAIS.

Les indications bibliographiques qui suivent ne s'appliquent qu'à l'ancien droit civil français. Pour le droit moderne, les citations de nos notes suffiront pour faire connaître les auteurs qui ont écrit sur le Code Napoléon; et, d'ailleurs, les catalogues de la librairie seront toujours aussi complets que nous pourrions l'être nousmêmes.

HISTOIRE DU DROIT CIVIL FRANÇAIS.

1. Histoire générale.

FLEURY. Histoire du droit français. Paris, 1682; 1 vol. in-12.

L'histoire de Fleury se trouve en tête de l'Institution du droit français d'Argou.

J. MART. SILBERRAD. Historiæ juris gallicani epitome. Argent., 1751 et 1765; 1 vol. in-8.

A la suite de l'Histoire du droit romain et du droit germanique d'Heineccius. GROSLEY. Recherches pour servir à l'histoire du droit français. Paris, 1752, 1787; 1 vol. in-12.

DUCHESNE. Analyse historique des principes du droit français. Paris, 1756; 1 vol. in-12.

BOILEAU. Histoire du droit français. Paris, 1806; 1 vol. in-12.

ALEX. CERESA DE BONVILLARET. Précis historique de la législation française. Turin, 1812; 1 vol. in-8.

BERNARDI. Essai sur les révolutions du droit français, pour servir d'introduction à l'étude de ce droit. Paris, 1785; in-8.

De l'origine et des progrès de la législation française, ou Histoire du droit public et privé de la France, depuis la fondation de la monarchie jusques et y compris la Révolution. Paris, 1817; 1 vol. in-8.

DUPIN. Précis historique du droit français, par l'abbé FLEURY, avec la continuation depuis 1674 jusqu'en 1789. Paris, 1826; in-18. Réimprimé dans ses opuscules; 1 gros vol. in-48.

LAFERRIÈRE. Histoire du droit français. Paris, 1837; 2 vol.

MICHELET. Origines du droit français. Paris, 1837; 1 vol. in-8.

RAYNOUARD. Histoire du droit municipal en France. Paris, 1829; 2 volumes in-8.

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