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<< frère pour opérer cette régénération, la chambre des députés déclare nationale la guerre contre Bonaparte. »

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XVII

Le lendemain, Benjamin Constant, organe du parti constitutionnel, et inspiré par le génie de madame de Staël, empruntait à l'antiquité ses accents les plus tragiques et à l'histoire ses burins les plus sanglants pour élever la réprobation de la nation contre Bonaparte à la hauteur de l'histoire et du péril public! Éloquente et vaine jactance de ces résolutions stoïques que l'écrivain trouvait sous sa plume et que l'homme ne retrouvait plus quelques jours après dans

son cœur!

« Il reparaît cet homme teint de notre sang, il reparaît << cet homme poursuivi naguère par nos malédictions una«< nimes : que veut-il, lui qui a porté la dévastation dans << toutes les contrées de l'Europe, lui qui a soulevé contre << nous les nations étrangères, lui qui, attirant sur la France « l'humiliation d'être envahie, nous coûte jusqu'à nos pro<< pres conquêtes antérieures à sa domination? Il rede"mande sa couronne! Et quels sont ses droits? La légitimité « héréditaire : mais une courte occupation de douze années « et la désignation d'un enfant pour successeur ne peuvent se comparer à sept siècles d'un règne paisible. Allègue«t-il le vœu du peuple? Mais ce vœu doit être compté : «< n'a-t-il pas été unanime dans tous les cœurs pour rejeter Bonaparte? Il promet la victoire, et trois fois il a délaissé << honteusement ses troupes, en Égypte, en Espagne, en Russie, livrant ses compagnons d'armes à la triple étreinte « du froid, de la misère et du désespoir ! Il promet le main

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«tien des propriétés, mais cette parole même il ne peut la << tenir, n'ayant plus les richesses de l'univers à donner pour récompense à ses satellites! ce sont nos propriétés qu'il veut dévorer. Il revient aujourd'hui, pauvre et avide, n'ayant rien à réclamer ni rien à offrir. Qui pourrait-il << séduire? La guerre intestine, la guerre extérieure, voilà << les présents qu'il nous apporte. Son apparition, qui est <«< pour nous le renouvellement de tous les malheurs, est << pour l'Europe un signal d'extermination. Du côté du roi << est la liberté constitutionnelle, la sûreté, la paix; du côté «de Bonaparte, la servitude, l'anarchie et la guerre. Il « promet clémence et oubli; mais quelques paroles jetées dédaigneusement, qu'offrent-elles autre chose que la ga«rantie du mépris? Ses proclamations sont celles d'un << tyran déchu qui veut ressaisir le sceptre; c'est un chef « armé qui fait briller son sabre pour exciter l'avidité de «ses soldats; c'est Attila, c'est Gengis-Kan, plus terrible, plus odieux, qui prépare tout pour régulariser le massa« cre et le pillage. Quel peuple serait plus digne que nous « de mépris si nous lui tendions les bras? Nous devien«<drions la risée de l'Europe après en avoir été la terreur; << nous reprendrions un maître que nous avons nous-mêmes « couvert d'opprobre; notre esclavage n'aurait plus d'ex«cuse, notre abjection plus de bornes, et du sein de cette abjection profonde, qu'oserions-nous dire à ce roi que « nous aurions pu ne pas rappeler? car les puissances vou<< laient respecter l'indépendance du vœu national; à ce « roi que nous avons attiré par nos résolutions spontanées << sur la terre où déjà sa famille avait tant souffert? Lui «< dirions-nous : Vous avez cru aux Français, nous vous « avons entouré d'hommages et rassuré par nos serments, << vous avez quitté votre asile, vous êtes venu au milieu de << nous, seul et désarmé; tant que nul danger n'existait, << tant que vous disposiez des faveurs et de la puissance, << un peuple immense vous a étourdi par des acclamations

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bruyantes; vous n'avez pas abusé de son enthousiasme. « Si vos ministres ont commis beaucoup de fautes, vous " avez été noble, bon, sensible; une année de votre règne << n'a pas fait répandre autant de larmes qu'un seul jour du règne de Bonaparte. Mais il reparaît sur l'extrémité de << notre territoire, il reparaît cet homme teint de notre sang « et poursuivi naguère par nos malédictions unanimes; il « se montre, il menace, et ni les serments ne nous retien«nent, ni votre confiance ne nous attendrit, ni la vieil«<lesse ne nous frappe de respect; vous avez cru trouver «< une nation, vous n'avez trouvé qu'un troupeau d'escla" ves! Parisiens, non, tel ne sera pas notre langage, tel ne « sera du moins pas le mien. J'ai vu que la liberté était possible sous la monarchie; j'ai vu le roi se rallier à la « nation. Je n'irai pas, misérable transfuge, me traîner «d'un pouvoir à l'autre, couvrir l'infamie par le sophisme, <«<et balbutier des mots profanes pour racheter une vie « honteuse!

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LIVRE DIX-HUITIÈME.

Situation de la France.

princes à Lyon. proclamations.

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- Attitude de l'armée et du peuple de Lyon. - Les Entrée de Napoléon dans cette ville. Décrets et Son départ de Lyon. Il passe par Villefranche et Macon. Défection de Ney. - Napoléon arrive à Châlons-sur-Saône, à Avallon, à Auxerre. Entrevue de Napoléon et du maréchal Ney. passe à Montereau. — Ordre au général Gérard. Il arrive à Fontainebleau.

I

Ainsi d'un côté la France tout entière se pressant à Paris autour de son roi, de la paix, de sa représentation nationale, de sa liberté, de sa dignité de nation, se refusant par toutes ses voix à devenir le prix de la course d'un héros devenu le grand séditieux de l'épée; de l'autre côté Napoléon arrivé impunément jusqu'à Grenoble, entouré de toutes parts, mais entouré de loin par des corps d'armée qu'on n'osait faire fondre sur lui de peur que, fidèles encore à distance, l'entraînement de son tourbillon ne les enlevât de près à la nation et au roi. Masséna dans le Midi, Macdonald à Lyon, le duc d'Angoulême et ses généraux sur la rive droite du Rhône, Ney à Besançon et à Lons-le-Saulnier, le duc de Berry en avant de Paris, Mortier au Nord entre ces camps, moins en mouvement qu'en observation

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