«Le 28 Mars 1753, le Promoteur de l'Officialité de Bor»deaux, fur la rumeur publique & fans dénonciateur, ren» dit plainte contre le fieur Caubet Daran, Curé de la Pa» roiffe de Saint-Michel de Bias ; la plainte contenoit qu'il étoit » averti par le bruit public, que le fieur Caubet Daran fe » portoit à des excès très repréhenfibles, qu'il menoit une » conduite fcandaleufe dans fa Paroiffe, & aviliffoit la dignité » du Sacerdoce par les crimes les plus honteux ; qu'il étoit ac» cufé d'avoir abufé de plufieurs femmes, & d'avoir tenté d'abu » fer deux de fes paroiffiennes dans fa maison, de tenir des » propos obfcénes, d'avoir gardé à fon fervice, pendant plu» fieurs années, une jeune fervante avec laquelle il vivoit fami» liérement, la faifoit même manger à fa table, d'avoir re» fufé la Communion à plufieurs de fes Paroiffiens, d'avoir » laissé mourir quatre perfonnes d'une même famille fans Sa» cremens, & de témoigner une avidité insatiable dans la per»ception de fon cafuel. » Cette plainte fut fuivie d'une information, fur laquelle le » fieur Caubet Daran fut décrété d'ajournement perfonnel. "La procédure criminelle fut auffi inftruite par le Lieute» nant-Criminel de Guyenne, que le fieur Caubet Daran avoit » fait commettre par Árrêt du Parlement de Bordeaux pour le » cas privilégié. » Le 15 Juin 1754, l'Official rendit fa fentence par laquelle » il condamna le fieur Caubet Daran à fe retirer dans un Sé» minaire pendant un an pour y reprendre l'efprit de son état » & en certains jeûnes & prieres défignés dans la fentence. Une » Sentence du Lieutenant-Criminel de Guyenne, du 22 Août » de la même année, fut plus favorable au fieur Caubet Daran; » elle le déchargea de l'accufation avec dommages-intérêts à » fournir par déclaration, pour le paiement defquels il lui fut » permis d'agir par les voies de droit, contre le Dénonciateur. » La Sentence ordonna, à cet effet, que le Promoteur feroit » tenu de le nommer dans trois jours. Ces deux Sentences » étoient contradictoires, celle de l'Officialité jugeoit l'Accufé >> coupable, celle du Juge laïc le déclaroit innocent. » Aulieu d'exécuter la fentence de l'Officialité, le fieur Cau» bet Daran fit fignifier au Promoteur la Sentence du Lieu» tenant-Criminel de Guyenne, avec fommation de nommer fon Dénonciateur, & proteftation de fe pourvoir contre le Pro-. » moteur lui-même par les voies de droit pour le paiement des » dépens de la procédure criminelle, & des dommages-intérêts? » Le Promoteur interjetta appel au Parlement de Bordeaux » de la Sentence du Lieutenant-Criminel de Guyenne, fur l'ap» pel il excipa des dépofitions des témoins qui prouvoient la » vérité des faits contenus dans la plainte. » Le Curé fe fonda fur les reproches qu'il avoit fournis con»tre les témoins; ils confiftoient à dire que les témoins » étoient fes paroiffiens: il ne fut pas difficile de détruire de » pareils moyens, le Promoteur prouva qu'il n'y avoit aucune » loi qui fit rejetter les dépofitions des Paroiffiens fur les faits » concernant la conduite & les mœurs de leur Curé; qu'ils » étoient même témoins néceffaires, & les feuls qui puffent » avoir une connoiffance certaine des faits. » Le Parlement de Bordeaux n'eut pas d'égard à ces moyens : "par un Arrêt du 4 Septembre 1755, rendu fans conclufions » du Ministere public, il déclara le Promoteur non recevable » dans fon appel, & ordonna que la Sentence du Lieutenant » Criminelle de Guyenne feroit exécutée. » Le Promoteur fe pourvût au Confeil du Roi en caffation, & fur fa requête intervint Arrêt le 15 Mai 1756, par lequel le Roi étant en fon Confeil a ordonné & ordonne, que les motifs de l'Arrêt du Parlement de Bordeaux du 4 Septembre 1755, énoncés dans la requête, feroient, par le fieur Procureur-Général dudit Parlement, envoyé au Confeil, & cependant Sa Majefté a fait défenfes d'exécuter la Sentence du LieutenantCriminel de Guyenne, du 22 Août 1754, en ce qui concerne la nomination du dénonciateur & les dépens, dommages-intérêts. Il y a tout lieu de préfumer que fur l'envoi des motifs de l'Arrêt, les défenses provifoires d'exécuter la Sentence du Lieutenant-Criminel de Guienne du 22 Août 1754, auront été déclarées définitives, en ce qui concerne la nomination du Dénonciateur & les dépens & dommages-intérêts. Ainfi toutes les fois que le Promoteur a été excité par le bruit public, il eft à l'abri de tout reproche, & ne peut être condamné à nommer fon Dénonciateur ou aux dommages-intérêts de l'Accufé, Quid, fi le cri- Mais file crime, dont auroit rendu plainte le Promoteur; me étoit un crime étoit un crime fecret & caché, & que celui-ci ne l'eût ap fecret & caché, pris que par la délation de quelques perfonnes; en ce cas, la prudence exige qu'il n'agiffe que fur la dénonciation d'une perfonne folvable, ou qui ait donné bonne & fuffifante caution; car fi l'accufation venoit à être jugée mal-fondée ou calomnicufe, il feroit tenu de nommer fon Dénonciateur; il y en a plufieurs exemples: & dans le cas où il n'en auroit pas, ou que celui qu'il auroit, ne fût pas folvable, le Promoteur feroit condamné aux dommages-intérêts de l'Accufé renvoyé abfous. S'il étoit encore prouvé que le Promoteur eût agi par paffion, animofité, reffentiment, il devroit être, en ce cas, condamné aux dommages-intérêts de l'Accufé; car fon devoir ne l'oblige de vexer ni de perfécuter personne. Le Promoteur eft encore irrepréhenfible, Quid, s'il avoit agi par paflion. Cas où le Promoteur, qui agit fans Dénonciateur, est encore irrépréhenfible, & 2o, Lorsque l'Accufé n'a été que mis hors de cour, faute n'eft pas tenu de nommer fon Dé. preuves fuffifantes. de nonciateur,quand il en auroit un. 1o. Lorsque la peine la plus légere a été prononcée contre l'Accufé. Définition de la monition, 3°. Lorfque les témoins ont varié. La regle eft, que l'Accufé ne peut prétendre des dommagesintérêts, foit contre le Dénonciateur, ou à défaut de Dénonciateur contre la Partie publique, que lorfqu'il a été pleinement justifié & renvoyé abfous; c'est le vœu de l'Art. LXXIII, de l'Ordonnance d'Orléans. Peines des Dé, A l'égard des peines portées contre les Dénonciateurs & Acnonciateurs & Accufateurs calomniateurs, aux termes de l'Art. VII du Tit. III de l'Ordonnance de 1670, ce font les dépens, dommages & intérêts des Accufés, & même plus grande pcine s'il y écheoit. culateurs çalomniateurs, CHAPITRE II. Des Monitions Canoniques. N entend par monition Canonique un acte juridique fignifié par un Appariteur ou un Huiffier Royal, à la requête de l'Evêque ou de fon Promoteur, à un Eccléfiaftique, à l'effet de l'avertir de remplir fes devoirs, ou de faire ceffer Les monitions ont lieu dans l'e taire,comme dans Les monitions Canoniques s'employent pour l'exercice de la Jurisdiction Eccléfiaftique volontaire, comme pour celui de xercice de la Jula Jurifdiction Eccléfiaftique contentieufe, civile & criminelle, rifdiction volonPar exemple, les monitions Canoniques font néceffaires pour celui de la Jurifobliger à venir réfider les Bénéficiers abfens, dont les Bénéfi- diction ces exigent réfidence: elles font pareillement indifpenfables tieufe, civile & pour pouvoir prononcer la désertion d'un Bénéfice, & le déclarer vacant & impétrable. conten criminelle. Mais notre objet n'eft point de parler ici des monitions Canoniques qui ont lieu dans l'exercice de la Jurifdiction volontaire, ni dans celui de la Jurifdiction contentieuse-civile. Nous ne nous propofons de parler des monitions Canoniques, que relativement aux matieres Eccléfiaftiques-criminelles. La principale question qui se préfente, eft de favoir fi la plainte rendue par le Promoteur, doit être précédée des monitions Canoniques? Pour réfoudre cette question, il faut diftinguer deux chofes; T L'on peut donc conclure avec certitude, que toutes les fois que le délit eft confommé, & que le bien de la Juftice exige de s'affurer le plutôt poffible de la perfonne du coupable, les monitions Canoniques ne doivent point précéder la plainte du Promoteur. Si le délit ne mé. Eccléfiaftique, il Mais s'il s'agit d'un délit non confommé, & qui ne mérite qu'une peine rite aucune peine afflictive ou infamante, mais feulement les faur diftinguer. Si la peine eft l'excommunication néceffaires. peines Eccléfiaftiques, par exemple, s'il s'agit d'un défaut de conduite ou de négligence dans l'administration des Sacremens, il faut encore diftinguer le genre de peines Eccléfiaftiques que le délit peut mériter. Si la peine que le délit peut mériter, eft la dépofition ou ou la dépofition, l'excommunication, il faut alors employer les monitions juriles monitions font diques. C'eft à ce cas qu'il faut appliquer toutes les Loix Canoniques qui prefcrivent l'obfervation de cette formalité. L'Eglife toujours pleine de charité pour fes Miniftres ne confent de les retrancher de fon fein, qu'après les avoir avertis plufieurs fois, & elle ne fe détermine enfin à prononcer contre eux fes anathêmes, que lorfque, par leur contumace & leur defobéiffance ils ne lui laiffent plus aucun efpoir de retour & de refipifcence. Mais fi la peine Si aucontraire la peine que mérite le délit n'eft qu'une peine eft légere & par fimplement correctionnelle, les monitions ne font plus néceftion, les moni- faires. forme de correc tions ne font plus néculaires. Il n'y a aucune difpofition de droit qui demande des monitions juridiques, lorfqu'il s'agit de prononcer contre un Eccléfiaftique une peine légere par forme de correction. Le Chap. XLVIII, Extra, de fent. excommunicationis, tiré du Concile de Latran, les Chap. III & V du même Tit. in-6o & les Chap. III & XIV du Concile de Trente, Seff. XXV de reformatione, fourniffent la preuve que les monitions ne font néceffaires que dans certains cas, & principalement lorfqu'il s'agit de prononcer l'excommunication ou d'autres cenfures. Ainfi pour que la plainte du Promoteur doive être précé dée des monitions juridiques, il faut 1°. que le délit ne foit point entiérement confommé, & qu'il ne mérite aucune peine afflictive ou infamante, mais feulement une peine Eccléfiaftique. 2o. Que cette peine Eccléfiaftique ne foit pas une peine légere par forme de correction, mais la peine d'excommunication ou de dépofition ou d'autres femblables. , Nous rapporterons deux, exemples de ce que nous venons de dire, tirés, le premier du Rapport d'Agence de l'année 1745, pag. 67 & fuivantes ; & le deuxieme, des Mémoires du Clergé Tom. VII, col. 850. Voici l'efpece du premier exemple qui fe trouve dans le Rapport d'Agence. » Un |