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tout propriétaire a le droit de jeter les eaux de son toit sur la voie publique. L'administration a seulement le pouvoir de réglementer l'exercice de ce droit et de prescrire des conditions auxquelles il sera exercé; elle ne pourrait pas le supprimer, puisqu'il est consacré par une loi, c'est-à-dire par une autorité plus haute que l'administration. Comme l'art. 681 C. Nap. est le seul texte qui ait consacré le droit du riverain, il faut décider que les eaux d'une autre provenance, notamment les eaux ménagères, ne sont versées sur les chemins publics qu'en vertu de la permission, au moins tacite, de l'administration. En cette matière, l'administration aurait le pouvoir d'interdire, si elle le jugeait à propos, tandis que pour l'égout des toits, elle n'a que celui de réglementer. Cette différence tient uniquement à ce qu'il y a une loi qui oblige à recevoir l'égout des toits sur la voie publique, tandis qu'il n'y en a pas pour les éviers et eaux ménagères '.

9. Le propriétaire riverain qui veut conduire des eaux de son fonds à travers la voie publique doit en obtenir l'autorisation. L'autorité qui est chargée de prononcer sur la demande fixe les conditions auxquelles cette permission sera donnée. Ordinairement

1 M. Isambert, Voirie, t. III, n° 777, soutient au contraire que les propriétaires ont le droit de verser les eaux ménagères sur la voie publique. M. Daviel, no 946, et Toullier, t. III, no 481, pensent aussi que les propriétaires ont ce droit, et que l'administration ne peut que réglementer l'exercice de ce droit. L'opinion développée au texte est enseignée par un grand nombre d'auteurs, et notamment par MM. Daubenton, Code de la voirie, art. 196; Husson t. II, p. 9, et Féraud-Giraud, Servitudes de voirie, t. II, p. 261 et 262. Quant aux caractères de la servitude d'égout et d'évier entre particuliers voir un arr. de la C. cass. ch. req. du 19 juin 1865) (D. P. 65, I, 478).

elle prescrit l'établissement d'un aqueduc en maçonnerie. C'est ce qu'ordonne spécialement, pour les chemins vicinaux, l'art. 346 du règlement-modèle de 1854 « Cette autorisation pourra être accordée à la charge d'établir, dans toute la largeur du chemin, « un aqueduc en maçonnerie, qui devra être construit « suivant les indications qui seront données dans l'ar« rêté d'autorisation. »

10. Si l'écoulement des eaux est une servitude, il peut aussi être un avantage. Après avoir déterminé quelles sont les obligations des riverains, il faut donc se demander quels sont leurs droits. Les eaux pluviales, tant qu'elles sont sur la voie publique, n'appartiennent à personne, et elles sont la propriété du premier occupant. Le premier qui les intercepte y a droit, et les propriétaires situés en aval ne peuvent pas prétendre droit à en recevoir leur portion, même quand ils auraient fait des travaux destinés à en faciliter la dérivation, ces travaux fussent-ils faits depuis trente ans et plus. L'art. 642 C. Nap., ne parle que des travaux faits pour faciliter la chute d'eaux qui viennent d'une source et, par conséquent, il est inapplicable aux eaux pluviales qui ne constituent pas un cours d'eau et ne sont que des res nullius. Le propriétaire du fonds inférieur ne pourrait réclamer que s'il y avait entre lui et le propriétaire du fonds supérieur quelque titre réglant la manière dont ils se comporteront quant à l'usage des eaux pluviales '.

1 V. Arr. C. cass. ch. civ. du 22 avril 1863 (D. P. 63, I, 294) et ch. req. 16 janvier 1865 (D. P. 65, I, 182). V. auss. arr. ch. req. du 11 juillet 1859 D. P. 59, 1, 352).

11. Essartement des bois. La contiguïté des chemins aux bois a l'inconvénient: 1° d'entretenir une humidité contraire à la conservation de la voie; 2° de fournir aux malfaiteurs des facilités pour tendre des embûches aux voyageurs. Aussi l'essartement, c'est-àdire l'arrachage du bois le long de la route, des deux côtés, est-il réclamé par l'intérêt de la sécurité et de l'entretien du chemin. Il a été prescrit par l'art. 3 de l'ordonnance d'août 1669, en ces termes : « Ordon«nons que, dans six mois, du jour de la publication « des présentes, tous bois, épines et broussailles qui se << trouvent dans l'espace de 60 pieds ès grands chemins << servant au passage des coches et carrosses publics « tant de nos forêts que de celles des ecclésiastiques, « communautés, seigneurs et particuliers, seront es« sartés et coupés, en sorte que le chemin soit libre. « et plus sûr, le tout à nos frais ès forêts de notre <«< domaine, et aux frais des ecclésiastiques, commu<< nautés et particuliers, dans les bois de leur dépen<< dance.

« Art. 4. Voulons, les six mois passés, ceux qui se << trouveront en demeure soient mulctés d'amende « arbitraire', et contraints, par saisie de leurs biens, << au payement tant du prix des ouvrages nécessaires « pour l'essartement, dont l'adjudication sera faite au <«< moins disant, au siége de la maîtrise, que des frais <«<et dépens faits après les six mois, qui seront taxés « par les grands maîtres. » Cette disposition a été rap

1 L'amende arbitraire a été remplacée par l'amende de 16 fr. à 300 fr. par la loi du 23 mars 1842.

pelée et confirmée dans les arrêts du conseil des 3 mai 1720, 6 février 1776, art. 5 et 26 février 1771.

La première question qui s'élève sur cette partie de l'ordonnance est de savoir si elle est encore en vigueur. On en pourrait douter en présence de l'art. 218 du Code forestier, qui abroge pour l'avenir « toutes lois, «< ordonnances, édits et déclarations, arrêts du conseil, « arrêtés et décrets, et tous règlements intervenus à quelque époque que ce soit, sur les matières réglées « par le présent, en ce qui concerne les forêts. » Mais cette abrogation n'est relative qu'aux matières réglées, et pas un article du Code forestier ne traite de l'essartement, ce qui rend inapplicable la disposition de l'art. 218. Cela se comprend aisément; car l'ordre d'essarter ayant pour objet la conservation et la sûreté de la voie, sa place naturelle n'était pas dans un code qui a été fait pour la conservation de la richesse forestière. Aussi cette servitude est-elle encore en vigueur en vertu de la disposition générale qui a maintenu tous les anciens règlements sur la voirie, à l'exception de ceux qui ont été formellement abrogés. (Art. 29 de la loi des 19-22 juillet 1791.)

12. La seconde question est de savoir au profit de quels chemins l'essartement est exigé. L'ord. de 1669 ne parle que des grands chemins servant au passage des coches et carrosses publics. Il en résulte que cette servitude ne s'applique pas aux chemins vicinaux qui ne rentrent pas dans l'expression de grands chemins'.

1 Gillon et Stourm, Voirie, no 30. M. Féraud-Giraud, Servitudes de voirie, t. I, p. 269, distingue entre les chemins ordinaires et les chemins de grande communication. Il applique à ces derniers la servitude d'essartement.

La servitude n'est pas non plus due par les propriétaires d'un chemin de fer: 1° parce que l'ordonnance n'a pas pu prévoir l'établissement de cette espèce de voie publique; 2° parce que le voisinage du bois n'offre pas les mêmes inconvénients pour un chemin de fer que pour une voie publique fréquentée par les pié

tons.

13. Enfin il y a lieu de se demander comment se calcule la distance de 60 pieds dont parle l'ordonnance de 1669. D'après un avis du Conseil d'État. du 18 novembre 1824, avis qui fut délibéré par les comités réunis du contentieux, de l'intérieur et des finances et confirmé par une ordonnance du 9 novembre 1828, il fallait prendre 60 pieds de chaque côté à partir de l'arête extérieure du fossé, ce qui aurait donné 120 pieds. En y ajoutant la chaussée ei les fossés sur une surface d'ordinairement 60 pieds, l'essartement aurait compris un espace de 180 pieds. Dans un deuxième système on soutenait que le point de départ des 60 pieds devait être pris au milieu de la chaussée, de sorte que l'essartement n'aurait porté, en tout et la voie comprise, que sur un espace de 120 pieds'. Une troisième opinion adoptée par un nouvel avis du Conseil d'État, en 1850, et exposée par une circulaire du ministre des travaux publics, du 31 janvier 1850, consiste à dire que l'essartement ne portera que sur 60 pieds, la chaussée comprise. Si la route n'a pas une largeur de 60 pieds, on prendra le surplus sur chaque côté de la voie, de manière à dégager ses

Isambert, Voirie, t. 1, p. 265.

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