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pas? La différence tient à ce que l'usage des routes est gratuit et que les canaux de navigation sont productifs de revenus. Les routes ne sont qu'une cause de dépense à la charge de l'État. Au contraire, les canaux de navigation donnent lieu à la perception de taxes qui profitent soit au trésor public, soit aux concessionnaires. Il était donc naturel que les canaux de navigation, quoique constituant une dépendance de la grande voirie, du domaine public, fussent assimilés au domaine privé. Ne sont-ils pas, comme les biens domaniaux, une source de revenu pour l'État ou ses représentants? Quant à la proportion suivant laquelle ils doivent être cotisés, la loi du 5 floréal an X porte qu'ils ne seront taxés à la contribution foncière qu'en raison du terrain qu'ils occupent comme terre « de première classe. » Ainsi lorsque les canaux des moulins, forges et usines ne sont cotisés que sur le pied des terres riveraines, l'espace occupé par les canaux de navigation est considéré comme terre de première classe. Le canal de navigation traversant toujours (ou au moins presque toujours) plusieurs communes, on porte à la matrice de chaque commune traversée la portion de canal qui se trouve située sur son territoire. (Recueil méthodique, art. 386.) Quant aux maisons d'habitation et usines qui dépendent d'un canal de navigation, elles sont taxées comme les autres propriétés de même nature et conséquemment d'après leur valeur locative, déduction faite

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1 L'art. 1o de la loi du 5 floréal an X ne disposait que pour les canaux qui seraient faits à l'avenir; mais cette disposition a été étendue à tous les canaux existants par la loi du 23 juillet 1820, art. 26.

d'un quart pour les maisons et d'un tiers pour les usines.

104. La loi du 17 juin 1840, art. 17, a étendu aux salines et marais salants la distinction qui est faite pour les canaux de navigation. Ainsi les terrains ou emplacements sont cotisés comme terres de première classe, et les bâtiments ou usines sont imposés d'après leur valeur locative sous les déductions ci-dessus mentionnées.

105. Aucune disposition n'a été faite pour les chemins de fer. Il semble donc que, dans le silence de la loi, il faudrait les exempter, puisque, d'après la loi du 15 juillet 1845, ils font partie du domaine public et de la voirie. L'art. 103 de la loi du 3 frimaire an VII, qui exempte les grandes routes, serait ainsi textuellement applicable. Il est évident cependant que les chemins de fer étant productifs de revenu, ils offrent plus d'analogie avec les canaux de navigation. C'est en partant de cette assimilation que les chemins de fer sont cotisés comme terres de première classe '. Les cahiers des charges, en cas de concession, portent ordinairement une clause particulière qui astreint les concessionnaires à supporter la contribution foncière calculée sur la même base que pour les canaux.

106. Lorsque le canal de navigation ou le chemin de fer ont été concédés, c'est au concessionnaire qu'in

1 Arr. du Cons. d'Ét. du 7 août 1852 (compagnie du chemin de fer de Tours). Dans les communes déjà cadastrées, les emplacements occupés par le chemin de fer doivent être, par exception au principe de la fixité cadastrale, évaluées comme terres de première classe, alors même qu'elles n'étaient portées au cadastre que pour une classe inférieure. Arr. du Cons. d'Ét. du 3 février 1853 (compagnie du chemin de fer d'Amiens).

combe la charge de payer la contribution foncière. Pour les chemins de fer construits et exploités par I'État, deux époques sont à distinguer. Tant que dure la construction, l'impôt foncier est payé par l'administration des ponts et chaussées, comme accessoire des frais de construction. Après le commencement de l'exploitation, le payement est fait par l'administration des contributions indirectes, comme charge des produits perçus par cette branche de l'administration publique. La cote doit donc, après la construction, passer des ponts et chaussées aux contributions indirectes, et la première de ces administrations n'est déchargée qu'autant que l'impôt est mis à la charge de la seconde'. Les canaux de desséchement qui appartiennent aux propriétaires intéressés ne sont pas, comme les canaux de navigation de l'État, dispensés de l'impôt foncier2.

107. Les ponts appartenant à des particuliers ou à des compagnies d'actionnaires ne sont cotisés qu'à raison du terrain qu'occupent les deux culées, sur le pied des meilleures terres labourables. Si l'État, un département ou une commune percevaient un péage sur un pont leur appartenant, nous pensons qu'il y aurait lieu à les taxer d'après la base qui vient d'être indiquée; car, il y a les mêmes raisons pour imposer les ponts que les chemins de fer ou les canaux. Ils sont en effet des biens productifs de revenu et, par suite, assimilables aux biens patrimoniaux de l'État, du dé

↑ Le conseil de préfecture doit, en déchargeant l'administration des ponts et chaussées, charger celle des contributions indirectes par mutation de cote. Arr. du Cons. d'Ét. du 20 septembre 1848.

2 Arr. Cons. d'Ét. du 18 août 1862. Aff. de la vallée de la Scarpe. (D. P. 63, 3, 66).

partement ou de la commune. Les ponts, au contraire, ne sont pas sujets à l'impôt s'ils ne donnent pas lieu à la perception d'un droit de péage. On les considère alors comme une partie de la route, et ils profitent de l'exemption écrite dans l'art. 103 de la loi du 3 frimaire an VII.

108. En principe, les propriétés bâties et non bâties, c'est-à-dire les immeubles par nature, sont seules sujettes à l'impôt foncier. Par exception, cependant, la loi soumet à cette contribution des biens qui ne sont pas immeubles par nature et quelques-uns même que la loi civile répute meubles. En effet, l'art. 2 de la loi du 18 juillet 1836 porte: « Les lois qui régissent la «< contribution foncière et des portes et fenêtres sont << applicables aux bains et moulins sur bateaux, aux « bacs, blanchisseries et autres de même nature, lors « même qu'ils ne sont pas construits sur piliers ou « pilotis, et qu'ils sont seulement retenus par des << amarres1. »

Pour l'application de cette loi, il ne faut pas considérer comme une condition sine qua non l'existence des amarres. Le législateur a seulement voulu dire que la construction sur pilotis n'était pas nécessaire; mais, en supprimant cette condition, il n'a pas entendu faire des amarres un élément indispensable de l'imposition. Il y aurait donc lieu d'imposer même les bacs ou bateaux non amarrés 2.

1 Est imposable une construction en planches si elle est faite sur fondations. Arr. Cons. d'Ét. du 3 juin 1865. Aff. Laurent (D. P. 66, 3, 20). Ne sont pas imposables les kiosques lumineux établis sur les boulevards de Paris. Arrêté du cons. de préfect. de la Seine, du 2 juin 1864 (D. P. 65 3, 73).

* Arr. du Cons. d'Et. du 27 mai 1839 (aff. Delaunay).

109. S'il est vrai qu'en principe toutes les propriétés immobilières, bâties ou non bâties, sont sujettes à l'impôt foncier, la loi a fait quelques exceptions, les unes permanentes et les autres seulement temporaires,

110. Exemptions permanentes. L'art. 103 de la loi du 3 frimaire an VII exempte: « les rues, les places publiques servant aux foires et marchés, les chemins publics vicinaux et les rivières. » Tous ces biens font partie du domaine public, et on peut poser en règle générale que les immeubles du domaine public national, départemental ou communal sont exempts de la contribution foncière. Cette exception s'explique tout naturellement parce que les biens du domaine public ne rapportent pas, ne peuvent même pas rapporter de revenu, et que cependant l'impôt foncier est assis sur le revenu net des propriétés. Quant aux biens domaniaux, ils sont, en principe, sujets à l'impôt foncier, puisqu'ils donnent ou peuvent donner une rente. Il en est autrement des biens qui sont improductifs et destinés à un service national tels que les palais du Corps législatif et du Sénat, les Tuileries, les ministères, les arsenaux, casernes, fortifications et « autres éta«blissements dont la destination a pour objet l'utilité « générale1.»

1 On voit que la loi du 3 frimaire an VII, art. 105, considère ces édifices comme faisant partie du domaine national et non du domaine public. Un décret impérial du 11 août 1808, qui n'a jamais été promulgué officiellement, énumère les édifices qui auraient droit à cette exemption. « Ne sont pas imposables les palais, châteaux et bâtiments impériaux, les palais du Sénat et du Corps législatif, les jardins et parcs en dépendant; Le Panthéon, l'hôtel des Invalides, l'École militaire, l'Ecole polytechnique, la Bibliothèque impériale, le Jardin impérial des Plantes; Les bâtiments affectés au logement du ministre, du grand-maître de l'Université, des administrations

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