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diviser les contingents tiennent plus ou moins de compte.

122. Le cadastre peut être défini un état estimatif du revenu imposable de la propriété foncière bâtie ou non bâtie, parcelle par parcelle. Le cadastre est parcellaire ; mais on n'est pas arrivé immédiatement à l'idée d'un détail estimatif de chaque parcelle. Les législateurs qui ordonnèrent la confection du cadastre furent d'abord effrayés par l'immense quantité d'opérations qu'exigerait l'estimation séparée On imagina des procédés plus expéditifs, et l'on crut que l'exactitude pouvait être trouvée par des moyens ingénieux. Ainsi lorsque le projet voté par la Constituante et la Convention' fut repris sous le Consulat 2, on s'arrêta d'abord à l'idée d'un cadastre par grandes masses de culture. Cette opération consistait à cadastrer 1,800 communes prises sur tous les points du territoire de la France pour fixer ensuite, par analogie, les revenus des autres communes. Les réclamations auxquelles donnèrent lieu ces opérations furent tellement vives qu'on abandonna le projet du cadastre par grandes masses de culture, pour adopter l'idée du cadastre parcellaire qui avait été soutenue énergiquement par le ministre des

1 Le cadastre fut d'abort décrété par l'Assemblée constituante (lois des 21 août-16 octobre 1791 et des 16-23 septembre 1791). La Convention nationale décréta aussi la confection d'un cadastre général, par la loi du 28 mars 1793, art. 2.

2 Instruction du 22 janvier 1801, qui ordonne la refonte des matrices cadastrales. Ce travail ayant donné lieu à beaucoup de réclamations, la commission instituée pour la refonte des matrices conclut à la confection d'un cadastre général. C'est alors que fut décrété le cadastre par grundes masses de cullure que remplaça, en 1807, le cadastre parcellaire. Gaudin pensait que le cadastre parcellaire permettrait de faire de l'impôt foncier un impôt de quotité fixé au tantième du revenu cadastral.

finances Gaudin. Le cadastre parcellaire fut prescrit par la loi du 15 septembre 1807. Commencées bientôt après cette loi, les opérations cadastrales n'ont été terminées qu'en 1850, dans le département du Cantal, sur le territoire de la commune de Ley

vaux.

123. Le cadastre est une institution fort ancienne, puisqu'elle remonte aux rois de Rome. Le recensement des Romains n'était pas seulement un état estimatif des parcelles de terre; il comprenait de plus les arbres, les animaux et les esclaves: Agri glebatim metiebantur, vites et arbores numerabantur, animalia omnis generis scribebantur, hominum capita, unusquisque cum liberis, cum servis aderant. Le recensement était fait tous les cinq ans sur la déclaration des contribuables, et chaque partie faisait la déclaration après avoir prêté serment qu'elle était sincère. Les fausses énonciations étaient sévèrement punies, car le Code Théodosien prononçait la peine de mort et la confiscatiom des biens2. Sous l'Empire, le cadastre divisait tout le territoire en un certain nombre de capita, et l'on entendait par caput l'unité imposable, qui tantôt comprenait plusieurs parcelles et tantôt se composait d'une partie de parcelle seulement, suivant l'importance des champs appartenant aux particuliers. La répartition ou l'indictio que faisait l'empereur était assise sur les capita. Le contingent de chaque province était donc d'autant plus élevé qu'il y avait sur son territoire un plus grand

Economie politique des Romains, par Dureau de Lamalle, t. I, p. 189.
Cod. Théod., lib. XIII, tit. XI, 1. 1.

nombre d'unités imposables. Ainsi l'impôt foncier était un impôt de répartition, et la division des contingents se faisait proportionnellement au nombre de capita. On procédait de la même manière au dernier degré, pour la répartition entre les individus. Dans la ville municipale chacun supportait l'impôt d'après le nombre de capita ou fractions de capita qu'il possédait, et le recouvrement était solidairement garanti par les curiales. La division du sol en capita explique l'origine du mot cadastre qui vient du mot latin capitastrum, expression de la décadence dont on a fait cadastre par contraction'. Il y avait avant 1789, dans plusieurs provinces de la France, des cadastres qui portaient différents noms et dont nous avons ailleurs 2 fait connaître les caractères principaux et les variétés les plus saillantes. Quelques provinces avaient même des cadastres parcellaires, de sorte que cette idée est ancienne si son exécution ou sa généralisation est nouvelle. Nous n'insisterons pas ici sur les détails historiques, pour ne pas répéter les développements que nous avons donnés à cette matière dans d'autres ouvrages, auxquels nous nous contentons de renvoyer.

124. On distingue deux espèces d'opérations cadas trales. Les unes, qu'on appelle techniques, ont pour objet de déterminer quelle est la contenance des parcelles, et les autres, qui sont administratives, de fixer

1 La division de l'Empire en capita et l'origine du mot cadastre (capitastrum) a été mise en lumière par les travaux de MM. Baudi di Vesne (de Turin) et Walter (de Bonn).

* V. nos Mélanges d'économie politique, Mémoire sur l'impôt, première partie.

le revenu de l'hectare par classe et par culture, de sorte qu'en appliquant la proportion du revenu de l'hectare à la contenance, on arrive au revenu de chaque parcelle.

125. Les opérations techniques sont au nombre de quatre :

1. La délimitation. Comme le cadastre est fait par commune, il importe de bien fixer d'abord les limites de la circonscription. Car toute erreur sur ce point ferait que des parcelles seraient cadastrées deux fois, et partant doublement imposées. Si une contestation s'élève sur la limite de deux communes, le préfet en est juge lorsqu'elles sont situées dans le même département; et par le chef de l'État si elles appartiennent à des départements différents.

2o La triangulation. C'est une opération qui consiste à couvrir le territoire de la commune par un réseau de triangles, afin que le géomètre puisse se diriger avec précision et certitude en levant le plan. Elle sert de contrôle à l'arpentage; car il faut que la contenance portée par le géomètre triangulateur soit adéquate à celle que trouvent les géomètres chargés d'arpenter les parcelles, toute différence étant le signe d'une erreur. Si en comparant les résultats de la triangulation avec ceux de l'arpentage, on arrive à une différence, les opérations sont recommencées jusqu'à ce que l'erreur soit découverte. La triangulation étant un moyen de contrôle, il aurait été contraire au but de son institution de la confier aux géomètres dont le travail est contrôlé. Aussi est-elle faite par un seul géomètre de première classe, lequel

ne peut être chargé d'arpenter les parcelles d'aucune commune 1. D'un autre côté, il est interdit aux géomètres en chef de se charger personnellement de la triangulation 2.

3 L'arpentage parcellaire. Cette opération ne peut être commencée qu'après que la délimitation a été approuvée définitivement et que la triangulation a été vérifiée.

4° La levée du plan. Le géomètre en chef envoie à chaque propriétaire un bulletin indicatif de la contenance des parcelles, avec désignation du jour où le géomètre qui a fait l'arpentage se rendra sur les lieux pour recevoir les réclamations et faire, s'il y a lieu, des rectifications. Lorsqu'il a terminé le plan, le géomètre construit, d'après la triangulation et en réduisant les feuilles du parcellaire, un tableau d'assemblage présentant la circonscription de la commune, la division en sections, les principaux chemins, les montagnes, les rivières, la position des chefs-lieux, et les forêts de l'État et des communes *.

126. Après les opérations techniques qui déterminent la situation et la contenance des parcelles, commencent les opérations administratives qui en font connaître le revenu imposable. Tandis que les travaux techniques sont exécutés par des hommes de l'art, les opérations administratives sont confiées aux con

1 Art. 8 du règlement du 15 mars 1827, et Recueil méthodique, art. 117. 2 Serrigny, Questions et traités, p. 251.

3 Ord. du 10 octobre 1821, art. 7 et 10, et règlement du 15 mars 1822,

art. 39.

Recueil méthodique, art. 241.

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