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phytéotiques ne doivent plus dépasser une durée de tre-vingt-dix-neufans. En cas d'emphytéose temporaire, au contraire, le domaine éminent continue d'appartenir à l'établissement de mainmorte et, par suite, la taxe de mainmorte est due par le bailleur. Il y aurait injustice cependant de percevoir le droit pour le tout, d'autant plus qu'une déduction est accordée lorsque l'usufruit est séparé de la propriété. Or l'usufruit est un droit moins étendu que l'emphytéose, et il serait contradictoire que la séparation du premier donnât droit à une déduction de moitié tandis que la taxe serait perçue intégralement nonobstant la constitution du second. Le droit emphytéotique est d'ailleurs cessible et, par conséquent, il n'est pas retiré de la circulation ni soustrait aux droits de mutation. Perçue sur la propriété entière, la taxe représenterait donc plus que les droits de mutation. Ces droits pour les biens donnés à bail emphytéotique ne sont, d'après la jurisprudence de la Cour de cassation, exigés que sur le pied du prix de vente, et ce prix est naturellement diminué par l'obligation de supporter le bail emphyteotique. En cas de transmission à titre gratuit, le droit proportionnel d'enregistremeut n'est exigé que sur une somme formée par la capitalisation de la rente payée par le preneur emphyteotique'. Les droits de mutation n'étant dus que pour partie, il serait contraire à l'esprit comme au texte de la loi de percevoir une taxe de mainmorte qui en serait la représentation pour le tout. Malgré ces raisons, la jurisprudence du Conseil d'État a décidé

1 C. cass., arr. des 1" avril 1840, 18 mars 1847 et 23 février 1853.

que les biens appartenant aux établissements publics, quoique transmis à bail emphytéotique, donneraient lieu à la perception intégrale de la taxe de mainmorte. Cette jurisprudence se concilie mal avec celle émanée des mêmes juges qui accorde une déduction de moitié pour les immeubles grevés d'un droit d'usufruit'. La seule explication qu'on en puisse donner c'est que les éléments manquent pour fixer la déduction à faire relativement au bail emphytéotique. La déduction devrait être plus ou moins forte suivant l'importance de la rente emphytéotique, et c'est sans doute parce qu'il était difficile de tenir compte de cet élément variable que le Conseil d'État a jugé qu'il n'y avait pas lieu à faire une déduction. Cette difficulté ne nous aurait pas arrêté, puisque la déduction accordée à raison de l'usufruit est de moitié et que l'emphytéose est un droit plus étendu que l'usufruit; nous aurions trouvé juste à fortiori sensu d'accorder une diminution égale pour l'emphytéose. Il n'y aurait pas eu d'arbitraire; car notre solution aurait été fondée sur une raison plus forte de décider 2.

149. La loi du 20 février 1819 soumet à la taxe de main morte les biens qui appartiennent aux hospices, bureaux de bienfaisance et autres établissements de

1 Arr. du Cons. d'Ét. des 13 août 4851 (aff. des hospices du Château du Loir), 5 mars 1852 (aff. de la ville de Vic) et 3 février 1853 (aff. de la ville de Bordeaux).

2 L'abattoir construit par une compagnie concessionnaire, à la charge par celle-ci de le rendre à la ville en bon état à l'expiration de la concession, appartient à la commune et est passible de la taxe de mainmorte. Arr. du Cons. d'Ét. des 6 juin 1844 (aff. ville de Moulins), 31 mai 1848 (aff. ville de Beaune), 28 mai 1862 (aff. ville de Thiers) et 16 avril 1863 (aff. ville de Lyon).

charité. Si une exception avait été faite au profit de ces établissements, l'effet de la loi aurait été nul ou presque nul; car c'est surtout à ces personnes morales que les donations sont faites. D'ailleurs, à l'avenir, on n'aurait pas manqué de donner aux établissements exempts afin d'éviter la taxe. Ainsi la loi aurait souvent détourné les donateurs de faire aux départements ou aux communes des libéralités directes.

150. Les sociétés anonymes ont été soumises à la taxe parce qu'elles ont ordinairement une durée plus longue que la vie humaine, et que tant qu'elles existentelles gardent leurs immeubles, de sorte que jusqu'à la dissolution, elles échappent aux droits de mutation. Le texte ne parlant que des sociétés anonymes, il faut en conclure que toutes les autres sociétés, qui n'ont d'ailleurs pas le caractère d'établissement public, ne sont pas assujetties à la taxe, quelles que soient d'ailleurs les conditions de leur formation et quel que soit leur objet1.

L'application de la loi aux sociétés annonymes donne un résultat injuste, lorsqu'il s'agit d'une société constituée pour acheter des immeubles et les revendre. Bien loin d'arrêter la circulation des immeubles, une semblable entreprise se propose de la favoriser. Néanmoins, comme il est impossible de distinguer les biens que la compagnie se propose de

1 Arr. du Cons. d'Ét. du 7 juin 1851 (aff. des mines de Douchy et de la compagnie pour l'éclairage de Laval), 28 juin 1851 (aff. de la compagnie des salines de Draguignan), 26 juillet 1851 (mines d'Yzernes), 13 août 1851 (aff. Langlade), 20 mars 1852 (salins de Percuis), 15 avril 1852 (moulin du Bazacle), 14 juin 1852 (mines de la Loire), 15 décembre 1852 (aff. Rousseau).

vendre d'avec ceux qu'elle veut garder, la taxe, d'après le texte de la loi, est exigible sans aucune distinction 1.

151. La taxe ne frappe que les établissements publics légalement formés. Par conséquent, elle n'est pas applicable aux congrégations religieuses non autorisées. Est-ce à dire que les congrégations sont mieux traitées lorsqu'elles violent la loi que lorsqu'elles s'y conforment? Nullement; car, au point de vue qui nous occupe, les congrégations non autorisées ne possédent que par des personnes in concreto, c'est-à-dire vivant et mourant, qui pourraient vendre valablement sans le consentement des autres membres de la congrégation religieuse, et dont le décès, en tout cas, donne lieu à la perception des droits de transmission pour cause de mort. L'administration des contributions avait pensé qu'il y avait lieu, dans ce cas, à percevoir les 62 cent. additionnels; mais cette opinion a été, avec raison, écartée par la jurisprudence du Conseil d'État 2.

152. L'État propriétaire ne doit pas la taxe de mainmorte pour les biens domaniaux qu'il possède, quoique ces biens soient passibles de la contribution foncière lorsqu'ils sont productifs de revenu. Si la loi avait entendu l'y soumettre, elle aurait commencé par le mentionner dans une énumération où figurent, expres

1 Arr. du Cons. d'Ét. des 28 décembre 1850 (aff. de la caisse hypothécaire), 28 juin 1851 (Société des papeteries du Marais), 12 décembre 1851 (Société de la Vieille-Montagne), 7 mai 1852 (aff. de la caisse hypothécaire).

2 Arr. du Cons. d'Ét. du 15 décembre 1852 (aff. Gremeret). Une instruction du directeur général des contributions directes, en date du 10 mars 1849, art. 4, avait adopté la solution qu'a repoussée la jurisprudence du Conseil d'État,

sément et en première ligne, les départements et les communes. Sans doute l'État serait, à la rigueur, compris dans le mot général établissements publics qui termine l'énumération; mais cette désignation générale n'a été ajoutée que pour comprendre toutes les personnes morales, présentes ou futures, connues ou inconnues sans exception, en un mot, pour éviter toute lacune; mais l'omission de l'État n'a pu être faite qu'avec l'intention de dispenser les immeubles domaniaux de la taxe de mainmorte; car l'oubli serait inexplicable en ce qui les concerne, lorsque d'ailleurs la loi a expressément parlé des départements, des communes et des fabriques.

153. Les compagnies de chemin de fer et de canaux, en qualité de sociétés anonymes, doivent incontestablement la taxe de main-morte pour les propriétés privées qu'elles possèdent, soit qu'elles les aient achetées librement, soit qu'elles aient été forcées de les acquérir dans le cas prévu par l'art. 50 de la loi du 3 mai 1841. Mais la loi du 20 février 1849 a fait naître la question de savoir si elles sont assujetties à la taxe à raison du sol des chemins ou canaux, de leurs accessoires et des bâtiments qui en sont une dépendance. Le Conseil d'État a décidé constamment que le sol des canaux et des chemins de fer n'est pas soumis à la taxe de mainmorte quoiqu'il soit passible de la contribution foncière, parce que ces immeubles-là n'appartiennent pas aux compagnies; les compagnies ne sont en effet que chargées de l'exploitation temporaire

1 Arr. du Cons. d'Ét. du 6 janvier 1853 (aff. de la compagnie du Nord).

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