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abords, dégagement qui peut suffire pour écarter l'humidité et rendre la circulation plus sûre.

Au reste, l'essartement n'a pas été pratiqué partout où il pouvait être exigé; il n'a même pas été fait dans les forêts domaniales où souvent la route est bordée par des arbres. C'est l'administration qui exige la servitude ou néglige d'en requérir l'application, suivant les besoins de la sûreté des voyageurs et de la conservation de la route. L'essartement dans les bois des particuliers est ordonné par les propriétaires et surveillé par les ingénieurs des ponts et chaussées.

14. Extraction de matériaux. — - Cette servitude est établie par l'arrêt du conseil du 7 septembre 1753' qui autorise les entrepreneurs à prendre la pierre, le grès, le sable et les autres matériaux dans les lieux qui leur seront indiqués par les actes administratifs. Le Code rural de 1791, tit. I, sect. VI, art. 1", autorise les agents de l'administration à fouiller dans un champ pour y chercher des pierres, de la terre ou du sable nécessaires à l'entretien des grandes routes. Enfin les act. 55 et suivants de la loi du 16 septembre 1807 fixent les bases à prendre et la procédure à suivre pour déterminer l'indemnité qui sera due aux riverains à raison du préjudice causé par l'extraction des matériaux.

L'arrêt du conseil de 1755 est toujours en vigueur en vertu de la disposition générale qui a maintenu les anciens règlements de voirie et de l'article précité

* Cet arrêt du Conseil d'État rappelle l'exécution des arrêts des 3 octobre 1667, 3 décembre 1672 et 22 juin 1706.

du Code rural. La même confirmation résulte de la loi du 16 septembre 1807, dont les art. 55 et suivants impliquent le droit d'ordonner l'extraction puisqu'ils s'occupent de la manière dont l'indemnité sera réglée. Aussi la chambre des pairs a-t-elle, dans la séance du 8 février 1840, rejeté par l'ordre du jour pur et simple une pétition des habitants de Vouvray qui se plaignaient de l'application des anciens règlements. Considérant la grande utilité de cette servitude pour le service de la voirie, la chambre a même refusé de s'associer à une demande d'abrogation que contenait cette pétition.

15. De l'arrêt du conseil du 7 septembre 1755, il résulte que le droit de fouiller les propriétés privées pour en extraire des matériaux n'appartient qu'aux entrepreneurs de travaux publics. Les fournisseurs de matériaux ne pourraient donc pas l'exiger, la servitude ne devant pas être étendue au delà des termes formels de la loi qui les établit '. Quoique les matériaux que cherche le fournisseur soient destinés, comme ceux qu'emploie directement l'entrepreneur, à la construction ou à l'entretien de la voie publique ou à la confection d'autres travaux publics, il y a entre l'entrepreneur et le fournisseur une différence assez marquée pour qu'on ne puisse pas, en matière de servitudes, conclure de l'un à l'autre : Odia restringenda. Il faut reconnaître cependant qu'il y a de l'incohérence dans une loi qui n'accorde le bénéfice de la

1 Arr. Cons. d'Et. des 16 aout 1843 (aff. Lemoyne), 5 juin 1848 (aff. Savalette), 13 avril 1850 (aff. Anjorrant) et 3 mai 1850 (aff. Baron).

servitude qu'aux entrepreneurs alors que presque toujours les entrepreneurs sous-traitent avec des fournis seurs qui s'obligent à fournir les matériaux dont les premiers ont besoin. Lorsque fut fait l'arrêt du 7 septembre 1755, le sous-traité de fournitures n'était point pratiqué; il était même à peine connu, et c'est ce qu explique pourquoi le texte ne parle que des entrepreneurs. Aujourd'hui que le sous-traité est fort usité, une interprétation conforme à l'esprit de la loi appliquerait aux fournisseurs ce qui a été dit formellement pour les entrepreneurs de travaux publics'.

16. Les entrepreneurs ne peuvent exercer le droit d'extraction que dans les lieux désignés par des actes administratifs. Ceux qui, de leur autorité privée, occuperaient des terrains non désignés, commettraient une violation de la propriété qui serait punissable si elle rentrait dans un des cas prévus par les art. 434 et suiv. du Code pénal. En tout cas, elle donnerait lieu à une action civile en dommages-intérêts fondée sur les art. 1382 et suiv. Code Nap.

L'administration ne peut pas désigner pour l'extraction des matériaux « les lieux qui sont fermés de murs

C'est l'opinion de M. Serrigny, Questions et Traités, p. 620 et suiv. Ce qui a probablement, dit-il, induit en erreur le Conseil d'État, c'est la pensée que les conventions ou marchés faits entre les entrepreneurs et les fournisseurs de matériaux ne rentrent pas dans la juridiction du conseil de préfecture, Cela n'influe en rien sur la question de savoir si les sous-traitants, qu'ils fournissent seulement les matériaux ou qu'ils en fassent la pose, ont droit d'aller prendre dans les lieux désignés à cet effet. Il y a plus, dans une foule de cas il peut n'y avoir point d'entrepreneurs; c'est ce qui arrive toutes les fois que l'administration fait exécuter directement les travaux par ses agents, ou lorsque l'entrepreneur étant déchu, les travaux sont mis en régie. » (P. 622.)

« ou autres clôtures équivalentes suivant les usages du pays.» Un arrêt du conseil du 20 mars 1780, interprétant en tant que de besoin les dispositions de l'arrêt du 7 septembre 1755, dit que la dispense ne doit s'entendre que « des cours, jardins, vergers et autres pos<< sessions de ce genre et non des terres labourables, « prés, bois, vignobles et autres terres de même nature, « quoique closes. » Il est vrai que l'arrêt du 20 mars 1780 a été rendu dans une affaire spéciale; mais sa valeur comme disposition générale résulte de ce que l'arrêt porte cette mention : « Interprétant, en tant « que de besoin, l'arrêt du 7 septembre 1755. »

Au reste, la loi ne fait aucune distinction parmi les terrains clos qui rentrent dans les catégories dont parle l'arrêt de 1780. Ils jouiraient donc de la dispense alors même que la clôture serait postérieure à la désignation des lieux, le droit de se clore étant permanent (art. 647 C. Nap.). Réciproquement, si la clôture venait à être enlevée, l'exemption ne pourrait plus être invoquée.

17. Nous avons vu que si l'entrepreneur se met en possession d'un terrain sans désignation administrative, le propriétaire peut agir devant les tribunaux civils en dommages-intérêts. Qu'arriverait-il si le préfet désignait des lieux exempts? Le propriétaire pourrait réclamer, devant le conseil de préfecture, une indemnité pour dommages résultant de l'exécution de travaux publics'. La jurisprudence du Conseil d'État n'accorde pas au propriétaire, dont le terrain aurait

1 Arr. Cons. d'Ét. du 7 janvier 1864 (aff. Guyot de Villeneuve). conclusions de M. Lhôpital, C. du Gouv., dans Lebon, 1864, p. 26.

- V. les

été désigné malgré l'exemption, le droit de se pourvoir au contentieux contre l'arrêté du préfet pour cause d'excès de pouvoir. Cependant il est bien évident que le préfet, en ne tenant pas compte de l'exemption écrite dans la loi, a excédé ses pouvoirs puisqu'il a donné la permission d'extraire des matériaux alors qu'il ne le pouvait ni ne le devait. Sans doute le propriétaire aura le droit de demander une indemnité pour dommage provenant de l'exécution de travaux publics, mais l'indemnité ne le dispensera pas de quitter un domicile auquel il tenait et que l'extraction rendra inhabitable. La loi a précisément voulu protéger ce domicile, et ce n'est pas remplir le but de ses rédacteurs que d'offrir une indemnité pécuniaire, alors qu'au moyen du recours pour excès de pouvoir on pourrait protéger le domicile lui-même.

18. L'extraction des matériaux donne lieu à une indemnité. Comme le dommage n'est évaluable qu'après qu'il a été causé, l'indemnité ne peut pas être préalable, et c'est le conseil de préfecture qui la fixe ex post facto après expertise. D'après l'art. 2 de la loi des 12-18 juillet 1791, cette indemnité devait être égale à la réparation « tant du dommage fait à la surface que de la valeur des matières ex<< traites. L'art. 55 de la loi du 16 septembre 1807 a modifié, sur ce point, la disposition du Code rural; il n'accorde d'indemnité que pour le dommage fait à la surface, et non pour la valeur des matières extraites. La jurisprudence du Conseil d'État décide même que si une première fouille a été faite pour laquelle le dommage causé à la surface aurait été payé, une se

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