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elle s'est bornée à disposer qu'il y serait statué par le conseil de préfecture. Qu'est-ce à dire ? Le conseil de préfecture étant compétent pour juger toutes les demandes en décharge ou dégrèvement, il semble au premier abord que c'est ne rien faire que de lui renvoyer spécialement les questions relatives au sens du mot manufactures. En faisant ce renvoi, la loi, selon nous, a voulu signifier que cette expression ne pouvait pas être rigoureusement définie, et qu'en cas de contestation la difficulté serait réglée par le conseil de préfecture suivant les circonstances de la cause; qu'en un mot, ce serait une question de fait et non une question de droit. En effet, si le mot manufactures avait été défini, les fabricants seraient parvenus à étendre l'exemption en modifiant les conditions de la fabrication pour se conformer à la lettre de la loi, tout en n'observant pas l'esprit de ses dispositions. C'est pour prévenir l'emploi de ces moyens évasifs que la loi décide que le conseil de préfecture prononcera suivant les circonstances de la cause. La jurisprudence du Conseil d'État, pour appliquer cette exemption, s'attache surtout au point de savoir si l'établissement réunit un grand nombre d'ouvriers. Si oui, c'est une manufacture qui est exemptée; si non, c'est une usine qui est sujette'. Cette règle de décision est conforme à l'esprit de la loi, puisque cette exemption s'explique par le désir de favoriser l'aération des établissements manufacturiers où se réunissent de nom

1 Arr. du Cons. d'Ét. des 2 août 1848 (aff. Outhenin), 31 mars 1849 (aff. Descat), 24 mars 1849 (aff. Tamet), 29 juin 1850 (aff. Warin) et 11 janvier 1853 (aff. Eymès).

breux ouvriers'. Cependant elle a l'inconvénient de favoriser les grands établissements en les dispensant d'un impôt qu'acquittent les petits. Il aurait été plus juste d'étendre l'exemption à tous les établissements, quel que fût le nombre des ouvriers réunis dans les ateliers, de même qu'on exempte les ouvertures servant à l'aération des granges et bergeries, sans distinguer entre les grands et les petits établissements agricoles. Mais cette critique, quelque fondée qu'elle puisse être, s'adresse plutôt à la loi qu'à ses interprètes. Ce qui prouve que la loi n'a pas voulu mettre sur la même ligne les usines et les manufactures, c'est qu'elle charge expressément le conseil de préfecture de fixer le sens du mot manufactures dans le cas où il y aurait difficulté. Si toutes les usines sans exception étaient exemp. tées, il aurait été inutile de charger spécialement le conseil de préfecture de fixer le sens du mot employé; car la loi aurait été parfaitement claire et d'une application facile 2.

192. Les maisons nouvellement construites sont sujettes à l'impôt des portes et fenêtres immédiatement après leur construction. L'art. 88 de la loi du 3 frimaire an VII n'exempte ces maisons pendant deux ans que de la contribution foncière, et comme aucune exemption semblable n'a été faite pour les portes et fenêtres,

1 Le Conseil d'État a décidé que l'exemption n'était pas applicable à une fabrique de chandelles. Arr. du 2 juin 1843 (D. P. 43, 3, 115); ni aux fabriques de sucre indigène. Arr. du 12 janvier 1844 (D. P. 44, 3, 169); ni aux moulins, ni aux tanneries. Arr. du 3 mai 1861. Aff. Gillard (D. P. 62, 3, 56). 2 Nous reconnaissons avec M. Serrigny (Questions et traités, p. 343) que l'art. 19 de la loi du 4 germinal an XI est mal conçue, et que ce qu'il y aurait de mieux à faire serait de le remplacer par une exemption plus générale.

il en résulte que ces maisons sont immédiatement sujettes à l'impôt des portes et fenêtres, tandis qu'elles ne payent l'impôt foncier qu'à partir de la troisième

année.

193. Pour les portes et fenêtres, comme pour l'impôt personnel mobilier, la matrice du rôle est dressée par les répartiteurs assistés du contrôleur des contributions directes. Celui-ci prépare le travail, mais ce sont les répartiteurs qui décident. C'est ainsi que se fait la répartition individuelle. Quant aux autres degrés, la répartition est faite par le pouvoir législatif, le conseil général et le conseil d'arrondissement. Pour tenir les contingents au courant des constructions nouvelles et, par suite, au courant des mouvements de la matière imposable, on a étendu à cette contribution les dispositions de la loi du 17 août 1835 sur la péréquation de l'impôt foncier relatif aux propriétés bâties. L'art. 2 de cette loi étant applicable aux portes et fenêtres aussi bien qu'à l'impôt foncier, il en résulte que les contingents départementaux sont augmentés annuellement d'une somme égale au montant des taxes à asseoir sur les ouvertures des maisons nouvellement construites. Réciproquement, ces contingents sont diminués d'une somme égale au montant des taxes correspondant aux ouvertures des maisons détruites.

194. La matière imposable ne dépend pas seulement du nombre et de la qualité des ouvertures, mais aussi du chiffre de la population des villes où sont situés les bâtiments. Nous avons vu, en effet, que les tarifs sont plus ou moins élevées suivant que les villes sont plus ou moins peuplées. Or, il peut se faire que la popula

tion augmentant, une ville passe dans une autre catégorie du tarif. C'est pour suivre la progression de cet élément de la matière imposable que l'art. 3 de la loi du 17 août 1835 a disposé que les contingents du département, dans la contribution des portes et fenêtres, seraient augmentés d'une somme égale à l'augmentation produite par le changement du tarif.

En cas de contestation sur les résultats du recensement, qui prononcera? La loi du 4 août 1844 dispose qu'il sera statué par le ministre des finances, sauf recours au Conseil d'État, par les parties intéressées. Les parties intéressées sont le conseil général et l'administration des contributions directes. Le texte n'accorde pas le droit de recours devant le Conseil d'État aux contribuables individuellement; car, cette faculté, si elle avait été accordée, aurait donné lieu à un nombre de recours très-considérable et à des difficultés véritablement inextricables.

195. Nous avons dit, en commençant ce paragraphe, que l'impôt des portes et fenêtres avait été établi comme supplément à l'impôt mobilier, et qu'il devait être définitivement payé par le locataire. Cependant ce dernier ne le supporte qu'indirectement et par le recours que le propriétaire, l'usufruitier ou le principal locataire ont le droit d'exercer contre lui. En principe, c'est le locateur qui est débiteur envers le trésor de l'impôt des portes et fenêtres; mais la loi lui accorde une action en remboursement contre le locataire. Lelocateur supporte seulement, d'une manière définitive et sans recours, la part afférente aux ouvertures d'un usage commun, c'est-a-dire à celles qui servent à tous les

habitants de la maison ou du bâtiment (art 12 et 15 de la loi du 4 frimaire on VII). Souvent aussi le propriétaire ou locateur se charge de supporter sans recours l'impôt des portes et fenêtres. Cette renonciation est en usage dans certaines villes, et le propriétaire ou locateur se rembourse par l'avantage qu'il trouve à louer plus facilement et à de meilleures conditions.

196. Aucune disposition n'a établi le principe de l'annualité pour les portes et fenêtres. Cependant la jurisprudence du Conseil d'État décide qu'il s'applique aux portes et fenêtres' comme aux patentes (loi du 25 avril 1844, art. 23) et à l'impôt personnel mobilier (loi du 21 avril 1832, art. 21). L'analogie est ici d'autant plus concluante qu'elle est d'accord avec un principe de raison et d'équité. Il est juste, en effet, que puisque les dépenses sont annuelles, les recettes du trésor soient également annuelles. Ainsi les taxes dues au 1 janvier sont exigibles pour toute l'année, alors même que la maison sujette serait détruite dans le courant de l'exercice.

§ 5. PATENTES.

Sommaire.

197. Définition du droit de patente.

198. Éléments dont se compose cette contribution. 199. Droit fixe.

Tarif normal.

200. Influence de la population sur le droit fixe.

201. Droit fixe. - Tarif exceptionnel.

202. Population agglomérée. - Ordonnance de dénombrement.

203. La patente grève toutes les professions.

204. Cumul de plusieurs professions.

205. Droit proportionnel de patente.

1 Arr. du Cons. d'Ét. du 15 décembre 1852 (aff. Paequer ie).

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