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conde fouille par un autre entrepreneur pourrait être faite sans indemnité. Cette décision est conforme à l'esprit de l'art. 55 de la loi du 16 septembre 1807, puisque la seconde entreprise ne cause aucun préjudice nouveau à la surface1. Les rédacteurs de la loi ont considéré que l'extraction des matériaux, loin d'enlever une valeur réelle au propriétaire, lui rendait un vrai service, parce qu'elle débarrassait la terre de substances nuisibles à l'agriculture. Cette présomption pourrait cependant n'être pas toujours fondée, et alors la disposition serait injuste à raison même de son inflexibilité. Il peut se faire que le propriétaire destine ces matériaux à un emploi, qu'il se propose de faire sabler les allées d'un jardin, qu'il ait besoin de paver sa cour et, dans certains pays où le caillou est employé à défaut de pierre, de bâtir une maison. Est-il juste de lui enlever ces matériaux sans indemnité, alors qu'on l'oblige à s'en procurer d'autres peut-être à un prix élevé? Admettons qu'il ne soit pas obligé de payer les matériaux, il n'en aura pas moins à supporter des frais de transport pour aller chercher au loin ce qu'il avait près. Il aurait été plus équitable, au lieu d'enfermer le conseil de préfecture dans un texte inflexible, de lui laisser un pouvoir d'appréciation qui permit d'approprier l'indemnité au préjudice, suivant les circonstances de chaque affaire.

19. La valeur des matériaux extraits doit cependant être payée lorsqu'ils sont pris dans une carrière en exploitation, d'après l'art. 55 de la loi du 16 sep

1 Arr. Cons. d'Ét. du 4 juillet 1838 (aff. Imbert).

été désigné malgré l'exemption, le droit de se pourvoir au contentieux contre l'arrêté du préfet pour cause d'excès de pouvoir. Cependant il est bien évi– dent que le préfet, en ne tenant pas compte de l'exemption écrite dans la loi, a excédé ses pouvoirs puisqu'il a donné la permission d'extraire des matériaux alors qu'il ne le pouvait ni ne le devait. Sans doute le propriétaire aura le droit de demander une indemnité pour dommage provenant de l'exécution de travaux publics, mais l'indemnité ne le dispensera pas de quitter un domicile auquel il tenait et que l'extraction rendra inhabitable. La loi a précisément voulu protéger ce domicile, et ce n'est pas remplir le but de ses rédacteurs que d'offrir une indemnité pécuniaire, alors qu'au moyen du recours pour excès de pouvoir on pourrait protéger le domicile lui-même.

18. L'extraction des matériaux donne lieu à une indemnité. Comme le dommage n'est évaluable qu'après qu'il a été causé, l'indemnité ne peut pas être préalable, et c'est le conseil de préfecture qui la fixe ex post facto après expertise. D'après l'art. 2 de la loi des 12-18 juillet 1791, cette indemnité devait être égale à la réparation « tant du dommage fait à la surface que de la valeur des matières ex<< traites.» L'art. 55 de la loi du 16 septembre 1807 a modifié, sur ce point, la disposition du Code rural; il n'accorde d'indemnité que pour le dommage fait à la surface, et non pour la valeur des matières extraites. La jurisprudence du Conseil d'État décide même que si une première fouille a été faite pour laquelle le dommage causé à la surface aurait été payé, une se

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conde fouille par un autre entrepreneur pourrait être faite sans indemnité. Cette décision est conforme à l'esprit de l'art. 55 de la loi du 16 septembre 1807, puisque la seconde entreprise ne cause aucun préjudice nouveau à la surface'. Les rédacteurs de la loi ont considéré que l'extraction des matériaux, loin d'enlever une valeur réelle au propriétaire, lui rendait un vrai service, parce qu'elle débarrassait la terre de substances nuisibles à l'agriculture. Cette présomption pourrait cependant n'être pas toujours fondée, et alors la disposition serait injuste à raison même de son inflexibilité. Il peut se faire que le propriétaire destine ces matériaux à un emploi, qu'il se propose de faire sabler les allées d'un jardin, qu'il ait besoin de paver sa cour et, dans certains pays où le caillou est employé à défaut de pierre, de bâtir une maison. Est-il juste de lui enlever ces matériaux sans indemnité, alors qu'on l'oblige à s'en procurer d'autres peut-être à un prix élevé? Admettons qu'il ne soit pas obligé de payer les matériaux, il n'en aura pas moins à supporter des frais de transport pour aller chercher au loin ce qu'il avait près. Il aurait été plus équitable, au lieu d'enfermer le conseil de préfecture dans un texte inflexible, de lui laisser un pouvoir d'appréciation qui permit d'approprier l'indemnité au préjudice, suivant les circonstances de chaque affaire.

19. La valeur des matériaux extraits doit cependant être payée lorsqu'ils sont pris dans une carrière en exploitation, d'après l'art. 55 de la loi du 16 sep

1 Arr. Cons. d'Et. du 4 juillet 1838 (aff. Imbert).

tembre 1807'. Il faut que l'exploitation ait commencé avant l'extraction; mais aucune disposition n'exige que l'exploitation soit régulière et, alors même qu'il y aurait interruption des travaux, l'indemnité devrait comprendre la valeur des matériaux extraits 2..

20. Lorsque la carrière est affermée, à qui, du propriétaire ou du fermier, l'indemnité est-elle due? Puisque les matériaux pris dans la carrière appartiennent au fermier, il semble que c'est à lui qu'il faudrait attribuer l'indemnité. Cependant la jurisprudence décide que la servitude grève le propriétaire, qu'il a droit à l'indemnité, et que le fermier a seulement le droit de recourir contre son bailleur pour diminution de la jouissance. Le droit attribué au fermier directement aurait présenté l'avantage d'éviter un circuit d'actions, et de réparer équitablement le préjudice souffert par le fermier 3.

21. L'arrêt de 1755 n'accorde que le droit d'extraire des matériaux et, comme la servitude ne doit pas être étendue en dehors des termes de la loi qui l'établit nous concluons que l'administration ne pourrait pas s'emparer, pour l'exécution des travaux publics, de matériaux approvisionnés par un propriétaire pour un emploi déterminé. Que ces matériaux aient été achetés

1 La valeur des matériaux extraits serait due si l'entrepreneur ouvrait les travaux d'extraction à quelques mètres d'une carrière en exploitation, sur un terrain appartenant au propriétaire de la carrière et dans un gisement qui serait le prolongement du banc exploité. Arr. Cons. d'Ét. du 8 mai 1866 (aff. Jany.)

2 II en serait autrement si l'exploitation avait été abandonnée. Arr. Cons. d'Ét. du 8 mai 1866 (aff. Thébault). Voir aussi deux arr. Cons. d'Ét. du 17 mars 1864 (aff. chemin de fer de l'Ouest c. Auvray et c. Delange). * Arr. Cons d'Ét. du 30 juillet 1846 (aff. Coulougnon).

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au dehors ou qu'ils viennent de la propriété, ils ne sont pas dans les conditions prévues par l'arrêt du conseil du 7 septembre 1755, et l'administration ne pourrait pas s'en emparer sans violer la propriété privée'. la

22. D'après l'art. 17 de la loi du 21 mai 1836, servitude d'extraction peut être exercée pour la construction et l'entretien des chemins vicinaux dans les lieux désignés par arrêté du préfet. L'indemnité est fixée par les conseils de préfecture après expertise. L'un des experts est nommé par le propriétaire; l'autre par le sous-préfet et, en cas de discord, le tiers expert est désigné par le conseil de préfecture. L'action tendant à faire fixer l'indemnité ne dure que deux ans (art. 18 de la loi du 21 mai 1836); mais l'indemnité une fois fixée, l'action en payement, d'après le droit commun, ne s'éteindrait qu'après trente ans.

Le conseil de préfecture n'est compétent que si la servitude a été légalement exercée, c'est-à-dire dans les conditions fixées par les lois de 1807 et de 1836. En l'absence de ces conditions, les dommagesintérêts seraient fixés par le tribunal civil 2.

23. Alignement. L'alignement, délimitation entre les voies publiques et les propriétés privées, est régi par deux anciens règlements qui ont été maintenus, comme tous les règlements de voirie, par la loi des

1 Féraud-Giraud, Servitudes de voirie, t. I, p. 304. « Si l'opinion con<< traire était admise, dit ce jurisconsulte, on ne saurait refuser au proprié«taire le droit d'être indemnisé de la perte des matériaux qui représentent <<< une valeur pour lui, soit à cause des frais qu'il a faits pour les rassembler, soit à cause de l'objet auquel il les destine. »

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2 V. l'arr. du Cons. d'Et. déjà cité du 7 janvier 1864 (aff Guyot de Villeneuve).

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