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19-22 juillet 1791, dont l'art. 29 porte: «Sont con« firmés provisoirement les règlements qui subsistent << touchant la voirie, ainsi que ceux actuellement « existant à l'égard de la construction des bâtiments « et relatifs à leur solidité et sûreté, sans que de cette disposition il puisse résulter la conservation des «< attributions faites à des tribunaux particuliers. »> Quoique cette disposition n'eût qu'un caractère transitoire, elle est devenue définitive, d'abord parce qu'elle n'a jamais été abrogée et, en second lieu, parce que les anciens règlements ont été visés postérieurement par d'autres lois qui n'ont plus répété le mot provisoire. Tel est particulièrement l'art. 484 du Code pénal qui prescrit aux cours et tribunaux d'observer, dans les matières non réglées par ce code, les lois et règlements particuliers qui les régissaient antérieurement. Aussi la question de savoir si les règlements relatifs aux alignements sont encore en vigueur ne présente-t-elle plus de doute ni en doctrine ni en jurisprudence'.

1 Il y a eu discussion sur l'application de ces règlements dans le ressort des parlements où ils n'avaient pas été enregistrés. Aux ouvrages de quelques auteurs, notamment MM. Daviel et Isambert, qui refusent d'appliquer les anciens règlements toutes les fois que la formalité de l'enregistrement n'a pas été remplie, il faut ajouter des décisions judiciaires qui ont prononcé dans le même sens. C'est en se fondant sur le défaut d'enregistrement que la Cour de Rouen, dans son arrêt du 28 février 1834, a refusé de faire l'application d'une déclaration du roi du 31 octobre 1744 sur des matières de pêche. Par le même motif, le conseil de préfecture du Doubs a refusé, en 1836, d'appliquer l'arrêt du conseil du 27 février 1765 sur les alignements, et, en 1844, le conseil de préfecture du Pas-de-Calais a rendu une semblable décision. Cette doctrine, qui aurait pour résultat de faire revivre les anciennes divisions en province, a été abandonnée avec d'autant plus de raison pour la matière dont nous nous occupons, que l'édit fondamental, celui de 1607, a été enregistré dans tous les parlements du royaume. V. Féraud-Giraud, Servitudes de voirie, t. I, p. 14.

24. Le premier de ces règlements, celui qui est fondamental, date du mois de décembre 1607. L'art. 4 est ainsi conçu :

« Deffendons à nostre dict grand-voyer ou ses commis de permettre qu'il soit fait aucunes saillies, avances et pans de bois aux bastiments neufs et mesme à ceux où il y en a à présent, de contraindre les réédifier, n'y faire ouvrages qui les puissent conforter, conserver et soutenir, n'y faire aucun enrochellement en avance pour porter aucun mur, pan de bois au autres choses en saillie, et porter à faux sur lesdites rues; ains faire le tout continuer à plomb, depuis le rez de chaussée, et pourvoir à ce que les rues s'embellissent et élargissent au mieux que faire se pourra, et en baillant par lui les alignements, redressera les murs où il y aura pli et coude, et de tout sera tenu de donner par écrit son procès-verbal de luy signé ou de son greffier, portant l'allignement desdits édifices de 2 toises en 2 toises, à ce qu'il n'y soit contrevenu, pour lesquels allignements nous lui avons ordonné soixante sols parisis par maison, payables par les particuliers qui feront faire lesdites édifications sur ladite voyrie, encore qu'il y eût plusieurs allignements en icelle, n'estant compté que pour un seul. »

Pour l'application de cet édit le bureau de finances de la généralité de Paris fit, le 29 mars 1754, une ordonnance dont l'art. 4 était ainsi conçu :

<< Faisons défense à tous habitants, propriétaires, locataires ou autres ayant maisons ou héritages le long de nos rues, grandes routes et autres grands chemins, de construire ou reconstruire, soit en entier, soit en

partie, aucuns bâtiments sans en avoir pris alignements ni de poser échoppes ou choses saillantes, sans en avoir obtenu la permission, lesquels alignements seront donnés par ceux de nous, commissaires du pavé de Paris et des ponts et chaussées, chacun en leur département, ou en leur absence, par un autre de nous, conformément aux plans levés et arrêtés et déposés au greffe du bureau, ou qui le seront dans la suite; et lesdits alignements seront donnés sans frais, ainsi qu'il s'est toujours pratiqué; à peine contre les particuliers contrevenants de trois cents livres d'amende, de démolition des ouvrages faicts et de confiscation des matériaux, et contre les maçons, charpentiers et ouvriers de pareille amende et même de plus grande peine, en cas de récidive. Défenses expresses sont faites à tous officiers de justice et aux prétendus voyers, si aucuns y a, de donner aucun desdits alignements. >>

Ces défenses étaient renouvelées par l'arrêt du 27 février 1765, qui, en généralisait l'application: elles étaient aussi textuellement reproduites dans l'ordonnance du bureau des finances du 30 avril 1772'. Ainsi la loi dispose de deux manières : 1° préventivement, puisqu'elle exige que, pour construire le long d'une voie publique, les riverains demandent l'alignement à l'autorité compétente et 2° répressivement, la loi ordonnant la destruction de tout ouvrage qui empiète sur la voie publique.

25. Des termes de l'édit de décembre 1607, il ré

1 Féraud-Giraud, Servitudes d'utilité publique, t. I, p. 24.

sulte qu'entre le bornage et l'alignement il y a une grande différence. Le bornage est fait par l'autorité judiciaire en appliquant les titres et en suivant les limites fixées par les actes, quelle que soit d'ailleurs l'irrégularité de la ligne séparative. Le redressement des sinuosités ne pourrait être exigé par aucune des parties séparément, et le consentement des intéressés serait indispensable. L'alignement, au contraire, est un bornage sui generis qui donne à l'une des parties intéressées le droit de faire le redressement et même l'élargissement de la voie. Ainsi l'administration, afin de procurer l'embellissement et l'élargissement des chemins, peut redresser les murs partout où il y a PLY ET COUDE. Au reste, le mot alignement par luimême emporte l'idée d'un redressement, et il y aurait contradiction entre la chose et son nom si on disait que l'alignement sera fait suivant les règles ordinaires du bornage'.

26. On distingue l'alignement général et l'alignement individuel. Le premier détermine la direction de la voie publique à l'égard de tous; c'est un plan qui embrasse l'ensemble de la voie publique. L'autre est donné à une personne déterminée pour une construction qu'elle se propose de faire. Il doit être demandé même quand il y a un plan général, et la

1 C'est ce qui fait dire à M. Serrigny : « L'alignement peut n'être pas une simple reconnaissance de limite ancienne; il peut se faire avec déplacement de cette limite et entrainer une translation de propriété, comme cela se pratiquait par l'adjudication en droit romain. » (Questions et traités, p. 66.) L'alignement ne préjuge en rien les questions à débattre entre propriétaires. Ainsi celui qui a été autorisé à construire en avançant sur un terrain com. munal peut être actionné en revendication par la commune. Arr. de la Cour d'Angers du 27 février 1867 (D. P. 67, 2, 66.)

partie serait en contravention, quoiqu'elle se conformât spontanément au plan général, si elle construisait sans prendre un alignement individuel. Le plan général est obligatoire pour l'administration ; car elle doit s'y conformer pour la délivrance des alignements individuels.

Les règles ne sont pas identiques dans tous les cas; les règlements distinguent suivant qu'il s'agit de grande voirie, de voirie vicinale ou de voirie urbaine. S'il y a des dispositions communes, sous ce rapport, à toutes les voies publiques, quelques-unes sont spéciales à chacune d'elles. Nous allons nous occuper d'abord des plans généraux d'alignement pour la voirie urbaine, la voirie vicinale et la grande voirie. Nous traiterons des alignements individuels pour ces trois espèces de voirie, dans le même ordre.

27. Voirie urbaine. Le plan général d'alignement comprend l'ensemble des rues d'une ville, et fixe la ligne de chacune d'elles, tantôt marquant les limites d'une rue à ouvrir, tantôt redressant, élargissant ou même rétrécissant, en quelques points, des voies déjà ouvertes. Ce plan a l'avantage d'éloigner le hasard de la direction des travaux à faire pour l'embellissement et la circulation. Surtout il empêche les changements capricieux par les administrateurs qui se succèdent aux affaires, et forme une tradition qui donne de l'unité à la marche de l'administration.

D'après l'art. 52 de la loi du 16 septembre 1807, « dans les villes, les alignements pour l'ouverture de nou« velles rues, pour l'élargissement des anciennes ou pour « tout autre objet d'utilité publique, seront donnés par

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