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cables aux huissiers lorsqu'ils font une notification qu'un porteur de contraintes aurait pu faire. Cette solution, qui est développée dans un avis du Conseil d'État, en date du 13 avril 1841, est une heureuse conciliation des droits respectifs des différents agents de poursuite1.

Si les poursuites administratives sont infructueuses, le percepteur passe aux poursuites judiciaires qui se composent de trois actes: le commandement, la saisie et la vente.

264. Le commandement ne peut être fait que trois jours après la garnison individuelle ou trois jours après la garnison collective, si la garnison individuelle n'est pas employée. Il n'a lieu qu'en vertu d'une contrainte décernée par le receveur particulier sur la proposition du percepteur, ou d'office d'après l'inspection des rôles et l'état des poursuites. Cette contrainte, qui doit être soumise au visa du sous-préfet, ordonne de procéder à la saisie et à la vente des biens, si le contribuable ne se libère pas dans les trois jours à partir de la notification du commandement 2. Les for

1 Cet avis est rapporté par Sirey (1842, II, 335).

La contrainte emporte-t-elle hypothèque sur les immeubles du contribuable? L'affirmative a été soutenue par le motif qu'un avis du Conseil d'Etat des 16-26 thermidor an XII, inséré au Bulletin des lois et ayant force de loi, attache l'hypothèque aux contraintes émanées des administrations de la même manière et aux mêmes conditions qu'aux condamnapations judiciaires. Mais cette disposition ne s'applique qu'aux contraintes décernées contre les particuliers, et qui, à l'égard de ces derniers, forment un titre exécutoire, par exemple celles de l'enregistrement. Mais, en matière de contributions directes, le véritable titre se trouve dans le rôle rendu exécutoire par le préfet, et la contrainte que délivre le receveur particulier n'est qu'une injonction adressée aux agents subordonnés. Cela est tellement vrai, que la Cour de cassation a jugé que le commandement était valable lorsqu'au lieu de contenir la copie de la contrainte, il portait la copie du

mes du commandement sont celles que prescrit le Code de procédure civile, aucune loi n'ayant créé des règles spéciales pour le commandement en matière de contributions directes'.

265. Trois jours après le commandement demeuré sans effet, et en vertu de la même contrainte, le percepteur peut faire procéder à la saisie des meubles du contribuable et à celle des fruits pendants par branches et par racines. La saisie est faite dans la forme ordinaire des saisies, telle qu'elle est réglée par le Code de procédure civile. Cependant, d'après le Code de procédure (art. 583), il faut qu'il y ait seulement un jour entre le commandement et la saisie et, d'après la législation spéciale en matière de contributions directes, ce délai est de trois jours. C'est une exception qui a été faite dans l'intérêt des contribuables. Au reste, en matière ordinaire, on avait à craindre que les meubles ne fussent enlevés, et il fallait permettre la saisie dans un très-bref délai après le commandement, tandis que pour les contributions le même inconvénient n'était pas à redouter, la loi ayant suffisamment garanti les droits du trésor et les ayant certainement mis à l'abri de l'enlèvement frauduleux que pourrait tenter le contribuable 2.

rôle, parce que le rôle est le véritable titre exécutoire. Arr. Cour cass. du 18 février 1845 (Sirey, 1845, I, p. 232). Ainsi la contrainte des receveurs particuliers n'emporte pas hypothèque parce que ce n'est pas une véritable contrainte. D'un autre côté, le rôle, quoique étant un titre exécutoire, n'est pas productif d'hypothèque, parce que nulle part la loi n'y attache cet effet.

1 L'opposition au commandement fondée sur l'incapacité de l'agent qui l'a signifié est de la compétence non du conseil de préfecture mais des tribunaux civils. Arr. Cons. d'Et. du 19 décembre 1861. Aff. Fruitet (D. P. 62, 3, 75).

* Pour savoir quels objets sont insaisissables, il faut se reporter à l'art. 592

266. La vente des meubles ne peut être faite que huit jours après le procès-verbal de saisie (art. 613, C. pr. civ.). Ce délai cependant serait valablement abrégé par le sous-préfet, s'il y avait lieu de craindre le dépérissement des objets saisis. L'abréviation, qu'autorise l'art. 80 du règlement en date du 21 décembre 1839, ne sert d'ailleurs qu'à couvrir la responsabilité du percepteur et n'a pas d'effet à l'égard de la partie intéressée. Il faudrait, selon nous, envers celle-ci que le percepteur fit prononcer par le tribunal une approbation de l'abréviation des délais'. Au reste, il ne peut être procédé à la vente qu'en vertu de l'autorisation du sous-préfet, sur la demande du percepteur, par l'intermédiaire du receveur particulier. Remarquons ici la différence entre la contrainte et l'ordre de vente. La contrainte est délivrée par le receveur particulier et visée par le sous-préfet, tandis que l'ordre de vente est donné par le sous-préfet, sur la demande du percepteur, qui s'adresse au sous-préfet par l'intermédiaire du receveur particulier.

267. La saisie des meubles et des fruits pendants par branches et par racines n'est pas la seule voie d'exécution judiciaire qui puisse être employée en matière de contributions, et le percepteur a aussi le droit de pratiquer des saisies-arrêts, et même des saisies immobilières. Toutes les fois qu'il le juge nécessaire, le percepteur peut faire des saisies-arrêts sans autorisation préalable et en suivant les règles et formalités pres

du Code de procédure combiné avec l'art. 52 de l'arrêté du 16 thermidor an VIII. Ces articles ont été combinés dans l'art. 77 du règlement du 21 décembre 1839.

1 Durieu, t. II, p. 165.

crites par le Code de procédure civile. Enfin, à défaut d'autres moyens, le percepteur procède à la saisie immobilière ou expropriation forcée des immeubles qui appartiennent aux redevables. Mais cette mesure a une gravité telle que, pour y procéder, l'autorisation du sous-préfet ne suffit pas; celle du ministre des finances est indispensable'. On suit pour l'expropriation forcée des immeubles les formes prescrites par le Code de procédure civile, auxquelles il n'a été dérogé par aucune disposition spéciale à la matière des contributions directes 2.

268. Les actes de poursuites administratives, tels que la garnison collective et la garnison individuelle, sont dispensés du timbre et de l'enregistrement. Au contraire, les actes de poursuites judiciaires sont sujets à ces droits. Il n'y a de dispense que pour les poursuites concernant des cotes qui n'excèdent pas la somme de 100 fr.3. D'après l'art. 51 de la loi du 15 mai 1818, les préfets sont autorisés à faire des règlements « sur les frais de contraintes,

garnisaires, commandements et autres poursuites « en matière de contributions directes, à la charge « néanmoins que ces règlements ne pourront être « exécutés qu'après avoir reçu l'autorisation du gou<< vernement. » Ainsi que nous l'avons déjà fait observer, ces tarifs sont obligatoires pour les garnisaires et porteurs de contraintes, mais nullement

1 Loi du 12 novembre 1808, art. 3, et règlement du 21 décembre 1839, art. 12 bis.

'Loi des 23 novembre-1 décembre 1790, tit. V, art. 14, et arrêté du 16 thermidor au VIII, art. 35.

Loi du 16 juin 1824, art. 6.

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pour les huissiers, s'ils sont requis de faire des actes de leur ministère. C'est le sous-préfet qui, après vérification, arrête et rend exécutoires les états de frais'.

269. Si le percepteur néglige de faire les poursuites pendant trois années consécutives à partir du moment où les rôles lui sont remis, il encourra la prescription. Les rôles, après l'expiration de ce délai sans poursuites, sont retirés par le maire et déposés aux archives de l'arrondissement communal 2. Le point de départ du délai de trois ans est fixé à la remise des rôles lorsque le percepteur n'a fait aucun acte de poursuites. Si des poursuites avaient été commencées, le délai commencerait après le dernier acte de poursuite qui a précédé l'interruption. Cette prescription n'a pas été fondée sur une présomption de payement, mais sur l'inconvénient qu'il y aurait à laisser les arrérages s'accumuler par la négligence du percepteur. C'est une idée analogue à celle qui a fait établir la prescription de cinq ans pour les intérêts, arrérages et autres sommes payables périodiquement (art. 2277 C. Nap.). Aussi les percepteurs ne pourraient-ils pas invoquer contre les redevables l'art. 2275 C. Nap. qui permet de déférer le serment au débiteur toutes les fois qu'une courte prescription est fondée sur une simple présomption de payement.

270. Le percepteur doit verser tous les dix jours à la

1 Règlement du 21 décembre 1839, art. 103.

2 Arrêté du 16 thermidor au VIII, art. 17, combiné avec la loi du 3 frimaire an VII, art. 149. Cette dernière disposition ne s'appliquait qu'à l'impôt foncier; elle a été généralisée par l'arrêté de l'an VIII, qui s'applique à toutes les contributions directes.

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