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278. La manière, en apparence, la plus simple d'atteindre les boissons consiste à les imposer au moment où elles sont dans les caves du producteur et avant qu'elles n'entrent dans le commerce. Ce procédé offre les avantages de la simplicité, puisqu'il permet d'établir un seul impôt perçu par des agents uniques. C'est le système qu'adoptèrent les auteurs de la loi du 5 ventôse an XII (25 février 1804), par laquelle fut rétabli l'impôt des boissons, qui avait été supprimé au commencement de la Révolution française. Cette loi n'exigea qu'une taxe assez faible appelée droit d'inventaire pour les vins, et droit de fabrication pour les bières. Mais les taxes furent bientôt élevées. Une loi du 24 avril 1806 ajouta aux droits d'inventaire et de fabrication deux droits ad valorem: 1° un vingtième du prix sur chaque vente et revente en gros, exigible toutes les fois qu'il y avait déplacement; 2° un dixième du prix sur toute vente au détail. La loi du 25 décembre 1808 remplaça le droit du vingtième et celui d'inventaire par un droit de circulation, éleva le droit de détail de 10 à 15 pour 100 du prix de vente, et créa un droit d'entrée exigible dans les grandes agglomérations de population. Quant aux bières, les vingtième et dixième sur la vente furent remplacés par une augmentation du droit de fabrication, de sorte que peu à peu on passa du droit unique aux droits combinés. Ainsi fut préparé le système adopté par la loi du 28 avril 1816, qui est le véritable Code de la matière.

279. Le droit d'inventaire a l'inconvénient de frapper la denrée au moment où elle est produite, alors

que le propriétaire ne l'a pas vendue, ignore même s'il la vendra. C'est une augmentation de l'impôt foncier, et le propriétaire trouve la taxe d'autant plus onéreuse qu'elle lui est demandée lorsqu'il se plaint peut-être de l'encombrement de ses caves et de l'impossibilité d'écouler ses produits. D'ailleurs les mêmes caves contiennent des vins de plusieurs années, et il serait quelquefois difficile de déterminer la matière imposable. En tout cas, l'impôt demandé à l'inventaire ne peut donner que de petits résultats au trésor par la raison qu'en le demandant au propriétaire avant la vente, on est obligé de n'exiger qu'un droit trèsfaible. Au contraire, lorsque l'impôt est demandé au moment de la vente, il y a moins d'inconvénients à l'élever; car le vendeur qui reçoit de l'argent a la facilité de s'acquiter. Il espère d'ailleurs rejeter la taxe sur l'acheteur, et celui-ci compte, à son tour, la répercuter sur d'autres, c'est-à-dire sur les consommateurs. L'acquéreur a-t-il acheté pour sa propre consommation, il se figure peut-être éviter l'impôt au moyen d'une diminution de prix qu'il croit avoir obtenue sans que le vendeur se soit douté de la réduction.

280. Le droit de circulation est dû à l'enlèvement ou déplacement du liquide, quelle que soit sa destination, sauf quelques exceptions en fort petit nombre. La loi exempte: 1° les boissons que les propriétaires, colons partiaires ou fermiers font conduire des pressoirs dans leurs caves; 2° celles qu'un fermier, colon partiaire ou preneur à bail emphytéotique remettra au propriétaire ou recevra de lui en vertu de baux authentiques ou

notoires'; 3° celles qui sont transportées par les négociants, marchands en gros, courtiers et débitants d'une de leurs caves dans une autre, située dans l'étendue du même canton ou dans l'étendue des cantons limitrophes 2; 4° les boissons envoyées à l'étranger ou aux colonies; 5° les boissons qui sont expédiées aux négociants en gros ou aux débitants parce que leur destination prouve que ces boissons acquitteront le droit de détail, et qu'il ne serait pas juste de cumuler le droit de la vente au détail avec celui de circulation; ou bien si l'expédition est adressée à un négociant en gros, il ne serait pas juste d'exiger plusieurs fois le droit de circulation. Aussi a-t-on pu définir le droit de circulation un droit perçu à l'enlèvement ou au déplacement des boissons expédiées à des particuliers 3; 6° les boissons expédiées sur Paris, parce que tous les droits sont remplacés par une taxe unique exigible à la barrière. Le droit de circulation n'est pas dû en ce dernier cas, alors même que les boissons seraient destinées à des particuliers.

284. Pour la perception du droit de circulation, les départements sont divisés en quatre classes d'après la valeur moyenne des vins, et cette valeur est fixée suivant la distance qui sépare le lieu de la

1 L'art. 3 de la loi du 28 avril 1816 exemptait aussi toutes les boissons expédiées par les propriétaires et fermiers, quelle que fût la destination, si ces boissons provenaient de sa récolte. Mais cette partie de la disposition a été abrogée par la loi du 25 juin 1841, art. 15. Ainsi le droit de circulation frappe toutes les ventes, qu'elles soient faites directement par le propriétaire ou par un marchand en gros servant d'intermédiaire. La loi du 28 avril 1816 n'atteignait que la vente faite par les marchands.

2 Décret du 25 mars 1817, art. 20.

3 Art. 82 de la loi du 25 mars 1817.

destination du lieu de la production. Plus la distance est grande et plus on présume que le vin a de valeur. La raison en est que les vins qui sont envoyés dans les lieux éloignés de la production sont ordinairement d'une qualité supérieure; car on ne fait venir que des vins de choix lorsque le destinataire consent à payer des frais considérables de transport'.

La division en classes par départements ne s'applique pas aux cidres, poirés et hydromels, mais seulement aux vins. Quant aux cidres, poirés et hydromels, ils ne payent que le droit uniforme de 50 cent. par hectolitre.

282. Le droit de circulation est exigible au moment de l'enlèvement et, pour en assurer la perception, la loi dispose que les boissons sujettes à la taxe ne peuvent pas voyager sans être accompagnées d'un congé, que les agents des contributions indirectes délivrent contre l'acquittement préalable des droits. Ce titre doit être représenté pendant la durée du voyage, toutes les fois que les voituriers en sont requis, par les employés des contributions indirectes, des douanes et des octrois. Lorsque le droit n'est payable qu'au lieu de destination, le chargement voyage avec un titre qui prend le nom d'acquit-à-caution parce que l'expéditeur doit seulement garantir que les droits seront payés à l'arri

1 La classification des départements au point de vue qui nous occupe se trouve dans l'art. 20 de la loi du 28 avril 1816. Le tarif établi par l'art. 19 est le suivant :

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vée et que, faute de payement en ce lieu, ils seront acquittés par lui ou par la caution qu'il fournit à cet effet. Pour les boissons qui voyagent dans les cas d'exemption, par exemple pour le transport du cellier à la cave, les agents de la régie donnent un titre appelé passavant, sans aucune garantie puisque le droit ne sera jamais exigible ni au départ ni à l'arrivée. Le congé, l'acquit-à-caution et le passavant sont signés par les employés des contributions indirectes, ce qui suppose la proximité d'un bureau. Or cette formalité est impossible toutes les les fois que le bureau est éloigné. En ce cas, les expéditeurs peuvent être autorisés à se délivrer à eux-mêmes des laissez-passer, titres purement privés qui sont convertis, suivant le cas, en congés, acquits-à-caution ou passavants au premier bureau que rencontrera le chargement. Quelle garantie offre ce laissez-passer que la partie remplit ellemême? D'abord, il est écrit sur un papier spécial que la régie confie aux personnes qui lui paraissent mériter sa confiance. D'un autre côté, sans ce billet, les fraudes seraient plus faciles. Tout voiturier qui ne pourrait pas présenter un titre régulier prétendrait que les boissons qu'il transporte sont parties d'un point éloigné du bureau et, pour éviter les peines de la contravention, annoncerait qu'il se propose de prendre au premier bureau un titre régulier d'expédition'.

1 D'après l'art. 19 de la loi du 28 avril 1816, la circulation des boissons sujettes aux droits, non accompagnée d'un titre régulier d'expédition, est une contravention punie, 1o de la saisie des denrées; 2° d'une amende de 100 à 600 fr. - Les voyageurs ne sont pas tenus de se pourvoir d'une expédition

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