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tuable si d'ailleurs l'enregistrement de l'acte irrégulier a été fait sur la demande des parties.

365. La restitution des droits proportionnels seraitelle exigible s'ils avaient été perçus sur un acte entaché d'une nullité relative, par exemple pour cause d'erreur, de violence ou de dol? Nullement. Quoique annulable, le contrat produit ses effets jusqu'à l'annulation, et une confirmation postérieure peut d'ailleurs le consolider; il dépend même de l'une des parties de le mainteniret, pour cela, il suffit qu'elle n'intente pas l'action en nullité. Le droit a donc été régulièrement perçu. Il en serait de même en cas de nullité absolue; car cette nullité n'entraîne pas l'inexistence du contrat. Entre la nullité relative et la nullité absolue, il n'y a que deux différences : 1° la nullité absolue est opposable par toutes les parties, tandis que la nullité relative ne profite qu'à l'une d'elles; 2° l'action en nullité absolue dure trente ans (art. 2262 C. Nap.) au lieu de dix ans (art. 1304). Le contrat même entaché de nullité produit des effets, et peut être ratifié en certains cas (art. 1339 et 1340 C. Nap.)1.

Lorsqu'un contrat est résolu en vertu d'une condition résolutoire légale ou conventionnelle, il n'y aurait lieu à restituer ni le droit fixe ni le droit proportionnel. Mais si les droits étaient encore dus et qu'avant le payement la résolution fût prononcée, l'administration ne pourrait rien exiger parce que la

1 C'est l'opinion généralement adoptée, et M. G. Demante s'y est ralliée dans la deuxième édition de son ouvrage, p. 46, no 50.

perception manquerait de base, le contrat n'existant plus la résolution une fois prononcée. On a objecté que la partie qui n'obéit pas à la loi est dans une position meilleure que celle qui a payé les droits d'enregistrement. Mais il est facile de répondre que les infractions aux lois fiscales sont de la nature des contraventions, c'est-à-dire que la question d'intention est indifférente. Il s'agit uniquement de savoir s'il y a infraction à la loi. Pour que l'opinion contraire fût admise, il faudrait, ce qui n'est pas, que l'art. 60 eût dit : «L'obligation du contribuable de payer les « droits ne peut être anéantie ni diminuée par aucun « événement postérieur1.»

Quant à la résolution, elle ne donne pas lieu à la perception d'un second droit proportionnel pour mutation; car il y a plutôt résolution d'un contrat que nouveau contrat potius distractus quam contractus. Telle est du moins la règle générale; car nous verrons plus tard qu'il y a des exceptions à ce principe, notamment en matière de vente.

366. Avant d'entrer dans l'examen détaillé du tarif, signalons une différence importante entre les deux espèces de droits. La taxe proportionnelle, en matière d'enregistrement, n'est due qu'autant qu'elle est prescrite par un texte formel. Le silence de la loi fiscale s'interprète au profit du contribuable. Au contraire, le droit fixe est dû en règle générale et, à défaut de texte formel, il est exigible suivant le tarif applicable aux actes innomés.

G. Demante, Exposition raisonnée des principes de l'enregistrement, t. I, p. 33.

- Le droit pour les actes innomés était fixé uniformément à 1 fr. par la loi du 22 frimaire an VII pour tous actes civils, judiciaires et extrajudiciaires. L'art. 8 de la loi du 18 mai 1850 a porté à 2 fr. le tarif des actes innomés, mais seulement pour les actes civils. De la comparaison entre la loi de frimaire et la loi de 1850, il résulte que les actes civils innomés payent le droit fixe de 2 fr., et que les actes innomés judiciaires ou extrajudiciaires ne sont taxés qu'à 1 fr.

Pour distinguer les actes civils des actes judiciaires ou extrajudiciaires, il faut s'attacher au caractère intrinsèque de l'acte et non à la qualité des officiers ministériels qui les font. Ainsi le protêt et les actes respectueux, quoiqu'ils soient faits par des notaires, ne sont pas des actes civils, mais des actes extrajudiciaires, et il y a lieu de leur appliquer le droit fixe de 1 fr., au lieu de 2 fr.

Les actes administratifs sont régis par un principe diamétralement opposé. Le droit fixe ne leur est applicable que s'il existe un texte formel qui l'exige. Les dispositions qui imposent les actes de cette espèce sont, à la vérité, nombreuses; mais le principe n'en est pas moins certain1.

Les droits fixes ou proportionnels sont exigibles, non d'après la qualification que les parties ont donnée à l'acte, mais suivant la nature même de l'acte. La régie a donc le droit de rechercher la véritable opération que les contribuables ont faite sous les termes dont ils ont masqué la réalité.

1_Art. 70, § 3, de la loi du 22 frimaire an VII.

367. De même, lorsque plusieurs faits juridiques sont renfermés dans un seul acte, il y a lieu à lieu à percevoir autant de droits qu'il y a de faits distincts. Cependant, si plusieurs clauses ne font qu'un seul et même contrat, on n'applique pas deux tarifs. Ainsi, dans une vente faite au comptant, la régie n'a point le droit de percevoir : 1° un droit de mutation; 2° un droit d'obligation pour le prix, et 3° un droit de quittance pour le payement du prix. Il n'y a là qu'une seule opération pour laquelle pourra être exigé le droit de mutation, qui est attacné au fait principal. Au contraire, si la vente n'était pas faite au comptant, le payement ultérieur donnerait lieu au droit de libération parce que la quittance aurait une existence séparée (art. 11 de la loi du 22 frimaire an VII).

368. Lorsque plusieurs clauses forment un tout complexe et que, par conséquent, il n'y a qu'un droit à percevoir, il reste à déterminer quel droit sera exigible. L'administration élève la prétention de percevoir le droit le plus fort de tous ceux auxquels l'acte donne lieu. Ainsi, dans un bail dont les loyers ou fermages seraient payés au moyen d'une cession de créance, il y aurait, d'après cette opinion, lieu à percevoir le droit de 1 p. 100 qui est le droit proportionnel en matière de cession et non celui de 20 cent. p. 100 qui est exigible pour le bail. Mais la doctrine et la jurisprudence sont d'accord pour reconnaître que le droit unique à percevoir est celui de la clause qui est principale au fond d'après la nature de l'acte. Ainsi le droit de la cession, dans l'exemple que nous venons de donner, n'est pas dù puisque c'est un moyen de payement et de libé

ration. Or le moyen de payement et de libération n'est que l'accessoire de l'obligation dont il implique la préexistence'.

369. Les droits proportionnels sont exigibles par sommes qui croissent de 20 fr. en 20 fr., inclusivement et sans fractions. Si la valeur qui est l'objet d'un acte ne produisait, par l'application du tarif, qu'un droit inférieur à 25 cent., le receveur percevrait 25 cent., somme qui est le minimum du droit proportionnel, d'après les art. 2 et 3 de la loi du 27 ventôse an IX. Ce minimum ne s'applique cependant pas aux actes et condamnations judiciaires, qui sont toujours régis par l'art. 69, § 2, n° 9. « Dans aucun «cas, et pour aucun de ces jugements, le droit proportionnel ne pourra être au-dessous du droit « fixe, tel qu'il est réglé dans l'article précédent, « pour les jugements des différents tribunaux. » Cet article est toujours en vigueur quoique la loi du 27 ventôse an IX soit d'une date postérieure; car elle n'a fait qu'abroger l'art. 6 de la loi de l'an VII,

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1 MM. Championnière et Rigaud posent la règle suivante pour distinguer la clause principale de celle qui n'est qu'accessoire. «< Est principale la stipulation qui a pour objet la transmission d'un corps certain, et accessoire celle qui a pour objet des sommes ou valeurs. A défaut de sommes ou valeurs, on recherche laquelle des deux choses échangées se rapproche le plus d'une valeur, et peut davantage représenter l'argent. » (Championnière et Rigaud, no 106 et 108, et G. Demante, t. I, p, 77, n° 71.) D'après ce criterium, dans la dation en payement, c'est le droit proportionnel de vente qui est applicable, et non celui de quittance, parce que la translation du corps certain est l'opération principale. Ici, d'ailleurs, il n'y a pas de difficulté, puisque le droit de vente est le plus élevé, et qu'ainsi la théorie de MM. Championnière et Rigaud est d'accord avec les prétentions de l'administration. Il en serait de même inversement si le droit exigible sur l'opération principale était le plus fort. C'est ce que nous avons décidé pour le bail avec cession d'une créance au bailleur créancier du loyer ou fermage.

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